Stephen Strasburg : une carrière qui aurait dû être légendaire

Stephen Strasburg devrait annoncer prochainement qu’il met un terme à sa carrière à l’âge de 35 ans. Le lanceur n’aura connu qu’un club : les Washington Nationals. S’il a brillé lors de la conquête du titre en 2019, son armoire à trophées pourrait et devrait être beaucoup plus garnie. La faute à des blessures à répétition. Retour sur le parcours d’un prodige devenu un fragile champion.

Né en juillet 1988, le jeune Stephen grandit dans la banlieue de San Diego. Il joue dans l’équipe du lycée West Hills High School mais n’est pas drafté à l’issue de sa formation. La faute à un physique pas à la hauteur d’un prospect MLB (dû a priori à une trop grosse consommation de burritos) et à un mental défaillant dans les matchs serrés ou les sorties moins réussies.

Le sourire d’un futur #1 de Draft : le jeune Stephen est à gauche sur photo.

Strasburg rejoint alors l’université de San Diego State. L’équipe de baseball est coachée par un ancien joueur maison, un certain Tony Gwinn, légende des Padres dont il portera le maillot pendant toute sa carrière (de 1982 à 2001). Sous le maillot des Aztecs, le jeune lanceur va compiler des stats hallucinantes, parmi les plus impressionnantes de l’histoire de la NCAA. Le parcours a quand même commencé dans la difficulté : à cause de son surpoids, Strasburg est totalement hors de forme quand débute la préparation estivale des Aztecs. Il est largué dans les exercices physiques et est sur le point d’être viré de l’équipe. Mais contrairement à ce qu’il avait laissé paraître au lycée, il prend le dessus mentalement sur la situation et va perdre 30 kilos pendant le premier semestre ! Désormais affûté, il est prêt à faire des ravages depuis son monticule.

Strasburg avec son manager chez les Aztecs, le légendaire et regretté Tony Gwinn

Freshman en 2006-2007, c’est en releveur que le Californien débute en NCAA. Il signe 7 sauvetages pour sa première saison. Il devient starter pour sa saison sophomore et le festival commence : une ERA de 1.58 en 13 starts avec 133 strikeouts en 97.1 innings. Il s’offre même un match à 23K ! Pour sa saison junior, c’est encore mieux et complètement dingue : une ERA de 1.32 ERA en 15 starts avec 195 strikeouts en 109 manches avec simplement 19 walks et 65 hits concédés. Sa WHIP au cours de ces trois années de fac : 0.89 en 2007 ; 0.79 en 2008 et 0.75 en 2009.
Cerise sur le gâteau : pour son dernier match de saison régulière sous le maillot des Aztecs, il s’offre un no-hitter avec 17K contre Air Force.

Sa seule défaite sur la saison 2008-2009 ce sera face à Virginia dans le tournoi régional NCAA (15K en 7 manches tout de même). Au-delà des stats, Strasburg bluffe tous les scouts et leurs radars avec une fastball qui atteint régulièrement les 100 voire jusqu’à 102 mph. Il lance aussi une slider à 93mph qui est quasi infrappable par les batteurs droitiers.

Ajoutons à ce parcours, sa participation aux Jeux Olympiques 2008 à Pékin. Il est d’ailleurs le seul joueur universitaire sélectionné chez team USA. Il s’offre la victoire face aux Pays-Bas au premier tour, en ne concédant aucun hit en 6.2 manches.

En moins de trois ans, Stephen Strasburg est donc passé du joueur en surpoids sur le point de quitter l’équipe de la fac au favori numéro 1 de la Draft MLB ! Car oui, il y a très peu de doutes en ce matin du 9 juin 2009 que c’est son nom qui sera appelé en premier par le commish Bud Selig. Et ce sont les Washington Nationals qui se frotte les mains puisqu’ils détiennent le premier pick. Une équipe née en 2005 après la disparition des Montreal Expos et qui jusque-là à bien du mal à exister dans la Ligue (81 victoires en 2005, 71 en 2006, 73 en 2007, 59 en 2008… et 59 encore en 2009 ce qui lui permettra d’obtenir le first pick pour la deuxième année consécutive et sélectionner un lycéen du nom de Bryce « Baseball’s Chosen One » Harper mais c’est une autre histoire). Vous pouvez d’ailleurs retrouver l’histoire des Nationals dans notre série de podcast En Toute Franchise consacrée à cette franchise (A retrouver ici)

Strasburg est donc évidemment choisi en premier et s’ouvre alors la période de négociations salariales. Notre jeune drafté est représenté par un certain Scott Boras et très vite les rumeurs enflent qu’il n’y a pas d’accord trouvé entre le club et sa pépite. L’agent fait monter les enchères avec un objectif : décrocher le plus gros contrat de l’histoire pour un drafté. Ce sera le cas le 17 août 2009 : 7,5 millions de dollars à la signature, 15,1 millions sur quatre ans. C’est mieux que les 10,5 millions pour Mark Prior en 2001. Détail important : l’accord a été trouvé entre Boras/Strasburg et les Nationals DEUX MINUTES avant la Deadline. A deux minutes près, le lanceur n’avait pas de contrat alors qu’il était numéro 1 de Draft unanime.

Strasburg drafté #1 par les Washington Nationals avec le premier joueur choisi par la franchise : Ryan Zimmerman

A la signature, le GM des Nats, Mike Rizzo, prononce une phrase ô combien prémonitoire : « Barring injury, this kid should have a long, illustrious career » [trad « Seule des blessures peuvent empêcher ce gamin d’avoir une longue et illustre carrière »]. De son côté, le média Bleacher Report se risque à une prédiction : « By 2015, Strasburg will break the single game strikeout record of 20 currently held by Kerry Wood and Roger Clemens » [trad « D’ici 2015, Strasburg battra le record de 20 Ks dans un match, actuellement détenu par Kerry Wood et Roger Clemens »].

Hype, vous avez dit hype…

Le contrat record est signé, il faut maintenant se préparer à la vie de Major Leaguer. Cela passe pour de très nombreux rookies par la Arizona Fall League à l’automne. Notre Strasb n’affiche pas un poil de pression en postant une ERA de 4.26 pour 4 victoires et 1 défaite en 5 starts ; 23K en 19IP pour seulement 7BB.

En mars 2010, la saison se profile et le classement des meilleurs prospects MLB est dévoilé : Strasburg, drafté on le rappelle l’été précédent, est déjà numéro 2 derrière Jason Heyward des Braves. Bleacher Report lui consacre de nouveau un article avec ce titre : « Stephen Strasburg : Best Prospect Ever? » et ajoute « One word to describe this guy : unbelievable » [trad « Stephen Strasburg : Meilleur prospect de l’histoire ? » – « Un mot pour décrire ce gars : incroyable »].

Hype, vous avez dit hype… (bis)

Le jeune Stras prêt à rouler sur la Ligue

Pas de Rookie League, de Low A ou de A-Ball pour notre lanceur, le voici directement intégré aux Harrisburg Senators qui évolue en Double-A. Dans le roster, on retrouve ses futurs coéquipiers chez les Nats, Jordan Zimmermann et Tanner Roark, ou encore le grand Orlando « El Duque » Hernandez qui s’offre un dernier tour de piste à 44 ans !

Revenons à notre pépite : 5 starts ; 3 victoires ; 1 défaite ; 22IP ; 27K ; 6BB ; ERA 1.64 ; WHIP 0.86… la Double-A c’est trop facile ! Direction la Triple-A et les Syracuse Chiefs : 6 starts ; 4 victoires ; 1 défaite ; 33.1IP ; 38K ; 7BB ; ERA 1.08 ; WHIP 0.75… la Triple A c’est trop facile !

La Minor League c’est trop facile… alors direction la Major League !

Le 8 juin, 364 jours après avoir été drafté numéro 1, Stephen Strasburg se présente sur le monticule du Nationals Park avec le numéro 37 sur le dos. Il affronte les Pittsburg Pirates. Pour le prestigieux Sports Illustrated, c’est « the most hyped pitching debut the game has ever seen »Les débuts d’un pitcher les plus attendus de l’histoire de ce sport »].

7IP ; 14K ; 0BB ; 4H ; 2R… au calme !!!!!

A un strikeout près, il signait le record all-time pour un lanceur des Nationals (porté à 20 par Max Scherzer en 2016).
Aucune pression ne semble peser sur les épaules pourtant frêles du grand Strasb… Il gère ce match comme un vétéran et les suivants d’ailleurs. Il s’offre au moins 8K dans chacun de ses 4 premiers starts MLB (14-8-10-9) et encore 7K pour le 5e match qu’il dispute en ce mois de juin pour un bilan équilibré de 2 victoires et 2 défaites. Il enchaîne avec 4 starts en juillet qui se soldent par 4 victoires des Nats (3 créditées au jeune partant). Sur ses 9 premiers matchs en carrière, il dispute au minimum 5 manches complètes. Il est mis au repos après son start du 21 juillet et doit attendre 19 jours pour remonter sur le monticule. 4.1IP et 6ER encaissés face aux Marlins, sa plus courte et plus mauvaise sortie à date. Deux autres starts beaucoup plus convaincants suivent : 9.1IP au total pour 7 hits et 2 points mérités contre 13K ! Mais la nouvelle tombe à la fin de l’été : Stephen Strasburg doit stopper sa saison pour des douleurs au coude. Jamais une bonne nouvelle pour un lanceur et l’info est vite confirmée : notre rookie va devoir subir une opération Tommy John.

On peut donc tirer le premier bilan : 68IP et 92K ; 17BB ; 56 hits ; ERA 2.91.
Que de promesses… mais quelle déception pour les supporters des Nats et tous les suiveurs MLB qui vont devoir attendre de longs mois avant de revoir le phénomène sur un terrain. De vraies montagnes russes qui vont finalement accompagner Strasburg tout au long de sa carrière.

Après un an de convalescence puis de rééducation, Stephen Strasburg est de retour en août 2011. D’abord en Minor League pour 6 matchs (29K en 20.1IP) avant de retrouver les Majors le 6 septembre. Contre les Dodgers, il s’offre 10K et ne concède qu’un seul hit. Il débute 5 matchs jusqu’à la fin de saison régulière pour 24K en 24IP et une ERA de 1.50. Une reprise prometteuse pour des Nats qui terminent à l’équilibre (80W-81L) soit le meilleur bilan depuis la saison originelle de 2005.

L’année 2012 semble être celle du push vers les playoffs pour l’équipe de DC qui voit les débuts de son deuxième « phenom » en trois ans : Bryce Harper ! L’outfielder, lui aussi numéro 1 de Draft (en juin 2010) débute en MLB fin avril, est sélectionné au All-Star Game en juillet et décroche en novembre le trophée de Rookie de l’année en National League.
Harper et Strasburg sont d’ailleurs ensemble (avec aussi leurs coéquipiers Gonzalez et Desmond) au ASG qui se déroule à Kansas City, car notre jeune lanceur réalise une première moitié de saison complètement folle à l’image de son premier mois : 34K et une ERA de 1.13 en avril (élu Lanceur du Mois). Pas de baisse de régime dans les mois suivants mais les manches (réussies) s’accumulent et les rumeurs se propagent : le front office des Nats seraient prêts à mettre Strasburg sur le banc pour ne pas trop tirer sur son bras lanceur après sa grave blessure. Une décision difficile à prendre alors que l’équipe carbure. Mais c’est officiel le 8 septembre après son start : sa saison est terminée, non seulement régulière, mais il ne sera pas retenu pour les playoffs.

Ses stats finales en 2012 : 15-6 ; ERA 3.16 ; WHIP 1.15 ; 197K en 159.1IP. Et batte en main, le garçon s’est également bien débrouillé : une moyenne de .277 avec un HR ; 7RBI et 3BB ; ce qui lui vaut d’être distingué du Silver Slugger Award.

On ne saura jamais ce que les Nats auraient pu faire sur ces playoffs 2012 avec Strasburg dans le roster. Ce qu’on sait en revanche c’est que malgré leur position de prétendants au sacre suprême (meilleur bilan de la régulière), ils s’inclinent au Match 5 des NLDS face aux Cardinals. Espoirs gâchés et gros what-if !

Strasburg est prêt à oublier le shutdown d’octobre 2012

C’est un Strasburg sans doute revanchard qui monte sur le monticule le 1er avril 2013 pour l’Opening Day au Nationals Park. Le leadoff des Miami Marlins, Juan Pierre, s’offre un hit. Qu’à cela ne tienne Le lanceur élimine les 19 batteurs suivants ! Il ne concède que 3 hits au total en 7 manches, 0 point encaissé et une victoire en poche pour démarrer la saison. Le 16 mai, il dispute pour la première fois de sa carrière en MLB une 8e manche. C’est en plus contre l’équipe de sa ville natale, les San Diego Padres. Le 11 août, il réalise son premier match complet le face aux Phillies. Il pousse même la performance jusqu’à n’encaisser aucun point pour 10K et 4 hits dans une victoire 6-0. Si Stras semble enfin avoir trouver son rythme sur une saison entière (30 starts ; 191K sur 183IP ; WHIP 1.05 ; ERA 3.00), il n’en est pas de même pour son équipe qui subit peut-être le contrecoup de la déception d’octobre précédent : pas de qualification en playoffs (86-76, 2e place en NL East).

2014 semble confirmer que la carrière de Strasburg est définitivement bien lancée. Il débute 34 matchs et lance 215 manches (ses records personnels en carrière). 242 strikeouts (total qu’il ne dépassera qu’en 2019), 14 victoires et une ERA de 3.14. Les Nats retournent en postseason mais ne dépassent toujours pas le premier tour : une élimination en NLDS 3-1 face aux futurs champions, les San Francisco Giants. Pour son premier match de playoffs en carrière, Stras concède 2 points en 5 manches, signe seulement 2K et hérite de la défaite (score final 3-2 pour les Giants). 

215 manches lancées en 2014… mais seulement 127 en 2015. Les Nats sont encore parmi les grands favoris de la National League, Max Scherzer vient d’arriver, mais la saison s’enraye dès le début. Rendon et Werth blessés, Span en rééducation… et notre Strasburg visiblement pas au top de sa forme. Après ses 10 premiers départs (soit les mois d’avril et mai), il affiche une ERA de 6.55 !! Bien loin de ses standards. 64 hits concédés 45K en 45 manches. Certaines de ses sorties durent à peine 3 manches. Le 29 mai, il quitte le match contre Cincinnati après seulement 16 lancers et est placé sur la IL en raison de douleurs au cou. Il revient un mois plus tard et sort deux starts assez convaincants (8 hits ; 2ER ; 15K en 12IP en cumulé). Mais le 3e, début juillet contre les Giants, se termine avant la fin de la 4e manche. Retour sur la IL, cette fois pour une blessure à l’oblique gauche. Encore un mois de pause, qui lui fait du bien puisqu’il signe à son retour : 6 victoires pour 2 défaites ; 92K et seulement 8BB en 66 manches ; une moyenne de points de 1.90 pour ses 10 derniers départs. Une saison qui se termine fin septembre… Pas de playoffs pour les Nats, 2e de NL East avec un bilan décevant de 83-79.

Nouveaux espoirs en 2016 avec un quatuor de lanceurs impressionnant : Strasburg-Scherzer-Gonzalez-Roark. Et à Washington, on veut faire une équipe contender sur le long terme. En mai, Stras signe une extension de contrat de 7 ans pour 175 millions de dollars. Il devient le premier joueur des Nats à se voir proposer des clauses de opt-out, c’est-à-dire la possibilité de devenir agent libre s’il le souhaite avant la fin de son contrat (options pour l’après saison 2019 et après saison 2020). Une preuve de confiance du management pour son poulain, et ce malgré les blessures. Le poulain le rend bien avec une première moitié de saison complètement folle : 13 victoires et 0 défaite (oui oui 13 victoires et 0 défaite) sur ses 17 starts entre le 6 avril et le 15 juillet. Sur cette période, il fait un court passage sur la IL pour des douleurs en bas du dos. Pour son match de retour, le 3 juillet, il amène un no-hitter jusque dans la 7e manche face aux Reds avant d’être sorti par son manager Dusty Baker car le compteur affiche 109 lancers. Il obtient bien entendu son spot au All-Star Game de San Diego, sa 2e sélection au match des Etoiles. Il faut attendre le 21 juillet pour qu’une défaite lui soit attribuée (face aux Dodgers) ! Retour dans la case win dès le start suivant puis encore une le start suivant suivant. On en est donc à 15 le 1er août… ce sera la dernière de l’année. Car les 6, 12 et 17 août, Strasburg concèdent 3 défaites sans finir une seule fois la 6e manche. Le 17, il concède 9 points en 9 hits en 1.2IP ! Connaissant le passif du bonhomme, une telle performance ne signifie qu’une chose : liste des blessés. C’est officiel le 22 août. C’est donc sans lui que les Nats se présentent en playoffs après avoir réalisé une super régulière (95-67). Alors qu’ils mènent 2-1 dans leur série face aux Dodgers et qu’on les sent enfin capables de franchir cet obstacle jusque-là infranchissable, les voilà qui chock encore. Défaite au Game 4 d’un point puis encore d’un point au Game 5 (avec une save signée Kershaw). Et pour la 3e fois en 5 ans, Washington cale dès les Division Series.

Et vous savez quoi ? Ils vont refaire la même la saison suivante ! Une défaite 3-2 en NLDS, cette fois face aux Chicago Cubs, au terme d’une saison 2017 qui a pourtant vu les Nats signer leur meilleur bilan all-time avec 97 victoires et 65 défaites. Max Scherzer et Stephen Strasburg forment un duo incroyable. Le premier va s’offrir un 2e Cy Young consécutif et le 2e fait des sorties de référence : 15K en mai, un 1 166e K sur 1 000 manches lancées (record all-time égalé) en juin, un match complet sans point avec en plus un HR frappé en août, 34 manches de suite sans concéder le moindre point entre août et septembre… 15 victoires et 4 défaites, exactement comme l’année précédente, mais sur 28 starts et non 24. Une ERA famélique de 2.52, contre 2.51 à son MadMax de coéquipier (mais lui sur 200+ IP contre 175IP pour Stras). Strasburg, Scherzer, Ryan Zimmerman, Daniel Murphy et Harper sont tous sélectionnés au All-Star Game en cours de saison. Et c’est une machine qui se présente en Division Series contre le vainqueur de la NL Central et vainqueur sortant des World Series : les Chicago Cubs. Même si Dusty Baker est contraint de reporter le start de Scherzer au 3e match en raison d’une blessure contractée en toute fin de régulière. Strasburg ouvre donc la série contre Kyle Hendricks. Vraie opposition de style entre un lanceur qui attend les 98mph et un autre qui ne dépasse pas les 90. Le lanceur de Washington est impressionnant : il est à un retrait de clôturer la 6e manche en préservant un no-hitter mais une erreur de Rendon permet aux Cubs de marquer alors que l’attaque des Nats reste muette. Score final : 3-0 malgré les 10K de Stras (un record en postseason pour la franchise Expos-Nats). Washington égalise au Game 2 mais est de nouveau mené après le Game 3 (encore un match très serré, 2-1 pour Chicago). C’est donc un must win pour DC sur le Game 4 le 10 octobre. Tanner Roark est programmé mais premier twist : la rencontre ne peut débuter en raison d’une météo exécrable et est reportée au lendemain. Le coaching staff de Washington voit cela comme une aubaine pour pouvoir aligner leur co-Ace (ERA 0.76 sur ses 9 dernières sorties !), puisqu’il aura son repos habituel.

Mais deuxième twist : dans cette soirée du 10, on apprend que Stras souffre de syndromes grippaux et ne pourra finalement pas être aligné. Et c’est le déferlement de critiques sur celui qui est considéré « trop fragile » ou « too soft » pour assumer la pression de la postseason. Troisième twist dans cette journée du 11 : Strasburg informe le pitching coach Mike Maddux qu’il se sent prêt pour débuter grâce à un traitement radical aux antibiotiques sur les dernières heures. Pour un lanceur too soft, Strasburg réalise une masterclass avec 7 manches sans points, 3 hits, 2BB. 72 de ses 106 lancers sont des strikes. Ses 12K sont un nouveau record de franchise, rappelons qu’il avait établi le précédent une semaine plus tôt sur le Game 1 ! Ryan Madson et Sean Doolittle se relaient en 8e et 9e manches pour terminer le chef d’œuvre et cette Victoire 5-0 des Nats, la première en postseason pour Strasburg. 2 partout dans la série… mais le lendemain au terme d’un match à rebondissements, les Chicagoans sortent vainqueurs du Game 5, 9-8. Grosse claque pour le club de la capitale fédérale qui voit sa chance d’un premier titre s’envoler une nouvelle fois dès ce fatidique premier tour de playoffs. Et la fenêtre de tirs se referme encore un peu sur cette génération dorée.

Et encore un peu plus en 2018. Les Nats terminent cette saison tout juste à l’équilibre (82-80, pas de playoffs) malgré un Max Scherzer encore étincelant avec 300K en 220IP (2e place au Cy Young). En revanche son confrère de monticule, Strasburg, vit une saison difficile : seulement 22 starts, son plus bas total depuis son retour d’opération Tommy John en début de carrière. Deux passages sur la liste des blessés : l’une pendant un mois et demi pour des douleurs à l’épaule, l’autre pour un mois à cause d’un pincement des nerfs cervicaux. Celui a fêté ses 30 ans revient fin août et se montre plutôt convaincant : une ERA de 3.43 en 45IP avec 55K et 17BB ; 4 victoires et 0 défaites en 8 starts. Il y a donc un peu d’espoir pour cette saison 2019 à l’issue de laquelle, on le rappelle, il pourra décider d’être agent-libre en cassant son contrat.

2019 c’est évidemment l’année dont se rappelleront les fans des Nats pour encore longtemps (on ne les voit pas aller en chercher un autre prochainement). 2019 marque aussi l’année de grâce pour Stephen Strasburg avec des sorties marquantes :
• Le 21 avril avec 8 manches sans point contre les Marlins. Il devient alors le lanceur ayant disputé le plus de manches sous la tunique des Nats.
• Le 2 mai : 1 500eK en carrière lors de son 213e match. Seul Randy Johnson avait jusque-là fait mieux (206 matchs). Mais en terme de manches, Strasburg fait mieux que n’importe quell autre lanceur dans l’histoire : 1272.1IP (contre 1290IP pour Chris Sale).
• Le 3 juillet, encore contre les Marlins : immaculate inning (le 4e dans l’histoire des Nats).
• Le 18 juillet : victoire contre les Braves avec 7K en 5.1IP (3ER) sur le monticule et 3 sur 3 (dont un HR) avec 5RBI dans la batting box.
A l’image de son équipe, Stras commence finalement sa saison en mode diesel (5W-3L fin mai) avant de monter en puissance (14W-4L fin juillet). Il termine finalement la régulière avec 18 victoires (#1 en NL), le deuxième meilleur total de strikeouts en National League (251) et surtout le plus grand nombre de manches lancées en NL (209), ce qui est pour lui un exploit au regard de son passif de blessures. Une réputation qui lui joue sans doute des tours à l’heure de décerner les récompenses individuelles : seulement une 5e place au vote du NL Cy Young, 15e à celui de NL MVP… après avoir déjà été snobé en milieu de saison pour le All-Star Game !

A vrai dire, Strasburg va trouver de quoi se consoler en ce mois d’octobre 2019. Car non content d’avoir enfin été le lanceur dominant que l’on attendait tant pendant la régulière, il va se transformer en monstre pendant la postseason.
Les stats brut :
• 6 matchs : 5 victoires, 0 défaite.
• 36.1IP
• ERA : 1.98
• WHIP : 0.94
• FIP : 2.39
• 47K
• 4BB
• K/9 : 11.64
• BB/9 : 0.99

Impressionnant ? Attendez qu’on rentre dans le détail…

Les Nats commencent leur campagne par un match de Wild Card, le premier de leur histoire, face aux Milwaukee Brewers. Strasburg relève Scherzer à l’entame de la 6e manche alors que son équipe est menée 3-1. Il ne concède que 2 hits en 3 manches et réalise 4K. Juan Soto retourne le sort du match d’un coup de batte en 8e match (Stras récupère la win du coup) et les Nats remportent enfin une série – même si c’est sur un match – et se qualifient pour les Division Series.

Mais face aux Dodgers aux 106 victoires en régulière (record dans l’histoire de la franchise), on ne les voit pas franchir enfin cette marche pour accéder aux Championship Series. Logique respectée au Match 1 avec une victoire de LA 6-0 face à Patrick Corbin. Strasburg est aligné sur le Match 2 et il sort une énorme perf : 10K en 6IP, seulement 3 hits et un point concédé. Max Scherzer est envoyé en 8e manche pour préserver l’avantage de 4-2 et Washington égalise. La série part à DC et Anibal Sanchez limite les Dodgers à 1 point en 5 manches mais Corbin craque complètement dans la 6e et concède 6 points et la défaite finale est sévère : 4-10. Les Nats dos au mur s’en remette à MadMax sur le Match 4 : il concède un point en 1e manche avant de maitriser parfaitement l’attaque de feu des angelinos (7K en 7IP avec 4 hits). 3 RBIs chacuns pour Rendon et Zimmerman pour une victoire 6-1 qui renvoie la série pour un match 5 décisif à Chavez Ravine.

Et c’est notre Steph qui se présente sur le monticule. Il rate son début de match (3 points concédés sur les 2 premières manches) mais tient 6 manches avec 7K et garde son équipe dans le match même si l’attaque de DC souffre face à Walker Buehler (1-3 en entamant la 8e manche). Comme face aux Brewers, les Nats renversent le match : Rendon et Soto se font un back-to-back HR sur la tête de Clayton Kershaw entré en relève dans un silence de cathédrale. Cette série se jouera en manches supplémentaires et Howie Kendrick règle le sort des locaux avec un Grand Slam face à Joe Kelly. Victoire 7-3 et qualification – pour la première fois de l’histoire du club – pour les Championship Series.

Le duo diabolique des Nats vers le titre : MadMax et Stras

Face aux Cardinals, les Nationals font jouer leur supériorité à tous les niveaux.
Offensivement, le lineup est redoutable avec un Rendon à 5 hits en 12AB + 4 BB ; 5 hits aussi avec 4 RBI pour Kendrick (nommé MVP de la série) ; 4 hits et 3 RBI pour Adam Eaton ; 4 hits et 2 RBI pour Zimmerman… Les 7K de Soto ne sont même pas un problème. Car au pitching, les 4 starters s’offrent 4 victoires : Sanchez (5K) et Scherzer (11K) ne concèdent qu’un hit en 7.2IP et 7IP aux matchs 1 et 2 ; 7 hits mais 0 point pour Strasburg en 7IP au Match 3 (12K) ; 4 hits et 4 points en 5.1IP mais 12K pour Patrick Corbin. 4-0, c’est un sweep pour se hisser en World Series !

Novice à ce niveau de compétition, DC doit affronter les Houston Astros, vainqueurs des WS en 2017. Une belle affiche avec de la star dans tous les sens. Et les deux premiers matchs proposent deux duels de pitching de légende : Scherzer vs. Gerrit Cole puis Strasburg vs. Verlander.

Notre duo magique de Washington en sort vainqueur, à Houston, pour offrir un avantage de 2-0. Sur le Game 2, Stras concède 2 points en 7 hits, signe 7K et 1 seul BB en 6 manches lancées. La série part pour la capitale fédérale et c’est la première fois que des matchs de World Series sont jouées à DC depuis 1933 !
Mais le public de Washington aura peu l’occasion de savourer puisque Houston se réveille et empoche 3 victoires de suite. Profitant notamment des douleurs au dos de Scherzer qui ne peut être aligné sur le Match 5 (remplacé par Joe Ross). Dave Martinez espère pouvoir compter sur lui pour le Match 7, à condition que Strasburg remette les deux équipes à égalité. Il fait de nouveau face à Verlander sur ce Match 6, une nouvelle fois à Houston. Et sort peut-être LE match de sa vie dans LE match le plus important de sa carrière. 5 hits concédés en un peu plus de 8 manches, 2 points encaissés (dans la première manche) et 7 strikeouts. Grâce aussi aux 3 hits et 5 RBIs de Rendon, les Nats s’imposent 7 à 2 et s’offrent le droit de disputer un match décisif pour l’attribution du titre.

Mené 2-0 par un Zack Greinke infrappable pendant 6 manches, Washington réussit l’un des plus gros exploits dans l’histoire des matchs 7 de World Series. Rendon trouve enfin la faille face au vétéran en début de 7e manche : HR qui réduit le score. Dans la foulée, Juan Soto obtient un walk. Alors que Gerrit Cole s’échauffe dans le bullpen, A.J Hinch confie plutôt la balle à Will Harris. Le releveur n’avait concédé qu’un seul point dans ses 11 matchs de postseason (un HR de Rendon sur le Game 6). Mais sur son deuxième lancer dans ce Match 7, Howie Kendrick expédie la balle sur le poteau du champ droit pour un HR qui place les Nats en tête dans un silence de cathédrale, à l’exception du bullpen visiteur qui explose de joie.

Corbin et Hudson se relaie pour museler les batteurs texans et l’attaque de D.C ajoute même des points en 8e et 9e manches pour s’assurer la victoire… et le titre suprême.

Explosion de joie et embrassades évidemment en attendant la remise des trophées. Le Commissionner’s Trophy dans les bras des proprios, la famille Lerner, puis dans ceux du GM, Mike Rizzo, puis du manager Dave Martinez, puis des joueurs… Et puis on arrive au MVP Trophy de ces World Series. Remis sans grande surprise à Stephen Strasburg pour ses 2 victoires (14K en 14 manches, seulement 3BB concédés) qui concluent en sans-faute dans cette postseason. Première historique pour le héros de notre histoire : il devient le premier premier choix de Draft à décrocher ce trophée de MVP !

Passées les effluves de champagne, les fumées de cigares et la grande parade dans les rues de D .C pour fêter la victoire… le front office des Nats doit gérer deux gros dossiers : Strasburg qui peut casser son contrat + Anthony Rendon, autre pilier du titre, qui est agent libre non restreint. Le second fait part assez vite de son intention de tester le marché et finira par signer un gros contrat avec les LA Angels. Ironie du sort, il a lui aussi été accablé depuis par les blessures (58 matchs en 2021, 47 en 2022 et 43 en 2023 !).

Strasburg décide de renoncer aux 100 millions de dollars sur 4 ans restants sur son contrat pour négocier un nouveau deal avec ses dirigeants ou aller voir ailleurs si la pelouse est plus verte. Taiseux, il ne laisse rien transparaître de ses intentions. En plus des Nats, deux clubs le convoitent et ont des arguments de poids : les Padres de San Diego, ville natale du lanceur ; et les Yankees qui veulent absolument signer un gros lanceur (ce sera finalement Gerrit Cole, finaliste malheureux face aux Nats).
Fin du suspense début décembre : Stephen Strasburg reste à Washington avec un contrat de 7 ans et 245 millions de dollars. Washington ne pouvait pas se permettre de perdre son MVP, comme le front office avait perdu Bryce Harper un an plus tôt. Mais le montant et la durée du contrat font tiquer pour un joueur si fragile et déjà âgé de 30 ans. Les doutes ne vont pas tarder à se renforcer.

Mars 2020, la crise du COVID stoppe le Spring Training. La saison MLB est en suspens pendant de longues semaines et ne reprendra finalement que sur un format inédit de 60 matchs de régulière, sans public. Pour les Nationals, cela signifie qu’il n’y aura pas de remise officielle de bagues de champions au Nats Park devant les supporters. Un champion qui ne peut hisser sa bannière c’est inédit et ça va signer le début de la fin. La parfaite illustration c’est Stephen Strasburg. En raison de douleurs au poignet droit, le lanceur ne va disputer que deux matchs et 5 manches sur la saison raccourcie.

2020 : l’année du début de la fin pour le lanceur

Les Nats retrouvent leur public en avril 2021 mais pas leur All-Star et MVP : 5 matchs en 3 mois, 2 passages par la liste des blessés avant le mois de juillet. Cette fois ce n’est pas le poignet mais l’épaule et le cou qui le font souffrir. A la mi-saison, c’est shutdown après seulement 21 manches (21K c’est bien mais 14BB, tellement pas Strasburgien). Le lanceur subit une opération du cou avec l’ablation de deux muscles et une côte.

Pas de Strasburg au Spring Training 2022 car sa rééducation ne se passe pas comme prévu. Il faut attendre le mois de juin pour sortir de la liste des blessés. Pas pour longtemps : un peu plus de 4 manches contre les Marlins et les douleurs costales liées à son opération sont trop fortes. Un peu plus de 4 manches qui ont des airs de calvaire absolu pour le barbu avec 8 hits et 7 points concédés. On ne l’a plus revu depuis sur un terrain MLB car le 14 juillet, Stras est transféré sur la liste des blessés longue durée (60-day IL).

On passe donc rapidement sur 2023 : Strasburg ne se présente pas au Spring Training, toujours handicapé par les suites de son opération de 2021. Début juin, il est « shut down », mis à l’arrêt forcé. Aucune activité physique autorisée. Et la perspective d’une triste fin de carrière commence à se profiler. Les premières rumeurs d’annonces de retraite arrivent le 24 août. Des sources journalistiques avancent même la date du 9 septembre pour une conférence de presse avant un match des Nationals à Washington. Mais la veille, la direction du club publie un communiqué pour infirmer l’information. On apprend alors qu’il y aurait des bisbilles dans les discussions entre le joueur et la direction, au sujet évidemment de cet énorme contrat qui les lie et qui devient un gros gros problème (voir ci-dessous). Aucune annonce officielle n’est donc faite à cette date mais on ne voit pas comment Strasburg pourrait un jour relancer en MLB.

Pour résumer, depuis qu’il a remporté la Série mondiale en octobre 2019, Stephen Strasburg n’a participé qu’à 8 matchs en Ligues Majeures pour un total de 31.1 manches en quatre saisons (28K et 17BB ; ERA 6.89). Ca fait cher les manches.

Ce fameux maxi deal signé par Strasburg en décembre 2019 est donc revenu dans l’actualité au moment des rumeurs de retraite. On a alors appris du journaliste du Washington Post, Jesse Dougherty, que les Nationals n’avaient pas pris d’assurance au moment de conclure l’accord. Cela aurait coûté bien trop cher au club en raison de l’historique de blessure du lanceur. Le temps a donné raison aux compagnies d’assurances. Ce contrat va peser lourd sur la masse salariale des Nationals pour plusieurs années. Retraité (enfin on l’imagine), Stephen Strasburg touchera 35 millions de dollars par an jusqu’à 2026, puis 26,6 M$ de 2027 à 2029 en raison de versements différés (ok c’est moins que ce que les Dodgers devront à Ohtani à la fin de son mega deal, mais quand même !).

Dans l’opération rebuild des Nats, hormis le néo-retraité, seul Patrick Corbin a un gros contrat en cours (25M$ pour 2024). La bonne nouvelle c’est quand même que grâce aux trades récents de Scherzer, Turner, Soto and co., le front office a pu rebâtir un beau farm system. Plusieurs pépites sont sur la liste des meilleurs prospects de MLB Pipeline : Dylan Crews 4e, James Woods 7e, Brady House 40e. On espère vraiment que cette grosse épine ne ralentira pas l’épanouissement de ces gamins au plus haut niveau.

  • 113 victoires et 62 défaites
  • ERA : 3,24
  • WHIP : 1.096
  • 10.5K/9innings
  • 247 starts et 1470 manches lancées
  • 3 sélections au All-Star Game
  • World Series MVP
  • 3 places parmi les dix premiers du vote pour le Cy Young de la Ligue Nationale

C’est la fiche (finale) de Stephen Strasburg en MLB.

S’il prend sa retraite dans les prochains mois, il sera éligible pour entrer au National Baseball Hall of Fame au plus tôt en 2028 et pour les dix ans qui suivront. Mais est-il envisageable qu’un votant pose le nom de Strasburg sur son bulletin au regard de la carrière finalement courte et avortée, d’un palmarès limité et de la cascade de blessures ?

On serait tenté de répondre plutôt « non » alors qu’il a été – en plus d’un des tout meilleurs prospects de l’histoire – l’un des lanceurs les plus dominants des années 2010. Mais à cause de cette carrière en pointillé, il reste dans l’ombre de ses contemporains Max Scherzer (3XCy Young), Clayton Kershaw (3XCy Young + MVP), Justin Verlander (3XCy Young + MVP) ou Zack Greinke (Cy Young), qui eux devraient rejoindre Cooperstown sans que cela ne fasse débat.

Selon moi, le dossier est vraiment trop mince : un top prospect de chez top prospects, un lanceur générationnel, un flamethrower, un lanceur infrappable si à 100% de ses capacités physiques… pas au Hall of Fame ! C’est super triste mais je pense sincèrement que ce sera la triste réalité.


Une réflexion sur “Stephen Strasburg : une carrière qui aurait dû être légendaire

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