Le jour où … un lanceur a envoyé un no-hitter sous LSD

La très riche histoire du baseball s’est écrite avec des quantités d’épisodes savoureux que l’on vous fera (re)découvrir dans ces petits billets. Aujourd’hui on a affaire à du très lourd avec une histoire à la mode 70’s qui sent bon le flower power, les lampes à lave et les substances hallucinogènes. En 1970, Dock Ellis, lanceur partant des Pirates a lancé un no-hitter sous LSD.

Les années ’70, l’une des décennies les plus mythiques associées entre autres à la liberté sexuelle, aux couleurs flashy et à la musique pop a été aussi celle de la drogue. A cette époque les substances hallucinogènes bénéficiaient d’un certain engouement et le LSD tout particulièrement. Ce psychotrope qui entraîne de l’euphorie et des visions très puissantes a la particularité de faire effet pendant un très long moment (entre 8 et 9 heures). A priori la prise d’un tel produit quelques heures avant un match n’est pas spécialement recommandé mais un certain Dock Ellis a défié les lois de la science en juin 1970.

Ellis est alors en plein dans sa troisième saison pour les Pittsburgh Pirates. C’est déjà un pitcher redoutable qui va entrer dans l’histoire le 12 juin 1970. Ce jour-là il lance un no-hitter contre les Padres, mais revenons quelques heures en arrière. Les Pirates prennent l’avion le jeudi 11 pour San Diego afin de débuter la série qui débute le soir même. Dock Ellis en profite pour s’arrêter chez un ami à Los Angeles et oubliant toute notion du temps il prend deux, trois doses de LSD, le vendredi à midi pensant qu’il était encore jeudi.

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A 14 heures, ses compagnons de fête, lui montre un journal où il est indiqué qu’il doit lancer à San Diego pour le match de 18h. Il prend l’avion à Los Angeles vers 15h, se pose une heure plus tard, s’engouffre dans un taxi et dit au chauffeur : « Amène-moi à ce ****** de stade, je dois jouer ». Il arrive dans l’enceinte à 16H30 soit 1h30 avant le début de la partie aussi perché qu’un « pin de Géorgie » dira t-il. Pour contrebalancer les effets du LSD, il prend du Dexamyl, l’ancêtre des stéroïdes très en vogue dans ces années-la. Ce sont des amphétamines qui permettraient d’augmenter l’endurance et la concentration.

Mais revenons à ce match, où sans explication rationnelle Dock Ellis lance un no-hitter, bien aidé par la performance de ses défenseurs. Ellis avouera en 1984 avoir joué ce match sous LSD et n’avoir quelques bribes de souvenirs de la rencontre.

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Les Pins de Géorgie

Je me souviens uniquement de quelques bouts de match. J’étais sous l’emprise complète de la drogue. Je me concentrais au maximum sur le gant du receveur mais je n’ai pas réussi à l’atteindre souvent. En revanche, je me souviens avoir touché deux batteurs et que les bases ont été remplies deux ou trois fois. La balle était parfois petite, parfois grande. Des fois je voyais le receveur, des fois non. J’essayais de fixer le batteur et de lancer tout en le regardant, histoire de garder un repère. J’ai mâché mon chewing-gum jusqu’à ce qu’il soit réduit à l’état de poudre.

J’ai commencé à avoir l’idée folle dans la 4ème manche que Richard Nixon était l’arbitre de marbre et qu’un des batteurs de San Diego était Jimi Hendrix qui tenait une guitare en main et la swinguait par-dessus le marbre. Un moment, je me jette sur une balle qui me semblait être une line drive pour la rattraper de volée mais c’était une roulante qui ne m’a jamais atteint…

Dock Ellis

Ellis a regretté avoir pris du LSD ce jour-là puisque cela l’a privé « du plus beau moment » de sa carrière et il assure ne plus en avoir pris pendant le reste de sa carrière même s’il a continué à se charger en amphétamines.

En 1971, les Pirates remportent les World Series portés par un excellent Ellis qui finira 4ème dans la course au titre de CY Young. Il continuera à faire parler de lui pour ses performances sur le terrain mais aussi par ses excès. Le 1er mai 1974, il décide d’atteindre tous les batteurs des Cincinnati Reds.

En fin de première manche, Pete Rose, Joe Morganet Dan Driessen sont atteints tour à tour. Le frappeur suivant, Tony Pérez, évite les lancers d’Ellis et obtient un but-sur-balles. Après deux lancers dirigés à la tête de Johnny Bench, que ce dernier esquive de justesse, le coach des Pirates, Danny Murtaugh, décida de retirer son lanceur du match. Voici donc sa ligne de statistiques : 11 lancers, 0 IP, 0 H, 1 R, 1 ER, 1 BB, 0 K. Pas mal pour un SP !

Après avoir pris sa retraite, Ellis subira différents traitements pour soigner son addiction à la drogue, tiendra des discours de prévention auprès des jeunes et mourra d’une cirrhose en 2008.

En bonus : Dock Ellis raconte l’histoire de son match sous LSD dans un petit film d’animation


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