Alors que la flamme olympique s’est allumée sur cette XXXIème Olympiade d’été à Rio, le CIO vient de donner la liste de cinq nouvelles disciplines qui intégreront seulement les Jeux Olympiques de Tokyo en 2020. Parmi ces disciplines, le combo baseball masculin – softball féminin fait son retour dans le concert olympique. Un retour sans réelle surprise puisque les organisateurs de Tokyo 2020 misent sur des sports nationaux pour leurs propres jeux, s’offrant quasiment deux médailles d’entrée. Tant en baseball qu’en softball, le Japon est en capacité d’aller gagner l’or ou au moins un podium.
Peu d’équipes peuvent rivaliser avec l’équipe féminine japonaise de softball même si les favorites seront certainement une nouvelle fois les américaines. En baseball, les Samouraïs, surnom de l’équipe nationale masculine, devraient être issus de la NPB, le plus grand championnat professionnel de l’archipel et le deuxième plus performant au monde après la MLB. Cette dernière ne devrait pas libérer les stars du Show puisque le mois d’août, période des Jeux, est un moment crucial dans la course aux séries. Au mieux, peut-on espérer avoir les meilleurs prospects évoluant en ligues mineures. Sans les stars de la MLB, des équipes comme les États-Unis, le Mexique, la République Dominicaine ou le Canada seront certainement moins performantes que l’équipe japonaise.
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— FF Baseball Softball (@FFBS_BASEBALL) 3 août 2016
Et la France ? Les chances de voir nos Bleus et/ou nos Bleues aux JO 2020 sont minces. Malgré des performances honorables, les qualifications pour la World Baseball Classic en début d’année ou le récent championnat du monde féminin de softball ont montré que nos équipes nationales sont loin, très loin du très haut niveau. Or, les compétitions olympiques ne devraient concerner que huit équipes donc le très très haut niveau. Seul un TQO avec des adversaires amoindris et une équipe de France complète au top nous permettrait d’y participer. Une réalité faite de si en somme.
Il n’y a donc que deux intérêts pour la France du baseball et du softball à ce retour aux JO : une possible augmentation des crédits pour la Fédération et la DTN durant la prochaine Olympiade et une meilleure médiatisation de nos disciplines, particulièrement au moment des prochains Jeux. Mais en période d’austérité, l’augmentation des crédits ne sera pas flamboyante et la médiatisation restera limitée, surtout en l’absence d’équipe de France.
Vous me direz, ce n’est pas grave. Préparons 2024 ! Huit ans peuvent laisser le temps à la France, si les conditions sont réunies, pour atteindre un niveau suffisant et se qualifier en baseball ou en softball. Oui, c’est une probabilité… si Paris perd les Jeux au profit de Los Angeles. En admettant bien sûr que Los Angeles souhaite avoir le baseball et le softball dans ses Jeux. Pour les deux autres candidatures, Rome et Budapest, la problématique est la même qu’avec Paris. La possibilité d’y voir du baseball et du softball olympique est quasi-nulle. Même pour Rome alors que l’Italie possède une bonne équipe nationale de baseball. Le problème est budgétaire.
La capacité des villes candidates à proposer des budgets équilibrés, à éviter les dépenses somptuaires ou inutiles et à pouvoir utiliser les équipements olympiques après la fin des Jeux (soit dans leur fonction initiale soit dans une nouvelle fonction comme la transformation du village olympique en logements sociaux) sera déterminante dans le choix du CIO. Or, seul Los Angeles est en capacité de proposer des équipements existants de haut niveau en matière de baseball et de softball.
Pour Paris, Rome ou Budapest, il faudrait construire un équipement à la hauteur des standards olympiques, ce qui alourdirait sensiblement le budget et avec peu d’espoir de le rentabiliser par la suite. Bien sûr, on peut imaginer qu’un tel stade ne serait pas à l’abandon, comme c’est le cas pour Athènes après les JO 2004, à Paris et Rome avec des activités baseball et softball présentes sur ces territoires. Rome pourrait même se reposer sur le stade de Nettuno, grand club de niveau européen, qui peut déjà accueillir quelques milliers de spectateurs. Mais il faudrait le rénover et le mettre aux normes olympiques pour un coût aussi important qu’une construction. Paris et sa banlieue ont eux assez de clubs pour occuper le terrain. Mais occuper et rentabiliser ce n’est pas la même chose.

Terrain de softball des JO d’Athènes – crédit photo : Thanassis Stavrakis/AP
Pour rentabiliser une structure, il faut y proposer un spectacle sportif payant, qui attire sponsors et public. Les collectivités territoriales et leurs administré-es ne veulent plus payer pour des enceintes vides les trois quarts du temps. Or, pour cela, il faut des rencontres internationales mais aussi des matchs de championnat. Avec des championnats amateurs n’attirant que quelques passionné-es, on est loin de pouvoir remplir un stade avec entrée payante. En terme de niveau de jeu, d’animation et de communication, on est très très loin du compte. Il faudra de nombreuses années pour atteindre un niveau sportif et structurel permettant de rentabiliser un stade de baseball ou de softball olympique de plusieurs milliers de place.
Malheureusement, le comité d’organisation de Paris 2024 n’attendra pas. Si le calendrier reste inchangé, la ville choisie et le CIO donneront la liste des sports retenus pour 2024 au moment des JO de Tokyo en 2020. Ce qui veut dire qu’il faudrait démontrer dès aujourd’hui notre capacité à rentabiliser ces structures, sachant que la ville hôte pour 2024 sera choisie l’année prochaine. Malgré les belles vitrines du Challenge de France et du Yoshida Challenge, c’est mission impossible.
Pour le moment, Paris attend la désignation définitive de la ville hôte pour 2024 avant de réfléchir aux disciplines additionnelles pour ses propres jeux comme l’a confié Didier Séminet, président de la FFBS, au site des Huskies de Rouen le 4 août dernier : « j’ai déjà évoqué le sujet avec PARIS 2024. Pour l’instant, ils se tiennent à la feuille de route du CIO. Les disciplines au programme arrivent après la désignation de la ville hôte. Je leur ai dit que le baseball et le Softball sont sans doute une aide à l’obtention des jeux ».

Difficile d’être en accord avec le président sur la question quand on sait que le baseball et le softball n’ont jamais su s’imposer durablement aux Jeux Olympiques. Certes, le baseball est le 7ème sport le plus pratiqué au monde mais on a vu que la lutte, sport olympique par excellence, déjà présent dans la Grèce Antique, a failli passer à la trappe avant d’être sauvé en 2013 au détriment du squash. Le baseball et le softball ne sont pas considérés comme des sports olympiques de base, et ils souffrent encore d’une image de sport uniquement nord-américain ou réduits à quelques nations. Comme le rugby qui a attendu des décennies pour faire son retour aux JO. Non. Ce qui sera déterminant, plus encore dans un contexte budgétaire sensible, c’est l’argent. L’argent dépensé comme celui qu’on espère encaisser.
Dans le numéro 2 du magazine Les Sportives, Jean-François Martins, adjoint au Sport de la Ville de Paris déclare : « une attention particulière est désormais accordée aux candidatures vertueuses, c’est à dire sobres budgétairement et basées sur des équipements existants ». Actuellement, avec les sports permanents des JO, Paris 2024 n’aurait que 5 % des infrastructures à construire avec le village olympique, une piscine olympique et un centre des médias. Difficile d’imaginer la construction de stades olympiques de baseball et de softball avec le coût financier que cela suppose alors que cela irait à l’encontre de la charte du CIO.
Jusqu’ici, tous les coûts prévus par les villes hôtes ont été revus à la hausse, parfois avec un écart important. Ainsi, Londres 2012 avait tablé sur 4,8 milliards mais avait finalement dépensé 10,9 milliards. Paris table sur un budget de 6,2 milliards dont la moitié pour les infrastructures. L’argent public représentera 1,7 milliards de ce budget. Là encore, difficile d’imaginer la Mairie de Paris prendre le risque de financer un stade de baseball avec en partie de l’argent public. Un stade sans garanties de remplissage et de rentabilité. Un stade qui pourrait être un trou financier après les JO, et donc une très mauvaise publicité pour les élu-es, surtout que, sur leur site, Paris 2024 ambitionne de laisser 100 % des sites en héritage, qui « auront ainsi une vie à l’issue des Jeux ».
Résultat, si la FFBS et l’ensemble du baseball/softball français espèrent accueillir leurs disciplines aux JO de Paris 2024, il faudra, dans un laps de temps très court, être extrêmement convaincant et imaginatif, s’assurer un soutien au niveau international (WBSC, MLB, NPB…), être performant sportivement et peut-être même trouver des solutions de financement pour rassurer le comité d’organisation. Car celui-ci n’aura que peu d’intérêt pour le baseball et le softball et pourrait vouloir ajouter des sports où les chances françaises de médailles sont importantes et moins coûteuses budgétairement comme le karaté, l’escalade ou encore le squash, disciplines où la France brille depuis plusieurs années.

Les obstacles sont là et sont importants, rendant peu probables un baseball/softball olympique à Paris en 2024. Le monde du baseball/softball français aura donc à se battre contre l’impossible afin de convaincre Paris 2024. Qui ne tente rien n’a rien. Mais s’il veut voir le baseball et le softball aux JO 2024, et s’y voir, il devra objectivement espérer l’élection de Los Angeles. Un choix cornélien, mais sa meilleure chance.
Cependant, la ville des anges ayant accueilli les JO en 1984 et Paris n’ayant plus accueilli les Olympiades depuis 1924, la capitale française semble avoir une longueur d’avance sur sa rivale américaine et également sur Rome qui accueillit les JO de 1960. Sans compter que ces JO 2024 fêteraient l’anniversaire des JO parisiens de 1924. Un beau symbole. Comme fêter avec du baseball/softball olympique le centenaire de la Fédération Française de Baseball Softball créée en… 1924 !
5 réflexions sur “Baseball et Softball aux JO 2020 : un comeback à court terme ?”