Du 8 au 21 mars prochains, se tiendra une compétition très attendue par les fans de baseball du monde entier, la World Baseball Classic. Regroupant les vingt nations les plus fortes du moment, la WBC 2023 promet un crû exceptionnel à la lecture des premiers rosters publiés. Jusqu’à l’ouverture du tournoi, The Strike Out vous propose de découvrir chaque jour l’un des pays participants sous l’angle de l’actualité ou de l’histoire. Interviews, récits historiques, biographies ou présentation de championnats, vibrez baseball international avec TSO. Le voyage du jour nous amène tout près de la France métropolitaine, de l’autre côté des Alpes, chez nos voisins italiens.

Quand on pense au baseball européen, deux nations nous viennent en tête, deux pays qui dominent outrageusement ce sport sur le continent depuis de nombreuses décennies, les Pays-Bas et l’Italie. Une telle domination laisse à penser que le baseball fut implanté et structuré très tôt dans ces pays, notamment l’Italie. Pourtant, cette dernière a tardé à se mettre au baseball mais, quand elle s’y est mis, elle est rapidement devenue une puissance régionale de ce sport. Et aucun autre joueur que Giulio Cesare Glorioso n’a symbolisé l’avènement du baseball italien dans toute sa splendeur. Embarquez dans son histoire et celle des débuts du baseball italien, où l’on croise une star d’Hollywood, des légendes de la MLB, un dictateur, l’incarnation française de la sensualité, un pape, une des plus célèbres marques du monde, un grand club français, une invasion soviétique et un prince italien.
Remonter aux premières traces du baseball italien, c’est remonter à l’époque où le baseball américain essaima à travers le monde. Le premier match connu sur les terres italiennes se déroule en 1884. Comme souvent, durant cette période, il s’agit de marins américains qui œuvrent sur le terrain. Plus précisément, les marins de deux navires militaires, le Lancaster et le Guinnebaug, qui mouillent dans le port de Livourne en Toscane.
Comme c’est le cas depuis près de 30 ans, les marins américains aiment tuer l’ennui en s’amusant avec leur nouveau jeu national. Les militaires de l’US Navy organisent une série de rencontres qui va attirer l’attention et la curiosité de la population et de la presse locales, sans que ces matchs ne donnent suite, contrairement à ce que l’on observera en Asie ou en Amérique Centrale. On peut imaginer que quelques parties improvisées eurent lieu également à cette époque en Toscane, région où se retrouvent de nombreux artistes peintres américains. C’est, en tout cas, ce qui se passe en Bretagne et Normandie à la même époque, où d’importantes communautés d’artistes américains se retrouvent et jouent au baseball entre deux toiles.
Entre Marin et Pro
Il ne faut attendre que quelques années de plus pour voir l’Amérique revenir en Italie afin de jouer au baseball. Cette fois-ci, il ne s’agit plus de marins, mais de professionnels du jeu. Et pas n’importe lesquels. En 1889, c’est le prestigieux Spalding’s World Tour, parti à l’automne 1888 des États-Unis, qui arrive à Naples, Rome puis Florence, après être passé par l’Australie, le Sri Lanka et l’Égypte.
Cette mythique odyssée de propagande pour le Grand Jeu Américain a été organisée par AG Spalding, le Messie du Baseball, ancien lanceur star devenu dirigeant de la National League et des Chicago White Stockings, que nous connaissons aujourd’hui sous le nom de Chicago Cubs. En octobre 1888, il embarque son équipe et une sélection All America des meilleurs joueurs des autres équipes de ligues majeures dans un périple pour internationaliser la pratique du baseball. C’est cette tournée qui donnera, lors de son passage à Paris, le premier match officiel de baseball en France, le 8 mars 1889.
«Le baseball est vu comme du cirque, un divertissement amusant quand il est en ville mais que l’on oublie quand il quitte la ville » Josh Chetwynd dans son livre Baseball in Europe
Le Spalding’s World Tour, malgré l’enthousiasme du public transalpin, ne va pas réussir à créer un intérêt pour le baseball. Les milliers de spectateurs qui se pressent à chacune des trois rencontres, dont 3 à 4 000 à Naples, viennent se divertir mais les Italiens n’accrochent pas. Le jeu est même vu comme plutôt vulgaire, à l’instar de l’image qu’ont les Italiens des Américains, voire dangereux. Surtout après le match de Naples où un spectateur est blessé.
Ce jour-là, aucune clôture ne sépare l’aire de jeu et le public. Celui-ci, curieux, ne cesse de se rapprocher des joueurs, entourant bientôt le centre du terrain. Or, une balle est frappée en foul ball, directement dans les yeux d’un homme qui s’effondre net, totalement KO, signant la fin de la rencontre. Comme le dit Josh Chetwynd dans son livre Baseball in Europe, ces matchs sont vus « comme du cirque, un divertissement amusant quand il est en ville mais que l’on oublie quand il quitte la ville ». Néanmoins, The Tourists, comme on appelle les membres de la tournée, auront eu la chance de jouer dans des lieux magnifiques, dont au sein d’un des jardins de la Villa Borghese à Rome, devant la reine d’Italie et une partie de la famille royale.

La tournée mondiale des New York Giants et des Chicago White Sox de 1913-1914 aura encore moins de succès. Si la troupe de Spalding eut droit à un accueil enthousiaste des autorités et du public, ce n’est pas le cas des équipes de John McGraw et de Charles Comiskey. Les autorités sont réticentes à les aider à trouver un bon terrain et la météo les empêche de jouer durant la semaine de leur périple italien au début de l’année 1914.
Ils auront le même problème de mauvais temps lors de leur passage à Paris, au grand dam des Parisiens qui se déplacèrent pour rien au stade, mais ils arriveront, tout de même, à jouer un match à Nice juste avant. Il faudra attendre 1924 pour voir ces deux équipes s’affronter enfin à Paris, en marge des Jeux Olympiques et de la création de la Fédération Française de Thèque et de Baseball, dont McGraw et Comiskey seront les vice-présidents d’honneur.
L’Italie fait de la résistance
Sans être totalement absent, le baseball en Italie est plus qu’embryonnaire durant les premières années du 20ème siècle. Même l’arrivée des soldats américains, à la suite de la Première Guerre Mondiale, ne permet pas de créer une dynamique, contrairement à la France et à l’Angleterre. Dans ces deux pays, les doughboys, ou sammies, vont essayer de faire la promotion du baseball, développant des championnats militaires et des matchs d’exhibition.
Des organisations comme la YMCA ou les Knights de Columbus engagent même des joueurs pour remplir cette mission, tel le futur Hall of Famer Johnny Evers en France. Les Français sont d’ailleurs impressionnés par les carrures athlétiques des soldats US et le baseball est donné comme première explication à cela, ce qui conduit, en 1918, le Général Vidal à inscrire le baseball dans les activités sportives à développer au sein de l’armée française. Au final, l’impact de cette promotion du baseball sera très limitée en France mais elle existe. En Italie, rien.

Pourtant, la première étincelle du baseball italien arrive bien à cette époque mais de deux transalpins, Mario Ottino, dit Max Ott, et Guido Graziani. Ils ont longtemps séjourné aux États-Unis et, pris de passion pour le sport roi de l’Amérique, ils le ramènent, chacun de leur côté, dans leurs valises, le premier à Turin, l’autre à Rome. Les deux s’activent à organiser des matchs à partir de 1919, notamment avec le soutien de la YMCA à Rome. Puis, au début des années 1930, une académie romaine d’éducation physique envoie des étudiants s’initier au baseball. A leur retour, en 1931, ils proposent diverses rencontres d’exhibition à Rome et San Remo.
Malheureusement, toutes ces initiatives n’arrivent pas à sortir le baseball d’une situation embryonnaire et les choses ne s’arrangent pas quand Benito Mussolini institue, en 1935, le sabato fascista. Le samedi fasciste est une mesure prise par le gouvernement de Mussolini afin que le samedi après-midi soit réservé à la pratique sportive ou à d’autres activités comme les arts, l’entraînement militaire ou la politique. La mesure eut peu de succès, les Italiens préférant se reposer le samedi, mais cela permit d’établir quelles pratiques étaient autorisées ou non. Le baseball ne le fut pas, notamment après le soutien américain aux sanctions prises contre l’Italie fasciste, suite à la seconde guerre italo-éthiopienne, qui débuta en octobre 1935.
A ce moment de la lecture de l’article, vous vous dites que l’Italie ne veut vraiment pas du baseball et vous avez raison. Pourtant, tout va basculer en quelques années seulement, à la sortie de la Seconde Guerre Mondiale. Contrairement à la précédente, l’arrivée des soldats américains va agir comme une formidable opportunité que le baseball italien va saisir, ce qui ne sera pas le cas en France cette fois-ci.
Nettuno, Di Maggio et le Prince
C’est dans la ville balnéaire de Nettuno que commence l’envol du baseball italien. La ville, située non loin des plages du débarquement de l’Anzio, qui eut lieu en janvier 1944, et de Rome, va servir de base arrière, notamment durant la campagne de l’Anzio, qui dure les quatre mois après le débarquement. Ensuite, vers la fin de la guerre, un cimetière militaire américain y est créé pour les soldats morts durant la libération de l’Italie. Au cours des premières années de cette présence américaine, les soldats vont régulièrement jouer au baseball et au softball. Ils n’y jouent pas seuls puisqu’ils font souvent participer la population locale.
C’est notamment le cas du Lt. Charles Butte qui prend en charge la gestion du cimetière militaire avec quelques GI’s et quelques dizaines de travailleurs locaux. Ces derniers se montrent curieux du baseball et en parlent à Butte, qui leur révèle que la MLB est dominé par un joueur d’origine italienne, un certain DiMaggio.
A la suite de cela, sur leur temps libre, Butte et ses ouvriers italiens construisent un terrain de baseball avec la terre disponible du cimetière et se lancent dans la pratique du baseball. Pour les tribunes, l’officier américain récupère des planches de métal laissées par les Alliés sur les plages du débarquement. Le marbre est taillé dans un tronc d’arbre et des uniformes militaires sont transformés pour en faire des uniformes de baseball. Quant au stade, il est construit sur les terres d’un homme qui va être l’un des grands artisans du baseball italien et européen, le prince Steno Borghese, membre de la famille royale.

Quand Butte s’en va en 1949, il est remplacé par un nouvel officier, Horace McGarity, qui continue son œuvre. McGarity va avoir un grand impact sur le baseball italien. En premier lieu, il prend les rênes de l’équipe de Nettuno. Club emblématique du baseball italien, Nettuno débute en 1946 comme équipe de softball, avant de basculer en club de baseball dès 1948. Avec McGarity, Nettuno va gagner ses cinq premiers championnats dès 1951. Car, oui, cette Italie si rétive au baseball a désormais une ligue. Et même, au départ, deux ligues.

En effet, les Américains ne sont pas les seuls à œuvrer pour le développement du baseball. Max Ott et Guido Graziani sont toujours de la partie. Graziani fonde, en février 1948, la Lega Italiana Softball puis, en décembre de la même année, la Associazione Italiana Baseball, qu’il fusionne deux jours plus tard avec sa ligue de softball pour fonder la Fédération Italienne de Baseball Softball, avec le prince Steno Borghese comme président (ce qu’il restera jusqu’en 1960). De son côté, Max Ott travaille sur la partie nord de l’Italie. Avec un étudiant en droit de Milan et joueur de softball, Franco Milesi, il travaille à créer une ligue de baseball.
Celle-ci apparaît en 1948 et se nomme Lega Italiana Baseball. Le premier match de la ligue est joué le 27 juin. C’est, à cette occasion, le premier match de baseball entre deux équipes italiennes. Un véritable succès grâce au sponsoring de Coca-Cola qui fournit deux grands réfrigérateurs bien fournis en boisson, de quoi attirer les curieux. Max Ott, qui est journaliste sportif, peut aussi compter sur ses contacts à la Gazzetta Dello Sport pour couvrir les matchs.
Alors pourquoi, Graziani et Ott créent chacun leur ligue plutôt que de travailler ensemble ? En fait, les deux hommes n’ont pas la même opinion sur le développement des sports de batte en Italie. Pour Graziani, l’option à privilégier est le softball, pratique qui lui semble plus abordable pour les Italiens. Les premières années qui suivent l’arrivée des GI’s, c’est surtout le softball qui est développé. Mais Ott pense que l’avenir, c’est le baseball. Graziani finira par se ranger à l’avis de Max Ott et, en 1950, les deux organisations fusionnent enfin pour donner la Federazione Italiana Palla Base (Palla signifiant balle ou ballon en italien) d’un côté, et un championnat unifié de l’autre, l’Italian Baseball League.
1948 ne voit pas seulement la création des premières ligues italiennes. C’est aussi l’année où débute celui qui allait devenir la première gloire du baseball italien, le lanceur Giulio Cesare Glorioso. Né à Udine en 1931, le jeune Giulio grandit à Rome, qui deviendra la ville de son cœur. La passion du baseball le prend à 16 ans quand il voit les GI’s y jouer sur la côté italienne où eut lieu le débarquement. En 1948, il intègre diverses équipes de softball dont celle de la société des transports publics à Rome.
Des débuts dans l’équipe de l’entreprise des métros romains
A ses débuts, Glorioso est champ extérieur mais bientôt, c’est sur le monticule qu’il brillera. Mais briller sur le terrain, il le fait déjà dans l’outfield. Lors d’un match contre l’ambassade américaine, son équipe remporte la partie 3 à 1, grâce notamment à sa performance. Le fait de battre une équipe d’américains, pour une équipe italienne, est d’ailleurs un sacré exploit. Le talent du jeune homme ne passe pas inaperçu durant ce match. Il est repéré par Dick Leone, un américain qui entraîne l’équipe de baseball de la Lazio, l’un des plus grands clubs omnisports de l’époque. Connu pour son équipe de football, grande rivale de la Roma, il s’y pratique aussi le baseball, et ce encore aujourd’hui. C’est ainsi que Glorioso commence sa carrière dans ce sport en 1949 en rejoignant la Lazio.
La future star italienne ne va pas faire carrière dans le champ extérieur, même s’il y dépannera régulièrement. Leone s’aperçoit du potentiel de lanceur qu’il a en lui, malgré un gabarit relativement moyen. Son bras est dévastateur. En 1951, Glorioso commence à apparaître sur la butte et il va dépasser les attentes de Leone, notamment le 8 juillet 1951 quand il lance le premier no-hitter de l’histoire du championnat et du baseball italien. Son ascension vers la légende s’accélère d’un coup.
La saison suivante, il reçoit le titre de MVP, un titre qui va l’amener dans l’organisation des Cleveland Indians. En effet, ce MVP est un prix créé par la Transocean Italiana, société qui distribue les produits du célèbre équipementier de baseball Wilson. Après un référendum organisé dans les journaux, Glorisio se voit attribuer le prix et les récompenses qui vont avec : 30 000 lires en obligations d’État, une coupe et une bourse sportive pour aller s’entraîner en Floride au prochain spring training des équipes de ligues mineures des Cleveland Indians. Et qui sait, décrocher un contrat.

Voilà donc le jeune lanceur de 22 ans, par ailleurs étudiant en droit, qui rejoint, au printemps 1953, Daytona Beach pour se frotter aux prospects des Indians. C’est un ancien journaliste sportif de Chicago et coach à la Lazio, Kenneth Opstein, qui obtient cette expérience à Glorioso après avoir écrit au manager des Indians, le légendaire cogneur de homeruns et hall of famer, Hank Greenberg. Si beaucoup voient dans ce voyage, une vraie chance pour Glorioso d’essayer de devenir professionnel, ce dernier, lucide, dira en 2008, dans une interview au site Mister Baseball « Quoiqu’il en soit, à 22 ans, avec seulement deux années comme lanceur, je n’étais pas un prospect ».
D’autres sources indiquent qu’un contrat lui aurait été offert mais qu’il aurait dû rentrer en Italie à cause de ses obligations militaires. Néanmoins, cette expérience va lui permettre de peaufiner son talent afin de revenir plus fort. Son pitching était déjà efficace mais encore loin de lui permettre de dominer tous ses adversaires, comme le montre la toute première rencontre de l’équipe nationale italienne.
Quand la Squadra Azzura rassemble Hollywood et le Pape

Nous sommes le 31 août 1952 à Rome, au sein du Stadio Nazionale. Pour le premier match de son histoire, la Squadra Azzura du baseball reçoit l’une des top nations du continent, avec les Pays-Bas, l’Espagne, devant pas moins de 12 à 15 000 spectateurs selon les sources. Cet événement a attiré beaucoup de curieux mais aussi une star d’Hollywood, Gregory Peck. L’acteur américain est en tournage dans la capitale italienne pour le célèbre film Les Vacances Romaines (1953), de William Wyler, où il donne la réplique à Audrey Hepburn, qui obtiendra un oscar pour ce rôle. En plus d’être un invité prestigieux, Peck est également celui qui lance le first pitch de la rencontre, s’adressant à Glorioso juste après « Allez Giulio. C’est à ton tour maintenant. Jouons ! Lançons ! ».
Malheureusement pour les Italiens, ils perdent le match 7-3, malgré le soutien du Pape Pie XII, qui a béni la rencontre depuis sa résidence estivale de Castel Gandolfo. Quant au public, une grande partie quitte le stade après la 7ème manche, trouvant le match trop long, surtout après avoir vu les 13 erreurs de leur équipe nationale. Les dirigeants feront le bilan que l’équipe avait été mal sélectionnée, notant l’absence de plusieurs joueurs phares du championnat, et particulièrement des piliers du club de Nettuno, la meilleure équipe du moment. Il sera décidé de changer les règles de sélection et c’est Max Ott qui prendra la tête de la direction technique nationale.

Néanmoins, Glorioso déclarera souvent que cette rencontre fait partie de ses souvenirs les plus marquants, un mélange de joie et de fierté. Pour lui, c’était un symbole et une étape de ce qui allait advenir l’année suivante, la création de la fédération européenne de baseball. Alors que les rencontres internationales de baseball étaient rares avant la Seconde Guerre Mondiale, celles-ci commencent à se multiplier au début des années 1950. Si la fédération internationale existe depuis 1938, aucune organisation ne structure le baseball à l’échelle européenne. En 1953, La France, l’Italie, la Belgique, l’Allemagne de l’Ouest et l’Espagne décident de créer la Confédération Européenne de Baseball. Et c’est une nouvelle fois le prince Steno Borghese qui est installé à la présidence, lui qui parle aussi le français, l’anglais et l’espagnol.
Le premier titre du baseball italien
Dès 1954, la CEB organise le premier championnat d’Europe en Belgique, un Euro que va remporter l’Italie devant l’Espagne, la Belgique et l’Allemagne. Une situation amusante quand on sait que les Italiens vont jouer une deuxième fois l’Espagne, en 1953, à Madrid et perdre une nouvelle fois, sur le score de 8 à 4, avant d’enchaîner une rencontre contre les Belges juste après, remportant 7-3 leur premier match international. Si Glorioso est le lanceur partant des deux matchs contre l’Espagne, c’est une autre star du championnat qui viendra à bout de la Belgique, Carlo Tagliaboschi. Le lanceur de Nettuno aura également la chance, en 1957, de lancer quelques balles de batting practice à un certain Joe DiMaggio, en vacances dans la région.

Cette victoire de 1954 sera la seule médaille d’or de Glorioso dans cette compétition, qui sera remportée par l’Espagne en 1955, dans le premier Euro disputé par la France, avant une quasi-totale domination des Pays-Bas entre 1956 et 1973, la Belgique remportant le titre en 1967 en l’absence des Pays-Bas et de l’Italie. Cette domination néerlandaise est telle qu’en 1960, les Pays-Bas remportent une rencontre 1-0 face à l’Italie, malgré le deuxième no-hitter en carrière de Glorioso. Le lanceur italien terminera tout de même sa carrière avec 7 médailles d’argent dans cette compétition, en plus de l’or de 1954.
En championnat, Glorosio change régulièrement d’équipe. Au-delà du challenge sportif, ce qu’il recherche, c’est le développement du baseball italien. Il aime intégrer une équipe qui œuvre à fortifier l’American Pastime en Italie. Après la Lazio, la Roma et Milan, où il jouait sur des terrains de football, il rejoint ainsi Nettuno qui lui promet des éclairages de nuit sur un nouveau stade ainsi qu’un poste d’entraîneur. Pour Glorioso, les matchs en nocturne sont une condition essentielle pour que le baseball prenne dans le pays. Et il est vrai que le développement des infrastructures, à partir des années 1960, symbolise l’extraordinaire dynamisme du baseball italien, expliquant pourquoi l’Italie est devenue rapidement et durablement la grande force du baseball européen avec les Pays-Bas.
La fédération et les clubs font feu de tous bois pour se développer en se connectant directement à la patrie du baseball, les États-Unis. A partir de 1958, un an après avoir fait reconnaître le baseball par le Comité Olympique Italien, le prince Borghese commence à se rendre régulièrement de l’autre côté de l’Atlantique pour rencontrer des membres imminents de la communauté italo-américaine afin d’y obtenir leur soutien.
Les Italo-américains à la rescousse de la mère patrie

C’est ainsi le cas de Lou Perini, alors président des Milwaukee Braves (ces derniers ont quitté Boston pour arriver à Milwaukee en 1954, avant de se poser à Atlanta en 1966), qui va diriger la fondation Baseball For Italy. Ces liens créés entre les deux pays permettent au baseball italien de voir débarquer des coachs ayant une expérience professionnelle et des joueurs de haut niveau universitaires, notamment italo-américains. Afin que ces renforts ne gênent pas le développement des joueurs locaux, des règles seront mises en place. Par exemple, dans les années 1970, une limite de trois italo-américains et un américain sur le terrain durant un match est imposée aux équipes. Ces connections, qui font aussi participer les bases américaines sur place, accentuent également le développement des infrastructures, dotant régulièrement les clubs de terrains de premier ordre.
Alors que Glorioso joue sur des terrains de football à Milan au début des années 1960, le club dispose, en 1964, d’un magnifique stade de baseball de 3000 places, avec un scoreboard manuel offert par Coca-Cola, nommé John F. Kennedy en l’honneur du président américain récemment assassiné. Les clubs italiens peuvent également compter sur des sponsors solides, de grosses entreprises qui sponsorisent le club de baseball comme Simmenthal, société agroalimentaire qui sponsorise Nettuno, ou Europhon, constructeur de radios et de TV, à Milan. Plus tard, d’autres sponsors de grande envergure arriveront dans le baseball italien, comme Danesi, une célèbre marque de café, ou Cariparma, désormais Crédit Agricole Italie. A l’époque, comme aujourd’hui, certains clubs se nomment avec le nom du sponsor en plus de la ville.
Une autre raison du succès est que l’Italie n’attend pas les championnats d’Europe pour jouer des rencontres internationales de haut niveau. L’équipe nationale multiplie les matchs en Europe, les tournois internationaux et se fend même d’une série de matchs contre Cuba en 1968. L’Italie est surclassée mais emmagasine énormément d’expérience. Des rencontres sont aussi régulièrement mises en place contre des équipes américaines. Résultat, le baseball italien gagne en expérience rapidement, et la création de la Coupe Européenne des Clubs en 1963 ajoute une expérience supplémentaire de grande valeur. Si les clubs espagnols gagnent les deux premières éditions, c’est l’Italie qui emporte le titre de champion en 1965 avec le Nettuno de Glorioso. Le lanceur star ne gagnera pas d’autres éditions mais les clubs italiens vont engranger les titres à partir de 1969, se partageant les trophées avec les clubs néerlandais, comme à l’Euro.

Les sixties sont la période dorée de Giulio Glorioso. Dans son prime, il est juste injouable sur la scène nationale. Il remporte trois fois la Triple Couronne de lanceur (leader en ERA, wins et strikeouts) entre 1961 et 1963 après l’avoir déjà gagné en 1955. Entre 1959 et 1966, il remporte 6 titres de meilleure ERA et allonge pas moins de 108 victoires pour seulement 8 défaites entre 1961 et 1967. A cela, il ajoute également deux titres de meilleur batteur en 1960 et 1961.
Sa meilleure saison se déroule en 1961. Cette année-là, il lance dans 18 matchs et prend la victoire dans chacun d’eux, pour un ERA de 0.46, ERA qui sera le record de la ligue italienne jusqu’en 2011 et les 0.41 de Darwin Cubillan. Dominant sur la butte, il le sera aussi au bâton cette même année, avec une moyenne de .444 à la frappe, 19 homeruns et 18 RBI, soit bien plus que les maigres points qu’il a abandonné à ses adversaires. Logiquement, il remporte son deuxième MVP à l’issue du championnat.
Quand Glorioso se prend pour Babe Ruth et Shohei Ohtani
Il connaîtra encore deux saisons sans défaite en 1962 et 1965. Hormis avec Parme, il remporte au moins un titre dans chaque club dans lequel il a joué : Lazio, Roma, Nettuno et Milan. En 1967, après avoir écumé les meilleurs clubs italiens, il revient à la Lazio dans d’incroyables circonstances.
Les équipes romaines, à ce moment-là, ne sont plus en première division mais Glorioso veut revenir jouer à Rome. Des dirigeants du baseball italien et une entreprise de construction de cuisine se liguent ensemble contre l’équipe de Bologne pour la mener dans des difficultés financières afin de l’éjecter de la première division et permettre le retour d’une équipe romaine à ce niveau. Cela montre l’importance que Giulio Glorioso, devenu également recruteur pour les Reds de Cincinnati, avait dans ce baseball en pleine expansion. En même temps, on parle d’un homme qui, selon un article en sa mémoire du Corriere Dello Sport, aurait refusé les avances de Brigitte Bardot elle-même.
C’est après ce retour à Rome qu’il va connaître ce qui deviendra le souvenir le plus marquant de sa carrière. En août 1968, la Lazio se rend en Tchécoslovaquie pour une série de rencontres. Or, l’équipe se trouve à Prague quand, dans la nuit du 20 au 21 août, l’URSS et plusieurs autres nations du Pacte de Varsovie envahissent la Tchécoslovaquie afin de mettre un terme au Printemps de Prague, cette politique réformatrice menée par Alexandre Dubcek, dont la volonté était de mettre en place “un socialisme à visage humain“. Après plusieurs mois de tensions et de pourparlers, l’URSS de Brejnev décide de renverser le régime tchèque et de reprendre la main sur le pays. Néanmoins, Glorioso et ses coéquipiers, malgré quelques difficultés, arrivent à quitter la Tchécoslovaquie pour revenir sains et saufs en Italie.

La fin des années 1960 annonce le déclin de Glorioso. Enfin un déclin très relatif. S’il redevient humain, ses performances restent de qualité. Cependant, il y a une vraie rupture entre 1966, où sa fiche est de 17-1 avec un ERA de 1.65, et la saison 1967 où sa fiche descend à 8-6 et 2.57. Son apport offensif est également en baisse alors qu’approche la quarantaine. En revanche, il faudra attendre 1972 pour voir sa première fiche win-lose négative (10-13, 3.36), à l’âge de 42 ans. Il en aura une deuxième en 1973 (6-7, 3.52) avant de finir sa dernière saison, sous les couleurs de la Roma, avec une fiche positive de 6-3 et une bonne ERA de 2.77, histoire de finir en beauté.
Squadra Azzura et Glorioso, destin liés
Ce déclin se ressent aussi en équipe nationale mais il apporte toujours sa pierre pour permettre à l’Italie de remporter une médaille. Il réussit même un nouvel exploit lors de l’Euro 1971, en lançant un no-hitter de 11 manches contre l’Allemagne, future médaille de bronze de la compétition. L’année précédente, il participe à la première coupe du monde de l’Italie, qui se déroule en Colombie. A cette époque, la compétition, créée en 1938, est appelée Amateur World Series.
L’édition de 1970 est spéciale. Elle accueille, pour la première fois, deux équipes européennes, l’Italie donc, et les Pays-Bas naturellement. Il fallait remonter à une trentaine d’années pour voir une équipe européenne dans la compétition. Là, il y en a deux. Et les deux terminent en fin de tableau. Les Pays-Bas sont 11èmes et derniers, l’Italie est 9ème, avec une seule victoire pour neuf défaites. Et, malgré des stats peu reluisantes, c’est Glorioso qui va assurer le save pour leur unique victoire. L’Euro 1973 sera sa dernière grande compétition.
Giulio Glorioso quitte les terrains, comme joueur, avec des statistiques incroyables et des records dont certains tiennent toujours, comme celui du nombre de strikeouts en carrière avec 2884 K en 2706 innings lancés. Dix fois leader en victoires, onze fois en strikeouts, il a cumulé une fiche de 235 victoires pour 88 défaites et un ERA en carrière de 1.90, des performances ayant permis à ses équipes de remporter 7 titres de champions d’Italie et une coupe d’Europe. A ces statistiques, on pourra ajouter ses 45 homeruns en championnat. En équipe nationale, il aura porté 68 fois la tunique azzura, participant à 11 championnats d’Europe et 2 coupes du monde.
« Il y a quelque chose qui se passe chez un homme… quand vous lui donnez une pierre ou une balle, il y a quelque chose d’attirant, pour une raison quelconque, qui est extérieure, immatérielle. Tous les jeux populaires impliquent des balles. Le baseball est comme le langage. Cela vient comme ça » Giulio Glioroso
Après sa retraite sportive, il ne quitte pas le baseball, bien au contraire. Il rejoint la direction de la Lazio et aide au développement du baseball en Italie, mais aussi en Allemagne et en France. Il séjourne notamment à Paris de 1978 à 1982, aidant le Paris Université Club dans sa conquête du baseball français. En 2001, il devient le président de la Lazio avant d’en devenir le coordinateur des activités jeunes vers la fin des années 2000. Entre-temps, en 2005, il fait partie de la première promotion du Baseball Hall of Fame italien.
Giulio Glorioso s’éteint à l’âge de 84 ans, le 20 juin 2015, dans sa ville adorée de Rome, laissant derrière lui, une légende, celle du meilleur joueur italien de baseball de tous les temps. Terminons avec les mots de la légende, des paroles recueillies par l’auteur David Bidini pour son livre sur Nettuno, Baseballissimo, my summer in the Italian Minor Leagues : « Il y a quelque chose qui se passe chez un homme… quand vous lui donnez une pierre ou une balle, il y a quelque chose d’attirant, pour une raison quelconque, qui est extérieure, immatérielle. Tous les jeux populaires impliquent des balles. Le baseball est comme le langage. Cela vient comme ça ».

NB : Cet article est basé sur diverses sources d’informations mais la principale, pour l’histoire du baseball italien, est le livre de Josh Chetwynd, Baseball In Europe. Je tenais ici à le signaler et spécifier ainsi l’immense travail de l’auteur.
Pour aller plus loin, le documentaire sur le baseball à Nettuno, City of Baseball :
3 réflexions sur “WBC 2023 – Italie : La légende Giulio Glorioso et les origines du baseball italien”