Du 8 au 21 mars prochains, se tiendra une compétition très attendue par les fans de baseball du monde entier, la World Baseball Classic. Regroupant les vingt nations les plus fortes du moment, la WBC 2023 promet un crû exceptionnel à la lecture des premiers rosters publiés. Jusqu’à l’ouverture du tournoi, The Strike Out vous propose de découvrir chaque jour l’un des pays participants sous l’angle de l’actualité ou de l’histoire. Interviews, récits historiques, biographies ou présentation de championnats, vibrez baseball international avec TSO. Direction les Caraïbes avec le pays de Radamel Falcao, la star du football qui aurait voulu être star de baseball : la Colombie.

En France, quand on pense sport et Colombie, ce n’est pas au baseball que l’on pense mais au football, dont certaines stars du pays ont joué en France comme Carlos Valderrama à Montpellier, dans les années 1990 ou, plus récemment, Radamel Falcao à Monaco. L’autre sport qui viendra en tête, c’est le cyclisme, le pays ayant donné quelques champions au monde de la course sur route, notamment Nairo Quintana, grimpeur qui brilla sur les grands tours européens. Pourtant, la Colombie peut également rimer avec baseball. S’il n’est pas le plus populaire des sports dans tout le pays, qui vibre aussi pour des disciplines comme le roller skating, la boxe ou encore les sports mécaniques, le baseball a sa zone d’influence, dans le nord du pays, en bordure d’une des trois régions majeures du baseball mondial, les Caraïbes. D’ailleurs, Falcao lui-même, passionné de baseball, voulait enfant devenir un professionnel en MLB mais son père préféra qu’il se concentre sur le football.
Les origines du baseball colombien restent obscures. Plusieurs sources divergent sur le moment où le baseball aurait été introduit en Colombie : milieu des années 1850 ou 1870 pour certains, fin des années 1890 ou début du 20ème siècle pour d’autres. Ce qui est certain, c’est que la partie caribéenne du pays fut le point de départ et que le baseball, comme à Cuba, Puerto Rico ou au Venezuela, profita de l’influence que gagnèrent les États-Unis après leur victoire dans la guerre hispano-américaine de 1898. Par la suite, le baseball colombien fit parler de lui, en gagnant deux médailles d’or dans les coupes du monde 1947 et 1965, tout en devant professionnel en 1948. Dans les années 60, le baseball pro disparaît de Colombie mais il renaît en 1979, à une époque où les colombiens commençant à arriver en MLB avec Orlando Ramirez en 1974 chez les Angels et Jackie Guttierez en 1983 avec les Red Sox. Le premier colombien de la MLB est Lou Castro en 1902 mais, arrivé aux Etats-Unis à 8 ans, il n’a pas été formé en Colombie.
En 2022, 13 colombiens en MLB
Depuis Lou Castro et Orlando Ramirez, 30 joueurs colombiens ont évolué en MLB dont, le plus célèbre, Edgar Renteria, 5 fois All-Star, 2 fois Gold Glove, 3 fois Silver Slugger et vainqueur de deux World Series en 1997 et 2010, décrochant le MVP la deuxième fois. En 2022, treize joueurs colombiens ont joué en MLB la saison dernière comme Gio Urshela (Twins), Julio Teheran (Angels), Donovan Solano (Giants) ou José Quintana (Cards). Un record. Et le signe, avec la victoire des Caimanes de Barranquilla en Serie Del Caribe 2022, d’un baseball colombien en forte progression, malgré la 19ème place au ranking WBSC.

La Colombie s’avance donc dans cette World Baseball Classic 2023 avec beaucoup d’enthousiasme. Afin de découvrir la place du baseball en Colombie aujourd’hui, ses chances à la WBC mais aussi de ses actions de promotion du baseball envers les enfants, nous sommes allés à la rencontre de Nicole Fernandez, américaine d’origine colombienne, journaliste pour Les Mayores, le site en espagnol de la Major League Baseball, et présidente de la Game Time Foundation, fondation intervenant notamment en Colombie.
Bonjour Nicole. En France, la Colombie est considérée comme un pays fou de football et, à nos yeux, il ne semble pas y avoir d’autres sports importants dans la société colombienne. Pouvez-vous nous en dire plus sur la place occupée par le baseball, que ce soit dans les médias ou dans l’opinion publique ? Il semble notamment que le baseball soit particulièrement vivant dans le nord du pays, comme à Barranquilla.
Je suis né à Miami, en Floride aux États-Unis, mes parents sont originaires de Barranquilla, en Colombie, et dès mon plus jeune âge, j’ai su que le football était le sport prédominant en Colombie parce que c’est tout ce dont mon père et ma famille parlent. Cependant, lorsque j’ai commencé à aller en Colombie, vers mes 15 ans, j’ai remarqué que des amis jouaient au baseball à Barranquilla et je crois que cela a suscité mon intérêt pour en apprendre plus sur le baseball en Colombie. J’y suis retourné quelques années plus tard, en décembre 2013, pour mener ma première interview de baseball sur un recruteur des Yankees à Barranquilla. À partir de là, j’ai acquis une meilleure connaissance du sport en Colombie en tant que journaliste et à travers ma fondation.
Au cours des dix dernières années, j’ai remarqué que le baseball est plus populaire sur la côte, dans le nord de la Colombie, principalement à Carthagène, dans le département de Bolivar et Barranquilla, dans celui d’Atlantico (Bolivar et Atlantico sont deux départements du nord de la Colombie donnant sur les Caraïbes, ndlr), et il devient également plus populaire dans d’autres régions, même si c’est principalement dans ces départements qu’il l’est. Il y a une forte Histoire du baseball dans cette région, et il y a beaucoup d’histoires que je ne connais pas mais d’après ce que j’ai recueilli toutes ces années, le soutien n’est pas à 100% là-bas. J’ai entendu dire qu’il y avait beaucoup de grands joueurs à l’époque, comme dans les années 1950-1980 (peut-être avant aussi), mais comme les scouts ne sont pas allés en Colombie, ils n’ont pas eu l’occasion de jouer en MLB.

Je crois que la culture du baseball doit être mise en avant, en particulier dans l’opinion publique. Je crois aussi que les joueurs nés en Colombie dans la MLB aident les Colombiens et d’autres personnes à voir qu’il y a du potentiel. Les médias jouent un rôle important, même s’il n’y a pas énormément de médias et reportages axés sur le baseball. Je pense que cela change lentement avec les médias sociaux.
Beaucoup d’enfants ne jouent pas non plus parce que c’est un sport qui coûte cher et qu’ils n’ont pas les moyens. C’est pourquoi j’ai créé ma fondation pour aider les enfants à rester actifs dans ce sport, comme d’autres fondations l’ont fait également (C’est le cas de l’association Jouons pour un rêve, créée par Gérald Torres, français d’origine colombienne, ancien joueur en D1, notamment au PUC, qui a également été kiné pour l’équipe de France baseball, ndlr).
La Colombie a une ligue professionnelle de baseball (Liga Profesional de Béisbol Colombiano) depuis 1948, avec plusieurs arrêts puis redémarrages. Depuis 2020, l’équipe championne participe à la prestigieuse Serie Del Caribe et la Colombie a même gagné en 2022 (remportée par les Caimanes de Barranquilla). Comment jugez-vous l’organisation et le niveau de cette ligue ?
Je crois que La Serie del Caribe a été et continuera d’être un merveilleuse vitrine pour les joueurs colombiens, certains des joueurs sont mineurs ou n’ont pas de contrat avec une équipe MLB et cela les aide à être plus vus aux États-Unis et autres pays. Je connais aussi des joueurs qui ont reçu des contrats dans la ligue de baseball mexicaine en raison de leur performance dans La Serie del Caribe. Je pense qu’il y a encore plus de place pour la croissance de la ligue colombienne – l’équipe qui représente la Colombie dans ce tournoi remporte la ligue colombienne d’hiver (ils sont actuellement 4 équipes), mais c’est merveilleux de voir la croissance du sport dans les villes où les équipes jouent pendant 2-3 mois en hiver.
Team Colombia’s #WorldBaseballClassic roster: pic.twitter.com/kV6BZfGWgx
— World Baseball Classic (@WBCBaseball) February 10, 2023
Le baseball colombien, c’est aussi des joueurs MLB comme Edgar Renteria, Orlando Cabrera ou Gio Urshela. Quelle est leur notoriété et leur impact sur le développement du baseball en Colombie ?
Je pense que ces joueurs, ainsi que d’autres joueurs passés et actuels, ont eu un impact considérable sur le développement du sport en Colombie à bien des égards. Je le vois de visu avec les enfants que je visite avec ma fondation. Ils veulent tous être comme eux un jour. La représentation est importante et c’est ce qu’ils font, ils représentent un pays plein d’enfants qui ont des rêves de baseball. Je pense que ceux qui sont en MLB montrent aux États-Unis et au monde qu’en Colombie, il y a un avenir dans le baseball et c’est là que la représentation a beaucoup d’impact parce que cela amène des scouts à visiter la Colombie. Cela attire plus d’attention sur les joueurs de baseball colombiens.
L’équipe colombienne pour la WBC sera dans la poule C avec le géant américain, une grosse équipe du Mexique, un habitué de la compétition avec le Canada et une nouvelle équipe, mais avec quelques jeunes talents, la Grande-Bretagne. Selon vous, quelles sont les chances de la Colombie dans ce groupe et pour la compétition en général ? Où la placez-vous globalement ?
Je pense que la Colombie n’est pas dans une poule facile, mais tout peut arriver dans le baseball et dans le sport. J’ai le sentiment que nous nous qualifierons avec les États-Unis. Lors de la WBC 2017, la Colombie s’est battue durement et, après cette WBC, la Colombie a été vue différemment. La Colombie a remporté la Serie del Caribe en 2022 en battant la République Dominicaine, et cette équipe n’avait pas beaucoup de joueurs de la MLB, donc je pense que nous ne devrions pas être sous-estimés. Je pense qu’ils joueront de bons matchs et avanceront à Miami (où se dérouleront les matchs à partir des quarts, ndlr). Les joueurs qui sont sur la liste sont très fiers de représenter leur pays et ils savent qu’ils jouent pour quelque chose de plus grand qu’eux – leurs familles, leur pays – et cette passion les poussera à gagner et à tout donner sur le terrain.

Vous avez créé et animez une fondation, Game Time Foundation, pour la jeunesse colombienne mais aussi pour d’autres pays de la région. Quels sont les objectifs de la fondation et quelles sont ses actions ?
Le 28 janvier, j’ai célébré le 9e anniversaire de Game Time Foundation, neuf ans au cours desquels plus de 3 500 enfants de différentes équipes sportives ont été aidés. Quand je suis allé faire l’interview de baseball à Barranquilla, fin 2013, j’ai rencontré un petit garçon qui m’a dit qu’il aimait jouer au baseball et qu’il aimait son entraîneur pour lui avoir appris à jouer. Ce moment est celui où je crois que l’univers m’a donné un signe pour aider plus d’enfants comme lui. J’ai toujours voulu aider le pays de mes parents, je ne savais pas comment ni quand, mais l’idée est venue – je suis rentré à Miami et j’ai cherché sur Google comment aider les gens et c’est sorti – démarrer une organisation à but non lucratif et 9 ans plus tard, je ne ne le regrette pas.
Cela n’a pas été facile du tout, j’ai arrêté de poursuivre une carrière à la télévision pour poursuivre cela parce que je crois fermement qu’il faut aider les autres et en particulier les enfants, et quelle meilleure façon de le faire que par le sport. Je dis que ma passion pour le journalisme sportif m’a conduit au but dans ma vie, avoir créé la Game Time Foundation.
J’ai voulu arrêter plusieurs fois, parce que j’y ai investi la majeure partie de mon argent, j’ai pleuré, j’ai fait beaucoup pour garder la fondation active. Je dis que demander de l’aide pour soi-même est difficile, mais c’est plus difficile pour les autres et pour les autres dans d’autres pays, mais j’arrive quand même à aller de l’avant, pour les enfants.
En plus de votre travail de journaliste MLB et de présidente de fondation, vous êtes également auteur de livres. Vous venez de publier, avec l’illustratrice Wendy Bustillo de Arco, un livre jeunesse sur le baseball. De quoi parle le livre et que voulez-vous transmettre à travers lui ?
A 9-Inning Dream, Un Sueño de 9 Entradas est un livre bilingue pour enfants sur un garçon colombien qui rêvait de devenir joueur de la MLB. Ce livre est un hommage à ma famille, ma culture, mon travail et mes expériences philanthropiques à travers la Game Time Foundation. Il est écrit dans les deux langues qui ont fait de moi ce que je suis, l’anglais et l’espagnol. Je voulais raconter cette histoire comme une représentation de la Colombie et des histoires de baseball des joueurs passés, actuels et futurs. Les illustrations présentent des détails sur Barranquilla, en Colombie, comme le Carnaval de Barranquilla, des enfants jouant au football avec des amis du quartier, cuisinant avec maman, l’impact de la famille dans nos vies et l’importance de croire en ses rêves.
Le personnage principal s’appelle Diago en l’honneur de mon défunt grand-père paternel qui s’appelait Cesar Fernandez Diago. Ce livre s’adresse à une variété de lecteurs – des enfants athlètes, des parents qui soutiennent et croient aux rêves de leurs enfants, des jeunes lecteurs qui croient en la réalisation d’objectifs aux lecteurs qui veulent avoir un aperçu de la culture colombienne.
Merci à Nicole Fernandez d’avoir répondu à nos questions.
