Du 8 au 21 mars prochains, se tiendra une compétition très attendue par les fans de baseball du monde entier, la World Baseball Classic. Regroupant les vingt nations les plus fortes du moment, la WBC 2023 promet un crû exceptionnel à la lecture des premiers rosters publiés. Jusqu’à l’ouverture du tournoi, The Strike Out vous propose de découvrir chaque jour l’un des pays participants sous l’angle de l’actualité ou de l’histoire. Interviews, récits historiques, biographies ou présentation de championnats, vibrez baseball international avec TSO. Pour cet épisode, pas besoin d’aller au bout du monde. Nous traversons la Manche pour nous rendre en Grande-Bretagne!

Quatrième équipe européenne que The Strike Out vous présente (après les Pays-Bas, l’Italie et la République Tchèque), la Grande-Bretagne dispute la première World Baseball Classic de son histoire. Dans quelques mois (les 25 et 26 juin), aura aussi lieu la deuxième édition des London Series entre les Cubs et les Cardinals. Autant vous dire que le baseball est sur une dynamique plus que positive chez nos voisins. L’entraîneur de l’équipe britannique, le “Head Coach” en version originale, a accepté de répondre à nos questions. Un entretien passionnant avec Drew Spencer que nous remercions chaleureusement ainsi que la fédération britannique qui a rendu cet échange possible.
The Strike Out – Bonjour Drew. Tout d’abord, pouvez-vous nous parler de vous, de votre parcours de joueur puis d’entraîneur?
Drew Spencer – Je suis originaire de Californie. J’ai commencé le baseball à l’âge de cinq ans puis poursuivi tout au long de mes années lycée à Glendale (Herbert Hoover High School). J’ai été recruté pour continuer mes études au Dartmouth College* [voir note de bas de page] et j’ai pu jouer pendant mes quatre années universitaires en position de champ-centre. Pendant les étés 1994 et 1995, j’ai aussi eu l’opportunité de disputer la prestigieuse Cape Cod League** avec l’équipe des Orleans Firebirds.
J’ai déménagé en Angleterre en 2006 et commencé à coacher trois ans plus tard, d’abord pour LondonSports [plus ancien programme de baseball anglais pour les jeunes ] avant de rejoindre le London Mets Baseball Club. J’étais coach pour des équipes de jeunes jusqu’en 2018 avant d’être promu à la tête de l’équipe première des London Mets qui évolue dans le championnat national (National Baseball League). L’équipe a remporté trois titres de champion consécutifs.
En 2019, on m’a proposé le poste de Manager de l’équipe britannique U23. Ma première compétition s’est déroulée la même année : l’Euro U23. Nous avons pris la 5e place, le meilleur résultat de l’histoire pour la sélection britannique dans cette catégorie d’âge. En 2020, le Manager de l’équipe nationale senior a démissionné et j’ai été promu pour prendre sa succession.
C’est une période faste pour le baseball britannique avec cette qualification historique pour la WBC et le retour des London Series en juin prochain. Comment vivez-vous cette “hype” pour le baseball outre-Manche?
C’est une période très importante et une opportunité exceptionnelle pour le baseball britannique. On doit faire grandir ce sport. Cette WBC et les London Series, où nos meilleurs prospects et les fans pourront rencontrer les meilleurs joueurs de la planète, doivent nous servir à attirer encore plus de monde vers ce sport.
Petit retour sur les WBCQ qui se sont conclus par cet exploit face à l’Espagne [victoire 10-9 pour décrocher la qualif’]. Comment avez-vous formé l’équipe et sélectionné vos joueurs ? Dans quels championnats avez-vous envoyés vos scouts et vos adjoints?
Les règles d’éligibilité pour les WBCQ étaient beaucoup plus souples que celles imposées pour les compétitions européennes. Elles nous ont permis d’avoir beaucoup plus de joueurs à disposition. Nous en avons profité et avons scouté un peu partout. Beaucoup de joueurs nous ont aussi contacté directement. Certains voulaient profiter de cette opportunité pour honorer leurs origines britanniques. D’autres se sont rendus compte qu’ils étaient éligibles pour jouer avec nous en discutant avec des coéquipiers ou des coachs.
Pour ce grand rendez-vous qu’est la WBC, avez-vous procédé différemment pour constituer votre roster?
Nous n’avons pas changé notre approche. A chaque fois, on s’assure de parler avec nos joueurs de leur relation, de leur lien avec la Grande-Bretagne. On leur explique notre philosophie, on leur rappelle comment la sélection en est arrivée là. C’est une façon d’inspirer la future génération du baseball britannique et nous permettre de grandir encore.
Jusqu’ici cela nous a bien réussi et je pense que c’est la bonne façon pour bâtir et souder un groupe. Les compétitions internationales sont très spéciales : enfiler un jersey avec le blason de son pays sur la poitrine, c’est une expérience unique. On veut s’assurer que nos joueurs ont ce sentiment en eux quand ils rentrent sur le terrain et qu’ils se souviennent pour toujours de ce moment.
Quelles sont les principales qualités de votre équipe?
Les mêmes que celle que nous avions pour les Qualifiers. Nous avons une équipe très polyvalente avec des compétences, des aptitudes, des talents très différents. On va miser sur des at-bats solides, utiliser notre vitesse, notre défense et un pitching staff costaud pour nous donner les meilleures chances de gagner.
Quelles sont vos chances dans cette poule C contre des monstres que sont les USA, le Canada, le Mexique? Vous affrontez d’ailleurs Team USA pour votre premier match! Qu’espérez-vous voir de la part de votre équipe pendant cette compétition?
Chaque équipe dans ce groupe est très solide. Toute l’attention s’est focalisée sur le roster de Team USA, mais le Canada, la Colombie et le Mexique seront des équipes très difficiles à battre. Je n’aime pas spéculer sur nos chances. Je souhaite simplement que notre équipe lutte jusqu’au bout et représente de la meilleure façon notre fédération. Mais j’ajouterai aussi ceci : personne ne nous donnait une chance de nous qualifier à Regensburg [ville d’Allemagne où se déroulait les WBCQ en septembre dernier] et nous avons créé la surprise. Mon objectif c’est qu’un jour, les coachs et joueurs adverses qui doivent affronter la Grande-Bretagne aient à répondre aux mêmes questions que nous aujourd’hui quand on affronte des grosses écuries comme la France, l’Allemagne et l’Espagne.

Prenons la machine à remonter le temps pour évoquer ce qui a sans doute été le tournant pour le baseball britannique : racontez-nous votre expérience personnelle aux London Series 2019. Comment les avez-vous vécues?
C’était vraiment une expérience géniale. A l’époque, j’étais chez les London Mets et les New York Yankees sont venus dans notre club pour une séance d’entraînement avec nos jeunes. De nombreuses légendes du baseball étaient là. J’ai des photos de ma fille qui apprend à batter avec Reggie Jackson et de mon garçon qui reçoit des conseils de Mariano Rivera pour lancer. C’était irréel!
Les Yankees ont laissé des souvenirs et un héritage que les London Mets vont chérir pour toujours. Les matchs étaient aussi vraiment excitants, et ils ont permis à toute la communauté du baseball britannique de se retrouver. On a eu beaucoup de nouveaux licenciés dans nos clubs après ces London Series. Donc vraiment d’une façon globale, j’en garde des souvenirs très joyeux et positifs.
Qu’attendez-vous du retour des London Series en juin? Encore d’avantage d’intérêt pour le baseball en Grande-Bretagne?
Comme je le disais, beaucoup se sont mis au baseball après 2019. Il y a aussi plus d’intérêt pour nos matchs, notamment de la part des jeunes. Mais ce n’était pas seulement grâce aux matchs MLB qui ont été joués. MLB Europe a aussi organisé des sessions, des clinics, des rencontres avec des coachs comme Zach Graefser et Dan Bonnanno [coachs américains, consultants pour la fédé britannique]. Les meilleurs prospects européens se sont rencontrés et affrontés ici. Ça a eu un gros impact sur nos différents programmes jeunes.
Depuis la France, on associe d’avantage la Grande-Bretagne avec le foot, le rugby voir le cricket… mais pas le baseball. A quel point est-ce difficile d’exister aux cotés de ces “monstres”?
C’est clair que c’est difficile! Pour l’immense majorité des gens, les meilleurs athlètes britanniques sont des footballeurs, des joueurs de rugby ou de cricket. Il est très difficile d’emmener les enfants vers le baseball et ensuite pour eux de consacrer le temps nécessaire pour progresser dans ce sport. Mais espérons qu’avec nos récents succès cela change et nous aide.

Quelles sont justement vos priorités pour le baseball britannique, que ce soit au niveau de l’équipe nationale ou localement au niveau des clubs?
La priorité de l’équipe nationale est de continuer à performer dans les grandes compétitions. Nous avons eu de bons résultats ces dernières années, la récompense de notre volonté de développer les talents locaux et d’en même temps débusquer les talents à l’international. On doit absolument continuer sur cette voie pour remplir nos objectifs à long terme.
Concernant nos championnats nationaux et notre volonté de les faire grandir, nous travaillons avec la Fédération sur des plans de développement à diffuser le plus largement possible. Nous sommes bien conscients que pour accéder au niveau supérieur, il faudrait que nos joueurs évoluent dans les ligues très compétitives, dans des clubs de très hauts niveau. Cela demande des efforts de tout le monde, pas seulement de la branche “équipe nationale”. La raison pour laquelle la France, l’Allemagne, la République Tchèque, l’Italie ou les Pays-Bas sont des forces plus importantes en Europe, c’est que la communauté entière – ministère des sports, clubs, coachs, joueurs et familles – travaillent ensemble pour créer une structure qui donne les meilleures chances de succès aux joueurs.
En parlant de la France, quel est votre regard sur la présence du légendaire Bruce Bochy ces dernières années auprès de la fédération? Est-ce un rêve d’attirer un nom comme celui-là auprès du baseball britannique?
Oui bien sûr! Mais n’oublions pas quand même que nous avons auprès de nous Trevor Hoffman [releveur pendant 18 saisons en MLB, deuxième meilleur total de saves de l’histoire derrière Rivera] mais aussi des coachs comme Antoan Richardson de l’organisation des SF Giants, Brad Marcelino qui travaille avec les Seattle Mariners. Mon prédecesseur, Liam Carroll, est désormais Manager dans le farm system des Red Sox. Nous espérons qu’avec nos succès récents et à venir nous pourrons créer encore plus de liens et de connections avec des personnes d’expérience et d’influence dans notre sport.
Drew, un immense merci de la part de l’équipe de The Strike Out. Bonne chance pour la World Baseball Classic et au plaisir de vous rencontrer en personne en juin à Londres !
Merci à vous. Nous apprécions beaucoup le soutien. On sait tous que le baseball européen est une petite communauté. Je vous suis très reconnaissant de partager notre histoire et je souhaite à tous les joueurs et coachs de France une superbe saison à venir!
Notes
* Dartmouth College : Université privée américaine située à Hanover dans l’État du New Hampshire. Elle constitue l’une des neuf universités coloniales fondées avant la Révolution américaine, ce qui en fait l’un des plus anciens établissements d’enseignement supérieur. Le Darmouth College fait partie de l’Ivy League, l’élite des facs américaines avec Harvard, Yale, Columbia, Princetown, Brown, Penn et Cornell.
**Cape Cod League : L’une des plus importantes ligue d’été pour joueurs universitaires. Les matchs se jouent à Cape Cod, péninsule prisée par la haute-société américaine dans l’État du Massachusetts. On estime qu’un millier d’anciens de la League ont par la suite évolués en MLB.