Il existe deux périodes charnières dans l’année où nos esprits se laissent aller au doux parfum du baseball. La deuxième c’est évidemment lorsqu’arrive l’automne et ses feuilles mortes synonyme de postseason. Quant à la première, il s’agit de la fin de l’hiver accompagnée comme toujours du retour de la MLB et des espérances de chacun. Vous savez ces dernières semaines avant la reprise où l’on se surprend à croire que « cette année est la bonne », où l’on se met à rêver de voir son équipe jouer au baseball fin octobre ou à enfin finir avec un bilan positif. Comme l’an passé, The Strike Out passe en mode 30 franchises en 30 jours et vous propose de faire le tour complet de la Ligue. Pour calmer vos ardeurs de supporters ou au contraire les ranimer, même si en baseball rien n’est jamais fixé dans le marbre. Place aujourd’hui aux maitres de la désillusion en reconquête : les New York Mets.

Retour sur l’année 2019
Pour leur deuxième saison sous les ordres de Mickey Callaway, les New York Mets avaient commencé leur saison, dès octobre 2018, par une petite révolution. Le GM Sandy Alderson, atteint d’un cancer (aujourd’hui en rémission), quittait son poste et était remplacé par Brodie Van Wagenen, agent de joueurs notamment en charge des carrières de Jacob deGrom ou Yoenis Cespedes.
Pour le reste, la feuille de route de la deuxième franchise de New York était similaire à celle en vigueur depuis le début des années 2000 : les Mets sont trop gros pour se laisser aller à un rebuild complet (et trop petits pour gagner des titres diront les mauvais esprits du Bronx), et il fallait continuer, insister, et tenter de se faire une place en postseason malgré les Braves, les Phillies et les Nationals.
Pour ce faire, les Mets avaient peut-être réalisé LE Blockbuster Trade de l’offseason, en envoyant leur prospect #1, Jarred Kelenic et quatre autres joueurs dont trois Major Leaguers (Bautista, Dunne, Bruce et Swarzak) pour voir Robinson Cano et Edwin Diaz rejoindre le Queens en retour : un trade qui se traduit pour le moment par un échec puisque sur leur première saison respective, Robinson Cano, handicapé par les blessures n’aura joué qu’une centaine de matchs (.256, 13 HR, 39 RBI) tandis que Diaz, recruté pour être le closer attitré des Mets, en terminait avec 7 défaites au compteur, un ERA de 5.56 (avec un FIP de 4.51 et un WHIP de 1.38) et seulement 26 sauvetages contre 57 la saison précédente.

Avec un Jeurys Familia tout aussi fébrile (60 IP, 5.70, 1.73 WHIP), et malgré les belles saisons de Seth Lugo (80 IP, 2.70, 6 SV) et Justin Wilson (39 IP, 2.54), les Mets terminaient la saison avec l’un des pires bullpens de National League (12e ERA et BAA, 4.95 et .258), annihilant totalement la belle saison collective des starters (4e ERA collectif : 3.84) menée par un Jacob deGrom surnaturel (10-8, 2.43, lire plus bas), un Syndergaard à la force tranquille à défaut d’exploiter tout son potentiel et le reste de la rotation en ordre de marche (Matz, 11-10, 4.21 ; Wheeler, 11-8, 3.96 ; Vargas 6-5, 4.01 puis Stroman 4-2, 3.77)
Côté lineup, les satisfactions auront été nombreuses avec notamment les jeunes battes de Jeff McNeil (.318, 23 HR, 75 RBI, lire plus bas), J.D Davis (.307, 22HR, 57 RBI), la puissance retrouvée de Michael Conforto (33 HR, 92 RBI) et l’explosion stratosphérique du rookie Pete Alonso, Rookie of the Year, All Star, vainqueur du Home Run Derby Recordman du nombre de Home Runs sur une saison de Rookie (53) et 7eme au classement du MVP. A peine suffisant, pourtant, pour faire des Mets la septième attaque de National League (791 points marqués) avec le sixième OPS collectif (.770). La faute notamment à quelques saisons individuelles faibles ou insuffisantes sur le plan offensif (Cano, Lagares, Hechevarria, Nimmo).
Alors bien entendu, tout n’est pas à jeter dans cette saison 2019 des Mets, qui auront su redresser la barre significativement pour en terminer avec 86 victoires malgré une première moitié de saison indigne, et des tensions dans le clubhouse qui provoqueront notamment les départs du pitching coach et du bullpen coach (Dave Eiland et Chuck Hernandez). Après le All-Star Game, les Mets se montreront beaucoup plus convaincants, affichant un bilan de 46-26 sur les 72 derniers matchs, et se mêlant un temps à la course pour la Wild Card. Mais les Mets partaient de trop loin, et en finissaient en tant que premier non-qualifié pour la Wild Card, observant de loin leurs victimes préférées (Les Mets avaient un bilan de 12-7 contre les Nationals en 2019) vaincre les Brewers pour filer vers le titre suprême.

L’année 2020
Vous l’aurez compris, Mickey Callaway n’a pas démérité pour sa première expérience de Manager dans les Majors, mais il n’aura pas convaincu non plus. Respecté sans être véritablement populaire auprès de ses joueurs, raillé régulièrement pour la composition de ses lineups ou ses choix tactiques, une vive altercation avec un journaliste fin juillet aura scellé son sort (ainsi que celui de Jason Vargas, tradé quelques semaines plus tard). Pour le remplacer, les Mets sont d’abord allé chercher Carlos Beltran, puis Luis Rojas quand l’ancien outfielder dominicain s’est fait prendre par la patrouille suite au scandale des Astros
Novice à ce niveau, Luis Rojas pourra compter sur l’une des meilleures rotations des majeures, qui a perdu Zack Wheeler cet hiver mais l’a remplacé immédiatement par un ancien Cy Young, Rick Porcello ET par le toujours solide Michael Wacha, pour accompagner deGrom, Stroman, Syndergaard et Matz… Le choix du roi !
Surtout, les Mets ont renforcé leur bullpen de manière substantielle, en conservant Familia, Diaz, Wilson et Lugo, en offrant un nouveau contrat à Brad Brach (arrivé des Cubs en août) et en recrutant cet hiver le quadruple All Star Dellin Betances. De quoi stabiliser sérieusement les fins de manches des Amazin’.

Pas énormément de changements non plus du côté du lineup mais là aussi, Brodie Van Wagenen a choisi de densifier son effectif en profondeur. Ainsi, les utility-men Matt Adams (ex Nationals) et Eduardo Nunez (ex Red Sox, champion 2018) ont rejoint l’équipe pour le spring training et pourraient se faire une place dans le roster. Ils ne devraient pas toutefois commencer la saison dans la peau de titulaires, tous les postes étant solidement attribués : Ramos (C), Alonso (1B), Cano (2B), Rosario (SS), McNeil (3B) dans l’infield et Conforto (RF), Nimmo (CF) et Davis (LF) dans l’Outfield en attendant le retour possible de Yoenis Cespedes au printemps. Des All-Stars, une machine à Home Runs, des jeunes prodiges… de quoi voir venir et tenir la comparaison avec les meilleurs franchises de la Ligue.
Le joueur à suivre : Jeff McNeil
Passée sous les radars, alors que tous les regards étaient braqués – à raison – sur les bombes de Pete Alonso et sur les Whiffs de Jake deGrom, la saison 2019 de Jeff McNeil, sa première complète au niveau Majeur, n’en fut pas moins remarquable en tous points, avec notamment une première invitation au All Star Game pour l’Utility Player (il a joué 2B, 3B, RF et LF en 2019) des Mets.
L’« Ecureuil Volant », sixième au classement du Rookie of the Year 2018 (en 63 matchs disputés) a confirmé en 2019 avec notamment la sixième moyenne au bâton des Majors (.319, entre Rendon et Arenado) et le huitième OBP de National League (.384). Le tout pour 23 HR et 75 RBIs et 83 points marqués en frappant presque exclusivement en tant que lead-off hitter.
Si la question de sa capacité à conserver le niveau de puissance montré en 2019 peut se poser, lui qui n’avait frappé que 28 coups de circuits en 7 saisons dans les Ligues Mineures (mais 19 en 2018, certes) et en est déjà à 26 en une saison et demi dans les Big Leagues, sa régularité au bâton est remarquable et elle n’a rien de ponctuelle, puisqu’il arbore une slash-line de .315/.381/.457 en carrière et à tous les niveaux.
Solide défensivement, il devrait en 2020 être le titulaire des Mets sur le Hot Corner (3B), où il a affiché la saison dernière un Fielding Percentage (.977) à peine inférieur à ceux des références Chapman (.981) et Arenado (.980), en 154.1 manches défensives jouées au poste. Sur cet échantillon modeste, certes, mais néanmoins significatif, il aura accumulé 4 points défensifs sauvés (DRS), une moyenne de 1 par 38.2 manches disputées au poste. Un ratio équivalent, une fois de plus, à celui de Chapman (34 DRS, 1/39.1 Inn), leader indiscutable de la catégorie, à confirmer maintenant sur la durée d’une saison entière.
Vous l’aurez compris, dans le meilleur des mondes, Jeff McNeil – dont l’on notera quand même qu’il a de gros progrès a faire en termes de courses sur bases – a montré sur la scène des Ligues Majeures qu’il est un All-Star légitime et a les moyens de se battre sur une saison entière pour le Batting Title, tout en étant un défenseur plus que solide. Le plus dur commence maintenant, confirmer ce potentiel gigantesque, se faire une place au soleil aux cotés de Alonso et deGrom… et rêver d’un destin à la Yelich, bon frappeur de moyenne devenu MVP à force de travail et de régularité.
La Star : Jacob deGrom
Il s’est fait sa place en silence dans une National League dominée par les légendes Clayton Kershaw et Max Scherzer. Rookie of the Year 2014, élément important de la participation aux World Series 2015, et puis deux bonnes saisons, sans plus, sans trop faire de bruit, au cœur de Mets plutôt moyens. Et puis, en 2018, il a véritablement pris les choses en main.
En octobre 2017, il avait coupé ses cheveux longs, affirmant le plus sérieusement du monde que cela lui permettrait de rajouter jusqu’à deux miles par heure à sa fastball déjà dévastatrice. Si le bon mot fut pris avec le sourire, ce sont les batteurs de National League qui furent pris, eux, par surprise quelques mois plus tard. A la reprise des hostilités, en 2018, ils ont en effet pu se rendre compte que non seulement sa balle rapide, mais aussi ses pitchs secondaires avaient gagné entre un et deux points de vélocité.
Une tendance qui s’est d’ailleurs poursuivie en 2019 où sa fastball a atteint une vitesse moyenne de 96.9mph, contre 95.1 en 2017.
Sur ces deux saisons, avec un contrôle lui aussi amélioré (son BB/9 est passé de 2.6 en 2017 à 1.9 en 2018 et 2019) il se place dans le Top 5 (ou mieux) des Ligues Majeures dans toutes les catégories possibles et imaginables que ce soit les strikeouts (4e, 524), la moyenne adverse au bâton (5e, .202), l’ERA et l’ERA + (1er : 2.05 et 189), le FIP (1er : 2.32) ou encore le WHIP (2nd, 0.941).
Dans toutes les catégories possibles donc, sauf en terme de victoires bien entendu, lui qui fut si souvent abandonné par son attaque, ne récoltant que 21 petites victoires en deux saisons entières malgré 51 Quality Starts (deuxième total de MLB, derrière Verlander).
As incontestable d’une rotation redoutable, Jacob sera en 2020 le fer de lance des Mets qui n’ambitionneront rien de moins qu’un retour en postseason. Elu Athlète New-Yorkais de la décennie par le New York Post en décembre dernier, récompensé par une extension de contrat de 5 ans (et 137 millions de dollars lors du Spring Training 2019), Jacob deGrom n’a plus rien à prouver et tout à gagner : à 32 ans, au sommet de son art et de la National League, il va entamer la saison avec quelque part dans la tête l’idée d’être le second lanceur de l’histoire à remporter trois Cy Young Awards consécutifs (Randy Johnson, 4 à la suite entre 1999 et 2002), devenir le onzième Triple Cy Young de l’histoire et s’ouvrir presque assurément les portes du Hall of Fame.
Je ne sais pas vous, mais moi je vais tout de suite aller me couper les cheveux !
Le prono
Une des meilleures rotations des Majors, un bullpen renforcé, un lineup solide avec un pool de batteurs densifié, un Manager que beaucoup voient comme l’un des potentiels leaders de la nouvelle génération et le Facteur X Yoenis Cespedes… Les New York Mets ont une fois de plus toutes les cartes en main pour tirer leur épingle du jeu dans une NL East plus compétitive que jamais.
Mais il faudra pour cela que les Mets cessent d’être la caricature des Mets, s’épargnant les coups de sang et les coups de blues, les parties de golf le cœur brisé en sortie de boite, les rencontres impromptues avec des sangliers ou les maladies infantiles (Petit jeu : nommez les trois joueurs concernés), et qu’ils se concentrent plutôt sur leur véritable potentiel.

Si j’ai du mal à imaginer les Mets devancer les Braves – double champions en titres de NL East – sur la saison régulière, les Phillies (tout aussi irréguliers) et les Nationals (qui risquent de subir le contrecoup de leur triomphe de 2019) devraient être à la portée des hommes de Luis Rojas, et une qualification pour le Wild Card Game du même coup. Età partir de là, on le sait désormais, tout est possible.
Je reprendrais donc au compte des New York Mets la célèbre phrase fétiche de tous les supporters du Stade Rennais jusqu’à l’an de grâce 2019 : Mets, la Bonne Année?
Projection The Strike Out : 2e en NL West, Wild Card ; 90 victoires – 72 défaites
Projections Bleacher Report : 2e en NL West ; 85 victoires – 77 défaites
Une réflexion sur “Preview 2020 – New York Mets : Mets, la bonne année?”