Il existe deux périodes charnières dans l’année où nos esprits se laissent aller au doux parfum du baseball. La deuxième c’est évidemment lorsqu’arrive l’automne et ses feuilles mortes synonyme de postseason. Quant à la première, il s’agit de la fin de l’hiver accompagnée comme toujours du retour de la MLB et des espérances de chacun. Vous savez ces dernières semaines avant la reprise où l’on se surprend à croire que « cette année est la bonne », où l’on se met à rêver de voir son équipe jouer au baseball fin octobre ou à enfin finir avec un bilan positif. Comme l’an passé, The Strike Out passe en mode 30 franchises en 30 jours et vous propose de faire le tour complet de la Ligue. Pour calmer vos ardeurs de supporters ou au contraire les ranimer, même si en baseball rien n’est jamais fixé dans le marbre. Place aujourd’hui aux Cleveland Indians.
Retour sur l’année 2019
Depuis 2016, les Indians régnaient sur la division centrale de l’Américaine. Mais la Tribu n’a rien pu faire face à la Bomba Squad des Twins. Ce qui n’a pas empêché Cleveland de sortir une belle saison à 93 wins et de lutter jusqu’au bout pour l’une des wild cards de l’AL. Sans succès.
La grande force des Indians fut le pitching staff. Du côté des starters comme des releveurs, le monticule a brillé. La franchise de l’Ohio a fini au 6ème rang MLB pour ses partants (3.81, 3.69 si on ne compte que la rotation titulaire) et a possédé le 2ème meilleur bullpen des Majeures (3.67, 42 saves), derrière les Rays (3.66). Et ce, malgré la longue blessure de Corey Kluber, le départ de Trevor Bauer pour Cincinnati durant l’été et la deuxième partie de saison catastrophique du closer Brad Hand qui a aligné 6.08 d’ERA après le All Star Break alors qu’il rayonnait lors des premiers mois de la saison (2.17, 23 saves pour un total en 2019 de 3.30, 34 saves). Mike Clevinger a tenu la barraque avec brio (13-4, 2.71), suppléé par Shane Bieber, 24 ans, qui a su confirmer son talent (15-8, 3.28). Deux autres jeunes lanceurs ont également montré de belles choses pour leur première saison. Zach Plesac a compilé une fiche de 8-6 (3.81) et Aaron Civale a fait entrevoir de très grandes qualités en 57.1 manches lancées (3-4, 2.34).

Ce qui n’a pas permis aux Indians d’aller un peu plus loin, c’est son attaque. Mis à part en bases volées, où l’équipe se classe au 6ème rang MLB, Cleveland s’est noyé dans le ventre mou des stats offensives, tentant de surnager autour de la 15ème place comme en moyenne de frappe (.250, 15e), la présence sur base (.323, 15e) ou les homeruns (223, 16èmes). Tout juste, peut-on noter que ce fut la 5ème équipe à se prendre le moins de strikeouts en 2019. Des stats moyennes qui ont fait la différence, dans le mauvais sens, face à la puissance offensive des Twins et dans la course à la wild card, malgré un superbe monticule.
L’année 2020
L’intention était claire durant l’intersaison du côté de Cleveland : alléger la masse salariale pour préparer la phase de reconstruction. Après le départ de Bauer à l’été dernier, c’est un autre atout majeur de la rotation qui a fait ses bagages. Par n’importe quel atout puisqu’il s’agit du double Cy Young Corey Kluber. L’ace des Indians, dont la saison 2019 a été plombé par une blessure, a rejoint les Texas Rangers tandis que les Indians recevaient en retour le releveur Emmanuel Clase et le champ extérieur Delino DeShields Jr. Ces arrivées ne sont pas les seules enregistrées par la franchise puisqu’ils ont signé trois agents libres, le receveur Sandy Leon, qui débarque de Boston pour être le back up de Roberto Perez, le seconde base César Hernandez, en provenance des Phillies et le champ extérieur Domingo Santana, qui évoluait la saison dernière avec les Mariners.
En revanche, longtemps dans les discussions pour un trade, les Indians ont gardé, pour le moment, leur star Francisco Lindor, qui sera agent libre fin 2021. Un non-départ de Lindor qui change le visage des Indians car Cleveland présente un outfield solide à l’aube de la saison 2020. En plus de Lindor à l’arrêt court, le hot corner sera occupé par José Ramirez qui a fini 2019 en boulet de canon. Après des premiers mois difficiles, le 3ème base a frappé pour .314, 19 HR, 62 RBI et un OPS de 1031, entre la mi juin et la fin septembre. César Hernandez prendra place en 2ème après une bonne saison à Philadelphie (.279, 14 HR, 71 RBI). En 1ère base, on retrouvera Carlos Santana qui a connu sa meilleure saison en MLB, depuis des débuts dans les Majeures en 2010. Une saison (.281, 34 HR, 93 RBI) qui lui a permis d’être pour la première fois All-Star. Si ces joueurs gardent leur niveau 2019, l’infield des Indians pourrait être l’un des meilleurs de la ligue, surtout que le receveur Roberto Perez, s’il manque de constance à la batte, a tout de même frappé 24 homeruns et est considéré comme l’un des meilleurs receveurs de la ligue en défensive, ce qui lui a valu le Gold Glove 2019.
Les plus fortes interrogations se situent en outfield. Le champ extérieur des Indians a de la ressource mais il n’est pas encore stable. La preuve durant le Spring Training où neuf joueurs de l’organisation se battent pour deux spots restants, le jeune Oscar Mercado ayant l’assurance d’avoir sa place (voir ci-dessous). Pour le reste, entre joueurs déjà présents, nouveau venus et joueurs des ligues mineures, trois joueurs en seront certainement : Franmil Reyes, Domingo Santana et Jordan Luplow. Reyes est arrivé lors d’un trade la saison dernière pour devenir l’un des frappeurs de puissance de l’équipe avec 37 homeruns sur toute la saison (.249, 81 RBI). Santana est également une valeur sûre (.253, 21 HR, 69 RBI). Arrivé la saison dernière, Jordan Luplow (.276, 15 HR, 38 RBI en 85 matchs) a également montré qu’il était une option sérieuse pour solidifier le champ extérieur. Un quatrième joueur pourrait également faire son trou, DeShields Jr. Si le joueur reste très moyen en attaque, c’est un excellent défenseur. Sa présence pourrait permettre de placer Reyes et Santana dans des positions de DH durant la saison.

La force numéro 1 de Cleveland, comme en 2019, sera son pitching staff. Sur la butte, les Indians amènent du lourd et du prometteur. D’ailleurs, six lanceurs se présentent au spring training pour cinq places. Si Mike Clevinger et Shane Bieber ont leur place assurée dans la rotation, qu’en est-il des quatre autres. Carlos Carrasco a vu sa saison 2019 interrompue pendant trois mois pour cause de leucémie. Une malade qu’il a vaincu pour revenir au jeu en fin de saison. Qu’en sera-t-il pour 2020 ? Un autre pilier de la rotation de ces dernières années, Adam Plutko, a pour lui l’expérience sur les jeunes promesses de la rotation mais ses stats sont en-deça des jeunes espoirs qui le concurrencent (7-5, 4.86). Ces jeunes espoirs, ce sont Zach Plesac et Aaron Civale. Plesac a sorti une belle saison rookie et va devoir confirmer en 2020. Reste à savoir si Civale aura un spot pour connaître sa première saison rookie. Les 57.2 manches lancées en MLB la saison dernière donnent clairement envie de le voir à l’oeuvre sur une saison complète. C’est un lanceur très attendu, du genre break out player de la saison 2020.
Derrière ce problème de riches chez les partants, le bullpen pourrait faire pâle figure. Il n’en est rien. Les releveurs des Indians continueront, comme en 2019, a posé des soucis aux attaques adverses. L’arrivée de l’ex-Rangers Emmanuel Clase, dont la rapide frôle les 100 mph, va encore plus solidifier la relève des Indians, même s’il ne fera son apparition que fin avril à cause d’une blessure. Nick Wittgren (5-1, 2.81), le vétéran Oliver Perez (2-4, 3.98) et Hunter Wood (1-1, 2.98) seront des pièces maîtresses du bullpen. Mais celui qui aura droit à tous les regards, ce sera le grand espoir James Karinchak qui, en 5.1 IP lancés en 2019, a suscité beaucoup d’attentes (1.69, 8 K). Le gros point d’interrogation du bullpen réside dans le visage que va offrir le closer Brad Hand, celui impérial du début de saison 2019 ou celui catastrophique de la deuxième partie du championnat ?
Le joueur à suivre : Oscar Mercado
Oscar Mercado, 25 ans, peut-il incarner le futur de la franchise ? Cette question est déterminante et c’est pourquoi je ne parle pas ici des espoirs du monticule comme Civale, Plesac ou Karinchak, tant les Indians ont de la ressource dans ce domaine. Mais quand Lindor s’en sera allé, puisqu’il semble clair que les Indians ne voudront lui proposer le gros contrat qu’il devrait avoir, qui incarnera le futur de la franchise sur le terrain et en attaque ? Aujourd’hui, Mercado est le mieux placé pour obtenir le rôle. L’américano-colombien, qui participa à la WBC 2017 avec la Colombie, a connu une saison rookie solide, terminant au 8ème rang du vote pour l’AL ROY.

Avec une moyenne de frappe de .269, 15 homeruns frappés, 54 points produits et 11 bases volées, Mercado a montré des qualités de puissance et de vitesse qui pourraient en faire le leader offensif des futurs Indians reconstruits, en plus de qualités défensives évidentes. Certes, les Indians n’ont pas en lui une grande superstar à la Mike Trout. Cependant, c’est un joueur complet qui peut devenir le pilier inébranlable dont a besoin toute franchise pour construire dans la durée. Mais pour cela, il va devoir confirmer pour sa deuxième saison dans les Majeures.
La star : Francisco Lindor
En 2019, Lindor a frappé pour .284/32HR/74RBI. En 2019, Lindor a été All-Star pour la quatrième fois depuis sa première présence en 2016. En 2019, Lindor a obtenu son deuxième Gold Glove. En 2019, Lindor était considéré comme le meilleur short-stop de toute la MLB. Et c’est toujours le cas en 2020. S’il frappe, cette saison, au moins 30 homeruns pour la quatrième année consécutive, il deviendrait seulement le 3ème shortstop à réaliser cet exploit après Ernie Banks et Alex Rodriguez. On comprend que Lindor ait attiré les convoitises cet hiver et que les Indians ne savent pas quoi en faire. Le trader pour obtenir du top tops prospects ou le garder pour espérer encore gagner le titre avant sa free agency fin 2021.

C’est toute la difficulté que doit résoudre le Front Office et le General Manager Mike Chernoff. Si ce dernier fait une croix totale de gagner rapidement, trader Lindor avant la trade deadline 2020 sera logique, et même obligatoire. Dans ce cas, Lindor devrait s’envoler d’ici l’été et les Indians sortir de la course aux playoffs. En revanche, si Chernoff cherche le titre, il faudra entourer Lindor et le pitching staff talentueux d’une ou deux grosses battes décisives. Quoiqu’il en soit, Lindor devrait réaliser une grosse saison. A voir à quelle équipe elle sera profitable.
Le prono
Les Indians ont encore une équipe pour gagner durant une ou deux saisons, à condition que tout le monde reste en santé et que la franchise n’entame pas sa reconstruction de suite en se délestant de joueurs piliers, comme Lindor par exemple. Or, les blessures, ça arrive tout le temps et on ne sent pas les Indians prêts à investir dans le ou les joueurs manquants pour aller chercher le titre, malgré un terreau fertile pour être un vrai contender aux World Series. Cet entre-deux amènera les Indians à rester derrière les Twins même si leur pitching staff devrait leur permettre de prendre l’ascendant sur des White Sox conquérants, d’une ou deux victoires. Si tout le monde reste en santé… Derrière les Twins, les Indians et les South Siders de Chicago vont se livrer une belle bagarre mais également se neutraliser pour offrir les Wild Cards du côté de Tampa et d’Oakland.
Projections The Strike Out : 2ème en AL Central / 86 victoires – 76 défaites
Projections Bleacher Report : 3e en AL Central / 81 victoires -81 défaites