“Pouvez-vous m’apporter un petit éclairage sur la draft MLB ?” C’est en substance le message que nous avons reçu de la part d’un de nos lecteurs que nous remercions non seulement pour sa fidélité mais aussi par la justesse de son interrogation. Du 9 au 11 juin s’est effectivement tenue la draft MLB 2017 et vous le savez sans doute ; le baseball est un monde à part où ce n’est pas la simplicité qui gouverne. Nous nous en allons donc vous expliquer le fonctionnement particulier de son système de repêchage (comme disent nos amis québécois) qui ne ressemble pas vraiment à ce que l’on connait dans les autres sports américains.
Pour quiconque suit les sports US même de très loin, la draft ça doit forcément vous parler. Une période de grande excitation où l’on a hâte de découvrir les visages des “élus” qui renforceront la ligue l’année suivante. Diffusées et réalisées comme un show, ces drafts sont un événement à part entière dans le sport américain… à l’exception de la MLB. Et pour cause, sur le plan médiatique celle-ci part de très loin, la première draft télévisée a eu lieu en 2007 et s’est tenue dans le complexe de Disney World à Orlando. Avant cette date, les équipes effectuaient leurs choix à l’abri des regards via des conférences téléphoniques. Depuis les choses se sont améliorées et les caméras se sont invitées à la fête, cette année le commissaire MLB a annoncé le nom des joueurs draftés au premier tour en direct sur MLB Network, dans les studios de la chaîne et devant un public. Celui-ci était d’ailleurs composé d’anciens Big Leaguers venus conter leur mémoire de draft. Tous sont d’ailleurs unanimes “c’est mieux maintenant”, il faut dire qu’à leur époque ils attendaient fébrilement un coup de fil d’une franchise ou scrutaient Internet en espérant voir leur nom sortir en bonne place.
Désormais les repêchés peuvent espérer serrer la main du “commish” (photo ci-dessous) et recevoir les uniformes aux couleurs de leur nouvelle équipe. Cette année seulement deux joueurs ont eu ce privilège -les seuls présents sur place- qui contrairement à la majorité de leurs camarades en avaient déjà fini de leur saison universitaire. Et même si la MLB essaye de sortir sa draft de l’obscurité elle ne parviendra jamais à devenir un vrai spectacle car son système de repêchage est intrinsèquement incompatible avec ça.
Dans le tableau ci-dessous vous trouverez une comparaison entre les différents systèmes de draft des 4 sports majeurs aux Etats-Unis.
NBA | NFL | NHL | MLB | |
Période de la draft |
Hors Saison | Hors Saison | Hors Saison | Milieu de la saison |
Nombre de tours de drafts | 2 | 7 | 7 | 40+ choix compensatoires |
Nombre de joueurs draftés en 2015 | 60 | 215 | 256 | 1215 |
Système d’attribution de l’ordre des choix de draft par équipe | Loterie | Ordre inverse du classement de la saison passée (la plus mauvaise équipe de la saison 2015 reçoit le 1er choix pour 2016 et la meilleure reçoit le dernier choix) | A mi-chemin entre la loterie et le système MLB ou NFL | Identique à la NFL |
Ces premiers éléments, vous permettent de comprendre pourquoi la draft MLB ne suscite pas autant d’intérêt que les autres.
- Le repêchage a lieu en plein milieu de la saison ce qui ne permet pas de concentrer tous les regards vers cet événement. De plus, la saison Universitaire est encore en cours pour l’immense majorité des joueurs, ils sont donc incapables de se rendre sur place.
- La draft MLB n’a pas la même dimension “élitiste” que celles des autres sports. Le nombre de joueurs brassés est colossal et il est très compliqué de s’y retrouver.
- Même si ce sport connait un net regain de popularité dans les Universités, les baseballeurs ne peuvent rivaliser avec le statut de superstars inhérents au “college players” de NFL ou NBA. Les repêchés de la MLB sont pour l’immense majorité méconnus ou complètement inconnus.
- En NBA, NHL ou NFL, on est certain de voir les joueurs draftés au premier tour intégrer la ligue l’année suivant (et parfois y jouer un premier rôle); en MLB après avoir été repêché un joueur intégrera les ligues mineures et y restera pendant des années avant de pouvoir éventuellement rejoindre la MLB. De plus, une sélection au premier tour de la draft ne rime absolument pas avec une carrière assurée en Majors. Pire, en moyenne seulement 66% des joueurs sélectionnés dans les 30 premiers atteignent les Big Leagues. Dans les autres sports ce taux se situe à 100%.
Ce dernier point est absolument crucial. Il est vrai que dans tous les sports on retrouve des joueurs draftés en haute position et qui n’ont rien donné. Ces manqués sont souvent raillés et dénotent une certaine incompétence de la part de la direction de la franchise… sauf en MLB ! Alors évidement, si les mauvais choix se répètent, on commencera à mettre en doute la capacité de certains mais disons qu’il n’y a absolument pas la même notion dramatique autour de la draft. Déjà car comme nous l’avons vu, il faut attendre plusieurs années pour voir un joueur repêché atteindre la MLB alors on a tendance à l’oublier assez vite. Mais surtout, c’est une fois plongé dans les Minors qu’un joueur doit faire ses preuves. Peu importe qu’il ait été sélectionné en 1ère ou 1000ème position, les compteurs sont remis à zéro pour tout le monde et les choses peuvent aller très vite dans un sens comme dans l’autre.
Qui parmi vous connait Donovan Tate, 3ème choix de la draft 2009 et qui végète toujours en single A ? Par contre tout le monde sait qui est Albert Pujols repêché au 13ème tour en 402ème position ou encore Mike Piazza drafté au 62ème tour en 1390ème place ! En somme la draft MLB est une chose très curieuse qui ne ressemble à aucune autre où l’avenir de la carrière d’un joueur ne se joue pas lors de ses années universitaires ni une fois dans les Big Leagues mais à son entrée dans les Minors. C’est une donnée très importante qui explique pourquoi la ferveur autour de la draft MLB est toute tempérée par rapport à que l’on peut connaitre dans les autres sports où cette phase de repêchage peut donner une nouvelle dimension à une franchise (cf Thompson et Curry pour les Warriors).
Rentrons désormais dans le vif du sujet avec le fonctionnement de la draft MLB
Quels joueurs sont éligibles pour la draft MLB ?
- Les joueurs résidant au Canada, aux USA ou dans un territoire attaché aux USA comme Porto Rico, peu importe la nationalité du joueur. Les joueurs vivant à l’étranger peuvent être signés en tant qu’agent libre à n’importe quel moment de l’année.
- N’ayant jamais avoir signé un contrat professionnel avec un club de Ligue majeure ou mineure.
- Les joueurs diplômé du lycée et qui ne sont jamais allés en Université.
- Un joueur qui est à l’Université inscrit dans un programme d’études de 4 ans est éligible après avoir complété sa 3ème année ou après son 21ème anniversaire.
Comment se déroule la draft MLB ?
Le système de base est assez simple mais le diable se cache dans les détails. Allons-y crescendo : L’équipe avec le pire bilan sur l’année précédente obtient le premier choix pour la draft, l’avant dernière récolte le deuxième choix etc… jusqu’au leader de la saison régulière qui sera la dernière franchise à pouvoir s’exprimer dans la première ronde.
Et dans la réalité ça se passe toujours si simplement que ça ?
Pas vraiment. Si on prend de la draft 2016, il n’y a eu au premier tour que 23 joueurs repêchés. “Ben il n’y a pas 30 clubs en MLB ?”, me diriez-vous et vous auriez bien raison. Cette année, sept clubs ont été privés de première ronde car ils ont signé en agent libre un baseballeur qui a rejeté l’offre qualifiante de son ancien club. Dans ce cas les équipes qui ont engagé le joueur font une croix, en toute connaissance de cause, sur le premier tour de draft. La formation qui a perdu son joueur en dépit de l’offre qualificative formulée reçoit un choix de draft en compensation qui se situe entre le 1er le 2ème tour.
Explication de ce point : Lorsqu’un joueur arrive dans la dernière année de son contrat et n’a pas signé de prolongation, son club peut lui proposer une offre qualifiante dont les termes sont fixés par la MLB. C’est un contrat d’une année supplémentaire qui s’élève à un montant de 15.3 millions de dollars (calculée sur la moyenne des salaires obtenus par les 125 joueurs les mieux payés de la ligue l’année précédente). S’il refuse cette offre il devient officiellement agent libre, s’il l’accepte il restera dans son club.
Exemple : Jeff Samardzija a été signé en tant qu’agent libre par les Giants, ce dernier avait refusé une offre qualifiante des White Sox en fin d’année 2015. Par le fait, San Francisco a automatiquement perdu sa place dans le 1er tour de draft.
Depuis deux ans les offres qualifiantes sont quasi-systématiquement refusées par des joueurs qui espèrent gagner plus et surtout trouver davantage de stabilité en devenant des agents libres. Les clubs sont obligés de les formuler s’ils veulent obtenir un choix de compensation. Inutile de préciser qu’au regard du montant de ces offres qualifiantes, les franchises les offrent uniquement à leurs meilleurs joueurs.
Exception à cette règle : Si un club est positionné dans les 10 premiers de la draft, il peut signer un agent libre qui a refusé une offre qualifiante sans craindre de perdre son tour, puisque les 10 premières places sont protégées.
Exemple : Detroit bénéficiait du 9ème choix de la draft 2016, plus tôt dans l’année ils ont signé Justin Upton en tant qu’agent libre. Ce dernier avait refusé une offre qualifiante des Padres. Du fait de leur 9ème place dans la draft ils ont pu conserver leur choix du premier tour.
Voici un tableau de la draft 2016 qui vous aidera à comprendre le positionnement de ce tour de “compensation”.
Comment est attribué l’ordre des choix dans ce tour de compensation ?
On ne change rien par rapport à la formule classique de la draft MLB, l’équipe avec le pire record lors de la saison précédente obtient le (ou les) premiers choix. Ainsi San Diego a bénéficié dans la draft 2016 au premier tour des 8, 24 et 25ème choix.
Il est à noter que si une équipe n’arrive pas à signer un joueur sélectionné lors du premier tour de draft, elle bénéficiera pour l’année suivante d’un choix de compensation qui se situera à la même position +1.
Exemple : Les Astros n’ont pas réussi à signer le tout premier choix de la draft 2014 (une première depuis 30 ans), ils ont donc hérité pour l’édition 2015 du deuxième choix en guise de compensation (voir ci-dessous).
Est-ce qu’on a fait le tour de la question ?
Il reste juste un dernier point. La MLB fait une sélection de 12 équipes avec les revenus plus faibles et une marge de manœuvre réduite sur le marché des transferts. S’en suit une loterie, où 6 équipes vont être tirées au sort pour avoir une place dans le groupe A de cette ronde en faveur de l’équité. Les 6 autres auront une place dans le groupe B qui se situe après le 2ème tour de la draft. Voici le résultat du Groupe A de cette année qui vient juste après le tour de compensation.
Mais que font les Dodgers dans ce tour ? C’est très simple. Ils n’y font pas partie à proprement parlé. Lors de la draft 2015 ils n’ont pas réussi à trouver une entente avec leur deuxième choix de draft du 1er tour qui se situait à la 35ème position. Au regard de la règle énoncée plus haut (cf Brady Aiken), Los Angeles a obtenu automatiquement pour la draft 2016 un nouveau choix à la 36ème place. Il se trouve que cette année “ce pick” se trouve en plein milieu de la ronde de “competitive balance”, c’est juste le hasard. Il est évident que les richissimes Dodgers n’ont pas besoin de l’aide de la MLB pour se renforcer.
Après avoir sélectionné les joueurs, que se passe t-il ?
Chaque joueur sélectionné par une franchise rentre dans une phase de négociation qui peut durer jusqu’au 15 juillet maximum avec son nouveau club potentiel pour obtenir une prime à la signature. Le montant n’est pas illimité, loin de là, la MLB fixe un plafond à ne pas dépasser pour signer les joueurs. Ce “bonus slot” est calculé en fonction de la position du club dans la draft et leur nombre de choix. Les joueurs peuvent tout à fait refuser de s’engager avec la franchise qui leur fait la cour pour de multiples raisons (mésentente d’ordre financière, volonté de poursuivre ses études etc…). Ils pourront toutefois se représenter l’année suivante, il faut souligner qu’un club n’a pas le droit de drafter le même joueur deux années de suite à moins que ce dernier leur délivre un accord écrit.
Exemple : Pour 2016, les Reds ont le 2ème choix de la draft mais aussi le 35ème, ils ont obtenu un “bonus slot” de 13.923.700$. C’est le plus grand montant alloué pour une équipe cette année. Les Cubs ont très peu de marge de manœuvre, puisqu’ils peuvent dépenser seulement 2 millions de dollars. Pourquoi ça ? Tout simplement parce qu’ils ont signé deux agents libres : Heyward et Lackey qui avaient rejetés les offres qualifiantes de leurs précédents clubs les Cubs ont perdu leur deux premiers tours de draft.
Et si le budget n’est pas respecté ?
Si une équipe dépasse son montant alloué il devra s’acquitter de pénalités :
- Si l’excédent est inférieur à 5% du bonus slot, l’équipe devra payer 75% du montant de l’excédent
- S’il se situe entre 5 et 10%, l’équipe devra s’acquitter de 75% du montant de l’excédent et subira la perte du premier choix lors de la prochaine draft
- S’il est entre 10 et 15%, la formation devra payer 100% du montant de l’excédent et fera une croix sur ses deux premiers choix de la draft suivante
- S’il est supérieur à 15%, l’équipe devra s’acquitter de 100% du montant de l’excédent et n’aura pas de premier choix lors des 2 prochaines drafts
Vous êtes encore là ?
Vous voyez ça s’est bien passé… enfin je l’espère ! Dans tous les cas, voici un petit cadeau qui ne peut faire que du bien après ça.
Si je dis pas de bêtises, la signature d’un FA international est comprise dans le montant des sommes allouées. Ce qui est une connerie avec l’explosion du marché des joueurs en provenance des Caraïbes, Amérique du Sud ou de l’Asie et qui sait, peut être un jour d’Europe (on peut rêver).
P.S: merci de nous avoir épargné la Rule 5 Draft 😉
Bonjour. Oui et non, en fait la signature d’un FA international a son bonus slot en part mais qui vient en complètement de celui de celui de la Draft. Par exemple, les Reds outre leur 13 millions pour la draft ont eu 5,163,400 de dollars en plus pour la signature des internationaux. Ce montant peut être dépassé, des pénalités seront payées et des restrictions sur la prochaine période de FA International seront appliquées. L’équipe ne risque évidemment pas de perdre des choix de drafts car ce sont des choses bien distinctes 😉 Ex : Les Red Sox ont signé Moncada pour un bonus à la signature de 31.5 millions de dollars en 2015, pour 2016, ils ont bien eu tout leur choix de draft 😉
La rule 5 sera expliquée un jour 😉
Wouaw je n’en attendais pas tant!
Merci beaucoup pour ce super article! Je comprends déjà beaucoup mieux les bases de la draft MLB!
C’est toujours souvent compliqué avec le baseball mais étonnamment toujours passionnant…
C’est particulier et sympa de se dire que les plus faibles d’une année peuvent espérer faire des bon coups avec les jeunes!
Grâce à vous depuis que je m’intéresse au baseball (après un séjour à Boston et un crochet à Fenway Park), j’ai pu comprendre les règles, l’histoire du sport et suivre l’actualité! Merci beaucoup vous êtes au top!
Merci pour cet article passionnant est très détaillé. Et merci de votre travail qui n’a d’égal que la passion que vous portez à ce merveilleux sport!