2016 : quelles nouvelles avancées pour les femmes en MLB ?

L’année 2015 a été un grand cru pour le baseball au féminin. En France, nous avons vécu avec un immense plaisir le buzz Mélissa Mayeux. Notre jeune française fut la première joueuse invitée au camp d’été européen de la MLB, avec 49 autres espoirs, tous masculins, du continent. De facto, elle est devenue la première joueuse de baseball à être inscrite sur la liste internationale des possibles recrues de la MLB. Une avancée majeure qui lui a valu de nombreux articles et reportages dans les plus grands médias américains et français. Encore récemment, Stade 2 l’a suivi en reportage, la Dépêche lui a consacré un article et elle fut l’une des invitées d’honneur aux trophées Sporsora.

Il faut dire que Mélissa Mayeux a fait bouger les lignes et redonner espoir à ceux qui aimeraient voir un jour une femme évoluer sur les terrains de la MLB, après les exploits de la jeune Mo’ne Davis, l’année précédente, en Little League. Mais elle ne fut pas la seule à bouger les lignes la saison dernière. Justine Siegal, déjà habituée aux premières et à son rôle de pionnière, est devenue la première femme coach embauchée par une franchise MLB. Durant un mois, elle a coaché une équipe des A’s d’Oakland durant leur ligue d’instruction automnale en Arizona. Justine Siegal avait déjà été la première à coacher une équipe pro masculine, en ligue indépendante, et à lancer des batting practices en MLB durant des spring trainings. Ce coaching était donc une évolution naturelle dans son parcours et elle démontre à chaque fois ses capacités. Et, de fait, les capacités d’une femme à coacher au sein de la MLB.

Justine Siegal rencontre la légende du baseball japonais Hideki Matsui. Crédit : AP
Justine Siegal rencontre la légende du baseball japonais Hideki Matsui. Crédit : AP

Avec Jen Welter, première femme coach au sein d’une franchise NFL, les Arizona Cardinals, durant l’été 2015, les femmes commencent à gagner en respectabilité dans un domaine où elles ont longtemps été rejetées et/ou snobées. Ce n’est pas sans rappeler le parcours de Corinne Diacre en Ligue 2 avec le Clermont Foot, qui a aussi gagné en 2015 le trophée de meilleur coach de L2.

Nous pouvons également citer Jessica Mendoza, ancienne gloire du softball devenue la première femme à commenter des matchs de la MLB, Marie-Claude Pelland Marcotte, deuxième femme seulement à scorer un match officiel des Ligues Majeures, ou encore Amanda Hopkins, première femme depuis les années 50 à devenir recruteuse à plein temps pour une franchise de la MLB, les Seattle Mariners dans le cas présent. 2015 fut une année faste.

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L’année 2016 pourrait se révéler prometteuse pour l’avenir du baseball féminin. La lanceuse Sarah Hudek, seule fille jouant actuellement dans le baseball universitaire, vient de remporter sa première victoire en NJCAA. Cette jeune prodige, qui vient d’avoir 19 ans, est l’un des grands espoirs du baseball féminin. Elle lance une rapide à 82 mph (un peu plus de 130 km/h) et maîtrise deux balles à effet (courbe et cutter). Il faut dire qu’elle est la fille d’un ancien lanceur des Ligues Majeures, John Hudek. Ça aide pour bien apprendre à lancer.

Les Houston Astros viennent de confier leur programme de préparation physique pour les joueurs d’Amérique Latine à Rachel Balkovec. Cette ancienne receveuse universitaire de softball était déjà devenue, à l’occasion d’un stage chez les Saint Louis Cardinals en 2012, la première femme à occuper un poste de préparatrice physique dans le baseball professionnel.

Après ces premiers signes encourageants, que pouvons-nous attendre de 2016 ? Le passage de Justine Siegal chez les A’s semble avoir été un succès et il ne serait pas étonnant que l’expérience soit renouvelée. Si c’est le cas, il ne serait plus fou d’imaginer une femme manager en ligues mineures à court ou moyen terme. Probablement Justine Siegal elle-même. Néanmoins, il faudra certainement attendre longtemps avant qu’une femme coache en MLB, ne serait-ce qu’en coach de 1ère base. C’est la même chose côté joueuse. Sarah Hudek a encore beaucoup à prouver dans le baseball universitaire avant d’envisager un avenir professionnel, même au sein des ligues indépendantes.

Tout comme notre Mélissa Mayeux nationale. Même si les coachs venus du baseball organisé ont été impressionnés par ses qualités lors du camp européen de la MLB, elle reste une jeune joueuse qui doit maintenant passer des paliers de plus en plus difficiles. Le premier sera de s’imposer en D1. En effet, Mélissa Mayeux a de bonnes chances de faire ses débuts en première division nationale lors de rencontres officielles. En championnat, en Challenge de France ? Ce choix reviendra à son équipe des Barracudas de Montpellier, en lien avec le Pôle France de Toulouse qui gère l’équipe fédérale avec laquelle elle a joué en 2015, remportant le championnat de France D2.

Deux pionnières réunies. Mélissa Mayeux et Justine Siegal en janvier 2013, lors d'une conférence sur le baseball féminin à l'INSEP, organisée par la FFBS.
Deux pionnières réunies. Mélissa Mayeux et Justine Siegal en janvier 2013, lors d’une conférence sur le baseball féminin à l’INSEP, organisée par la FFBS.

Beaucoup auraient aimé la voir en équipe de France lors du qualifier de la World Baseball Classic de mars prochain ou au championnat d’Europe en septembre. Cela pourrait paraître prématuré bien que le coup de com’ serait forcément important pour le baseball français et le baseball au féminin. Mais voir Mélissa Mayeux devenir la première femme à jouer en coupe d’Europe début juin, avec Montpellier, serait dans l’ordre du possible. La française pourrait donc écrire de nouvelles pages du baseball français voire européen. À condition que les règlements et ses performances le permettent…

Vous me direz que la première femme sur un terrain de MLB pourrait être une arbitre. Malheureusement, ce ne sera pas pour 2016. Il faudra attendre plusieurs années avant qu’une femme arbitre en MLB. Alors que la NFL a nommé sa première femme arbitre en 2015, emboîtant le pas à la NBA, la MLB a pris un énorme retard en la matière. Actuellement, le pool des 230 arbitres de ligues mineures, où se trouvent les futurs « Blues » de la MLB, ne compte aucune femme depuis 2007. L’école des arbitres de ligues mineures, créée il y a quatre ans, n’a accueilli qu’une seule stagiaire.

Pourtant, ce grand pas en avant aurait pu être franchi à trois reprises avec Amanda Clement, Pam Postema et Ria Cortesio. Pam Postema fut arbitre en ligues mineures de 1977 à 1988 et arbitra des matchs de spring training ou d’exhibition entre équipes de MLB en 1987 et 1988. Pressentie pour arbitrer lors de l’Opening Day 1988 en National League, elle est finalement remplacée dans le pool MLB par un homme. En 1989, elle est libérée de ses obligations d’arbitrage et recasée dans la gestion des arbitres de AAA, l’antichambre de la MLB. Elle comprit alors que la MLB se refusait à elle à cause de son sexe et intenta un procès pour discrimination. La procédure n’ira pas à son terme, les deux parties trouvant un arrangement. Elle écrivit un livre quelques années plus tard au titre évocateur « You’ve Got to Have Balls to make It in this League » (vous devez avoir des c… pour faire ça [arbitrer] dans cette ligue [la MLB]).

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Ria Cortesio, dernière femme à avoir arbitré en ligues mineures, vit également son rêve d’être la première femme arbitre MLB s’arrêter net. Arbitrant des matchs MLB au spring training de 2007, elle est virée à la fin de la saison. Trop proche d’arriver en MLB ? Torpillée par la jalousie de certains de ses collègues masculins ? Là encore, ses compétences ne sont pas en cause.

En 1904, Amanda Clement devient la première femme arbitre de baseball. Amatrice puis professionnelle, elle atteint un tel niveau de compétences qu’elle se vit proposer d’officier sur un match des Ligues Majeures. On ne sait pas pourquoi cela ne se fit pas mais ce fut la première fois qu’une femme approcha de si près les terrains de la MLB.

À Amanda Clement, rajoutons l’histoire de Lizzie Arlington qui, en 1898, devenait la première femme professionnelle et la première à évoluer en ligues mineures. 1904, 1898. Les femmes, si tôt dans l’histoire de ce sport, ont démontré leurs capacités. La société, et la MLB en particulier, fit tout alors pour sortir les femmes du jeu. Certaines tentèrent leurs chances (Bernice Gera, Jackie Mitchell, Eleanor Engle) mais leur talent se heurta au sexisme d’un baseball organisé conservateur et d’une société américaine peu encline à repenser la place de la femme en son sein. Mais la MLB ne peut plus lutter contre l’inexorable. L’inclusion des femmes et des LGBT (2015 fut l’année du premier joueur ouvertement gay dans le baseball professionnel) est indispensable à la fois d’un point de vue sociétal, juridique et économique.

Mais que de retard pris entre 1898 et 2016. Un retard immense que doivent aujourd’hui rattraper Mélissa Mayeux, Sarah Hudek et toutes les femmes qui rêvent un jour de jouer, coacher ou arbitrer sur la plus belle scène du monde, la Major League Baseball.

MoneDavis


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