Une Brève Histoire du Spring Training

Chaque année, tandis que les derniers frimas de l’hiver s’effacent à l’approche du printemps, le grand cirque de la MLB vient poser ses quartiers plein sud, pour six semaines de travail et de préparation au cœur de la « Sun Belt », entre Floride et Arizona, pour un rendez-vous incontournable depuis les premières heures du baseball professionnel. Un classique hivernal devenu tradition avant même que la Major League Baseball ne soit fondée sous sa forme actuelle, à l’aube du vingtième siècle.

Historique

Si les premières franchises du baseball professionnel ont commencé à visiter les états du Sud pour des matchs d’exhibition dès la fin des années 1860, il est communément accepté que le berceau de cet « entrainement de printemps » se situe dans la ville thermale de Hot Springs, Arkansas, où les Chicago White Stockings prirent leurs quartiers en 1886 pour un stage de remise en forme avant de dominer la saison (90V, 34D, 0.726%) de National League.

L’exemple des White Stockings, qui devinrent ensuite les Colts, Orphans, puis les Chicago Cubs en 1903 (A noter que les Chigago White Sox furent eux créés en 1894 en tant que Sioux City Cornhuskers avant de devenir – à leur tour – les White Stockings, puis de prendre officiellement le nom de White Sox en 1904), inspira d’autres franchises professionnelles, et Hot Springs devint rapidement le rendez-vous incontournable de l’avant-saison, attirant chaque début printemps les plus grandes stars du sport.

Chicago White Stockings, 1886
Chicago White Stockings, 1886 (Credit: National Baseball Hall of Fame Library, Cooperstown, New York

Dans cette ville thermale a la réputation sulfureuse, point de rencontre de la haute pègre et des élites, ou Al Capone avait ses habitudes et ou casinos illégaux et courses hippiques occupaient une place proéminente dans le tissus économique, les exhibitions de baseball professionnel n’eurent aucune difficulté à se faire une place de choix, permettant la construction de plusieurs hôtels et terrains d’entrainement dans la cité de l’Arkansas et attirant des foules de spectateurs – et de parieurs – venus voir les stars de l’époque : Ty Cobb, Honus Wagner, Walter Johnson…

On raconte qu’un jeune lanceur du nom de Babe Ruth y prit le bâton pour la première fois lors de l’un de ces matchs exhibition, le jour de la Saint Patrick 1918. Aligné en première base pour remplacer un coéquipier hors de forme,  le Bambino frappa deux Home Run en deux passages au bâton. Le deuxième, surpuissant, s’envola au-delà des limites du Whittington Park, et atterit dans un enclos de la ferme d’alligators avoisinante.
Un missile dont la distance fut estimée, en 2011, à 573 pieds, ou 175 mètres ! Tout simplement le premier home-run de plus de 500 pieds identifié dans la longue histoire du baseball.

Mais je m’égare… Au fil des saisons, les franchises la National League et de l’American League, regroupées à partir de 1903 sous la bannière de la Major League Baseball, continuèrent de prendre la route du sud, délaissant progressivement l’Arkansas pour des destinations un peu plus tropicales, et particulièrement la Floride.

Et en 1915, la Grapefruit League prit forme et se trouva un nom après que le manager des Dodgers, Wilbert Robinson vit un pamplemousse – lâché depuis un avion survolant le stade de Daytona Beach à basse altitude lui exploser dans le gant et au visage après avoir parié avec l’aviatrice Ruth Law qu’il pouvait capter une balle de base-ball lâchée depuis le ciel.
Certaines versions de l’histoire affirment que le pamplemousse fut lâché en dernier recours après que l’aviatrice ait oublié d’embarquer une balle, d’autres qu’il s’agissait d’une blague initiée par l’Outfielder Casey Stengel. Quoi qu’il en soit, la tradition du Pamplemousse était née, et elle est devenue centenaire lors de l’édition 2015 de la Grapefruit League.

Mais si le Spring Training est devenu un rendez-vous incontournable depuis plus d’un siècle, il n’a trouvé son format actuel que bien plus récemment. Au fil du vingtième siècle, les franchises majeures, loin de se rassembler comme c’est le cas aujourd’hui dispersèrent leurs opérations estivales tout au long de la Sun Belt, de la Californie à la Floride en passant par le Texas, l’Alabama ou l’Arizona notamment.

C’est 1946, cependant, que les bases de la Cactus League furent posées a leur tour, lorsque Bill Veeck, propriétaire d’un ranch à Tucson, AZ, acheta les Cleveland Indians. Il convainquit le propriétaire des New York Giants, Horace Stoneham, d’installer sa base hivernale à Phoenix. Quelques années plus tard, les Cubs venaient s’installer à Mesa et les Baltimore Orioles arrivaient à Yuma. Malgré des départs et arrivées permanentes, la Cactus League était en marche, se développant lentement au fil des décennies. Elle n’atteindrait sa taille actuelle qu’en 2010, avec l’arrivée des Cinccinatti Reds à Goodyear.

Aujourd’hui, avec quinze équipes chacune et un format de compétition harmonisé par la MLB, La Grapefruit League et la Cactus League se partagent également le plateau de la MLB, mélangeant sans distinction les équipes d’American League et National League lors d’un mois de joutes plus ou moins amicales.

Le Spring Training, Amuse-bouche gentillet ou Compétition avant la compétition?

De mi-février à fin Mars, les trente équipes des Ligues Majeures, leurs filiales des Ligues mineures et tout ce que le baseball professionnel nord-américain peut proposer de meilleur se retrouve donc, scindé en deux groupes, entre les états d’Arizona et de Floride. On y observe les forces en présence, on y conclut les derniers trades avant le début de la saison régulière, on y peaufine les rotations, on y jauge les prospects amenés à intégrer les Ligues majeures au cours de la saison à venir, et ceux appelés à devenir les stars du futur.

Spring Training
Les sites de la Cactus League (g) et de la Grapefruit League (d) (Credit: http://knuckleballnation.com/)

Mais avant tout, tout au long du mois de Mars, on s’y affronte entre franchises majeures dans le cadre des Cactus League (Arizona) et Grapefruit League (Floride). Un mois pour se mettre en condition, impressionner les adversaires directs, tenter d’identifier leurs forces et leurs faiblesses, imaginer des stratégies et des tactiques adaptées à chaque rival de ligue ou de division.
On peut certainement affirmer que le Spring Training n’est qu’une simple préparation, sans véritable impact sur la saison à venir, et ce ne serait pas tout à fait inexact, tant la saison est longue et déconnectée des réalités du mois de Mars.

Et pourtant, si l’on regarde de près les classements du Spring Training 2015, on remarque une structure pour le moins surprenante. Parmi les trois premiers de chacune des deux ligues hivernales, deux équipes ont remporté leur division (les Kansas City Royals et les Los Angeles Dodgers en Cactus League, les New York Mets et les Toronto Blue Jays en Grapefruit League, et la troisième a fini dernière de son groupe (Les Oakland Athletics et les Boston Red Sox).
Les Royals et les Mets ont fait mieux encore, puisqu’ils se sont retrouvés sept mois plus tard, opposés lors des World Series. Le hasard, certainement, mais peut-être pas uniquement.

Pour tout ce qu’elle offre en matière d’observation des forces en présence, de découverte des talents de demain, parce que le baseball nous manque affreusement depuis début novembre, et aussi parce qu’elle se joue en très grande majorité à des heures parfaitement adaptées aux spectateurs européens, la Spring Season est l’entrée en matière idéale pour se mettre en appétit à quelques semaines de l’Opening Day. Et qui sait, peut-être nous donnera-t-elle cette année encore quelques indices précieux en vue des grands rendez-vous de l’automne !


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