Tandis que la MLB s’abandonne à son traditionnel conflits entre joueurs et propriétaires, nous vous invitons à honorer la carrière et les exploits d’un Receveur extraordinaire. Rookie of the Year, MVP, Gold Glover, triple vainqueur des World Series et sept fois All Star, Buster Posey fait partie des joueurs qui marquent une époque. Jeune retraité, futur Hall of Famer, joueur exquis et loyal jusqu’au bout, retour sur une carrière hors normes.
Il n’y aura pas eu de longs au-revoirs, de tournée d’adieu ou une fin de conte de fées, au bout d’un match 7 de World Series.
Son départ à la retraite aura été à l’image du joueur et de sa carrière. Simple, précis, rapide, discret, discipliné.
A la fin de son contrat de neuf ans signé en 2013, et alors que Fahran Zaïdi (SF Giants President of Baseball Op) assurait qu’il voulait le retour de Buster Posey dans l’effectif 2022, le catcher surprenait tous son monde en annonçant son départ à la retraite le 04 novembre dernier.
C’est un peu Koufaxien de se retirer au sommet de sa carrière. Bien que le parallèle avec Koufax soit un peu exagéré, il y a bien des similitudes dans les 2 carrières. Après 12 ans dans les majeures, de nombreux trophées individuels et être devenu le mètre-étalon à son poste en emmenant son équipe à trois titres, tout s’arrête abruptement.
Effectivement, Buster Posey ne souffre pas d’une maladie chronique invalidante à l’instar de Sandy Koufax. Mais il a choisit de se retirer pour se donner plus de temps en famille, comme en 2020, ne jouant pas pour accueillir ses 2 jumelles prématurées adoptées avec sa femme. Et il a surtout choisit d’arrêter un métier qui était en train de le diminuer mentalement, notamment à cause des nombreuses commotions souffertes, la dernière pas plus tard qu’en juillet dernier. Mais aussi physiquement, à cause des collisions au marbre avec les coureurs adverses, collisions qui lui ont notamment laissé la jambe en miettes le 25 mai 2011 et une hanche qui couine par mauvais temps.
A chaque obstacle dans sa carrière, Buster est toujours revenu plus fort.
En 2010, après avoir fini la saison 2009 à San Francisco, puis retrogradé en triple A, il prend la place de starter et devient Rookie de l’année tout en emmenant sa troupe vers le titre.
En 2012, après sa fracture de la jambe subit en mai 2011, il devient le premier catcher en 70 ans à remporter le titre des batteurs en NL (.336), est logiquement élu MVP et guide de nouveau les Giants au titre .
Et pas plus tard qu’en 2021, après ne pas avoir joué en 2020, frappant à .304, avec 18 home-runs et 56 RBIs qui lui valent son 5e et donc, dernier Silver Slugger Award.
Au cours d’une grosse décennie, Buster Posey aura été un jalon de l’ère moderne des Giants, le genre de joueur définissant à lui seul le poste qu’il occupe, à l’instar d’un Yogi Berra, d’un Johnny Bench ou d’un de ses contemporains, Yadier Molina.
Et pourtant, au commencement, Buster n’est pas un catcher.
En effet, le natif de Leesburg, GA a joué un peu partout, et a touché à tous les sports durant sa jeunesse, mais avec une préférence pour le baseball.
En 2004, alors membre de l’équipe U18 américaine, il est le seul pitcher de l’équipe à démarrer 2 matchs des championnats du monde U18 (0-1, 1.23 ERA, 7 strikeouts, 7 walks) et frappe comme backup en 3e base (1-5, 1 run, 1 RBI). Son run et son RBI sont marqué lors du match pour la médaille de bronze. 17 ans et les prémices de la mentalité de gagnant sont semés.
Il excelle comme two-way player lors de ses deux dernières années au lycée de Leesburg (2004-2005), établissant des records d’école en RBI (106), en home-runs (24) et en runs (105), tout en cumulant 22 victoires pour 1 défaites avec 1.30 ERA !
Cerise sur le gâteau, il est élu Georgia Player of The Year (2005) et All-America High School 2nd team (utility man). Men sana in corpore sano, il est diplômé 4e sur 302 élève et rencontre sa future femme lors de cette fameuse senior year. Un scenario digne des meilleures rom-com hollywoodienne pour le gendre idéal qu’est Geral Demp Posey III (Buster est le surnom de son père à l’origine)
C’est donc logique de le retrouver très haut (18e) dans les classements de prospects. Il sera drafté à la 50e place par les LA Angels en 2005, mais ne signera pas, voulant continuer ses études.
Il intègre la Florida State University (FSU) en 2006 et son puissant programme de baseball. Pour résumer le programme baseball, en 70 ans, c’est 29772 v – 1138 d (72.3%), dont 2029 v pour Mike Martin Sr entre 1980 et 2019, record all time chez les coachs universitaires. Et les Seminoles ont sortis des stars du coaching en majeurs à la pelle : Kevin Cash, Tony LaRussa, Bruce Bochy, Dick Howser,…
Le programme de développement de Posey était essentiellement basé sur son potentiel en tant que pitcher et shorstop. Il finit d’ailleurs All American à cette position lors de sa première année avec une moyenne de .346 (65 matchs, 4 home-runs, 48 RBI)
Mais il est rapidement muté en catcher lors de sa deuxième année par Mike Martin Sr et… Jr. Alors que FSU recrute un shortstop en devenir, Martin Sr pense faire glisser Buster en 3e base. Mais Jr, assistant de papa et lui-même ancien infielder devenu catcher, propose la même mutation à Buster :
«Look, you’ve got the arm strength, the bat, the hands, the leadership skills. You don’t run, which will hold you down (as a pro prospect) if you’re a third baseman. »
Et Buster Posey accepte. Un “Sure” net, precis, sans drama, ni négociations. Classique Posey, qui savait aussi qu’avec un catcher de bon niveau offensif, l’équipe serait conquérante en 2007.
La transition se déroule sans accroc, et là où les coachs s’attendent à des difficultés, Buster s’adapte sans effort, mettant une semaine, selon la légende, à être à l’aise.
“I picked it up pretty quick, a week or so. But it was a week of getting the crap beat out of me. Balls in the dirt, and certain pitches blow your hands up. … Once the season started, once I got in the groove of playing every game, I thought there might be something there.”
Buster Posey
Après avoir pris ses marques au poste, Buster commence à intégrer les subtilités et spécialement les appels de lancers. Typiquement, dans le milieu universitaire, les coachs appellent les lancers, les catchers ne servant que de messagers entre eux et le pitchers.
Mike Martin Sr se retrouve en peu de temps à partager les appels avec Buster. Et en 35 ans de coaching, ce n’est que la deuxième fois que cela se produit, la première étant avec Mike Jr, aujourd’hui head coach des Seminoles.
Mais alors comment un joueur peut changer de position si rapidement et si efficacement ? Là encore, les Martins ont la réponse :
Leadership
Martin Sr : “He’s probably the best leader I’ve ever had. He could discipline himself better than the others. He watched his diet. If it was time to get his rest, he’d get his rest. He wouldn’t go out just because everyone else was going out.
He was the most popular guy we ever had here. He was academic player of the year, he set the curve for our players in the classroom. When something needed to be said, he said it. If someone was not hustling, out of the corner of your eye, you’d see him walk over and tell the guy, in a mature and firm way, ‘That’s not the way we play the game.”
Martin Jr. : “Think about getting a 3.9 (GPA) your last semester, knowing you’re about to make five, six million dollars. That just shows you his character. … What he’s done for our program is immeasurable.”
Mike Martin Sr & Jr – FSU coaches
On ne peut pas faire plus dithyrambique, surtout de la part d’un entraîneur qui a vu passer des charettes de joueurs au sein d’un programme de baseball d’élite.
Alors que cela aurait dû être une année de transition, Buster continue d’être dominant, finissant All-American et All-ACC first team avec des stats impressionnantes(.382 de moyenne, 3 home-runs, 65 RBI).
Et après une saison au poste, il finit second au Johnny Bench Award, récompensant le meilleur catcher universitaire. Et pour faire bonne mesure, en plus de disputer tout les matchs en tant que catcher, il est aussi utilisé comme closer, n’hésitant pas à réclamer à jouer à ce poste quand il sent que le pitcher auxquel il envoie les signaux est au bout !
Sa 3e saison, junior year, lui fera passer un palier dans son développement en tant que catcher.
Il remporte quasiment tout les honneurs individuels du pays (Golden Spikes, Dick Howser Award, Johnny Bench Award, Brooks Wallace Awards et Player of the Year par Baseball America, Collegiate Baseball et Rivals.com).
De nouveau All-American first team, il mène le pays dans 6 catégories offensives : moyenne au bâton .463 – hits 119 – RBI 93 – total bases 226 – On Base Percentage .566 – Slugging Percentage .879. Notons qu’il remporte la Triple Couronne dans sa division de l’ACC, ses 26 home-runs aidant.
Il guide tout naturellement les Seminoles vers les College World Series et le titre, et détient toujours le record pour FSU de la meilleure moyenne au bâton en une saison (.463). Il dispute même un match à toutes les positions défensives.
De tout cela, les SF Giants étaient déjà au courant.
Dès 2007, les scouts étaient venus superviser Buster, même Bruce Bochy avait fait le déplacement, en profitant pour revoir son ancien campus. Et, même si la supervision était basée sur les qualités de Posey en tant que shortstop et pitcher, les Martins avaient fait un don incroyable aux Giants en délivrant le potentiel de Buster au poste de catcher.
Si bien que, sans prononcer de mots ou de faire d’interviews, Posey se posa comme la cible n°1 de Bochy à la draft 2008. D’autant que la position de catcher est un peu un point faible de l’organisation, le titulaire du poste, Bengie Molina, étant en fin de carrière et le farm system est pauvre à ce poste.
Considéré comme le meilleur catcher disponible lors de la draft 2008, les Giants le sélectionnent au 5e rang et le signent le 16 août, à la limite de la fenêtre de mise sous contrat des draftés. Mais l’attente valait la peine pour Posey, son contrat est agrémenté d’un bonus de 6,2 millions de dollars, record de l’époque pour un drafté des Giants.
Classé #2 des prospects des Giants en 2009 (derrière Madison Bumgarner), il est invité au Spring Training puis est assigné en Class A advanced, chez les San Jose Giants. La proximité entre San Jose et San Francisco permet à Buster de s’acclimater rapidement à la Californie, en compagnie de sa high school sweetheart, devenu sa femme.
Les performances de Posey à San Jose (80 matchs à .326, 63 runs, 95 hits, 23 doubles, 13 home runs et 58 RBI) le promeuvent au cours de l’été 2019 en triple A, chez les Fresno Grizzlies.
De nouveau leader par l’exemple et les performances en mineurs, Buster à une première chance en Majors suite à la blessure de Bengie Molina, le titulaire chez les Giants (vainqueur des World Series 2002 et frère aîné de Yadler Molina ). Un titulaire vieillissant, dont la batte n’a pas d’impact dans l’alignement. Buster a donc le droit à un appel de fin de saison, produisant 2 hits en 17 passages au marbre.
Dorénavant prospect #1 de l’organisation, Buster est appelé à SF à partir de mai 2010 pour ne plus redescendre en mineures. Mais jusqu’à juin. il apparaît en 1ère base. Son poste de prédilection redevient disponible lorsque Molina est échangé aux Rangers le 30 juin.

Débute alors 12 ans d’une carrière digne du Hall of Fame malgré sa relative courte durée.
Rookie de l’année en 2010. MVP de National League en 2012, en étant leader de la ligue à la moyenne au bâton (.336). Sept fois All-Star. Vainqueur de 3 World Series en 2010, 2012 et 2014.

Entre 2012 et 2018, il obtient en moyenne 165 hits et 33 doubles, à une moyenne de .311, et remporte 5 fois le Silver Slugger Award.
Durant la quasi-totalité de sa carrière, il battit 3 ou 4 dans l’alignement des Giants, avec la même philosophie qu’au lycée ou à la fac : “fastball to the opposite field, pull breaking balls“.
“It’s just so rare to have your best hitter being your catcher, it’s the toughest spot to find offensive help from in the lineup, so it was a huge advantage for us. It’s so much easier to find that offense from other positions.”
Bruce bochy – SF Giants manager 2007-2018
Mais ce n’est pas seulement sa force offensive qui marque sa carrière, ce sont ses excellentes dispositions défensives qui le propulsent dans une catégorie à part. Son pitch framing, souvent sous-estimé, et sa technique d’attrapage sont des modèles de travail et de répétitions inlassables à l’entraînement.
Cette attention aux détails et une éthique de travail irréprochable qui lui permirent de ravir le Gold Glove Award 2016 (remis au meilleur défenseur à chaque poste) à l’octuple tenant du titre Yadier Molina, référence défensive du 21e siècle au poste de catcher.
L’alliance de ces qualités et de son leadership lui permirent de construire des relations de confiance et d’amitiés avec ses pitchers, et ainsi de pouvoir appeler 14 blanchissages (6 de plus que le 2nd de la liste) et 1 match parfait.
Mais surtout, une loyauté sans faille, l’âme de son équipe et son baromètre. Les 3 titres des Giants de 2010, 2012 et 2014 correspondent aux trois années exceptionnelles de statistiques de leur catcher. L’éloge qui lui est faite par Brandon Crawford ne peut pas mieux exprimer l’importance de Buster au sein du club.
“His leadership was there daily in how he prepared for the game, having a game plan for the pitcher he was catching that night — he just developed so much trust with his pitchers. If he felt it was needed, he would call out a player or the team, but would do it in a professional way.”
Bruce bochy
Il existe une règle tacite concernant l’entrée dans le Hall qui veut qu’aucun joueur sous le palier des 2000 hits ne peut y entrer. Il est plus que probable que Buster Posey change cela et redessine un peu plus les contours de l’acceptation des catchers au Hall. Deuxième position la moins représentée avec 16 membres (les 3e bases ne sont que 15), les catchers ont longtemps souffert du manque de production offensive de leurs membres pour bien figurer, malgré des carrières digne de Cooperstown : Jerry Grote, Bill Freehan, Thurman Munson, Joe Mauer ou Jorge Posada en sont des exemples marquants.

Et c’est dans ce contexte que l’on revient à la comparaison avec Koufax. A l’instar du gaucher des Dodgers, Buster aura tiré son équipe vers les sommets, tout en redéfinissant les limites de ses attributions sur le diamant. Une statistique qui montre le niveau élite de Buster Posey ? Son OPS+ en carrière (on base + slugging, ajusté en fonction des ballparks) chez les catcher est le second de tous les temps derrière Mike Piazza.
Ce ne serait pas la première fois que les votants du HoF changent leur vision de l’acceptation d’une catégorie de joueur. Avant Brent Sutter, les lanceurs de relève n’étaient pas du tout en considération pour les honneurs du HoF. Et ce ne serait pas la première fois que Posey fait bouger les lignes au sein des comités de récompenses. En 2019, le Johnny Bench Award récompensant le meilleur catcher universitaire fut renommé le Buster Posey Award, à l’occasion du 20e anniversaire du trophée. Il est considéré comme le plus accompli des joueurs ayant gagné le trophé. Et, malgré toutes ses qualités, Johnny Bench ne joua jamais à l’université.
Le nom de Buster Posey sera sur les bulletins du HoF avant Molina, et après Mauer. Et, pour celui qui sera avec Yadier Molina, certainement le dernier grand catcher de l’histoire avant la strike zone électronique, son nom sera sur une plaque du Hall of Fame.
Pas mal pour un gars qui n’était pas vraiment un catcher…