Sport & Cinéma de Julien et Gérard Camy : « Refuser les films sur le baseball, c’est se priver de quelques-uns des meilleurs films de sport »

Depuis le 18 novembre dernier, les personnes se passionnant pour le sport et/ou le cinéma ont la possibilité de profiter de la deuxième édition de l’encyclopédie unique et fabuleuse de Julien et Gérard Camy, Sport et Cinéma.

Edité une première fois par les éditions du Bailli du Suffren en 2016, l’ouvrage, en rupture de stock, revient dans une nouvelle édition augmentée chez Amphora. Plus de 1500 films, pour 70 disciplines sportives, y sont référencées. Mais plus qu’une simple accumulation de films, d’œuvres cultes ou de véritables nanas, Julien et Gérard Camy, expliquent et contextualisent les liens entre chaque sport et le Septième Art. Ils donnent également la parole aux artistes et aux athlètes, que ce soit, pour nos disciplines, la championne de softball et de baseball Raina Hunter, l’ancien joueur professionnel Fred Hanvi ou le DTN Stephen Lesfargues.

Sans atteindre, en quantité, la production de la boxe ou du football américain, le baseball reste un sujet récurrent du cinéma sportif, produisant quelques-uns des grands films de sport, aujourd’hui cultes, bien au-delà de la sphère d’influence de la petite balle blanche à coutures rouges. Des films emblématiques, dont nous vous parlions l’année dernière, tels que Le Stratège ou Une Équipe Hors du Commun. Il était tout naturel que TSO donne la parole aux auteurs de cette incroyable encyclopédie, tant le baseball et le cinéma ont eu des liens aussi anciens que puissants. C’est Gérard Camy qui a accepté notre invitation à parler baseball et cinéma :

Bonjour Gérard. Deuxième édition de votre encyclopédie sur le cinéma et le sport, chez un nouvel éditeur, Amphora. Avec votre fils Julien, qu’est-ce qui vous a motivé pour cette deuxième édition ?

Au fil des quatre années qui ont suivi la parution de notre livre Sport et Cinéma en 2016, nous avons senti plus qu’un frémissement autour du sport et du cinéma. Et, progressivement, nous avons recensé plus d’une centaine de films sur les cinq continents. Avec les quelques films anciens oubliés ou redécouverts, nous sentions qu’une deuxième édition pouvait voir le jour. Et quand les éditions Amphora nous ont proposé de publier une deuxième édition, nous avons sauté sur l’occasion car les films de sport sortis ces quatre dernières années méritaient de figurer dans un nouveau livre. De nouveaux sports ont aussi été ajoutés comme le Breakdance, le Kite Surf et le Kabbadi qui ont donné lieu à plusieurs films intéressants. Nous souhaitions aussi proposer une deuxième édition qui serait toujours unique au monde. Il n’existe en effet aucun livre aussi exhaustif sur le sujet.

Comment pourriez-vous résumer les relations entre le cinéma et le sport depuis l’apparition du premier ?

Le cinéma et le sport moderne sont nés à peu près à la même période. Quelques mois séparent la première séance publique de cinéma le 28 décembre 1895 à Paris et les premiers Jeux Olympiques de l’ère moderne en avril 1896. Cette naissance presque simultanée a laissé des traces indélébiles dans les rapports que le cinéma entretient avec le sport. A l’orée du 20ème siècle, les frères Lumière puisèrent largement dans le corpus sportif. Le cinéma, comme le sport, est l’art du mouvement. De plus, ce sont les deux spectacles les plus populaires dans le monde et ils ont une place particulière dans la vie des gens, et jouent un rôle social important. Ils avaient donc tout pour faire une longue route ensemble. Les films autour du sport sont très nombreux, sans compter les innombrables séquences de sport dans des films dont ce n’est pas le sujet.

Est-ce que le baseball présente une spécificité vis à vis des autres sports, notamment autour de sa temporalité, du duel lanceur-frappeur ou encore par son lien profond avec l’histoire américaine ?

Le baseball, c’est trop compliqué, et ce n’est pas notre culture… Partant de ce postulat, le public européen, et en particulier français, boude les films sur le baseball. Et pourtant… En y regardant de plus près, les règles du jeu ne sont pas plus difficiles à comprendre que celles de nombreux autres sports collectifs. Bien sûr, les matchs de baseball sont longs, et le rythme dépend exclusivement de la frappe des balles. Lorsque, dans le silence du stade, le choc de la batte contre la balle retentit, que celle-ci s’élève dans les airs, alors tout s’anime, le public vocifère, les défenseurs courent pour l’attraper. Dans la plupart des films sur le baseball, les cinéastes jouent avec le suspense de ces temps forts, maniant l’ellipse avec intelligence, créant ainsi des séquences de jeu spectaculaires. Le film de baseball devient alors souvent passionnant et ne doit plus être simplement compris comme le spectacle de l’Amérique mais comme une aventure universelle.

The Pride of the Yankees, biopic sur la vie de Lou Gehrig avec Gary Cooper jouant The Iron Horse. Le film sort l’année suivant le décès de la légende des Yankees.

Refuser les films sur le baseball, c’est se priver de quelques-uns des meilleurs films de sport. C’est ignorer Prisonnier de la peur (Fear Strikes Out, 1957), de Robert Mulligan, avec Anthony Perkins, l’un des films préférés de Woody Allen. C’est passer à côté du Meilleur (The Natural, 1984), de Barry Levinson, histoire typiquement américaine de douleur et de rédemption au casting de rêve avec Robert Redford, Robert Duvall, Glenn Close, Kim Basinger, Barbara Hershey. Excusez du peu ! C’est dédaigner deux jolies comédies, drôles et enlevées, signées par deux des plus grands réalisateurs de films de sport, Ron Shelton et son Duo à trois [Bull Durham] 1988) et David S. Ward et ses Indians [Major League], 1989). C’est oublier Le Stratège (Moneyball, 2011), un très grand film de Bennett Miller.

Quelles sont vos films préférés de baseball ? Et vos nanars ?

A côté des films que je viens de nommer, j’aime beaucoup Vainqueur du destin (The Pride of the Yankees, 1942) avec Gary Cooper et Babe Ruth, un joueur légendaire. C’est le biopic d’un des prodiges du baseball, Lou Gehrig. Jusqu’au bout du rêve (Field of Dreams, 1989) de Phil Alden Robinson avec Kevin Kostner est aussi un beau film hollywoodien empreint de fantastique naturaliste et de réalisme magique. Enfin, j’ai une tendresse particulière pour Sugar (2008) de Ryan Fleck et Anna Boden sur un joueur dominicain expatrié aux Etats-Unis et pour Baseball Girl (2019) du Coréen Choi Yun-tae. Les cinéastes de ces deux films nous rappellent qu’il existe derrière le sport, une aventure humaine âpre et exaltante.

Côté nanar, les cinéastes japonais sont très forts. J’en citerai deux, Battlefield Baseball (2003) de Yudai Yamaguchi qui montre une équipe de gentils lycéens tenter de gagner un tournoi face à une équipe de méchants zombies. Le scénario est totalement déjanté, inspiré de mangas, des personnages pittoresques ou effrayants, des têtes arrachées, des geysers de sang, des battes tranchantes… Quant à DeadBall (2011) de Yudai Yamaguchi, c’est l’histoire d’un jeune homme qui explose la tête de son père avec une balle de baseball et est incarcéré dans un centre de détention où il est forcé de jouer avec l’équipe locale qui doit vaincre les Black Dahlia, une équipe féminine plus sexy mais aussi féroces que les Zombies de Battlefield Baseball. Au menu :  corps éclatés, torrents d’hémoglobine, tortures improbables, et gags cartoonesques ou scatologiques. Si ça vous dit…

Si on veut faire découvrir et aimer le baseball à un public français, quels films conseilleriez-vous ?

A côté des films déjà cités, j’ajouterai 42 : L’histoire d’une légende (2013) de Brian Helgeland. C’est un film puissant sur Jackie Robinson, le premier joueur noir à intégrer l’équipe des Brooklyn Dodgers en 1947, dans un championnat de baseball interdit aux joueurs de couleur. Harrison Ford et Chadwick Boseman sont excellent dans ce biopic passionnant et réaliste. C’est un magnifique film sur la puissance du baseball pour changer les règles sociales et politiques. Avec son histoire forte et ses beaux moments de jeu, c’est sans doute un des premiers films à voir pour aimer ce sport fantastique.

42 : la réponse à la grande question sur le sens de la vie et de toute chose dans l’Univers…

Merci Gérard d’avoir répondu à nos questions.

Pour aller plus loin : le podcast d’Ecrire Le Sport sur le Baseball et la fiction, notamment le cinéma, comme mise en scène de l’Amérique.


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