Du 8 au 21 mars prochains, se tiendra une compétition très attendue par les fans de baseball du monde entier, la World Baseball Classic. Regroupant les vingt nations les plus fortes du moment, la WBC 2023 promet un crû exceptionnel à la lecture des premiers rosters publiés. Jusqu’à l’ouverture du tournoi, The Strike Out vous propose de découvrir chaque jour l’un des pays participants sous l’angle de l’actualité ou de l’histoire. Interviews, récits historiques, biographies ou présentation de championnats, vibrez baseball international avec TSO. Aujourd’hui, retour aux sources avec le pays où naquit le baseball et son Messie, AG Spalding.
Quand on pense à son nom, on s’imagine tout de suite la marque de fournitures sportives qui porte son nom. Mais pourtant Albert Spalding est bien plus que cela. Il est celui qui a fait passer le baseball dans une autre dimension. D’abord sur le sol américain, avant d’en faire la promotion autour du monde lors d’une fantastique tournée entre 1888 et 1889 avec notamment des arrêts à Paris, en Italie ou encore en Egypte. On peut le dire il est l’un des pères fondateurs du baseball, de la MLB et du baseball international. Retour sur la vie de celui qui a fait du baseball le “national pastime”.
Avant tout ça, Albert Goodwill Spalding est d’abord un amoureux du baseball. Il est né en 1850 dans une famille plutôt aisée en plein cœur de l’Illinois. Malheureusement son père, James, décède lorsqu’il atteint ses 8 ans. Il est alors envoyé chez sa tante, à Rockford, qui possède plus de bonnes écoles et de perspectives d’emplois. Là-bas, Albert s’ennuie et alors qu’il regardait des enfants jouer au baseball, une balle arrive jusqu’à lui. C’est le coup de foudre. Albert va se donner corps et âme pour ce sport et va devenir assez bon pour être repéré par la meilleure équipe amateur de la région, les Rockford Forest Citys.
La star du monticule
Nous sommes en 1867, Albert à 17 ans quand les Chicago Excelsiors lancent un tournoi pour y défier plusieurs équipes dont les Washington Nationals, considérés comme la meilleure équipe de l’époque et les Forest Citys. Dans un premier temps, les Nationals vont atomiser les Excelsiors avec une victoire 49-4. On se dit alors que l’équipe de la capitale ne fera qu’une bouchée de ce tournoi. C’était sans compter sur ce garçon de 17 ans, Albert Spalding et son équipe des Citys qui vont venir à bout des Nationals sur le score de 29-24. Le jeune homme est si performant qu’il est recruté dans la foulée par les Excelsiors. Il n’y restera que quelques temps avant de retourner à Rockford pour travailler et continuer de lancer pour l’équipe de la ville. C’est d’ailleurs avec Rockford que Spalding l’emportera face à la première équipe pro de l’histoire, les Cincinnati Red Stockings.
Le nom de Spalding commence à circuler dans le monde du baseball. Si bien qu’Harry Wright, ancien manager des Red Stockings, le repère et décide de le recruter pour sa nouvelle équipe les Boston Red Stockings. Wright est également à l’origine de la première ligue professionnelle de baseball, la National Association. C’est au sein de cette toute nouvelle ligue que Spalding va exploser. Il sera le leader en victoires lors des 5 saisons d’existence de la ligue. Il affichera un bilan de 206 victoires pour seulement 56 défaites avec notamment une saison, celle de 1874, où il terminera avec 51 succès et apparaîtra dans la totalité des matchs disputés par son équipe. Si les stats sont encore floues, on évoque que durant cette saison 1847, il aurait lancé près de 617 manches. Au final on estime qu’il est responsable de 91% des victoires de l’histoire des Boston Red Stockings.
Le fondateur
Gangrené par les paris d’argent et une mauvaise gestion, la National Association va droit dans le mur. C’est pourquoi lorsque le propriétaire des Chicago White Stockings, William Hulbert, contacte Spalding pour lui parler d’une nouvelle ligue, Spalding saute sur l’occasion. Hulbert veut que Spalgding l’aide à créer et structurer sa nouvelle ligue mais aussi entraîner son équipe des White Stockings. C’est la naissance de la National League que nous connaissons.
En 1876 a donc lieu la première saison de la National League. Et Spalding y a intégré des règles. Les joueurs doivent avoir des contrats, les équipes ne peuvent s’installer que dans des villes de plus de 75 000 personnes,, un calendrier de matchs prédéfini, des prix de tickets uniformes et des arbitres payés. Les équipes initiales étaient Chicago, donc, Cincinnati, Saint-Louis et Louisville. Hulbert, Spalding et les propriétaires de ces équipes iront même à New-York pour y rencontrer des propriétaires d’équipes susceptibles de rejoindre la nouvelle ligue. Et c’est ainsi que New-York, Boston, Philadelphie et Hartford rejoignirent à leur tour la National League.
“Spalding a ainsi participé à la transformation du baseball, d’un jeu de gentlemen à une entreprise et sport professionnel” – Le journaliste Raymond Starr à propos de l’impact de Spalding sur le baseball
Mais Spalding n’a pas fait que fonder une ligue, il fut aussi capitaine, coach et pitcher pour les Chicago White Stockings (les Chicago Cubs que nous connaissons actuellement). Il mena l’équipe au premier titre de National league en 1876 avec au passage 47 victoires en poche pour lui sur le monticule. Cependant l’impact de Spalding ne s’arrête pas là. En 1877, il est aussi l’un des premiers à utiliser de façon récurrente un outil qui deviendra indispensable, le gant de baseball. Et comme c’était le joueur le plus dominant et plus influent de l’époque, la majorité des autres joueurs vont finir par l’imiter.
Ça tombe bien depuis un an, en compagnie de son frère Walter, il a ouvert une entreprise de fournitures sportives qui va connaître une expansion folle. En effet dès 1901, l’entreprise comptera déjà 14 magasins. Étant pourtant au sommet de son art, Spalding décide de mettre un terme à sa carrière en 1878 à l’âge de 27 ans. A ce jour, il détient toujours le plus haut pourcentage de victoire pour un lanceur avec .796.
Après sa retraite, Spalding ne va pas tourner le dos au baseball, bien au contraire. Il deviendra secrétaire des White Stockings avant de devenir le président à la mort d’Hulbert en 1882. Et il aura autant de réussite en tant que patron que joueur. En effet sous sa houlette l’équipe de Chicago remportera la NL en 1880, 1881, 1882, 1885 et 1886. Pendant ce temps, il eut également une autre idée qui est toujours d’actualité aujourd’hui : celle du Spring Training. Lui et son joueur/manager, la légende Cap Hanson se sont dits que ce changement d’air pouvait faire du bien aux joueurs avant la saison. Ils se rendent donc à Hot Springs dans l’Arkansas afin d’y monter des infrastructures et un terrain qui deviendra le Hot Springs baseball grounds.
The Tour

Mais l’imaginaire de Spalding et ses idées pour le baseball continuent de fleurir dans son esprit. Tout en gardant évidemment l’esprit entrepreneurial made in USA. Il décide donc de monter une tournée afin de promouvoir le baseball aux Etats-Unis et dans le Monde. Et par la même occasion tenter de vendre ses produits sportifs. Spalding sponsorisera la tournée qui fera étape dans l’Ouest Américain puis à Hawaï, avant de se diriger vers le reste de la planète. Pour cette tournée il emmènera avec lui deux équipes : ses Chicago White Stockings avec notamment le futur hall of Famer, Cap Anson, et une sélection de joueurs des autres équipes de la NL, portée par le futur, lui aussi, hall of Famer, John M. Ward.
Après cette escale hawaïenne, la troupe reprend son chemin et passe par Auckland puis l’Australie. En février, ils arrivent en Egypte, où ils disputeront un match sous les Pyramides. Ensuite c’est au tour de l’Europe avec d’abord l’Italie (Naples puis Rome dont on a parlé dans notre papier sur l’Italie à retrouver en cliquant ici). Puis c’est Paris qui a la chance de pouvoir admirer du baseball avec le premier match officiel en France, le 8 mars 1889, non loin de la Tour Eiffel. Ils rejoignent enfin la Grande-Bretagne pour une tournée entre Londres, Glasgow, Dublin et Belfast. Au total, c’est 28 rencontres qui sont disputées entre les deux équipes aux quatre coins du monde pour un bilan de 14 victoires pour la All Americas et 11 pour les White Stockings et 3 matchs nuls. Cette tournée aura eu le but escompté puisque le baseball s’installera définitivement dans les régions traversées.
L’entrée au panthéon
Figure emblématique de la NL, il a un impact capital sur la ligue et les joueurs. Mais il reste également un homme d’affaires. Ainsi d’un côté il se bat pour éviter l’alcoolisme dans les équipes et d’un autre il fait tout pour garder les salaires au plus bas et fait de la National League, une entreprise gérée par un seul homme. C’est aussi ça l’ambiguïté de Spalding. Et il fut loin d’être réglo concernant l’inclusion des joueurs afro-américains, participant à l’exclusion des premiers joueurs noirs des Ligues Majeures et la mise en place de la Color Line, qui durera jusqu’en 1945 et la signature de Jackie Robinson par les Dodgers.
A son retour aux Etats-Unis. Spalding est fatigué du baseball et commence à tenter de s’en éloigner. En 1892, il confiera les rênes de ses White Stockings avant de démissionner de son poste de président de la NL en 1902, suite à une dispute judiciaire face à son adversaire pour le poste. Il quitte Chicago pour aller s’installer à San Diego pour y vivre des jours paisibles. Néanmoins, il fera une dernière chose pour le baseball. En 1905, l’un des autres pères fondateurs du baseball, Henry Chadwick, écrit dans un article que le baseball est le fruit d’un mélange entre le Cricket anglais et le rounders. Spalding est totalement contre cette idée, décide de créer une commission avant de revenir sur les origines du sport. Il y aura un appel populaire avant de répertorier toutes informations permettant de remonter aux sources.
Mais la commission ne sera pas impartiale puisque Spalding voulait absolument faire du baseball un sport américain comme il l’écrivit au journaliste Tim Murnane “Notre bon vieux baseball américain doit se trouver un père américain.” Ainsi dès lors que l’organisation reçu une lettre allant dans son sens elle se prononça, même si cette lettre n’est à l’heure actuelle toujours pas authentifié. Peu importe, ce qu’on appellera la Mills Commission rendit son verdict : “Le baseball tire ses origines des Etats-Unis. La première forme de baseball connu a été dessiné et mis en place par Abner Doubleday à Cooperstown, New-York. ” Cooperstown qui est désormais l’antre du Hall of Fame et qui vit Spalding y entrer dès la première année de sa création en 1939.
Spalding décède le 9 septembre 1915 en laissant derrière lui un empire financier, mais surtout un héritage, le baseball comme on le connaît de nos jours.
Sources :
Spalding, Albert G. America’s National Game (New York: American Sports, 1911
Levine, Peter. A.G. Spalding and the Rise of Baseball, the Promise of American Sport (New York and Oxford: Oxford University Press, 1985
Une réflexion sur “WBC 2023 – USA : Albert Spalding, le père fondateur du baseball”