Du 8 au 21 mars prochains, se tiendra une compétition très attendue par les fans de baseball du monde entier, la World Baseball Classic. Regroupant les vingt nations les plus fortes du moment, la WBC 2023 promet un crû exceptionnel à la lecture des premiers rosters publiés. Jusqu’à l’ouverture du tournoi, The Strike Out vous propose de découvrir chaque jour l’un des pays participants sous l’angle de l’actualité ou de l’histoire. Interviews, récits historiques, biographies ou présentation de championnats, vibrez baseball international avec TSO. Aujourd’hui, partez aux Pays-Bas à la découverte d’un grand nom du baseball néerlandais et de la MLB.
La WBC ’23 débute bientôt et au lieu de vous présenter de façon rébarbative l’un de 2 pays européens ayant une ligue professionnelle de baseball, j’ai plutôt choisi un de ses ressortissants, qui a été coach pour les néerlandais lors du WBC ’09, ’13 et ’17.

Moins populaire que Johan Cruyff, moins artiste que Van Gogh (mais avec ses 2 oreilles), il a tout de même déchainé les passions à Minneapolis dans les 70’s, à l’image de ses compatriotes les frères Van Halen. Mais de qui parle-t-on ? Et bien de Rik Aalbert Blyleven. Bert pour les intimes.
De Zeist à la Californie
Un joueur longtemps snobé par un comité d’élection au Hall Of Fame vieillissant, et sauvé par l’avènement des sabermetics. Un joueur longtemps snobé aussi pour son caractère, disons, brut de décoffrage.
Jamais le dernier pour la blague, il n’avait pas la langue dans sa poche avec ses coachs, propriétaires et les journalistes. Têtu et franc du collier, il véhiculait parfaitement les clichés qui circulent sur les Néerlandais en Amérique du Nord. Une tête de lard.
Ces “entêtement et détermination”, il les a hérités de ses parents, Johannes Cornelius and Jannigje Blijleven, qui se sont mariés sous l’occupation nazie des Pays-Bas. 3 ans après la naissance de Bert, le 6 avril 1951 (à Zeist, d’où son caractère acide), ils décident de quitter le Vieux Continent pour l’Amérique du Nord et Saskatoon au Canada. En 1957, ils atterrissent à Garden Grove, en Californie, et s’y fixent pour y élever leurs 4 filles et 3 fils.

Sous la douce torpeur californienne, Johannes devient fan de l’American Pastime, et plus précisément des Dodgers, bercé par la voix de Vin Scully à la radio. Le jeune Bert se passionne aussi pour le jeu et commence à arpenter les diamants dès son plus jeune âge.
Rapidement, il passe de catcher à pitcher, ses éducateurs étant impressionnés par la puissance de ses lancers. Aussitôt sa conversion effectuée, son père construit un monticule dans le jardin pour que son fils puisse s’entrainer sous sa houlette.
Un talent inné
Les parents de Bert sont de grand support dans son développement, étant présents régulièrement lors des matchs, donnant de la voix contre les arbitres, et prodiguant des entrainements particuliers à la maison. Son père, bien au courant des problèmes d’arthrose chronique de Sandy Koufax, interdit à Bert de lancer des curveballs jusqu’à l’âge de 14 ans !
Le grand échalas (1m90) qu’est devenu Bert au lycée attire rapidement les scouts de MLB. Lors de sa seconde année, il lance 2 no-hitters et un match à 21 strikeouts pour son lycée de Garden Grove. En 1969. lors de sa dernière année, il obtient les honneurs All America et participe à divers tournois pour promouvoir son talent auprès des scouts.
Les Minnesota Twins le sélectionnent au 55e rang de la draft amateur de 1970, Jesse Flores, le scout des Twins, venant à domicile pour signer le jeune Bert, et promettant à ses parents qu’il sera en Major dans les 2 ans.
Sa prédiction s’avérera trop longue d’un an. Juste quelques semaines après son diplôme, il commence sa carrière de 24 ans dans le baseball professionnel en survolant ses départs pour les équipes affiliés de Minnesota dans la Rookie Gulf Coast League, et remportant ses 5 départs pour les Orlando Twins en Class A Florida League. Il dépasse les espoirs placés en lui en finissant 7-0 et à 1.50 ERA dans la Florida Instructionnal League, et est élu All-Star par les scouts et managers.
“Get him out of there. If I see anymore, I’ll fall in love.”
Bill Rigney, Minnesota Twins manager lors du Spring Training ’70
C’est donc à 18 ans qu’il entame le Spring Training 1970 des Minnesota Twins en tant qu’invité hors roster. Ayant besoin d’un peu plus d’expérience que ses maigres 25 départs en pro (tous la saison précédente), il est assigné en AAA aux Evansville (Ind.) Triplets. Un assignement qui ne durera que 7 départs, dont un blanchissage – match complet de 10 manches avec 17 strikeouts.
En effet, fin mai 1970, Luis Tiant, alors à 6-0, se fracture l’épaule. Bert est promu dans la rotation des Twins. Il a tout juste 19 ans.
“With his live fastball and marvellous coordination, he reminds me of Herb Score”
Early Wynn, Twins scout, membre du Hall of Fame et du club des 300 victoires en MLB.
Bert débute le 7 juin 1970 au RFK Stadium de Washington D.C. face aux Senators. Plus jeune joueur des Majors, et premier Néerlandais a y disputer un match, il concède un home-run face au premier batteur qu’il affronte, mais se reprend pour n’accorder que 5 hits au cours de la partie et emporter la victoire 2-1.
“His curveball is…well, fantastic”
Georges “The Baron” Mitterwald, Twins catcher

Constant dans la rotation pour les champions de l’AL West, il finit la saison 10-9, devient seulement le 25e teenager avec plus de 10 victoires en saison et établit un nouveau record de strikeouts en match pour un rookie des Twins (12 face aux Brewers le 4 août). Il finit la saison avec 3.18 ERA en 164 manches et se voit nommé AL Rookie Pitcher of The Year par Sporting News.
Entrée dans une nouvelle dimension
Pressenti pour débuter l’ALCS face aux Orioles, il n’est finalement pas retenu par Rigney. Il entre en jeu lors du match 3 en relève d’un Jim Kaat dépassé, et encaisse deux nouveaux runs pour une défaite qui sort les Twins des playoffs.
Essentiellement un pitcher à deux lancers (fastball et curve), Bert arrive au Spring Training ’71 avec l’intention d’ajouter un 3e lancer à son répertoire. Il ajoute une changeup qui a des effets immédiats sur son jeu, blanchissant Milwaukee et Kansa City lors de ses 2 premiers départs de la saison. Autre changement notable, il a pris du poids, 10 kg de masse pour culminer à 100 kg en plus de son 1m90.
“I’m holding the ball differently and it’s moving in on the hitters. When I throw the fastball I hold the ball the same way I do on a changeup.”
Bert Blyleven suite au blanchissage des Brewers le 4 avril 1971
Durant cette saison 1971, au sein d’une rotation 11e sur 12 en ERA (3.81) dans l’American League, Bert tire son épingle du jeu (2.81), en étant plus performant que les vieillissants Jim Perry et Jim Kaat. Et bien que son record soit de 10-15, 12 de ces défaites lui incombent quand son run support est inférieur à 3 par matchs. Et cela alors que le lineup est un des meilleurs offensivement en AL (Killebrew, Carew, Olive, Tovar, Nettles), ce qui vaut à Bert une réputation de perdant malchanceux, réputation qui lui collera à la peau tout au long de sa carrière, à son grand désappointement.
Le point d’orgue de cette année 1971 sera finalement son mariage avec Patricia Ann Whitehead. une union qui donnera 4 enfants au couple, dont un, Todd, qui aura une courte carrière dans les Minors.
1972 commence sur les chapeaux de roues pour Bert, avec 4 victoires de rang pour mener à un nouveau record de franchise de 10 victoires consécutives. Mais après un mois de compétition, les Twins plongent au classement et les défaites s’enchaînent. Bert perd 12 de ses 15 départs pour un record de 10-15 mi-août. Les arrivées d’un nouveau manager et d’un nouveau pitching coach lui permettent d’inverser la tendance à force de travail, et il finit la saison à 17-17, avec un bon 2.73 ERA en 288 manches disputées (pas de “workload management” à l’époque).
Le précurseur
Devenu l’ace de la rotation, Bert vit un début de saison 1973 difficile, perdant 6 de ses 8 premiers départs, avec un ERA au-délà de 4.00. Il a de nouveau des problèmes avec sa mécanique de lancer, relâchant la balle trop tôt dans son mouvement. A l’aide de la vidéo, ce qui est innovant et moderne pour l’époque, il modifie donc sa technique. Pour des résultats dramatiquement meilleurs.
Il remporte 10 de ses 14 départs suivants ses modifications. Au cours de sa période de domination la plus importante de sa carrière, il poste un ERA de 1.48 en 121 manches. 7 de ses victoires sont des blanchissages, dont un de ses 5 one-hitters. Cette frénésie de blanchissages propulse le grand échalas, son high-kick et sa langue pendue, sous les projecteurs nationaux.
“He is the best curveball pitcher I’ve ever seen”
Orlando Cepeda, DH chez les Red Sox en 1971, et qui a affronté Sandy “Curvemaster” Koufax de nombreuses fois avec les Giants.

C’est donc une saison record pour un pitcher des Twins qu’établit Bert, avec le plus grand nombre de shutout en saison (9 – meilleur en MLB), plus grand nombre de match complet (25 !), plus grand nombre de manches lancées (325 !!) et plus grand nombre de strikeouts (258), tout en remportant 20 victoires avec un ERA de 2.52.
Malgré cela, il ne finit que 7e au Cy Young, les votants restant bloqués sur ses 17 défaites et la troisième place hors playoffs des Twins. Bien que snobés par les journalistes, et à cause d’un support inférieur à 3 runs lors de 16 de ses défaites, ses collègues pitchers encensent Blyleven.
“The best pitcher in the league is Bert Blyleven, he’s got the best stuff.”
Catfish Hunter, tout juste double champion avec les A’s, à Associated Press en décembre 1973.
Selon un critère actuel, le WAR, celui de Blyleven en 1973, qui était de 9.3, le mettait largement en tête pour le Cy Young, et même pour le MVP. Il n’aura que sa sélection au All-Star game comme accomplissement pour cette saison.
Gonflé à bloc à la sortie de la saison 1973, Bert s’en va demander un doublement de son salaire au propriétaire des Twins, Calvin Griffith. Calvin a comme philosophie de ne pas dépenser ce que la franchise n’a pas, en plus d’être le dernier propriétaire en MLB à tirer ses revenus de l’équipe.
Le Hollandais teigneux
Bien qu’ayant obtenu une augmentation, les relations de Bert avec le front office étaient en chute libre. Et le déroulement de la saison 1974, avec les Twins finissant dernier de division, n’arrangèrent pas les choses. Divisant équitablement ses départs (17-17) avec un ERA de 2.66, Bert s’en sort bien, jouant avec un dos capricieux et le front office sur ses talons. Calvin Griffith refuse une offre des Royals pour acheter Bert en fin de saison, et c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase.
La saison 1975 commence comme a fini la précédente, avec un bon coup de pied dans les parties de Bert. Il perd son arbitration salariale, et se blesse à l’épaule. A son retour en juin, il est toujours dominateur et bat le record de shutouts (24) de Jim Kaat pour les Twins (en 5 saisons, contre 15 pour Kaat). Cependant, sa bonne saison (15-10, ERA 3.00, 233 strikeouts, 20 matchs complets) est à peine remarquée au niveau national, ne recevant pas de vote au Cy Young, et son image de joueur “énigmatique” grandissante dans les médias.
La frustration à son comble, Bert demande à être échangé fin 1975. Il n’en peut plus de jouer pour une équipe de fond de tableau, avec un nouveau manager qui ne l’apprécie pas, sans run support et ayant perdu la confiance de son propriétaire qui refuse de l’échanger. Griffith fait parti de la vieille garde des propriétaires qui sont bouleversés par les changements économiques et sociétaux que vivent la MLB et les USA. La première convention collective date de 1968, et Messerschmidt/McNally créant la free agency en 1975.
Bert décide donc de ne pas signer de contrat en 1976 pour ne pas activer la clause de réserve et être free agent à la fin de la saison. Les fuites dans la presse l’érigent immédiatement en vilain de l’histoire, les fans des Twins le huent et chantent “Bye, Bye, Bertie”. Son bail de 7 ans au sein des Twins va donc se terminer acrimonieusement, le 31 mai 1976, au terme d’un match complet perdu face au Angels, saluant la foule d’un seul doigt.
“I couldn’t care less about the fans”
Bert Blylevent en conf d’après match
C’est le déclencheur pour les Twins qui l’échangent dès le lendemain aux Rangers contre une poignée de journeymen.
Désormais au Texas, le fougueux Bert commence sa carrière avec les Rangers en juin 1976, et plutôt mal. Il accorde 14 runs pour 19 hits en 15 manches. Les journaux ne tardent pas à fustiger le trade qui a amené un lanceur sans contrat pour la saison prochaine dans le Texas. Faisant la sourde oreille aux critiques, Bert bosse avec le pitching coach des Rangers pour améliorer son jeu, et ajoute une sinker à son répertoire.
Il récolte sa première victoire en tant que Ranger le 21 juin, atteignant le plateau des 100 victoires en carrière, sur un one-hit shutout 1-0 des Athletics.
De nouveau, en fin de saison, son record de 13-16 fait de l’ombre à des statistiques remarquables pour un lanceur : 2.87 ERA en 298 manches lancées et 219 strikeouts !

Le retour au jeu en 1977 est chaotique, sa saison est marquée par les blessures et le 06 septembre, il prend une fessée qui semble conclure sa saison. Malgré cela, il retourne sur le monticule le 22 septembre, pour y lancer ce qui sera son unique no-hitter (7 strikeouts, 1 walk, 28 batteurs affrontés) face aux Angels au Anaheim Stadium, à un jet de pierre de sa maison d’enfance.
“I wasn’t coming out, even if I had to throw it underhanded.”
Bert Blyleven après son no-hitter, alors que sa blessure à l’aine se réveillait en première manche
Finissant la saison dans ses standards (14-12, 2.72 ERA en 234 manches), Il obtient un contrat de 6 ans avec les Rangers le 08 novembre. Un mois plus tard, il est échangé aux Pirates dans le cadre d’un mega-trade entre 3 équipes (Rangers, Mets et Pirates), incluant 11 joueurs.
Le Pit Stop
Le manager des Pirates, Chuck Tanner, est un adepte de l’utilisation du bullpen. Il est réputé pour avoir peu de patience avec ses starters. Cela, plus la frustration de ne pas avoir été envoyé dans une équipe de Californie du Sud, ne met pas Bert dans les meilleures conditions en arrivant au Riverside Stadium. Les fans de Pittsburgh sont sceptiques, d’autant qu’ils ont perdu leur légende Al Oliver aux Rangers dans ce trade.
“I really don’t care where I play, I’ll pitch for Bert Blyleven and do the best I can.”
Bert Blyleven à son arrivée aux Pirates. Un discours pour se mettre les fans dans la poche.
Malgré cela, Tanner est optimiste et relève les qualités de lanceur de Blyleven : “Il est capable de gagner 25 matchs!”

Avec le recul, ces 3 ans à Pittsburgh sont décevantes pour Bert, et placé sous le signe de la tension permanente avec Chuck Tanner. Des douleurs permanentes dans l’épaule n’affectent pas son efficacité en 1978 (3.03 ERA, 14-10) mais le gènent constamment.
Début 1979, sa saison débute de manière catastrophique, ne remportant aucun de ses 9 premiers départs avec un ERA de 5.17. Son épaule nécessite des injections de cortisone régulière et cette période est décrite par Bert lui-même comme la plus frustrante de sa carrière.
Alors que les Pittsburgh “We are Family” Pirates forment l’une des équipes les plus soudées de l’histoire de la ligue (Stargell, Parker, Tekulve,…) et écrasent la NL East, Blyleven y est décrit comme “mystérieux” et “plus intéressé par ses stats que les succès de l’équipe”.
Le changement de tactique qui s’opère à la fin des 70’s est compliqué à appréhender pour beaucoup de lanceurs de la vieille école, comme l’est Blyleven. La montée en puissance des lanceurs de relève réduit le nombre de manches lancées par les starters. Or ceux-ci ne sentent pas la nécessité de laisser la balle, eux qui ont l’habitude de lancer près de 280-290 manches dans la saison (30 matches complets !)
“It’s tough pitching for Tanner,[He] goes to the bullpen so often. … I’m a competitor. I don’t like to be taken out of the game.”
Bert Blyleven, à la fin de la saison régulière 1979, 37 départs, 12-5, 20 no decisions, 4 matchs complets.
La série de NLCS donne l’occasion à Bert de tordre le cou à sa réputation de “loser” dans les grandes occasions. Il obtient le départ au Three Rivers Stadium, pour clôturer la série face aux Reds, après que les Pirates aient remportés les 2 premiers matchs à Cincinnati. Et Blyleven ne se rate pas au cours d’un match complet, limitant à 8 hits la Big Red Machine lors d’une victoire 7-1. Les Pirates sont en World Series face aux Orioles.
A la traîne après la victoire des O’s dans le match 1, Blyleven démarre le match 2. Laissant 5 hits et 2 runs en route, c’est un no-decision pour lui mais une victoire de Pittsburgh.
Ironie du sort, le match le plus important de sa carrière est le match 5 de la série… dans lequel il entre en relève ! Baltimore a remporté les matchs 3-4 et mène 1-0 en 6e. Ils sont à 3 manches du titre quand Bert remplace Jim Rooker. Les 4 manches suivantes verront notre bougon Hollandais blanchir ses adversaires, n’allouant que 3 hits, alors que dans le même temps,Madlock et Foli mènent l’attaque de Pittsburgh qui score 7 runs.
Pop Stargell et ses “fils” s’en iront remporter les matchs 6 et 7 pour amener le titre en Pennsylvanie.

Après cette relative accalmie dans les relations de Bert et Chuck Tanner, le point bas est atteint en début de saison 1980 quand Blyleven quitte les Pirates après avoir été sorti du match contre Montréal le 29 avril, au cours d’une 6e manche 2in/2out hasardeuse.
Un paria chez les champions
Blyleven retourne en Californie et demande à être échangé
“It wasn’t a snap decision, I’ve been thinking about it for more than a year.”
“I may seem strange, but for the first time in a long, long time, I feel happy.”
Bert Blyleven, le 01 et 02 mai pour la Pittsburgh Post-Gazette
Et bien que Bert soit vilipendé par les fans, vociférants contre “ces millionnaires pourris gâtés qui représentent tout ce qui va mal dans le baseball et ses salaires toujours plus importants”, ses co-équipiers sont sous le choc, comprenant mal sa décision.
Malgré sa réintégration dans l’équipe à la mi-mai, le mal est fait. Paria dans le clubhouse, hué par les fans, il en prend plein la tête dans les médias. Ce traitement marginal provoque chez Bert une réaction qui l’est tout autant, se murant dans un silence total envers les reporters, ne répondant plus aux interviews.
Blyleven (8-13, 3.82 ERA en 32 départs en 1980) finit par être échangé le 9 décembre 1980, en compagnie de Manny Sanguillen, aux Cleveland Indians, contre 4 joueurs sans futur.
Blyleven est une addition plus que bénéfique au pitching staff des Indians, qui vient de finir dernier de la Ligue en ERA moyenne (4.68). Le maintenant trentenaire enchaîne 5 matchs complets après sa défaite inaugurale lors de l’Opening Day, pour un record de 7-4 et 2.83 ERA. Interviennent alors 2 mois de grève des joueurs, et la reprise en août, sur les mêmes bases pour Bert. Son manager à Cleveland, Dave Garcia, n’a que des louanges pour Bert, et la confiance qui lui est témoignée se ressent dans ses performances, finissant la saison 11-7, 2.88 ERA en 160 manches, sa saison étant écourtée par une tendinite au coude.
Sa renaissance ne fait pourtant pas de vagues en dehors du petit marché de Cleveland, et Rollie Fingers gagne le Cy Young l’année de son arrivée à Milwaukee. A l’instar de 1973, les statistiques modernes, et notamment son WAR (qui est de 5.6), mettent Bert bien en avant pour le Cy Young pour lequel il ne reçoit aucun votes lors de cette saison 1981.

Après avoir manqué le Spring Training 1982, sa carrière semble sur la fin après 4 matchs, se faisant les croisés, mais dans le coude. Sa saison est finie et beaucoup à Cleveland se demandent si Bert sera capable de lancer à nouveau un jour. Son retour en 1983 se compliquant avec une fracture du coude gauche, Bert, à force de perséverance, parvient à revenir et lancer régulièrement en 1983, mais rien de bien spectaculaire. Sa deuxième partie de saison sera intermittente, atterrissant souvent sur la DL, et n’augurant rien de bon pour le reste de sa carrière.
Tel le phoenix
De nouveau, persévérance et ténacité vont permettre à Bert de trouver un second souffle dans sa carrière. En 1984, bien qu’ayant manqué 4 semaines de la saison, il finit 19-7, 2.87 ERA en 245 manches pour des Indians au fond du classement. Il s’appuie beaucoup plus sur ses lancers secondaires pour maximiser sa fastball et finit 3e au Cy Young.
“I think all the injuries in the last two years have forced me to become a better pitcher.”
Bert Blyleven, Des Moines Register 11 septembre 1984
I get enjoyment from striking out a guy and making him look bad. I’ve always been a strikeout pitcher. It’s the best way to get rid of the hitter. If he doesn’t make contact, there can be no chance for a mistake.”
Bert Blyleven, Arizona Republic, 10 avril 1984
Mais de nouveau, après 5 départs en 1985, Blyleven est au comble de la frustration. déçu de ne pas avoir été échangé malgré ses demandes depuis un an. Son ERA est au-dessus de 5.00 et le couvercle saute quand il réitère son one-finger salute au public de Baltimore après avoir laissé passer 3 home-runs, le 28 avril.

Après s’être fait réprimander par le président de l’AL, Bert se lance dans 3 blanchissages en 6 matchs, puis entame une série de 10 matchs complets entre le 06 juin et le 24 juillet. Elu pour la deuxième fois au All-Star Game, il reçoit un accueil chaleureux du Metrodome de Minneapolis, plein à craquer.
Le retour à Twin City
Placé au ballotage à la limite des échanges, il est récupéré par…les Minnesota Twins le 01 août. La transition est facile pour Bert, 34 ans, qui fournit 14 départs aux Twins (8-5). Une 3e place au Cy Young, malgré que Blyleven soit leader de l’AL en shutout (5), en strikeouts (206) et leader de MLB en complete games (24) et manches disputées (294), chiffres qui n’ont pas été atteint depuis dans les Majeurs.
La renaissance de Bert se poursuit en 1986, pour sa première saison complète depuis son retour dans le Minnesota. Le 01 août, il lance un 2-hitter, face aux A’s, éliminant 15 lanceurs sur strikeouts, pour devenir le 10e membre du club des 3000 strikeouts. Un autre plateau est atteint par Bert en 1986, bien que moins brillant. Il concède 50 home runs, battant le record de Robin Roberts (Phillies) en 1956. 31 de ces home runs sont concédés au Metrodome de Minneapolis, alors surnommé “Thunderdome” (même si Mad Max n’y pitchera jamais 🙂
“I don’t like this ballpark, I’m a fastball pitcher and the ball carries here.”
Bert Blyleven, le 01 octobre 1986, après avoir concédé son 47e home runs de la saison, battant le “record” de Roberts
Malgré ce point noir, il finit la saison à 17-14, 4.01 ERA tout cela en 272 manches et en pleine forme, prêt pour une saison 1987 qui va s’avérer mémorable.

Menés par une jeune garde au bâton (Pucket, Hrbek, Gaetti,…) les Twins marchent sur l’AL West en 1987 avec un Bert dans ses standards de la précédente saison (15-12, 4.01ERA, 267 manches). La postseason lui donne l’occasion de définitivement enterrer sa réputation de chat noir. Lors de l’ALCS face aux favoris Detroit Tigers, il remporte 2 matchs, dont le décisif match 5, au Tiger Stadium.
Les World Series face aux Cardinals commencent par 2 victoires à domicile pour les Twins, dont le match 2 pour Bert.
“When you put fifty-five thousand screaming people in here, it’s something, the best thing to do is just not think.”
Bert Blyleven après le match 2, qui est le deuxième match le plus bruyant de l’histoire des World Series, après le match 1 de cette même année (110 dB).
Bien qu’il perde le match 5 au Busch Stadium, les Twins remportent les matchs 6 et 7 et les World Series, premier titre majeur dans le Minnesota depuis les Minneapolis Lakers en 1954. Au passage, c’est la seule série de World Series de l’histoire au cours de laquelle les équipes à domicile gagnant leurs matchs, aucune “bottom 9 inning” ne sera disputée.

Après une suspicieuse année 1988, auréolée de 2 records peu enviables ( défaites – 17 égalité avec Tom Glavine, plus mauvais ERA parmi les starters 5.45), la fin de la belle aventure avec le Minnesota s’achève. Il est échangé aux Angels d’Anaheim. Le rêve d’une carrière de 20 ans en Majeurs devient réalité, il peut enfin pitcher pour une équipe en Californie, cerise sur le gâteau, celle dont il allait voir les matchs adolescent.
Enfin le retour au bercail
Le moral au beau fixe, Bert gratifie le monde du baseball d’une saison 1989 exceptionnelle, finissant 4e au Cy Young avec un record de 17-5 pour 2.73 ERA en 243 manches. Son dernier départ de la saison est son 5e shutout de la saison, son 60e en carrière. Cette saison est aussi celle qui le voit avec son plus bas taux de walk/9 innnings (1.6).

Entre 1990 et 1992, Bert navigue entre la rotation des Angels et l’infirmerie, se faisant opérer 2 fois de la coiffe des rotateurs de l’épaule. Free agent en 1992 et à seulement 13 victoires du club des 300, il signe un dernier contrat à bonus pour 1993, mais échoue à entrer dans le roster des Angels pour l’Opening Day. Il décide alors de tirer la prise et annonce sa retraite dans la foulée.
Chose étonnante, surtout apparue après sa retraite, il a longtemps été considéré par ses coéquipiers comme l’un des meilleurs blagueurs des vestiaires. Sa spécialité ? Le “hot foot”, craquer des allumettes pour enflammer les pieds de ses équipiers. Ce qui lui vaut le surnom de “Frying Dutchman”.

Son nom reste synonyme de Minnesota Twins, où il revient après sa carrière pour devenir commentateur. Un style au micro qui ressemble beaucoup à ce qu’il est sur le terrain, précis dans les analyses, gentiment provocateur et polémique, et d’un soutien indéfectible pour ses Twins.
Il reste aussi synonyme d’excellence malgré son relatif anonymat, étant par exemple le 12e lanceur de l’histoire en WAR (96.1), et le 6e hors Deadball area. Le 9e lanceur en shutout (60), 14e en manches lancées (4970), 5e en strikeouts (3701), le 11e en matchs débutés (685).
Il est élu au Hall of Fame en 2011, 14 ans après son apparition dans la liste, et un an avant son élimination. Entêtement et détermination

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