Kumar, l’esprit du Sud dans l’ADN

Après être revenu sur son compère il y quelques jours, il est temps de revenir sur le “Rock” (vous pouvez me pardonner celle-ci) de Vanderbilt, d’ores et déjà dans la légende des Commodores de Vanderbilt, l’impressionnant Kumar Rocker. Si lui aussi est petit à petit réévalué par les scouts après avoir tutoyé les sommets des prévisions, et si nul ne sait ce que sera sa carrière professionnelle, revenons ensemble sur ce joueur solide, héritier malgré lui des traditions d’un état connu du Sud, lorsque l’on parle baseball, l’Alabama.

Vanderbilt pitcher Kumar Rocker (80) takes the field as he is introduced before the game against South Alabama at Hawkins Field Tuesday, Feb. 18, 2020 in Nashville, Tenn. Nas Vandy Baseball Home Opener 027

Le nouveau produit du Sud

De gauche à droite: Early Wynn, Satchel Paige, Hank Aaron, Willie Mays, Ozzie Smith

Lorsque l’on évoque cet Etat, des noms fusent dans nos têtes sans même réfléchir: Satchel Paige, Willie Mays, Hank Aaron ou encore Ozzie Smith, ces phénomènes issus de Bama. Né à Montgomery, la même année que s’est éteint Early Wynn, une autre légende de l’Etat, Kumar est un enfant du destin. J’en fais un peu trop, il est vrai, mais rien n’indiquait que Lalitha, sa maman, originaire d’Inde et Tracy, son papa, footballeur émérite, reconnu dans la grande famille du football par sa longévité dans le coaching et ancien professionnel, puissent un jour se rencontrer. Cette rencontre, qualifiable de fortuite, entre l’étudiante de l’université de Maryland et l’éphémère joueur des Washington Redskins, donna naissance à un phénomène physique, fils unique et inspiré par l’état d’esprit de Mr Rocker. Cet état d’esprit fut initié par le père donc, légende de l’université d’Auburn, ayant été un défensive tackle de renom, et cultivé par le fils, qui décida assez vite de ne pas marcher dans les pas de son paternel, privilégiant la petite balle ronde à couture, à celle, ovale et plus grande, que chérissait Tracy, nouveau coach de ligne défensive des Eagles de Philadelphie. Limiter cependant les exploits sportifs des Rocker à ces deux hommes ne seraient pas rendre justice à David Rocker, jeune frère de Tracy et ancien professionnel chez les Rams, dans le début des années 90.
Si Kumar eut de qui tenir, de par sa filiation spirituelle à quelques grands noms du baseball, ainsi que de par sa filiation biologique, ses talents furent développés dans l’Etat voisin de Géorgie, Etat de son ascendance paternelle.

Papa est déjà une légende du Sud

La Géorgie pour grandir

6/29/17 2:43:08 PM — Cary, NC, U.S.A — Team United pitcher Kumar Rocker (21) stands in the dugout during the game against Team Pride USA Baseball holds its Tournament of Stars at the USA Baseball National Training Complex. — Photo by Jeremy Brevard, USA TODAY Sports Images, Gannett ORG XMIT: US 136434 USA Baseball 6/29/2017 [Via MerlinFTP Drop]

Elevé à Bogart, près d’Athens et à 1h30 d’Atlanta environ, Kumar entra par la grande porte des meilleurs joueurs de “high school”, en jouant à North Oconee, lycée de l’actuel prospect Bubba Chandler. Lanceur droitier déjà fort physiquement et puissant, il prouva aussi qu’il était assez bon à la batte lorsqu’il joua 1B. Sa saison 2016-2017 le fit entrer directement dans la caste des joueurs all-american avec une domination sans pareil. Jugez plutôt:
il réussit un sans-faute lors de ses départs avec son lycée, engrangeant cinq victoires en cinq matchs. Durant cette période, il lança trente-six manches durant lesquelles il autorisa huit points, dont sept mérités, ainsi que sept buts sur balle, retirant cinquante-neuf joueurs pour un ERA de 1.36. Face à lui les frappeurs se cassèrent les dents, avec une moyenne au bâton de .125 et un OBP de .211. Et pour la petite histoire, en attaque il se montra à l’aise avec trois HR, huit doubles, vingt points produits et treize points marqués, sans oublier douze buts sur balles pour quinze strikeouts en quatre-vingts At-Bats. Il joua vingt-six matchs pour des moyennes de .312 au bâton .389 OBP, .525 SLG et un OPS de .914.
Il réussit notamment un passage remarqué le 6 juillet 2017, face à South Charlotte Panthers avec dix retraits et un seul coup sûr concédé ainsi qu’un passage presque parfait le 15 juillet 2017, face à National Elite Goodrich, avec 6.1 manches lancées, aucun point concédé, aucun but sur balle concédé.
Participant aux Under Armour All-America Baseball Game* ainsi qu’au Perfect Game All American Classic*, il afficha au final un ERA de 1.63 avec soixante-huit strikeouts en cinquante-cinq manches 2/3.
Il faut dire que le joueur se nourrit de la compétition, reprenant à son père cet enthousiasme face aux difficultés. Il termina sa carrière lycéenne en étant joueur de l’année de son Etat.

Le Tennessee pour confirmer…

Kumar Rocker, Meilleur joueur des College World Series 2019

En 2018, Kumar Rocker était sous le feu des projecteurs. Evalué comme étant le deuxième meilleur lanceur lycéen de sa cuvée par les spécialistes de mlb.com, sa côte était au plus haut. Il avait d’ailleurs déjà décidé de donner son accord de principe avec Vanderbilt, et se prépara à être parmi les noms attendus de la draft cette même année. Cependant, et sûrement parce que son engagement avec Vanderbilt était considéré comme fort, il ne fut sélectionné qu’au trente-huitième tour par les Rockies du Colorado, et partit donc à Nashville afin d’entamer sa carrière universitaire.
S’il commença doucement début 2019, en qualité de releveur, montrant d’emblée autant ses qualités que ses faiblesses, il débuta assez rapidement avant de devenir graduellement dominant. Une deuxième partie de saison monstrueuse le mit dans les meilleures dispositions afin de nous faire un tournoi national de haute volée. Déjà performant en SEC, devenant presque sans contestation le SEC freshman (littéralement le 1ère année) of the year, intégrant de surcroît la SEC All-Freshman year, il se permit de réaliser des performances hors norme comme le fameux match en super regional face à Duke où il réalisa un no-hitter, retirant dix-neuf joueurs, établissant de ce fait un record all time, en étant le premier joueur de l’histoire à faire pareille performance à ce tour lors d’un tournoi national, établissant par là même le premier no-hitter de l’université depuis 1971!
Mais, comme si cela n’était pas suffisant, il réussit des College World Series de toute beauté, gagnant ses deux rencontres, avec un ERA de 1.46: la première face à un rival de conférence, Mississippi State, la deuxième lors du match 2 de la finale face à Michigan, alors que Vanderbilt était dos au mur. Cette dernière fut primordiale, et Kumar se transcenda, retirant onze joueurs, record d’université en College World Series, et permettant à son équipe de forcer un match couperet lors duquel Vandy s’imposa 8-2.
Vanderbilt termina son année en apothéose, à l’image de son lanceur partant de première année, qui réussit là une année sensationnelle:
3.25 ERA, 1.094 WHIP, cent quatorze strikeouts, pour vingt et un buts sur balle et trente-six points mérités concédés, douze victoires, cinq défaites en dix-neuf matchs dont seize en tant que lanceur partant. Cette année 2019, ce fut surtout quarante-quatre strikeout pour cinq buts sur balle lors du tournoi national, dix victoires pour une défaite lors de ces onze derniers matchs, avec un ERA de 2.17 et quatre-vingt-deux batteurs retirés en soixante-dix manches, huitième lanceur de l’histoire à lancer un no-hitter lors de ce même tournoi, recevant des distinctions méritées comme le NCAA Nashville Regional All tournament team, le titre de meilleur sportif de l’année dans le Tennessee et bien entendu le plus important, celui de MOP des College World Series.
Etre unique, chez les Rocker, cela semble être inné: Alors que Tracy Rocker fut le premier joueur de la conférence SEC à recevoir simultanément les prix Lombardi et Outland, lors de sa carrière universitaire, Kumar, lui, réussit des records incroyables, recevant des prix incroyables, alors qu’il ne faisait que commencer sa carrière universitaire.

… Ou pour dissuader ?

“Y aurait-il comme un doute, Mr Rocker?”

l’année 2020 repartait sur de grosses bases pour l’élément principal de Tim Corbin, le coach à l’origine des récents succès sportifs de la fac, ainsi que le coach de pas mal de joueurs référents en MLB (Dansby Swanson, Walker Buelher furent les premiers champions de l’histoire de l’université, avec lui, en 2014).
Malheureusement la COVID passa par là, lui laissant juste le temps de montrer les prémices d’une nouvelle saison dominante et donnant rendez-vous à l’ensemble du college baseball cette année. Les scouts en tout cas profitèrent de cette longue pause pour peaufiner leurs premières prédictions de la draft 2021, prédictions dans lesquelles ils voyaient Kumar Rocker en qualité de numéro 1.
Et cette saison 2021 va relancer le débat autour de ses problèmes de contrôle de balle. Déjà identifié par nombre de spécialistes lors de son année freshman, sa balle rapide est facile à voir, de par son mouvement de lancer. Sa puissance lui permet de s’en sortir, mais la principale inquiétude vient de son contrôle. Alors qu’il avait lancé sept wild pitch lors de sa saison freshman, en plus de matchs, il en est à onze au moment où j’écris. De même, il est assez proche de son total de hit by pitch, en moins de rencontres effectuées. Alors que l’on vantait sa force à ne pas concéder de home run malgré une fastball “visible” (deux en première année), il semble que les batteurs se soient bien adaptés avec sept home runs concédés sur la saison, mais surtout depuis le 8 avril. Rien d’alarmant en soi, mais lorsque l’on est un joueur élite, porté aux nues deux ans auparavant, cela ternit quelque peu l’image du “Rock” de Bogart, pourtant encore une fois très bon, et sans aucun doute parmi les meilleurs pitchers de cette année de compétition universitaire.
Avec onze victoires pour trois défaites, un ERA de 2.86, cent trente-cinq retraits pour trente et un buts sur balle, cinquante-quatre coups sûrs concédés, trente-deux points dont vingt-neuf mérités concédés, en un peu plus de quatre-vingt-onze manches, on a affaire, là, à une machine (en comparaison, Ty Madden, considéré comme le quatrième meilleur lanceur universitaire de cette cuvée 2021, a concédé plus de points, points mérités, buts sur balle pour six victoires et quatre défaites, en moins de manches et matchs joués, le tout dans une conférence un poil moins compétitive). Et cette machine a su parfaire un combo explosif avec une utilisation de sa slider, situé dans les 80 mph, en complément de sa balle rapide, située elle entre 92 et 96 mph, pouvant atteindre les 98-99 mph. Il a également en stock une curveball, moins utilisée et plus verticale dans sa “casse”. Il possède également une change-up qui, contrairement à son coéquipier, n’est pas au point en terme de contrôle afin d’être utilisable régulièrement.
Vous l’avez compris, on parle d’un grand talent, d’un lanceur élite, en course pour un nouveau tournoi national, et qui subit pourtant un rétro pédalage plutôt abrupte sur ces dernières semaines. Hors top 3 depuis un certain temps, les Mocks draft le voient le plus souvent pris par les Red Sox, mais de nouvelles performances en “demi-teinte” pourrait continuer à le faire chuter.
Le lanceur, qui a la particularité de perdre sa casquette de temps en temps au gré des lancers, reste un formidable joueur, avec un potentiel de starter a minima, même si, et c’est aussi compréhensible, nombre de scouts s’attendaient à le voir plus dominant, de manière plus consistante, et avec un contrôle encore plus fin de ses lancers.

Kumar Rocker est un joueur impressionnant. Personne ne sait si cela fera de lui un joueur MLB un jour, mais il a le potentiel afin de devenir un joueur important d’une équipe des majeures. L’ace de Vanderbilt a d’abord connu les joies et la reconnaissance, que ce soit au lycée ou en première année universitaire, avant de subir les contrecoups de sa notoriété grandissante, alors qu’il termine sa troisième année dans le Tennessee.
Pour devenir le joueur qu’il souhaite, pour devenir une nouvelle icône de l’Alabama et/ou de la Géorgie, comme son père, élu dans l’Alabama Sports Hall Of fame 2005 et le Georgia Sports Hall Of Fame 2018, ainsi que ses illustres aînés de la balle et la batte, Kumar va devoir persévérer, en gardant son état d’esprit compétitif, afin de, pourquoi pas, ajouter une nouvelle étoile parmi les nombreuses que comptent déjà ces Etats du Sud.

*Ces deux rencontres sont des matchs permettant de rassembler les meilleurs prospects lycéens du pays, sélectionnés par les spécialistes de cette catégorie de joueurs.


Une réflexion sur “Kumar, l’esprit du Sud dans l’ADN

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