Une des particularités des sports US par rapport aux sports européens, et de façon très prononcée pour le baseball, est la diffusion de cartes imprimées représentant des joueurs ou des équipes. On en trouve tous les ans de différentes marques et de différentes collections pour les équipes de MLB, et de très nombreux collectionneurs sont à la recherche des cartes les plus rares ou celles de joueurs mythiques. Mais d’où vient ce hobby typiquement américain ?

1/ La préhistoire de la carte de baseball
Les premières cartes de baseball, qui n’en étaient pas vraiment encore, sont apparues dans les années 1840-1860, en même temps que la photographie devint populaire. Ces cartes, identifiées alors comme “cabinet cards” ou “carte de visite’’, représentaient, à l’aide de photos de groupes, certaines équipes de ces périodes primitives du baseball. Le format de ces cartes correspondait à l’époque à celui dénommé “carte cabinet” en français (d’où son nom en anglais) et qui venait lui-même du terme “cabinet de curiosité”, endroit où les aristocrates exposaient leurs objets les plus singuliers. Ce format était très utilisé pour les premières reproductions iconographiques en Grande-Bretagne puis partout dans le monde à partir des années 1860.
D’une taille de 10 cm par 15 cm (4×6 inches), ces “cabinet cards” étaient donc plus proches de photos d’équipes que de “baseball cards” comme nous l’entendons de nos jours. À noter que ces “cartes” n’avaient d’autres fonctions que de représenter l’équipe et ce dans un but purement mémoriel (comme toute bonne photo de famille) et non encore commercial comme cela devint le cas par la suite.

2/ Les cartes promotionnelles (“trade cards”)
A la fin des années 1860, les cartes publicitaires appelées “trade cards” devinrent très répandues aux États-Unis. Celles-ci représentaient différents thèmes (animaux, présidents, etc..) et étaient offertes par des marques de façon promotionnelle sans à avoir à acheter leur produit. Le baseball qui devenait de plus en plus populaire n’échappa pas comme thème représenté sur ces cartes.
En 1869, la compagnie new-yorkaise Peck and Snyder qui vendait des équipements sportifs fut la première à distribuer, à des fins publicitaires, ce qui est considéré comme étant les premières “baseball cards” de l’histoire. L’équipe des Cincinnati Red Stocking fut la toute première équipe à être représentée sur ces “trade cards” qui ne traitaient toujours pas ou très peu des joueurs de façon individuelle.

3/ Les cartes promotionnelles du tabac
A partir du milieu des années 1880 et jusqu’aux années 1890, l’industrie du tabac des États-Unis ayant compris l’intérêt grandissant des “trade cards” de baseball auprès du public, produit et distribua massivement des cartes qu’elle insérait dans chaque paquet de cigarettes. La compagnie Goodwin and Co. de New-York fut la première à procéder ainsi avec ses marques Old Judge et Gypsy Queen. Elle fut rapidement copiée par toute les autres compagnies de tabac de l’époque (Allen & Ginter, Buchner & Co., etc…), ce qui généra des milliers de cartes sur les équipes et les joueurs des années 1885 à 1890.

Cap Anson a été intronisé au Hall of Fame en 1939 avec un record de 27 saisons régulières consécutives en MLB (1871-1897). Premier joueur à frapper 3000 hits et une WAR en carrière de 94.3. Il joua principalement pour les Chicago White Stockings (21 saisons), et en fut aussi le manager durant la plus grande partie de sa carrière à Chicago.
A la toute fin des années 1880, les compagnies du tabac fusionnèrent en une seule (The American Tobaco Compagny – ATC). De ce fait, la concurrence ayant disparu, le besoin publicitaire ainsi que les “trade cards” devinrent inutiles et disparurent quasiment. La fin du XIXème siècle ne vit donc quasiment plus de cartes de baseball.
Au tout début du nouveau siècle, l’État américain réussit à briser le lobby du tabac et des sociétés indépendantes refirent leur apparition. De ce fait, la publicité et les “trade cards” réapparurent dans les paquets de cigarettes ; mais aussi de plus en plus dans le secteur de la confiserie. Cette période coïncida avec l’explosion du baseball aux États-Unis et l’engouement populaire pour “The Ballgame”. La diversité et le volume de cartes générés au tout début du XXème siècle, font de cette période “The Golden Age” (L’Age d’or) pour ce qui concerne les cartes de baseball.

Honus Wagner : surnommé The Flying Dutchman, il fut shortstop pendant 17 ans chez les Pittsburgh Pirates et 2 ans aux Louisville Colonels. Sa moyenne à la batte en carrière est de .329 sur 21 saisons, ce qui en fait l’un des tous meilleurs batteurs de l’histoire (3420 hits). Il gagna le titre de meilleur batteur en Ligue Nationale 8 fois et son numéro 33 a été retiré chez les Pirates en 1956. Il fut intronisé au Hall of Fame en 1936. Cette carte de baseball est la plus chère au monde à ce jour.
La série de cartes la plus célèbre et la plus recherchée par les collectionneurs est incontestablement la série T206. Celle-ci, surnommée la “monster list”, fut distribuée de 1909 à 1911 par un trust de l’industrie du tabac (American Tobacco Company). Elles sont reconnaissables par les bords blancs et les couleurs pastel. La plus célèbre est celle représentant Honus Wagner alors qu’il est joueur des Pittsburgh Pirates. Celle-ci fut très peu distribuée (moins de 200 cartes) et fut la seule carte représentant ce joueur, celui-ci ayant finalement refusé que son image fasse la promotion du tabac auprès des enfants. La rareté de cette carte, ainsi que les performances hors du commun de ce joueur, font aujourd’hui d’elle la carte la plus chère : environ 3 millions de dollars la carte !
4/ Les cartes promotionnelles du chewing-gum
Les compagnies du tabac cessèrent la distribution des cartes de baseball lors de la Première Guerre Mondiale, laissant la place aux distributeurs de bonbons et de chewing-gum. Les compagnies les plus renommées furent la Goudey Gum company of Boston et la Delong Gum Company qui produisirent des cartes très recherchées de nos jours, sur des joueurs tel que Babe Ruth, Lou Gehrig, Ted Williams et bien d’autres stars de cette période bénie du baseball. Parmi les autres compagnies : le leader du chewing-gum, la Bowman Gum Company, édita des cartes de 1939 à 1941. Une fois de plus, la distribution des cartes fut drastiquement réduite durant la Seconde guerre mondiale du fait des restrictions sur le papier.

Faut-il encore présenter le joueur de baseball le plus connu de l’histoire de ce sport? Lanceur-frappeur aux Boston Red Sox de 1914 à 1919, puis batteur très prolifique chez les New-York Yankees jusqu’en 1934, Babe Ruth fut vainqueur de 7 Word Series cumulées avec ces deux équipes. Il effectua une dernière saison avec les Boston Braves en 1935. Il a établi un nombre impressionnant de records dont certains ne sont toujours pas tombés (SLG 0.690 ; OPS 1.164 ; WAR 182.5). Il fut intronisé au Hall of Fame en 1936. Que dire de plus, c’était The Babe !
Au début des années 50, la compagnie Topps Chewing Gum commença à distribuer des cartes de baseball. Sa première série de 1952 est aujourd’hui très recherchée par les collectionneurs. Topps devint vite le leader de la carte d’après-guerre, toujours distribuée dans des paquets de chewing-gum. À noter que les deux grandes stars de l’époque qu’étaient Joe DiMaggio (Yankees) et Ted Williams (Red Sox) n’ont pas été représentées sur la série Topps 1952 : l’un du fait de l’arrêt de sa carrière la saison précédente et l’autre du fait de son retour sous les drapeaux en tant que pilote de chasse pendant la guerre de Corée (tout comme durant la Seconde guerre mondiale). Topps prit finalement le leadership de la carte de baseball à la compagnie Bowman qui arrêta sa diffusion en 1955.
5/ L’ère de la carte de baseball non promotionnelle
Du fait de la qualité et du vaste choix de ses cartes, Topps a vite obtenu le monopole de la carte de baseball et cela l’orienta vers ce business particulier an délaissant celui du chewing-gum. Tous les ans depuis 1952, la compagnie édite des sets de cartes de toutes les équipes et joueurs en activité et parfois des joueurs célèbres ayant joué en MLB.

Cette carte est la plus chère des cartes éditées après la Seconde guerre mondiale (plus de 2,8M$) pour ce joueur qui débuta sa carrière l’année précédant la première série de cartes Topps. Mickey Mantle a joué toute sa carrière (1951 à 1968) principalement en champ-centre chez les Yankees de New-York. Vainqueur de 7 World Series en 12 participations, il détient beaucoup de records en finale (HR: 18 ; RBI: 40 ; Runs : 42 ; Walks : 43 et Total Bases : 123). Il frappa 536 Home Runs au cours de sa carrière et son numéro 7 fut retiré par les Yankees en 1969. Il a été intronisé au Hall of Fame en 1974.
On retrouve, tous les ans, les séries “Opening day” et “Series 1” avec les joueurs de la nouvelle saison dans leur club respectif avec parfois quelques erreurs du fait des signatures tardives de certains contrats. Sont éditées ensuite les “Chrome series” (bien souvent copie de “Series 1” imprimée sur fond chromé), la “Series 2”, la “Update series” avec quelques mises à jour suite aux trades de mi-saison, la “Archives signatures” ainsi que pas moins d’une trentaine d’autres séries telles que les “Gypsy Queen” ou “Allen & Ginter” rappelant les anciennes cartes distribuées par les compagnies du tabac au XIXeme siècle.
Parmi les autres séries à signaler : “Archives” qui représente les joueurs de l’année avec le design des cartes Topps d’une autre décennie, “Tribute” représentant les joueurs les plus performants, “Stadium Club” mettant les joueurs en valeur à l’aide de très belles photos, ainsi que les très chères “Definitive” qui font figurent de cartes de luxe comportant une relique en insert (morceau de maillot).

D’autres compagnies se lancèrent dans ce marché sans jamais atteindre la notoriété et les ventes de Topps. La compagnie Fleer, qui avait déjà édité des cartes dans les années 1960, reprit la diffusion entre 1981 et 1995. L’ancienne compagnie Donruss, qui distribuait des cartes de sport dans les années 60 et de baseball à partir de 1981, a été rachetée par la célèbre compagnie Panini et édite aujourd’hui des cartes de baseball sans licence MLB (pas de logo sur les photos). La société italienne, bien connue en Europe pour ses albums de cartes autocollantes de foot, a aussi relancé la marque américaine Pinnacle qui existait dans les années 90, en éditant des cartes sous ce nom en 2013 mais sans suite. Panini édite aussi des cartes de baseball sous son nom depuis le début des années 2010.

La compagnie Bowman qui distribuait des cartes dans les années 40 (Bowman Gum) a recommencé à éditer des cartes en 1989 suite à son rachat par le mastodonte Topps. Elle s’est particulièrement spécialisée dans les cartes de prospects ou de rookies et donne aujourd’hui une belle alternative à son ancien concurrent qui avait eu raison de son leadership au début des années 50.
A suivre : Episode 2 – The Monster, les cartes T206.
Pour ceux qui voudraient creuser encore plus le sujet de l’origine des cartes de baseball, je vous conseille le très beau livre Games Faces de Peter Devereaux.

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