
Troisième épisode de notre série consacrée aux cartes de baseball. Après vous avoir présenté l’origine de ce hobby historique (à relire ici) et vous avoir fait découvrir la mythique série T206 (à relire là), nous vous proposons un focus sur le “must-have” de tout collectionneur : la série Topps de 1952.
1/ Aux origines de Topps
A l’origine, la marque Topps est un distributeur de chewing-gum, créée en 1938 suite à la reconversion d’une vielle compagnie de tabac (American Leaf Tobacco) dans la confiserie. Elle profita assez largement de l’entrée en guerre des États-Unis et de la très large distribution des chewing-gum de sa marque auprès des GI durant le conflit, ce qui lui permit d’avoir une croissance rapide et d’habituer un grand nombre de jeunes américains à mâcher leur “Topps Gum tabs“. Cette émergence fut facilitée par le fait que les leaders du marché (Wrigley’s de Chicago, Bowman de Philadelphie, etc..) étaient en stand-by durant la durée du conflit, dû aux restrictions concernant le sucre.

A la fin de la Seconde Guerre Mondiale, un grand nombre de compagnies firent leurs retours sur le marché du chewing-gum, ce qui relança la concurrence et, de ce fait, les besoins de publicités et autres promotions. Topps n’échappa pas à cette “guerre” commerciale, notamment contre son principal concurrent Bowman Gum et dut alors innover afin de mettre en avant ses produits. C’est à cette période que Topps sortit un nouveau chewing-gum, vendu par 5 et enroulé dans un emballage cylindrique, dénommé “Bazooka gums“. Ceux-ci étaient vendus enroulés dans un papier sur lequel était imprimée une mini bande dessinée (ou “comics” au USA) dont un des principaux personnages était dénommé Bazooka Joe .
Topps, à l’instar de Bowman and Leaf, commença à insérer des cartes avec ses paquets de chewing-gum. Celles-ci traitaient de différents sujets, incluant des personnages, des drapeaux ou des lieux mais étaient plus petites et moins attractives que celles que proposait son concurrent. Celui-ci distribuait notamment des sets de cartes d’un format plus grand et en couleurs traitant de la NFL et du baseball, et qui se révélaient très appréciés de consommateurs de chewing-gum, principalement constitués des “kids” d’après-guerre.
En 1951 commença la deuxième étape de cette guerre commerciale déclarée entre Bowman et Topps lorsque cette dernière fit signer des contrats à un certain nombre de joueurs de baseball tout comme l’avait précédemment fait Bowman afin de publier des cartes avec leurs photos. Ces cartes étaient toujours insérées dans les paquets de chewing-gum ou de confiserie vendus par Topps. Bowman perdit plusieurs procès attemptés à Topps dont un sur l’utilisation du mot “baseball” dont le confiseur de Philadelphie arguait avoir le monopole. Topps prépara un grand coup pour l’année 1952 en engageant les designers/cartoonistes Woody Gelman et Ben Soloman pour assister Sy Berger déjà designer de cartes chez Topps afin de préparer une série de nouvelles cartes pour la saison 1952.

2/ La série Topps ’52
La première décision prise par cette nouvelle équipe artistique fut d’augmenter encore la taille des cartes pour passer de 2 5/8″ x 2″ (6,66cm x 5,08cm) au format de 3 3/4″ x 2 5/8″ (9,52cm x 6,66cm) toujours utilisé de nos jours par Topps. Ceci permit d’augmenter la surface à l’avant et à l’arrière des cartes, et ainsi d’ajouter des informations supplémentaires, notamment sur les statistiques et les caractéristiques de chaque joueur ainsi que, chose assez nouvelle, de petites anecdotes sur celui-ci. En plus de la photo du joueur, la face avant était agrémentée du logo de l’équipe avec laquelle il évoluait, ainsi que son nom et sa signature sur un fond rectangulaire blanc. Toute la face avant était mise en couleur à l’aide d’un nouveau procédé développé par Kodak, appelé Flexichrome. Celui-ci permettait de coloriser une photo noir et blanc à l’aide d’un canevas pré-peint directement superposé au film de la photo. Le rendu était particulièrement chatoyant et donnait du relief à l’image. Toutes ces nouveautés participèrent grandement au succès qu’a eu, à l’époque, cette série de cartes.
Le nombre totale de cartes de cette série fut au final de 407. Elles furent séquencées en plusieurs sets durant l’année 1952. Le premier set de 80 cartes sortit, emballé avec ses chewing-gum, juste avant le Spring Training ’52, dans un premier temps dans la région de New-York où était basé Topps, puis partout ailleurs aux USA. Elles eurent un succès immédiat. Le deuxième set suivit avec 50 cartes puis les 3ème et 4ème sets avec 60 cartes chacun. Un dernier set de 50 cartes fut imprimé et distribué à la fin de saison. Pour terminer l’année 1952, Topps édita une 6ème et dernière série avec de nouveaux joueurs, des coaches et des managers regroupés sur 97 nouvelles cartes.
En fin d’année, le constat était là : Topps avait rattrapé et même dépassé Bowman dans la course du “baseball chewing-gum”. Cette guerre commerciale se termina en 1956 lorsque Topps racheta à Bowman tous les droits et les contrats avec les joueurs de baseball et de football (NFL) et obtint ainsi le monopole des cartes pour ces deux sports.
3/ La carte n°311 : Mickey Mantle
La carte star de la série est sans conteste celle de Mickey Mantle, le célèbre center fielder des Yankees, qui reprit le flambeau du franchise player Joe Di Maggio à ce poste lors de cette année 1952. Cette carte a la particularité d’être la rookie card du Mike et, comme c’est souvent le cas avec les meilleurs joueurs de MLB, est très recherchée par les collectionneurs. Cette carte est devenue, au fil des années, la carte la plus populaire et donc la plus chère des cartes éditées après la Seconde Guerre Mondiale, et cela jusqu’à il y a quelques semaines. En effet, depuis le 24 août dernier et la vente d’une rookie card de Mike Trout à 3,93M$ surpassant de 110 000$ la carte de Honus Wagner (cf. Episode 2_La série T206), la carte de Mickey est descendue sur la 3ème marche du podium des cartes de baseball vendues les plus chères.

Pour la petite histoire, cette carte numérotée 311 faisait partie des dernières diffusions du set en juillet 1952 (les cartes de 1 à 310 sont sorties en début de saison et celles de 311 à 407 durant l’été). Celui-ci fut beaucoup moins vendu à l’époque car de nombreux fans de baseball se désintéressèrent un peu, leurs équipes n’ayant à cette période de l’année plus aucune chance de participer à la course aux World Series. Les cartes vendues durant l’été furent donc un peu moins achetées et sont aujourd’hui, de façon relative, un peu plus rares que celles du premier set. Topps se retrouva donc avec plusieurs centaines de caisses de ces cartes stockées pendant prés de huit années. En 1960, ne sachant plus quoi en faire, et afin de faire de la place dans leurs locaux, Topps fit évacuer ces caisses qui furent larguées par un bateau au large de la côte Est. Plusieurs centaines de milliers de cartes Topps ’52 et des milliers de rookie cards de Mantle gisent aujourd’hui encore quelque part dans l’Atlantique.
Une autre petite anecdote concernant Mickey Mantle et les cartes Topps, est la carte numéro 7, réservée à un joueur des Yankees de la série 1 Topps de chaque année. En effet, depuis 1997 et afin d’honorer le New-Yorkais dont le début de carrière a coïncidé avec les débuts des cartes de baseball Topps (compagnie aussi originaire de la Grosse Pomme), la carte n°7 fut d’abord retirée des sets de la série 1, puis, à partir de 2006, elle fut exclusivement réservée à Mickey Mantle; et enfin à partir de 2017, à un joueur en activité des Bronx Bombers : Gary Sanchez en 2017, Clint Frazier en 2018, Gleyber Torres en 2019 et Aaron Judge cette année, “rendent” hommage à The Mick.
4/ Quelques cartes Topps ’52
A l’instar de Mantle, la série Topps ’52 comporte plusieurs Hall of Famers, All Stars et/ou World Series winners, dont les cartes sont un peu plus recherchées que les autres par les collectionneurs.
Andy Pafko n’est pas le joueur le plus titré et bien qu’il ait été un très bon joueur (5 All Stars, 1 World Series), sa carte est quand même singulière et donc plus chère que la moyenne, du fait qu’elle soit la carte numérotée #1 de la série Topps ’52.
Phil Rizzuto, comme Mantle, est un New-Yorkais qui a joué toute sa carrière avec les Yankees. Déjà joueur avant guerre, il s’engagea ensuite dans l’US Marine, “the Scooter” fut 5 fois All Stars et gagna 7 World Series dont 5 consécutives de 1949 à 1953. Hall of Famer depuis 1994 (seulement). De quoi rendre sa carte Topps’ 52 attractive.

Warren Spahn, le célèbre lanceur gaucher des Braves (de Boston, puis de Milwaukee) fut pas moins de 17 fois All Star! Vainqueur des World Series 1957 et du trophée Cy Young la même année. Il participa à la Seconde Guerre Mondiale au sein de l’US Army où il obtint la décoration Purple Heart… un trophée de plus pour ce joueur dont le numéro 21 est retiré chez les Braves (Atlanta aujourd’hui).
Bob Feller, l’ace des Cleveland Indians fut 8 fois All Star et vainqueur des World Series 1948, Hall of famer en 1962 et comme de nombreux joueurs de cette époque, engagé dans l’US Marine sur le cuirassé Alabama durant la Seconde Guerre Mondiale. Évidemment, son numéro (19) a été retiré chez les Indians.
Billy Martin est bien connu pour son rôle de manager dans les années 70/80 (particulièrement aux Yankees durant la période tumultueuse du Bronx Zoo en 77/78), mais moins connu, à tort, pour son rôle de joueur notamment avec les ogres Yankees des années 50. MVP des World Series ’53 avec la bagatelle de 23 total bases et le winning hit en 9ème manche du Game 6 de la série mondiale. Son numéro (1) est retiré chez les Yankees depuis 1986.
Yogi Berra, autre légende Yankees des années ’50, est le catcher le plus titré des Bronx Bombers et aussi le joueur ayant gagné le plus de World Series avec une bague de Champion pour chacun de ses 10 doigts !! 18 fois All Star, son numéro 8 fut retiré chez les Yankees en 1972. Il officia dans la même franchise en tant que coach puis manager de 1976 à 1985, après avoir été joueur, coach et manager dans l’autre franchise de New York, les Mets, entre 1965 et 1975. De quoi rajouter trois nouveaux titres de World Champion à son palmarès avec les Miracle Mets de 1969 et le Bronx Zoo des Yankees de 1977 et 1978 !
Pee Wee Reese, le short-stop des Dodgers (de Brooklyn, puis de Los Angeles) est célèbre pour son soutien à Jackie Robinson lors de ses débuts en MLB. Il dut affronter la vindicte du public et de certains de ses coéquipiers, aux côtés du premier joueur de couleur des Ligues Majeures de Baseball de l’ère moderne. Vainqueur de 2 World Series à une époque où les Yankees raflaient tout, il fut nommé au Hall of Fame en 1984 et son numéro (1) fut retiré chez les Dodgers en 1985.
Eddie Mathews, le 3ème base des Braves (seul joueur à avoir jouer pour les Braves de Boston, Milwaukee et Atlanta), 12 fois All Star et 2 World Series, est un des meilleurs 3ème base de la MLB, toutes époques confondues. Son numéro 41 est retiré chez les Braves d’Atlanta depuis 1969 et il a été élu au Hall of Fame en 1978.
Pour finir, deux légendes absolues du baseball: Jackie Robinson et Willie Mays :

Jackie Robinson n’est plus à présenter. Un des joueurs de baseball les plus connus dans le monde, voir peut-être le plus connu (plus que le Babe ?). Premier joueur de couleur à jouer en MLB, il gagna les World Series en 1955 avec les Brooklyn Dodgers. Son numéro (#42) est aujourd’hui le seul retiré dans toutes les équipes de MLB. Cette carte est la première carte Topps représentant Jackie Robinson. Elle fait partie des cartes de la série Topps ’52 imprimée deux fois (tout comme Mantle et Bobby Thompson). Elle a été classée 3ème des meilleures cartes Topps (derrière Mantle 52 et Hank Aaron 54) par un vote sur le site de Topps en 2011.
Willie Mays est l’un des tout meilleurs et peut-être le plus complet des joueurs MLB du XXeme siècle et son nom est aujourd’hui donné au trophée du MVP des World Series. Le joueur des Giants (de New-York, puis de San Fransisco) a été élu Rookie de l’année en NL puis 24 fois All Star et gagna 12 Gold Glove Award. Il fut le premier joueur à qui le prix Roberto Clemente (prix d’exemplarité) fut décerné en 1971. Il détient encore aujourd’hui le record de retrait (7095). Il est évidement Hall of Famer (1979) et son numéro 24 est retiré chez les Giants (San Francisco). Même si cette carte n’est pas sa Rookie Card (c’est Bowman qui a sorti cette RC en ’51) et si en 1952 il joua peu de matchs du fait de son appel sous les drapeaux (guerre de Corée), celle-ci fait partie des cartes Topps ’52 les plus recherchées.
5/ Les “Mistake cards” Topps ’52
La série Topps ’52 n’échappe pas aux fameuses erreurs présentes sur certaines cartes de baseball qui, du coup, prennent un peu plus de valeur quelques décennies plus tard. Seules les cartes #48 et #49 des premières impressions, dont l’arrière de la carte était imprimé en noir, présentent une inversion dans les biographies des deux Yankees Joe Page et Johnny Sain. Sur les impressions suivantes, dont l’arrière était imprimé en rouge, les biographies respectives furent corrigées.

6/ Les “Heritages cards” Topps ’52
Topps a honoré la série ’52 via sa série “Heritage” qui chaque année reprend le design d’une des séries de cartes de baseball sorties par la marque depuis son origine. En 2001, Topps célébra les 50 ans de la marque en sortant une série Topps Heritage ’52 de 407 cartes.

En 2007, Topps sortit une nouvelle série “Heritage” de 227 cartes reprenant le fameux design de la mythique série Topps ’52.
