La nouvelle est tombée lundi 9 décembre à 20 heures sur les réseaux sociaux de la fédération française : Bruce Bochy, tout juste retiré des terrains de MLB, est nommé manager de l’équipe de France. Objectif : qualifier les Bleus pour la World Baseball Classic (WBC) de 2021. The Strike Out se penche sur cette signature XXL du légendaire coach américain, né en France. Dans quel contexte arrive-t-il? Que peut-il apporter? Quelles leçons tirer des expériences passées avec d’autres managers internationaux? Eléments de réponse!
Officiel – Bruce BOCHY nommé manager de l’Equipe de France de Baseball pour les Qualifications de la World Baseball Classic @WBCBaseball @lequipe @FranceOlympique @AFPSport @Agence_du_Sport @beinsports_FR @PenguinZac @Sports_gouv https://t.co/aKgOIbOKXr pic.twitter.com/vUqwvANHZj
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La nomination de Bruce Bochy est bien évidemment un gros coup réalisé par la fédération, un coup d’abord sportif (on y reviendra) mais aussi médiatique. Cela permet de mettre le baseball français dans la lumière dans les médias américains, même si la nouvelle a été éclipsée au moment de son annonce par le gros contrat de Stephen Strasburg. Des médias californiens ont tout de même relayé l’information, à l’image du site d’informations le SF Gate.
Bruce Bochy, direction le Hall of Fame
Le nouveau manager de l’équipe de France est né… en France! C’était en 1955 à Landes-de-Broussac en Charente-Maritime où son père, militaire de carrière dans l’armée américaine et fan de baseball, est basé. Le petit Bruce passe peu de temps chez nous avant que la famille ne parte pour le Panama puis ne retourne aux Etats-Unis. A l’âge de 20 ans, Bruce Bochy est choisi au 8e tour de la Draft par les White Sox mais ne signe pas son contrat, il rejoint une université pour finalement être drafté deux ans plus tard par les Houston Astros avec le 24e choix.
Catcheur, il débute sa carrière en MLB en 1978 à Houston puis joue aux Mets et enfin aux Padres avec qui il dispute un match de World Series en 1984. Il prend sa retraite sportive en 1987 et après deux ans, seulement, décide d’embrasser une carrière de coach au sein de sa dernière organisation : les Padres de San Diego. Il débute dans le farm system en 1989 et rejoint le coaching staff de l’équipe fanion en 1993 (coach de 3e base) avant de se voir confier l’équipe en 1995. A 39 ans, il est le plus jeune manager de la National League et comme avec lui tout va très vite il est nommé NL Manager of the Year dès l’année suivante avec un bilan de 91 victoires et 71 défaites (en 2014 avant sa nomination, les Padres avaient affiché un vilain 47-70). En 1998, les Padres du regretté Tony Gwynn, Hoffman, Caminiti se hissent jusqu’aux World Series où ils sont balayés par les Yankees du Core Four. Suivront cinq saisons sans postseason puis le retour au sommet de la NL West en 2005 et 2006 mais ponctués par des défaites en NLDS, les deux fois face aux Cardinals. A l’issue de la saison 2006, le départ de Bochy est acté… mais il reste en Californie, pour rejoindre les rivaux : les San Francisco Giants.

Les débuts sont compliqués avec deux saisons à plus de 90 défaites en 2007 et 2008 avant que l’année 2009 n’offre les premiers sourires aux fans de la franchise avec des espoirs de postseason jusqu’en septembre. Il leur faudra finalement attendre un an de plus, mais ça valait le coup puisqu’en 2010, les Giants vont chercher le premier titre de leur histoire à San Francisco (le premier titre de la franchise depuis 1954 quand elle était basée de l’autre côté du pays, à New York). C’est le début de la dynastie de Frisco avec deux nouvelles victoires en World Series en 2012 et 2014 avec des Madbum, Lincecum, Posey, Renteria, Panda Sandoval, Pence, Pagan, Panik and co. Bochy devient le 10e manager de l’histoire à remporter trois titres, les neuf autres étant au Hall of Fame. Malheureusement, les années suivantes ne seront pas aussi flamboyantes. Les Giants disputent leurs derniers playoffs – à date – en 2016 (défaite en NLDS face aux Cubs). Début 2019, Bochy annonce qu’il prendra sa retraite à la fin de la saison et on assiste donc un peu au jubilé du manager triplement bagué, salué dans tous les stades. Il profite quand même de cette année morose sportivement pour entrer un peu plus dans l’Histoire : 1000e victoire avec les Giants en juin, 4000e match coaché en août et 2000e victoire de sa carrière en septembre, une barre atteinte par seulement dix managers avant lui, là encore tous ses prédécesseurs sont à Cooperstown. La carrière de manager de Bruce Bochy en MLB prend fin lors du 162e match des Giants.
Avant Bochy, d’autres grands noms
Si l’arrivée de Bochy fait grand bruit dans le petit monde du baseball français, ce n’est pas le premier essai que tente la fédération. Dans les années 90, c’est une légende du baseball japonais qui faisait son arrivée chez nous : Yoshio Yoshida, Hall of Famer dans son pays, joueur et coach mythique des Hanshin Tigers, franchise la plus populaire du Japon avec les Tokyo Giants, et à laquelle il a fait gagner son seul titre de champion (1985). Il débarque au Paris Université Club en 1989 avant de prendre les rênes de l’équipe de France.
Avec lui, les Bleus disputent la Coupe du Monde en 1994 et multiplie les rencontres de standing. Le travail de Yoshida s’inscrit dans la durée auprès des clubs, des pôles de formation et son passage de six ans chez nous reste dans toutes les mémoires. Il fait découvrir le très haut niveau à toute une génération de joueurs et ouvre à certains les portes du monde professionnel japonais. Cette génération va ensuite glâner la première et seule médaille des Bleus, le bronze européen en 1999. Par la suite, on les retrouvera à la tête de clubs, à la DTN ou encore managers en D1, transmettant le savoir acquis sous l’ère Yoshida.
L’expérience Eric Gagné en France reste aussi dans les mémoires, mais ce n’est pas forcément une bonne chose! Pourtant voir débarquer le Cy Young 2003 et recordman du nombre de saves consécutives en MLB (84) ça laissait augurer de belles choses. Mais le lanceur québécois est arrivé en France en 2013 sans expérience de coaching professionnel. L’euphorie a rapidement laissé place à la déception. Peu de contacts avec la base, c’est à dire les clubs à travers le pays, manque d’implication dans la formation… des griefs nombreux à l’encontre de Gagné qui précipiteront son départ après deux petites années. Néanmoins, si son expérience n’a pu infuser au sein de tout le baseball français, il en aura fait profiter aux joueurs de l’équipe de France. Trop peu pour avoir un impact sur la durée.
L’équipe de France aujourd’hui
Dans l’interview qu’il nous a accordé il y a quelques semaines (à relire ici), le président de la FFBS Didier Seminet reconnaissait “des résultats pas à la hauteur de nos attentes”. Les Bleus ont en effet pris seulement la 7e place de l’Euro l’été dernier, insuffisante pour disputer le Tournoi de Qualification Olympique pour les Jeux 2020 de Tokyo. Il y a donc beaucoup de travail en vue des qualifications pour les WBC. Ces éliminatoires se tiendront en 2020 mais nous ne connaissons pas encore le lieu ou les modalités exactes. On rappelle que c’est l’objectif principal de la venue de Bruce Bochy en France : passer cette étape afin de rejoindre la grande messe du baseball international en 2021. A deux reprises, les Bleus ont échoué au pied du mur en 2012 et 2016 et on ne souhaite bien sûr pas la passe de trois.
Ce que peut apporter Bochy
Comme Yoshida, Bochy arrive en France avec son expérience de manager et ses succès. Aux Padres comme aux Giants, il a pris en main une équipe sans prétention pour la mener au plus haut niveau. Peut-on rêver de la même chose pour l’EdF? Pourquoi pas! Bruce ne viendra pas seul tenter l’aventure française, il sera accompagné de son frère Joe et même son fils Brett qui a brièvement lancé en MLB sous le maillot des Giants. C’est un vrai engagement auquel souscrit la famille Bochy et cela peut laisser entrevoir un véritable investissement pour faire progresser le baseball français. D’ailleurs dans le communiqué de la fédération à l’annonce de sa nomination, Bruce Bochy indiquait que celle-ci était “le parfait exemple de la manière dont je peux aider au développement de la pratique du baseball“. Donnée importante : Brett Bochy (le fils donc) sera éligible pour jouer avec les Bleus pour les qualifications des WBC car le règlement de la compétition est plus souple que pour d’autres rendez-vous internationaux. Pourquoi ne pas imaginer d’ailleurs que des joueurs de Ligues Mineures ou Indépendantes rejoignent aussi l’équipe de France grâce à leurs plus ou moins lointaines origines tricolores? Le nom de Bochy pourrait en attirer quelques uns.
Comme on l’a déjà dit, l’ex coach de MLB est un aimant médiatique. Il va attirer tous les regards des autres nations pendant les qualifications. Chez nous, s’il va, comme on l’espère, au contact des clubs, on imagine que les entraîneurs auront mille et une questions à lui poser. En plus de sa fonction de manager des Bleus, il sera aussi un ambassadeur de la MLB en France et en Europe, un marché que développe de plus en plus la Grande Ligue avec les premières London Series en 2019 et celles à venir en 2020. Bochy en France est-ce aussi l’espoir de voir des matchs de MLB à Paris dans un futur proche? On sait que des contacts sont déjà établis entre toutes les parties prenantes (MLB, FFBS, ministère des sports, Stade de France) et ce pourrait être un parfait coup de boost à la candidature française!
En cas d’exploit l’an prochain et de qualification pour les WBC, on peut aisément imaginer que Bochy sera de l’aventure de 2021. Mais si les Bleus échouent, quittera-t-il l’aventure après seulement quelques mois? Nous n’avons pas de boule de cristal à TSO (sinon on ferait des meilleurs pronostics en début de saison!) mais on espère vraiment que Bruce Bochy va tirer vers le haut le baseball mais aussi le softball français.
Une réflexion sur “Bruce Bochy, le messie du baseball français?”