Au lendemain d’un premier match des London Series en forme de feu d’artifice (victoire 17-13 des Yankees sur les Red Sox), alors que nous flânions le long du dugout des Yankees dans la douce chaleur du matin londoniens, nous reconnûmes, assis à quelques mètres de nous, le traducteur attitré du lanceur Masahiro Tanaka. Présentations faites, et avec l’accord du service de communication des New-York Yankees, nous avons pu discuter sur les missions et le travail de Shingo Horie, l’un de ces hommes de l’ombre qui participent au fonctionnement des institutions du Baseball Majeur.
Bonjour Shingo, et merci de bien avoir voulu nous accorder quelques minutes. Pouvez-vous nous expliquer votre parcours, comment êtes-vous devenu interprète pour les Yankees ?
C’est il y a à peu près cinq ans maintenant, en 2014, quand Masahiro a commencé aux Etats Unis. Je travaillais dans une équipe de télévision qui diffusait les matchs de Major League au Japon, et je passais beaucoup de temps dans et autour des stades. Et puis, quand il est arrivé, les Yankees ont cherché un interprète qui pourrait être avec lui presque en permanence. Comme j’étais souvent dans les stades, je suis naturellement devenu un candidat, et j’ai eu la chance de décrocher le job.
Est-ce Masahiro Tanaka qui vous a choisi lui-même ?
Non, le choix a été fait entièrement par l’organisation des Yankees.
Du coup comment s’est créée votre relation avec Tanaka ? Vous êtes-vous tout de suite entendu ?
Cela prend du temps. Il faut bâtir une relation, naturellement, et ces choses-là ne se font pas en un jour. C’est un long processus.
Vous le suivez pratiquement partout. Pour les Conférences de presse, dans le Club House et même pour les mound-visits. Comment adaptez-vous votre interprétation pour être le plus efficace possible ?
Ça dépend du contexte. Si je communique avec l’équipe ou les coachs, ce sera la plupart du temps une traduction littérale. Mais parfois, à cause des différences culturelles, lors d’interviews avec les médias par exemple, je peux être piégé parce que je n’ai pas la bonne traduction, parfois les bons mots ne viennent pas immédiatement. Cela peut être difficile, occasionnellement.
De diffuseur à traducteur, c’est le même univers mais j’imagine une expérience totalement différente pour vous?
C’est compliqué. J’étais dans le baseball. Bien entendu je vois beaucoup plus de choses, c’est un accès complet aux coulisses. Vous êtes au courant de tout ce qu’il se passe, vous avez toutes les informations une fois que vous travaillez au cœur d’une organisation. Sur cet aspect, ce que je connaissais lorsque je travaillais pour une chaîne de télévision est complètement différent de ce que je connais aujourd’hui, en travaillant pour l’organisation.
L’an dernier, Masahiro Tanaka a lancé lors des playoffs avec les Yankees. Est-ce que vous ressentez la différence d’intensité et de stress, vous-même, lorsqu’il lance dans ces grands matchs de postseason ?
Pour moi, bien entendu la scène est plus grande et les projecteurs plus puissants, et nous faisons face a des conférences de presse comme vous avez-pu voir l’autre jour (ndlr : avant le premier match des London Series). Il y a un peu plus de pression, mais en termes de communication entre moi-même, Masahiro, notre coach des lanceurs et le reste de l’équipe cela ne change pas vraiment. Mais en effet, en ce qui concerne les interactions avec les médias c’est plus intense que d’habitude, ça change vraiment de la routine de la saison régulière.
Après cinq ans à travailler tous les jours avec Masahiro, avez-vous l’impression de le comprendre, de le connaitre mieux que n’importe qui ?
Je ne sais pas, je pense, j’en suis sûr, que sa femme doit le connaitre beaucoup mieux que moi (rires). J’ai beaucoup de respect pour sa personne, et j’ai appris à bien le connaitre. Lorsque vous travaillez pour les médias, vous ne voyez qu’une toute petite partie du personnage. Quand vous-êtes avec lui presque tout le temps comme moi, un interprète, vous apprenez à mieux le connaitre. Dans ce sens, oui, je le connais un peu mieux.
Masahiro Tanaka parle-t-il anglais aujourd’hui ?
Il progresse. La première année, très peu, ça lui a pris un an pour s’habituer à la langue anglaise. Il a commencé à comprendre ce que disait son interlocuteur et il a continué à progresser régulièrement. Il travaille dur en ce moment, et je pense qu’avec le temps il va continuer à progresser, mais oui, sa maîtrise de l’anglais s’est clairement développée.
Que représente Tanaka pour le public japonais ? Est-il une star, une légende ?
Il est très célèbre au Japon. Les Japonais prennent le baseball très au sérieux, dès les années collège. Il était déjà une star quand il jouait au collège et s’est tout de suite imposé comme un très bon joueur une fois arrivé dans les ligues professionnelles japonaises. Aujourd’hui il joue en MLB et il fait du bon travail pour les Yankees. Il est très respecté au pays et, oui, on peut peut-être dire qu’il a d’ores et déjà un statut de « Légende » au Japon.
Lors d’un match comme celui d’hier (ndlr : Game 1 des London Series), ou il a passé une soirée assez difficile comme tous les autres lanceurs, est-ce que votre rôle change parfois ? Est-ce que vous avez parfois besoin d’être un ami plus qu’un interprète ?
Non, c’est un véritable pro, et il sera toujours capable de gérer sa situation lorsqu’il s’agit de baseball. De mon côté, j’essaie d’être un peu plus prévenant, de lui laisser un peu d’espace, de faire attention. Cela fait partie des choses nécessaires pour garder une bonne relation. C’est juste une relation humaine, comme avec n’importe qui d’autre.