
Mazette ! Quelle finale ! Tellement incroyable que j’ai ressorti le mot mazette d’un Larousse de 1936. Il faut dire que ces French Baseball Series 2017 resteront dans les annales. Après un premier week-end haletant, Rouen et Sénart ont continué sur un rythme digne d’un season final de Game of Thrones, le sexe et les morts en moins (juste une coupure au doigt mais quelle coupure!), enchaînant les rebondissements comme on virevolte sur des montagnes russes. Et de cette tumultueuse série, de l’incertitude constante à laquelle nous avons été livrés en pâture par le jeu des deux équipes, il eut une fin. Une fin classique à une série peu ordinaire. Rouen a conservé son titre champion de France. Mais est-ce vraiment la fin ?
Game 1 – Rouen 8 / Sénart 4
Tout commence par le meilleur lanceur français qui encaisse 4 points, tous mérités, en 1ère manche. Owen Ozanich, l’ace de Rouen, est aux abonnés absents face à Sénart dans cette 1ère manche. On se dit que c’est déjà la fin. Erreur. Car Owen Ozanich ne commence son match, comme Rouen, qu’en 2ème manche, ne donnant plus rien aux battes sénartaises (7.0, 8H, 4R, 4ER, 2BB, 5K). Un tour de chauffe et voilà qu’en 6ème manche, Rouen martyrise le partant des Templiers, Dan Urbina (5.2, 5H, 5R, 2ER, 5BB, 6K), presque parfait jusque là, puis son releveur Clifford Heberden (3 points encaissés tous mérités) et la défense sénartaise (deux erreurs dont une dans la manche fatale). Sénart ne reviendra pas et Rouen continuera d’engranger trois points en 7ème et 8ème manches.
Et qui a mené l’attaque de la Meute ? L’expérimenté Larry Infante, auteur de 2 coups sûrs, d’un point scoré et de deux points produits ? Non. C’est le jeune Valentin Durier qui s’offre un match à 4 RBI avec deux coups sûrs et en prime un point scoré dans les 6ème et 7ème manches. Attaboy !
Une équipe favorite, à domicile, qui encaisse un max de points en 1ère manche et qui finit par s’imposer 8-4. Cela ne vous rappelle pas quelque chose ? Le scénario était si beau que les French Series ont été plagiées par le Wild Card game de l’American League cette nuit entre les Yankees et les Twins. Copieurs !

Game 2 – Rouen 3 / Sénart 7
Duel Jean Carlos Granados / Jonathan Mottay. On attendait que l’ex-pro Granados ferme la boutique dans cette finale face au jeune lanceur de Sénart. Mais c’est bien Jonathan Mottay qui va donner la leçon au vénézuélien et à son équipe de Rouen.
9.0, 7H, 3R, 3ER, 6BB, 3K. Mottay s’impose en patron avec un complete game gagnant face à la meilleure équipe de France. De l’autre côté, Granados encaisse 7 points, dont 5 mérités, en 4.1 manches lancées. Les jeunes Yoann Vaugelade et Esteban Prioul ne prendront plus de points en relève mais le mal est fait puisque Rouen restera bloqué à 3 points tout en commettant 3 erreurs défensives.
Autre bonhomme du match, Félix Brown qui s’en va cogner un HR et produire 3 points (3 pour 5, 2R, 3RBI). What else ?

Game 3 – Rouen 9 / Sénart 8
Après deux games de folie, on se demande bien qui va devenir le champion de France 2017. Rouen et son armada de lanceurs ? La puissance offensive de Sénart cumulé avec l’expérience de Matthieu Brelle-Andrade sur la butte ? Car le manager des Templiers prend ses responsabilités et s’empare du monticule. On le sait capable du bon comme du très bon. Face à lui, un ancien de Sénart, Leo Cespedes, qui a excellé dans un rôle de releveur mais qui sait aussi être un partant de qualité. L’issue de cette finale est indécise.
Matthieu Brelle-Andrade, dit MBA (c’est beaucoup plus simple et cool avouons-le), débute merveilleusement bien. Il n’accorde qu’un BB en 1.2 manches lancées. Il est bien. En forme. Une forme de champion de France ? On ne le saura jamais car là, c’est le drame. Une coupure. Pas de pub mais d’un doigt. Un doigt de la main lanceuse. Le règlement est clair, pas de substance sur la main d’un lanceur, y compris du sang. Ce n’est pas les noces pourpres de Game of Thrones (oui, ça va être dur d’attendre deux ans) mais il ne peut rester sur le monticule. L’arbitre veut l’expulser puis revient sur sa décision, MBA rejoignant la première base avec un pansement (lui aussi interdit pour un lanceur). Le match reprend.

Pierrick Lemestre relève mais éprouve des difficultés (3.0, 2H, 5R, 4ER, 7BB, 4K). En 4ème manche, MBA veut reprendre le monticule. L’arbitre refuse. La discussion devient houleuse et MBA est expulsé. Les versions divergent. On parle ici d’un respect du règlement. Ailleurs, à Sénart en fait, on parle d’un mépris du règlement. N’ayant pas l’interprétation juridico-baseballistique de l’arbitre en chef de la rencontre, il est difficile de se prononcer, seul Sénart ayant communiqué sur le sujet. Reste que les Templiers déposent un protêt (une réclamation vis à vis d’une règle non respectée). Et le match reprend… encore.

Mottay finit par revenir sur la butte mais le bras est mort après sa superbe performance de la matinée. Il tient trois manches mais concède trois points dont deux mérités. Cependant, Sénart ne sombre pas face à l’injustice ressentie. Une poussée francilienne de trois points en 6ème manche oblige Cespedes, qui avait frappé un homerun à 3 points en 5ème, à laisser le monticule à Granados. Capable du meilleur, Granados commence par une relève parfaite. Capable du pire, il finit par remplir les bases en 9ème manche. Rouen, qui menait 8 à 5 en début de manche, voit Sénart se rapprocher de l’égalisation.
Le match s’emballe à mesure que la nuit envahit un stade Pierre Rolland qui ne dispose pas d’éclairage pour les matchs. Le Sun out menace comme le renversement du roi normand par les Templiers sénartais. Le terrain de Rouen est un château-fort en état de siège prêt à céder.
Keino Perez, le closer historique des Huskies, reste dans son rôle de manager et envoie Vaugelade sur la butte. Face à lui, Fred Hanvi, revenu du Japon pour la finale, ancien joueur des Twins en Ligues Mineures et menace permanente à la batte. Ça ne manque pas. Il frappe un simple au champ droit et Sénart revient à 8-7. Léo Jiminian, bourreau des Huskies lors de la demi-finale du Challenge de France en mai dernier, réalise un superbe bunt. Voilà des Templiers sur toutes les bases une nouvelle fois. Vaugelade a la pression et offre un but sur balles à Matthew Brady. Sénart égalise. Vaugelade donne trois points qui sont à mettre au crédit statistique de Granados.
Et alors que la maison Rouen n’a jamais été aussi proche de céder, Keino Perez se décide (enfin?) à prendre ses responsabilités. Deux strikeouts plus tard, le manager de Rouen donne un quatrième souffle aux Huskies. 8-8. Le ciel normand continue de se parer d’un manteau nocturne étoilé qui baigne ainsi le public présent de sa douceur automnale. Faux ! Le ciel est nuageux et la tension maximale sur le terrain. Rien de poétique. Juste la dure réalité d’une 9ème manche au baseball quand il y a égalité et menace de report. Pour la Meute, c’est maintenant ou jamais pour fêter un 13ème titre.
Clifford Heberden se présente face au champion en ayant concédé trois points aux Huskies le jour précédent. Pour la confiance, il y a mieux mais tout est possible dans cette folle fin de rencontre d’un match tout aussi fou qui ne veut pas livrer de vainqueur. Heberden donne deux BB pour commencer. Quand le héros de la manche précédente, Keino Perez si vous n’avez pas suivi, se présente au bâton avec des coureurs en 1ère et 2ème bases, il connaît son job : poser un amorti. Et il pose un bunt d’une manière admirable. Les coureurs en 1ère et en 2ème avancent fort logiquement. Pourtant, très vite, la foule hurle. Le première base qui jouait in, anticipant le bunt de Perez, attrape la balle, tente de toucher le bunteur qui évite le gant d’un petit déhanché et commet l’irréparable, une erreur de lancer qui permet à Sébastien Duchossoy de venir scorer le point de la victoire.
Game over. Rouen remporte son 13ème titre de champion, le troisième consécutif depuis 2015. Jonathan Jaspe est lui élu MVP pour sa constance au bâton sur l’ensemble de la série.

This is the end ?
Ces French Baseball Series 2017 sont certainement l’une des plus belles finales du championnat de France depuis la prise de pouvoir rouennaise dans les années 2000. Peut-être même la plus belle. Elles auraient mérité une diffusion live de meilleure qualité (merci tout de même au courageux qui a tenu le smartphone nous permettant de vibrer).
Sénart a évolué au même niveau de jeu que les Huskies, échouant à un rien de gagner une finale face aux normands. Comme nous l’avions prévu, la profondeur du personnel des Huskies a été décisive. Mais l’expulsion de MBA a peut-être été le tournant de cette série finale. On ne saura jamais ce qu’il serait advenu avec MBA retournant sur la butte. Un mystère à ranger entre l’assassinat de JFK et ce qui s’est passé dans le bus des Bleus à Knysna en 2010.
Mais cette finale, qui a eu du mal à donner un vainqueur, l’a-t-elle donné réellement ? Aujourd’hui, alors que Rouen fête un titre durement acquis, Sénart commence un parcours pour faire valoir ses droits. L’arbitre a-t-il commis une erreur ? Cette erreur, si elle est avérée, conduira-t-elle à rejouer un match 5 ? Rouen est-il un champion en sursis ? Si le match est rejoué, quand le sera-t-il et que restera-t-il des équipes du week-end dernier, notamment au niveau des imports ? Voilà des réponses qui se cachent dans les décisions à venir des instances sportives auprès desquelles Sénart peut recourir.
Excellent! Mdr tout le long.