Si l’attention des observateurs et du public se focalise cette saison – avec raison – sur le phénomène Aaron Judge, un autre jeune Yankee bat des records à la pelle : Gary Sanchez. A 24 ans et même pas deux saisons pleines en MLB, le Dominicain se fait déjà une place parmi les meilleurs Catchers de l’histoire de la franchise.
Bill Dickey, Yogi Berra, Thurman Munson et Jorge Posada ont laissé leur empreinte dans le cœur des fans new-yorkais, leur numéro a été retiré par la franchise et tous ont une plaque dédiée dans Monument Park. Leur point commun? Ils ont joué au poste de Catcher. La liste pourrait s’allonger d’un nom et d’un surnom dans les prochaines années : Gary “The Kraken” Sanchez, à condition qu’il confirme ses débuts monstrueux.

C’est le GM, Brian Cashman qui dès 2015 baptisa son joueur du nom du monstre marin du film Clash of the Titans (1981 – “We’re going to unleash the Kraken”). Sanchez n’avait alors que 23 ans mais les Yankees attendaient déjà beaucoup de lui. Le jeune Dominicain venait de gravir tous les échelons des Ligues Mineures pour frapper à la porte des Majeures. C’est lors de deux matchs de fin de saison régulière 2015 que Sanchez fit le grand saut (0 sur 2 en 2 apparitions au marbre en tant que PH). Une première consécration pour celui qui fut signé par les Yankees en 2009 à l’âge de 17 ans en tant qu’agent libre international contre un bonus de 3 millions de dollars.
Gary Sanchez a joué avec Aaron Judge dès les Ligues Mineures
Avant la saison 2010, Sanchez apparait au 7e rang des prospects Yankees dans le classement référence de Baseball America. Sa carrière pro commence en Gulf Coast League avant une promotion en août chez les Staten Island Yankees en Class A-Short Season New York–Penn League. Bilan de cette première année : .329/.393/.543 avec 8HR et 43 RBIs en 47 matchs, bons débuts… et logiquement Gary prend du galon dans la hiérarchie des prospects new-yorkais : 2e pour la saison 2011 et même 30e au général, toujours selon Baseball America. Plus de matchs : 82 avec les Charleston RiverDogs en Class A South Atlantic League mais une saison finalement abrégée par une blessure à la main et qui le voit régresser au niveau stats : .256/.335/.485 ; 17 HR ; 52 RBIs.

Mais 17 HR pour une deuxième saison aux Etats-Unis, c’est pas mal… et à ce niveau là, Sanchez ne va pas faiblir : 18 HR en 2012, 15 en 2013, 13 en 2014, de nouveau 18 en 2015… le tout en continuant à évoluer dans l’organisation, en passant par la Class A-Advanced Florida State League (Tampa Yankees) et la Class AA Eastern League (Trenton Thunders). Plusieurs grandes étapes ponctuent ce parcours : à l’issue de la saison 2013, Sanchez intègre le 40-man roster des Yankees et en 2015, il représente la franchise au All-Star Futures Game à Cincinnati. Le Dominicain y côtoie un autre grand espoir new-yorkais avec qui il évolue déjà en Mineures : un certain Aaron Judge. Les deux hommes seront promus à quelques semaines d’écart en Triple A.

Pour son premier match et même son premier at-bat avec les Scranton/Wilkes-Barre RailRiders en Class AAA International League, Sanchez s’offre le luxe de frapper un HR. Suivront donc ces 2 premières apparitions sous le vrai et l’unique maillot pinstripes des Yankees. Sanchez enchaîne fin 2015 avec la Arizona Fall League. Il frappe le plus de HR de la compétition, est élu MVP du Fall-Star Game et ressort de AFL classé 2e meilleur prospect de MLB par Baseball America. Tout logiquement, Gary Sanchez prétend à une place dans le roster pour l’Opening Day 2016 au poste de Catcher réserviste. Mais en Spring Training, il ne frappe que 2 hits en 22 AB et les coachs lui préfèrent Austin Romine. Renvoyé à Scranton/Wilkes-Barre, il est appelé en mai pour un match (0 sur 4) avant de repartir une nouvelle fois en Triple A.
En deux mois, il se fait une place parmi les meilleurs joueurs de MLB
Le 3 août 2016, le Dominicain est de nouveau appelé et c’est LA révélation. Ce même jour, il enregistre son premier hit en MLB. Une semaine plus tard, il signe un magistral 4 sur 5 avec son premier HR + 3 simples. Le 16 août, il frappe 2 HR lors d’un match face aux Blue Jays. Le 21, il est nommé AL Player of the Week en signant 4 HR et une moyenne de .523 sur la semaine! Rebelote le 29 : 2e AL Player of the Week award consécutif… avant d’enchainer quelques jours plus tard avec le doublé AL Player of the Month / AL Rookie of the Month. Tout simplement monstrueux et digne d’un KRAKEN!
Et les records pleuvent : premier joueur dans l’histoire (oui l’histoire) de la MLB à frapper au moins 11 HR et 31 H au cours de ces 23 premiers matchs. Le 21 septembre : 18e et 19e HR en 45 matchs, joueur le plus rapide à atteindre cette marque dans l’ère moderne. Cette année, le Dodger Bellinger lui piquera le record de 21 HR en 51 matchs. Après 53 matchs et deux mois de compétition seulement, Gary Sanchez se classe 2e du classement du AL Rookie of the Year derrière le lanceur des Tigers Michael Fulmer. Le jeune Yankee termine 2016 avec une moyenne de .299, 20 HR, 42 RBIs!

Il est bien évidement inutile de préciser que Gary Sanchez ne redescendit pas en Triple A à la fin de la saison! Sa place dans le roster pour 2017 est assurée. Un impressionnant .373/.429/.765 (OPS 1.193) en Spring Training laisse augurer de très belles choses. Mais à l’image du club (4 défaites en 5 matchs) Sanchez est transparent dans la première semaine avec une moyenne de .150 et un OBP de .190. Le 8 avril, il sort sur blessure et est placé sur la DL-10 pour une douleur au biceps droit. Coup de frein dans sa progression mais les supporters se consolent avec l’émergence du phénomène Judge : 10HR en avril (.303/.411/.750/1.161).

Gary Sanchez retrouve l’équipe le 5 mai après avoir manqué 21 matchs. Il retrouve des stats plus dignes de ses qualités (.293/.398/.440 en mai) et enchaine avec un beau mois de juin. Sa moyenne et sa puissance augmente. Le 10, il frappe le plus puissant HR de sa carrière (115.1 mph) et le jour suivant son plus lointain (450 feet). Début juillet, il est nommé Catcher réserviste dans l’équipe d’American League pour le All-Star Game. Il est même choisi pour disputer le Home-Run Derby. Logique si l’on prend en compte l’impact que Sanchez imprime depuis ses débuts mais injuste aux yeux de certains joueurs ou observateurs compte tenu de ses 13 HR “seulement”. Sanchez fait taire les critiques à Miami en éliminant au premier tour de ce HR Derby la star locale et tenant du titre : Giancarlo Stanton 17-16. Il perd 11-10 au tour suivant face au Twins Miguel Sano. Lors du match des étoiles, Sanchez relève Salvador Perez au poste de catcheur et forme même un duo Yankees / Red Sox toujours savoureux avec Craig Kimbrel!
Puis arrive le mois d’août que l’on pourrait requalifier “le mois de Sanchez”. Comme en 2016, le Dominicain sort l’artillerie lourde! 3 HR lors d’une Subway Series face aux Mets… 4 dans une série face aux Tigers dont 2HR dans le même match (le premier mesuré à 493 feet, 2e plus long de la saison en MLB après celui de son coéquipier Judge). Total sur ce mois d’août pour Sanchez : 12 HR, 26 RBIs, 31 hits (SLG .648 et OPS .995). Le 14 septembre, Gary frappe son 31e de la saison, battant ainsi le record historique pour un catcher des Yankees. Un record que détenaient jusque là conjointement les légendes Yogi Berra et Jorge Posada.
Une attaque de feu mais une défense encore perfectible
On a vu que dès août 2016, Sanchez se faisait aussi une place dans les palmarès de la MLB. Il continue cette année. En ce mois de septembre, il est devenu le 4e catcher de l’histoire à frapper 30 HR ou plus lors de sa première ou deuxième saison (après Rudy York, Earl Williams et Mike Piazza). Ses 33 HR cette saison le placent en tête pour les catchers des Majeures, loin devant les 27 de Perez (Royals). Il est également en tête des catégories RBI (90), runs (79), SLG (.537) et 2e meilleur AVG derrière Posey des Giants (.280 contre .313). De tels chiffres en ferait la vedette de son équipe, mais cette année, Sanchez doit rivaliser avec son camarade de promotion. Aaron Judge vient de battre lundi le record de HR sur une saison par un rookie : 50, contre les 49 de Mark McGwire en 1987.

On a longuement parlé du coup de batte foudroyant de Gary Sanchez mais pas encore de sa défense, car à ce niveau le jeune joueur a encore beaucoup de travail. C’est le 6 août 2016 que Gary Sanchez a catché pour la première fois en Majeures, se permettant au passage de retirer les 2 premiers batteurs des Indians qui tentaient de lui voler une base. Depuis, il est la cible de critiques sur ses habilités défensives derrière le marbre. Son FCPT de .988 le place en dernière position des catchers d’American League (parmi les 14 qualifiables en fonction de leur nombre de manches), et 26e sur 28 en MLB (seuls Contreras des Cubs et Hundley des Giants font “pire”). Il est crédité de 12 erreurs (pire total derrière Contreras). Ses 15 passed balls sont le record de la saison (à égalité avec Grandal des Dodgers) et ses pitchers ont lancé 52 wild pitches face à lui (2e plus gros total après Lucroy et à égalité avec Zuzino).
Ce qui surprend les observateurs c’est que Sanchez n’a pas beaucoup progressé ces derniers mois bien qu’il côtoie au quotidien Tony Pena, membre du staff des Yankees. Pena était l’un des meilleurs catcheurs de MLB sur le plan offensif mais aussi défensif, 5 fois All-Star et 4 fois vainqueur du Gold Glove. Et puis en plus, Pena est Dominicain comme Sanchez. Les problèmes de communication expliquent d’ailleurs peut-être les problèmes tout court du jeune catcher. Il ne s’exprime qu’avec un interprète lors de ses interviews. Lors d’un match face à Boston début septembre, il a demandé 5 ou 6 visites sur la plaque à son lanceur Dellin Betances en une seule manche. Visiblement les deux hommes ne se comprenaient pas sur les signaux ou même dans leurs têtes à têtes “vocaux”.

Sanchez et son coach Joe Girardi – ancien catcher lui aussi – ont déjà eu des discussions à ce sujet. Fin juin, on avait vu les deux hommes discuter sur le banc, Girardi expliquant à son joueur comment il aurait du bloquer une balle au sol. Début août, c’est publiquement que Girardi s’est exprimé au sujet de la défense du Kraken : “I don’t have a problem with his effort, but sometimes he shows his frustrations. We continue to work on. He’s capable of doing a better job.” (“Je n’ai pas de problème avec son investissement mais parfois il laisse paraître ses frustrations. On continue à travailler car il est capable de faire mieux” – Daily News du 5 août). Sanchez est conscient de ses difficultés : “It was a conversation about getting better and eliminating passed balls and I know that I need to improve. I am not perfect and I understand that.” (On a eu une conversation dans le but de m’améliorer et d’éliminer les passed balls de mon jeu. Je sais que je dois m’améliorer. Je ne suis pas parfait, j’en ai conscience” – New York Post du 6 août 2017). Le staff des Yankees va donner encore un peu de temps à Sanchez pour progresser. On imagine qu’un travail de fond lui sera demandé cet hiver et au printemps. Si son jeu défensif ne progresse pas, on peut imaginer que Sanchez devienne le DH régulier des Yankees la saison prochaine, laissant la place de catcher à Austin Romine, son actuel suppléant, ou une recrue de l’intersaison.

Un autre petit bémol dans la saison incroyable de Sanchez : ses 3 matchs de suspension écopés après la rencontre face aux Tigers le 24 août. Le match a été émaillé de nombreuses bagarres après des HBP en série, 8 joueurs ou coachs des deux équipes avaient été expulsés, pas Sanchez. Mais c’est suite au visionnage des images de l’un des brawls que le catcheur a été suspendu. On le voyait asséner un coup de poing à un adversaire au sol, à quelques mètres du coeur de la bagarre.
Avec Sanchez et Judge, le futur des Yankees semble assuré
Cette suspension ou sa défense encore perfectible ne doivent pas atténuer l’incroyable parcours de Gary Sanchez depuis ses débuts en août 2016. Lui et Aaron Judge forment un duo de tout juste 25 ans. Si on ajoute Gregorius et Castro (27 ans) qui réalisent aussi leur meilleure saison, plus Bird, Austin et Clint Frazier qui doivent à leur tour percer, les Yankees ont tous les atouts en main pour bâtir une nouvelle ère que les fans des Bronx Bombers imaginent déjà dorée.

*Stats arrêtées au 28 septembre
Une réflexion sur “Gary Sanchez : l’autre canonnier du Bronx”