Les stats officielles d’Adam Greenberg en MLB sont celles-ci : 2 matchs ; 1AB ; 1SO ; 1HBP. Lors de son premier match sous le maillot des Cubs en 2005, il a été grièvement blessé à la tête par le premier lancer qu’il a vu arriver sur lui. L’ancien outfielder, aujourd’hui retraité des terrains, raconte son histoire dans un livre Get up, The Art of perseverance. Mais ce n’est pas seulement l’histoire d’un joueur de baseball, mais aussi celle d’un homme qui a lutté pour sa santé et pour continuer à exercer son métier. Son puissant message s’adresse à tous, pour affronter au mieux les difficultés de la vie. Adam Greenberg a répondu avec une extrême gentillesse aux questions de The Strike Out. (Read in English)
The Strike Out : Adam, pourquoi avoir écrit ce livre ?
Adam Greenberg : Je voulais vraiment faire passer un message sur le fait de persévérer dans la vie, d’affronter les obstacles et les difficultés. En ce moment avec les questions de société qui se posent, les choses terribles qui se passent dans le monde, je pense que c’était important de dire qu’il faut continuer à se relever, à avancer, à faire le bien, à être une bonne personne, à aider ses proches ou ses amis à affronter des moments difficiles. Je veux faire passer ce message aux Etats-Unis mais aussi partout dans le monde grâce à ce livre. J’espère que mon message sera une source d’inspiration pour de nombreux lecteurs.
TSO : Pour toi ce n’est pas un livre sur le baseball, sur ta carrière… C’est bien plus que cela…
A.G : Le titre c’est Get up [note : qu’on peut traduire par “Relève-toi”] et quand on y pense : tout le monde une fois dans sa vie aura à se relever de quelque chose. Bien sûr que je parle beaucoup de baseball dans ce livre, c’est une partie de moi, ce que je suis fondamentalement… Mais c’est surtout pour dire que, soit tu es à terre et tu as besoin de quelqu’un pour t’aider à te relever, soit tu es debout mais quelqu’un a besoin de ton aide. En tant qu’être humain, c’est dans notre ADN de s’entraider, de persévérer, sinon on ne serait plus là depuis longtemps! Donc c’est un message qui va plus loin que la simple histoire d’un joueur de baseball.
TSO : Tu ne voulais pas écrire seulement sur ta carrière, sur ce qui t’es arrivé?
A.G : Je n’aurai jamais imaginé écrire un livre sur quoi que ce soit, même en étant enfant ça ne m’avait jamais effleuré l’esprit ! Mais après l’incident, surtout dans les années qui ont suivi, ça me passionnait vraiment de délivrer mon message au plus grand nombre. Les interventions publiques que j’ai faites jusque-là, en entreprises, auprès d’associations de jeunes, de groupes religieux, d’équipes sportives… mettre sur papier en creusant encore plus loin, tout ça a été le facteur déclenchant. Comme je l’ai dit, je n’ai pas commencé par dire “Je veux écrire un livre”, cette envie et ce désir sont venus petit à petit.

TSO : Quel est le terme que tu utilises pour parler de ta blessure?
A.G : Pour moi c’est une expérience de la vie. Je ne considère pas ça comme un accident lors d’un match de baseball. C’est quelque chose qui m’est arrivé, dont je peux parler aujourd’hui et le comparer à des millions d’autres choses : comme quelqu’un qui a eu un gros problème physique, émotionnel, médical, professionnel, personnel, n’importe quoi… c’est juste une partie de moi et pas un accident de baseball à proprement parler.
TSO : Crois-tu au destin?
A.G : En quelque sorte oui, je ne peux pas exclure ce terme. Je crois profondément que les choses arrivent pour une raison. Mais le plus important c’est comment on y répond, comment on y fait face. Quand j’ai été blessé, juste après, je pensais que c’était à la fois la meilleure et la pire expérience de ma vie. Avec le recul aujourd’hui, je peux dire que c’est simplement la meilleure. Il y a certainement une part de destin là-dedans, en tout cas je me dis que c’est le chemin que ma vie devait prendre.
TSO : Ton rêve de joueur durablement en MLB s’est envolé après cette blessure. Comment t’es-tu relevé, comment as-tu continué à y croire malgré tout ?
A.G : Je le dis haut et fort : j’ai accompli mon rêve, j’ai réussi, j’ai atteint la Major League ! Même si tout ne s’est pas passé comment je le voulais ou l’imaginais. Mais le cheminement, le cours de la vie, c’est ce dont il faut profiter le plus… et j’en ai vraiment profité à ce moment-là. J’ai travaillé, je me suis entraîné pour atteindre le sommet peu importe les obstacles. Quand tu arrives tout en haut, que tu atteins ton but, la vie continue. C’est ce que tu fais après avoir atteint ton objectif qui est important. Comment tu te fixes de nouveaux défis, de nouveaux buts, faire des petites choses au quotidien pour être heureux. Le bonheur, c’est vraiment le socle de cette histoire : persévérer pour être heureux. Toute ma vie j’ai voulu être un joueur de baseball et aujourd’hui ma vie a pris un autre chemin : j’ai fondé une entreprise, je publie un livre, je fais des conférences, je suis devenu père, je suis marié… ce n’est pas forcément tout ce que j’imaginais, mais c’est devenu ma vie.
TSO : As-tu pensé que cette blessure signifierait la fin de ta carrière ?
A.G : Non, jamais je n’ai pensé que tout allait s’arrêter. Quand je me suis retrouvé au sol, le staff me demandait si j’allais bien. La troisième question a été “Où étais-tu il y a deux jours ?”. Je leur ai répondu que j’étais en Ligues Mineures et que je ne comptais pas y retourner ! Je n’ai jamais douté sur mon objectif ultime qui était de jouer au plus haut niveau.
TSO : Après ta blessure, tu as du retourner jouer en Ligue Mineure…
A.G : La chose la plus difficile n’a pas été forcément de retourner en Minor League, bien que ce n’était bien sûr pas ce que je voulais faire. La chose la plus difficile c’était de souffrir de vertiges, de problèmes de vision… Me battre avec mon corps et ma santé pour retrouver le niveau qui était le mien avant ma blessure, c’était vraiment ça le challenge. Le baseball est un sport basé sur l’échec, l’échec du batteur face au lanceur dans la boite… et il me fallait surmonter, en plus, ses échecs personnels, alors je me suis battu jour après jour.
TSO : Tu as ensuite rejoint la Ligue Indépendante [avec les Bridgeport Bluefish en Ligue Atlantique]. Quelles sont les différences par rapport à la Minor League ?
A.G : C’est très différent car tu n’attends pas de coup de téléphone ! Tu ne fais pas partie d’une Ligue où tu sais qui est là, qui te regarde, où tu peux aller jouer le jour suivant. En Ligues Mineures, tu joues quasiment tous les jours devant les émissaires des 30 franchises et tu espères que l’un d’eux te repère pour te faire monter. En Ligue Indépendante, il n’y a pas d’assurance-santé, les salaires sont très limités… C’était vraiment intéressant avec une grande diversité de joueurs entre ceux qui ont le niveau MLB et des joueurs qui débutent leur carrière pro. C’est une Ligue très compétitive. Le challenge c’était vraiment de travailler mentalement, de ce dire qu’on ne fait pas partie d’une équipe MLB et qu’il y a donc très peu d’espoir de la rejoindre.
TSO : Et tu as de nouveau affronté le lanceur qui t’avais blessé en 2005, Valerio de los Santos…
A.G : 2011 si je me souviens bien… C’était le premier match de la saison, la soirée d’ouverture… Il jouait pour les Long Island Ducks et moi pour les Bridgeport Bluefish. Il est rentré à la 8e manche, je me suis présenté face à lui et j’ai décroché un hit ! C’était tour simplement le at-bat le plus incroyable de ma vie à ce moment-là, peu importe ce qui c’était passé avant. Ce hit s’était tout simplement mon hit de MLB. Je n’ai eu aucun problème de concentration car beaucoup avait été écrit sur notre confrontation avant même le match. J’ai su dès l’intersaison qu’il y avait de grande chance que ça se produise. Je me suis tout simplement dit “il ne va pas m’éliminer, je vais aller sur base, je vais frapper un hit” et je suis rentré dans le box comme si c’était un match 7 des World Series avec bases pleines, deux retraits et égalité au score… si j’arrive sur base, on gagne le titre suprême… voilà comment j’ai abordé ce moment!

TSO : Considères-tu ton AB contre les Marlins comme une seconde chance? [Les Miami Marlins lui ont fait signé un contrat d’un jour en octobre 2012 après le gros succès d’une pétition en ligne. Lancée par un fan, elle appelait une franchise à permettre à Adam Greenberg d’avoir un deuxième AB en MLB.]
A.G : Oui en quelque sorte… Mais je pense que ma deuxième chance a été quand les Dodgers m’ont fait signer un contrat [après avoir été libéré par les Cubs, il a évolué en Ligue Mineure avec plusieurs franchises ], quand les Royals m’ont fait signer un contrat, l’équipe de Bridgeport aussi, puis les Angels, les Reds, à nouveau Bridgeport et bien sûr Team Israël… Pour moi, la vie n’a jamais été faite d’une seule opportunité. Je pense que chaque jour, chaque pas que j’ai fait, chaque fois que je m’entraînais sur le terrain… toutes ces choses dont on ne se rend pas forcément compte quand on les vit, ce sont celles-là mes deuxièmes chances, cela faisait partie du processus. Je suis reconnaissant pour toutes ces chances que j’ai eu de retourner sur le terrain, enfiler un maillot, mettre mes crampons et rentrer dans le box du batter.
TSO : Faire de nouveau face à un lanceur en MLB, c’était une conclusion à ton histoire ? [le terme anglais “closure” utilisé pendant l’interview est très difficile à traduire et rendre en français]
A.G : Non je ne dirai pas ça. Ma mission c’était de revenir, de traverser l’expérience que j’ai vécue. La vraie conclusion a été quand j’ai participé au Spring Training avec les Orioles de Baltimore [en 2013]. J’ai frappé avec une moyenne de .355 et une moyenne sur base de .413. J’ai retenues ces stats car elles prouvaient que je pouvais toujours jouer à haut niveau. J’ai su que c’était la fin du chapitre quand j’ai vu que j’arrivais à bien jouer mais que je n’ai pas été conservé simplement parce qu’ils avaient trop d’outfielders. Je me suis vu offrir un poste de coach, parce que j’étais encore performant et parce que j’avais pu faire cet AB avec les Marlins l’année précédente. Je savais que j’avais mis tout mon cœur et toute mon âme dans cette aventure, que j’avais sacrifié mon compte en banque et que surtout j’y avais dédié ma vie.
TSO : Peux-tu nous parler de ta participation aux qualifications de la World Baseball Classic avec l’équipe d’Israël en 2013 ?
A.G : C’était une expérience incroyable! J’ai joué avec la meilleure sélection jamais mise sur pied à l’époque. On représentait un pays où il n’y avait qu’un seul terrain de baseball. Mais ça allait bien au-delà d’une bande de jeunes juifs qui jouaient au baseball et qui essayaient de gagner… L’idée c’était de parler de paix grâce au sport et je pense qu’il n’y a pas plus belle idée. Les Jeux Olympiques rassemblent les peuples et les nations. Quand on rentre sur le terrain, l’esprit sportif prend le dessus, on oublie la haine, les disputes, les désaccords et on ne pense qu’à jouer. Et quand le match est terminé, c’est quelque chose que l’on chérit. Il y a un respect mutuel et c’est ça le sentiment le plus incroyable. C’était vraiment génial de participer à leur folle envie de faire grandir le baseball en Israël.
TSO : As-tu regardé la WBC cette année et vu les performances de Team Israël ?
A.G : J’ai regardé tous les matchs que j’ai pu et je soutenais vraiment les gars. C’était super de voir ce qu’ils étaient capables de faire. Ils ont échoué de peu mais c’était déjà un grand succès d’envoyer une équipe disputer la Classic.
TSO : Tu suis la MLB aujourd’hui? Tu regardes les matchs?
A.G : Oui, mais pas autant qu’avant. La raison première c’est que je n’ai pas forcément le temps et puis cela a aussi à voir avec la façon dont je veux que ma vie évolue. Je continue de suivre les résultats et aussi les performances de certains joueurs. J’entraîne, j’aide les équipes locales quand elle me demandent de venir parler aux joueurs ou d’organiser des exercices. J’ai installé une cage de frappe chez moi et les gamins du quartier viennent frapper. J’ai toujours cette soif de savoir sur le jeu, je l’aime, c’est ma passion et je garde tout ça à l’esprit pour pouvoir le partager. Mais c’est vrai que je regarde beaucoup moins les matchs qu’avant.
TSO : As-tu des regrets dans ta carrière ?
A.G : Non, je ne peux pas dire que j’ai des regrets. En réfléchissant bien, je dirai que j’ai peut-être un regret : je n’ai pas fait ce que j’aurai du quand je me suis blessé à l’épaule en 2009. Je ne suis pas allé en Floride travailler avec mon hitting coach et je pense que je n’ai pas retrouvé le niveau qui était le mien à la frappe. C’est quelque chose que j’aurai du faire. Je l’ai fait ensuite pour jouer avec la sélection d’Israël, aussi pour préparer mon AB avec les Marlins et pour avoir une bonne préparation pour le Spring training avec les Orioles.
TSO : Qu’as-tu ressenti quand les Cubs ont gagné les World Series l’année dernière?
A.G : C’est une bonne question et j’aurai du en parler dans le livre ! C’était une sensation à 100% douce amère. J’étais vraiment content pour les supporters des Cubs, l’histoire, les joueurs, la direction et la ville de Chicago, Ils l’ont tellement mérité après toutes ces années. Mais c’était un sentiment mitigé également car j’aurai tellement voulu vivre ça! C’est pour ça que je joue, pour ça que j’étais tellement content et excité quand j’ai été appelé pour rejoindre l’équipe première… alors les regarder célébrer le titre en sachant que j’avais fait partie de l’équipe – même pour une durée très courte – cela m’a rendu heureux, mais intérieurement je ne pouvais m’empêcher de penser “mince, je le voulais vraiment moi aussi”.

TSO : Tu as lancé une fondation qui s’occupe de nutrition, c’est quoi exactement ?
A.G : Ça s’appelle “Lurong Living”. Le but est d’éduquer sur les questions de nutrition pour améliorer sa santé. On a le contrôle sur notre vie à propos de la nourriture, des choix que l’on fait, de ce qu’on impose à notre corps. Ma mission est d’aider les gens à comprendre qu’on peut faire encore plus et mieux, proposer des outils pour apprendre ce que l’on peut faire, ne pas faire, et qui aura ensuite un impact important sur nos proches, notre famille, nos amis… tout cela pour vivre plus longtemps, en meilleure santé et en étant plus heureux. On a touché près de 100 000 personnes depuis 2012 et on continue de grandir. Je suis vraiment très très fier de ce que l’on a accompli.
TSO : Tu as fait ton cursus universitaire à UNC (Université de Caroline du Nord). On sait que c’est un College très réputé pour son équipe de basketball [les Tar Heels ont remporté le championnat NCAA cette année]. C’était comment de joueur au baseball là-bas ?
A.G : Quand j’étais là-bas, le baseball était populaire mais le basket bien entendu est le sport numéro 1 et c’est indétrônable, rien ne s’en approche. Mais ces dernières années, l’équipe de baseball a fait d’énormes progrès : le stade a été amélioré, le tableau de score a été changé… C’est vraiment un super lieu pour jouer et les fans sont de plus en plus nombreux. UNC fait partie des meilleures équipes du pays et est allée en College World Series plusieurs fois [en 2006 et 2007]. C’est une superbe université pour le baseball, une superbe université tout court, avec des gens formidables et je n’ai que de belles choses à dire sur UNC.
TSO : J’ai lu que tu jouais au football au lycée, c’est vrai ?
A.G : Absolument ! J’étais sans doute meilleur footballeur que joueur de baseball au lycée. Mon équipe était excellente. Le lycée avait un programme foot incroyable, on était affuté, on s’entrainait deux ou trois fois par jour. Mais le baseball restait ma vraie passion. Peut-être que si j’avais grandi en Europe, j’aurai eu envie de devenir footballeur professionnel. Mais ici aux Etats-Unis quand j’étais enfant, il n’y avait pas la MLS [la Major League Soccer, la ligue de football professionnelle nord-américaine]… le foot n’avait pas pris autant d’importance qu’aujourd’hui. Vous, vous grandissez en regardant du foot, nous on grandit en regardant le baseball… donc j’avais cette préférence. J’adore le foot, j’adore jouer, je joue toujours d’ailleurs : je tape plus souvent dans un ballon que je ne swing une batte de baseball en ce moment! Je regarde quand il y a des matchs à la télé. J’aime voir les joueurs, leur toucher de balle, leurs déplacements, la vitesse à laquelle ils jouent… J’aime le foot tout simplement, peu importe quelle équipe joue !
Le livre d’Adam Greenberg – Get up, The Art of perseverance – est publié aux éditions Mckenzie Daniel et disponible en France sur le site amazon.fr
Une réflexion sur “Adam Greenberg : “J’ai accompli mon rêve, j’ai atteint la Major League !””