Sur le papier, c’est peut-être l’affiche la plus indécise de ces American League Division Series, entre des Boston Red Sox portés par des batteurs intenables mais pas forcément intouchables au lancer, et des Cleveland Indians incroyables d’envie et de hargne, dignes héritiers des Kansas City Royals auxquels ils ont succédé en AL Central. Si les Red Sox, par leurs performances au baton, leur histoire récente et leur appel médiatique, sont vus par beaucoup comme LE prétendant de l’American League pour retrouver les World Series, n’enterrons donc pas les Indians trop vite !
La dernière fois que les Boston Red Sox ont affronté les Cleveland Indians lors d’un match de postseason, Terry Francona était déjà sur le banc… mais sur celui des Red Sox. La franchise de Boston l’avait alors emporté au terme d’une série crispante et d’un match 7 indécis jusqu’à la huitième manche. Et puis, huit points lors des deux derniers innings assuraient la qualification des Red Sox pour des World Series qu’ils allaient dominer avec un sweep des Colorado Rookies.
Depuis, les coéquipiers de David Ortiz ont gagné un titre de plus. C’était en 2013, année de la seule apparition des Indians en postseason depuis ces ALCS maudites : ils s’inclinèrent alors (0-1) contre les Tampa Bay Rays dans le Wild Card Game. C’était la première année de Terry Francona à la tête de la franchise de l’Ohio.
Terry Francona, on en reparlera plus tard, mais intéressons-nous pour le moment au terrain, et à ces deux franchises qui n’auront été départagées qu’au soir du match 162, grâce à une victoire et un sweep des Indians chez les champions en titre, les Kansas City Royals, tandis que les Red Sox s’inclinaient à Fenway Park face aux Toronto Blue Jays. Résultat ? Les Cleveland Indians remportent l’American League Central avec un bilan de 94-67, tandis que les Boston Red Sox font de même en American League East avec un bilan de 93-69. L’avantage du terrain va donc aux Indians, et un match 5 eventuel se jouera dans le Ballpark at the Corner of Carnegie and Ontario, à Progressive Field, Cleveland, Ohio.
La saison : souffle divin et force tranquille
Il est facile de tracer un parallèle entre les saisons de Cleveland et de Boston, dans deux divisions qui se sont révélées comme potentiellement les plus relevées des Ligues Majeures en 2016. Derniers d’AL East pendant deux ans, les Red Sox voulaient encore croire à l’accident de parcours tandis que les Cleveland voulaient enfin décoller après deux troisièmes places consécutives en AL Central.
Le momentum est venu lentement pour les deux équipes. Tandis que les battes de Baltimore ou les bras des White Sox flambaient, Cleveland et Boston se contentaient d’assurer match après match, sans faire de vagues. Et puis, Juin est arrivé, et les NBA Finals ont connu l’un de leurs dénouements les plus spectaculaire et forts en émotion, avec la victoire des Cleveland Cavaliers de LeBron James, au terme du Game 7 face aux Golden State Warriors…
- Mais qu’est-ce que cela a à voir avec le baseball, me demanderez-vous ?
- Pas grand-chose certes, mais…
- Mais ?…
Mais voilà, en remportant le titre suprême, LeBron James et ses acolytes ont mis fin à 42 ans (147 saisons cumulées) de disette pour la ville de Cleveland dans les sports majeurs. Dans la foulée, les Indians s’offraient une série de 14 victoires consécutives pour s’offrir un bilan de 22-6 au mois de juin, excusez du peu. Surtout, Jason Kipnis et ses coéquipiers n’étaient plus les mêmes et s’affirmaient soudain comme une équipe de cœur, de rage et de poigne. Meilleur exemple de cet état d’esprit quasi-mystique qui a investi les Indians et Cleveland au cœur de l’été ? Les Indians ont remporté pas moins de 11 victoires sur des Walk-offs en 2016 : de loin le meilleur score des Ligues Majeures cette saison!
Pendant ce temps, les Boston Red Sox continuaient de gérer, dans le sillage des formidables Mookie Betts et David Ortiz, avant d’enclencher la seconde a l’approche de l’automne. Un bilan de 19-8 en Septembre – le meilleur des Ligues Majeures -, leur permettait de s’assurer une place à la table des géants sans vraiment trembler. Au final, et malgré une dernière semaine en roue libre, les Red Sox s’assurent une victoire confortable en AL East, avec un avantage de quatre victoires sur les Blue Jays et les Orioles, mais une question se pose : Les Red Sox ont-ils vraiment été bousculés ?
Verdict : Egalité
Runs, runs, runs !
S’il y a un domaine dans lequel Boston n’a pas son pareil en 2016, c’est la production de runs.
Il faut dire qu’avec trois joueurs à plus de 110 RBI (David Ortiz, 127 ; Mookie Betts, 113 ; Hanley Ramirez, 111) sur les six que compte la MLB cette saison, les Red Sox ont frappé très fort cette saison.
Ils terminent la saison avec, excusez du peu :
- La meilleure moyenne au bâton collective (.282) des Ligues Majeures
- Le plus grand nombre de hits (1598), de runs (878) et de RBI (836) des Ligues Majeures
- Le meilleur OPS collectif (.810) des Ligues Majeures
Portés par un Big Papi en état de grâce pour sa « tournée d’adieu » (.315, 38 HR, 127 RBI, et un OPS de 1.021, le meilleur de MLB) et un Mookie Betts à qui le titre de MVP semble promis (.318, 31 HR, 113 RBI, OPS 897, WAR : 9.6, deuxième de MLB) tant il est supérieur à tous ses adversaires (sauf Mike Trout, qui a le malheur de jouer pour les Angels), les Sox sont absolument insatiables.
C’est simple, les Red Sox peuvent frapper partout, tout le temps, et sur la durée, comme en témoignent les deux meilleures séries de hits consécutifs en American League cette saison, par Jackie Bradley Jr (29 matchs) et Xander Bogaerts (26 matchs). Betts, Pedroia, Ortiz, Ramirez, Bradley, Bogaerts, le danger vient de partout quand les Red Sox sont au bâton, et les Indians auront la lourde tâche de limiter cette production incroyable de coups sur et extra-base hits, s’ils veulent saisir l’opportunité de faire compter les leurs !
Pourtant, les Indians sont bien loin d’être ridicules quand il s’agit de produire des points. Ils possèdent même la deuxième attaque d’American League, avec 777 points produits en 2016, 101 de moins que les Sox tout de même…
Les Indians, un peu comme les Royals ces deux dernières années, s’avancent avec un roster qui ne possède pas vraiment de nom clinquant ou de véritable star. Bien sûr, vous avez tous entendu parler de Jason Kipnis, de Mike Napoli et surtout de l’étoile montante Francisco Lindor, mais ces noms ne seraient pas ceux qui vous viennent à l’esprit lorsque vous dressez la liste des stars d’American League.
Ce qui fait la force des Indians, c’est avant tout l’état d’esprit d’un groupe dans lequel pas moins de huit joueurs ont frappé 40 RBI ou plus (si vous vous demandiez, même les Red Sox n’en ont que sept) au cours de la saison 2016. Il suffit d’ailleurs de revenir sur la vidéo postée au début de cet article pour réaliser que les onze walk-offs de Cleveland ont été produits par neuf joueurs différents : ça vous classe une équipe !
Verdict : Au bâton, avantage Boston
Le Cy Young dans la balance?
Lors du Wild Card Game d’American League, on a attendu en vain de voir apparaitre celui que beaucoup considèrent comme un candidat naturel au titre de Cy Young, malgré son poste de Closer. Las, Zach Britton n’a jamais fait son entrée, assistant impuissant au Home Run décisif d’Edwin Encarnacion face à Ubaldo Jimenez.
Lors de ces Division Series, nous verrons lancer ses deux principaux rivaux, Corey Kluber et Rick Porcello. Mais au terme d’une très longue saison, la question de leur état de forme, et de celle de l’ensemble des lanceurs des deux pitching staffs se posera rapidement !
Il y a encore quelques semaines, je n’aurais pas hésité à attribuer toute ma confiance au pitching staff des Indians. Après tout, Corey Kluber et ses acolytes ont le deuxième ERA collectif d’American League (4.08, contre 3.64 pour les Blue Jays) et les cinq membres de la rotation de Cleveland ont tous un bilan positif sur la saison 2016.
Oui mais voilà, les lanceurs de la franchise de l’Ohio semblent au bout du rouleau physiquement, et le mois de Septembre a couté cher aux hommes de Terry Francona : Carlos Carrasco (avant-bras), Danny Salazar (fracture de la main) et Corey Kluber (quadriceps), les trois têtes d’affiches de la rotation des Indians, ont tous été victimes de blessures sur la dernière ligne droite.
Si Kluber espère pouvoir lancer le match 2 de la série face aux Red Sox, Salazar sera limité à un rôle de releveur tandis que la saison de Carrasco est terminée quoi qu’il arrive. Dur !
Du côté des Red Sox, on attendait David Price au sommet après le contrat monumental (31M$ par an) qu’il a signé l’hiver dernier pour les Red Sox, on a vu Rick Porcello realiser une saison quasi parfaite contre toute attente. A 27 ans, Porcello est dans le circuit des Ligues Majeures depuis 2009, et il a toujours été un bon complement de rotation. Mais de là à l’imaginer afficher un bilan de 22 victoires et 4 au terme de la saison régulière, il y a un pas que l’on n’aurait pas osé franchir.
Et si l’on pourrait être tenté d’affirmer qu’il doit ses victoires en partie à l’efficacité offensive de son lineup, ce serait injuste tant le natif du New Jersey a été convaincant dans tous les domaines en 2016. Pour preuve, il est l’un des cinq lanceurs à se faire une place dans le top 10 d’American League à la fois en termes de victoires, d’ERA et de Strike Outs (avec Verlander, Kluber, Sale et Hamels, excusez du peu) et ils ne sont plus que trois si l’on etablit les critères de sélection à 15 victoires ou plus, un ERA inférieur a 3.20 et plus de 170 retraits sur prises : Justin Verlander, Rick Porcello et Corey Kluber !
Derrière Porcello, Price a été solide (17-9, 3.99) malgré un été difficile (2-6 en juin et juillet) et il aura à cœur d’améliorer son bilan famélique en postseason (2-7, 5.12). Et puis, c’est le vide. En l’absence de Steven Wright – qui espère pouvoir revenir en cas de qualification pour les ALCS – John Farrell va devoir piocher parmi les sept lanceurs partants qui ont fait le nombre cette saison sans véritablement convaincre. Pour ces Division Series, c’est Clay Buchholz (8-10, 4.78) qui lancera le troisième match face à John Tomlin, tandis que Drew Pomeranz (3-5, 4.59) devrait être relégué à une position de releveur. Joe Kelly (4-0, 5.18) et Eduardo Rodriguez (3-7, 4.71) sont les autres alternatives.
Du côté du bullpen, les Red Sox prieront pour que Craig Kimbrel sorte le plus vite possible de sa mauvaise passe récente, sous peine de faire face à de graves contrariétés. Kimbrel, homme de séries s’il en est, a concédé six points mérités pour trois manches lancées lors de ses quatre dernières sorties, voyant son ERA chuter de 2.52 à 3.40 entre le 22 septembre et le 3 octobre.}
S’il parvient à régler la mire, cependant, Kimbrel sera un atout majeur pour les Red Sox, avec l’aide notamment Koji Uehara (47 IP, 3.45, WHIP : 0.96, K/9 : 12.06) et Brad Ziegler (29.2 IP, 1.52) et de Joe Kelly, qui brille particulièrement depuis qu’il a rejoint le bullpen des Sox (17.2 IP, un ERA et WHIP de 1.02 et un K/9 de 10.70 en tant que releveur).

Pour Cleveland, l’acquisition d’Andrew Miller (Yankees) cet été est sans aucun doute l’un des coups de l’année. Depuis qu’il a rejoint l’Ohio, Miller affiche un bilan phénoménal en tant que setup man dans le bullpen des Indians (29 IP, 4-0, 1.55, WHIP : 0.55, K/9 : 14.28). Avec un bras comme ça pour préparer la sortie, c’est tout de suite plus facile et la confiance s’installe. Cody Allen, le closer, a réussi 32 sauvetages sur 35 tentatives (68 IP, 2.51) tandis que Dan Otero (70.2, 1.53) et Bryan Shaw (66.2 IP, 3.24) ont été essentiels pour un bullpen des Indians qui, comme la rotation des partants, se classe deuxième d’American League en termes d’ERA (4.08).
Verdict : Malgré les blessures, avantage Cleveland
Papi, Betts, et Francona…
Alors, Boston ou Cleveland pour remporter ce duel du Nord Est ? Sur une opposition en trois matchs qui ne pousse pas les limites de son pitching, on pourrait penser que les Red Sox sont intouchables pour ces Cleveland Indians solides dans tous les domaines et accablés par les blessures au plus mauvais moment de la saison. Big Papi, Mookie et les autres ont les armes pour faire voler la belle confiance de Cleveland en éclats, et peut-être même boucler la série à Fenway Park dès dimanche ou lundi ?
Ce serait bien sous-estimer les Indians qui s’ils ne sont finalement réellement supérieurs dans un aucun domaine se classement parmi les meilleures équipes de la ligue dans tous les domaines.
Ce serait également oublier que Progressive Field, le « BallPark at the Corner of Carnegie and Ontario » est une forteresse quasi-imprenable en 2016, ou les Indians affichent fièrement un bilan de 53-28, le meilleur de l’American League (seuls les Cubs, 57-24 ont fait mieux en MLB). Alors certes, les Red Sox sont quant à eux la meilleure équipe d’American League en déplacement (46-35) mais l’avantage du terrain ne sera pas un vain mot pour les hommes de Terry Francona.
Terry Francona, parlons-en justement… Il connait Fenway Park mieux que quiconque, lui qui a manage les Red Sox de 2004 à 2011. Il a brisé la malédiction du Bambino en menant Boston a son premier titre en World Series depuis 86 ans dès sa première année en charge des Sox, avant un second titre en 2007 (vous savez, quand les Sox ont battu les Indians lors des ALCS). Il a contribué à façonner la légende de Big Papi, qu’il voudrait bien aujourd’hui envoyer à la retraite.
Il a au fil des ans adapté son management à la perfection pour prendre tout ce qui est bon dans le coaching traditionnel et dans la révolution analytique des années 2000.
Il a déjà quasiment assuré sa place à Coopertown, avecc les plus grands managers de l’histoire des Ligues Majeures, mais il ne compte pas s’arrêter là. Les Cleveland Indians attendent une victoire dans les World Series depuis 58 ans maintenant, et en cette année où les Cavaliers ont brisé la malédiction qui rodait sur les rives du Lac Erie, tout le monde à Cleveland veut croire au plus improbable et inattendu des doublés.
Et c’est pour toutes ces raisons que je me désolidariserai ici du vote général de la rédaction en m’opposant à ce qui semble pourtant être l’évidence, et que je parierai sur une victoire des Cleveland Indians face aux Boston Red Sox dans ces American League Division Series.
Le Pronostic de la Rédaction : Boston Red Sox
2 réflexions sur “ALDS – Boston Red Sox vs Cleveland Indians : Fragiles certitudes!”