Le grand débat ce matin, chez tous les passionnés de baseball, c’est l’utilisation de l’ « Utley Rule » contre l’outfielder des Braves, Nick Markakis, lundi, puis contre celui des Toronto Blue Jays, Jose Bautista, la nuit dernière.
L’ « Utley Rule », rappelons-le, a été instaurée à l’automne dernier après un incident au deuxième but entre Chase Utley, l’infielder des Dodgers, et Ruben Tejada, le Shortstop des New York Mets, lors des National League Division Series. Utley, dans le but d’empêcher un double-jeu, s’était largement et manifestement jeté pied en avant vers Tejada sans essayer d’atteindre le coussin.
La phase de jeu avait permis aux Dodgers d’égaliser à 2-2 dans ce match, Tejada avait eu la jambe brisée et Utley, après un débat enflammé dans le monde du baseball, avait reçu une sanction de deux matchs de la part de la MLB, qui fut finalement levée avant l’entame de la saison 2016. Surtout, il fut décidé qu’à compter de la saison 2016, une nouvelle règle surnommée « Utley Rule » serait observée, dont l’intitulé complet est disponible ici.
Cette addition aux règles stipule notamment que dans toute glissade vers le second but, le coureur se doit de le faire tout en gardant la possibilité d’atteindre le coussin et de rester en contact avec, et sans altérer de manière évidente leur trajectoire pour entrer en contact avec le joueur présent sur ou autour du but. Elle autorise également le recours à la vidéo pour ces « neighbourhood plays », un recours qui n’était pas possible jusqu’à l’incident Utley-Tejada.
Un débat a eu lieu depuis entre partisans du baseball « à l’ancienne » avec ses tacles, ses coups fourrés et ses petites combines qui, il est vrai, font partie du charme de ce sport, et ceux d’un baseball « plus propre », de l’autre côté, protégeant l’intégrité des athlètes et punissant les actes pouvant être vus comme plus agressifs que de raison.
Un débat qui fait écho a celui qui eut lieu lors de la mise en place de la Posey Rule, destinée à protéger les receveurs après que le Catcher des San Francisco Giants, Buster Posey, ait souffert une fracture de la jambe en 2011 sur une glissade incontrôlée de Scott Cousins (Marlins) vers le marbre.
Revenons-en donc à ces premières applications (mais en sont-elles vraiment ?) de la Chase Utley Rule, à Atlanta et à St Petersburg.
Ce second cas fut particulièrement cruel pour les Canadiens, puisqu’il s’est déroulé dans la neuvième manche, avec les bases pleines, et alors que Toronto tentait de récupérer un déficit d’un point face aux Tampa Bay Rays. Sur l’action, Ryan Goins marquait le point égalisateur et Josh Donaldson suivait avec celui de la victoire, mais ceux-ci étaient finalement retirés par l’arbitre de la rencontre après visionnage du ralenti video, qui jugeait que Bautista avait gêné Logan Forsythe, le deuxième base des Rays, et empêché un Double-Jeu « évident » (Bautista était, de toutes façons, éliminé au deuxième but)
L’arbitre décidait donc de donner les deux derniers « outs » aux Rays pour clôturer la rencontre, au grand dam de la franchise canadienne.
Voir l’incident entre Jose Bautista et Logan Forsythe
La veille, c’était donc Nick Markakis (Braves) qui avait attaqué le second but et Daniel Murphy (lui aussi un habitué des longues glissades vers le joueur plutôt que vers le second coussin) sans vraiment prendre de précautions, et, visiblement, en s’éloignant un peu du coussin pour aller chercher les jambes de l’infielder des Nationals.
Voir l’incident entre Nick Markakis et Daniel Murphy
Pourtant, à y regarder de plus près, peut-on vraiment parler de la Chase Utley Rule, qui entre nous est bien vague dans sa rédaction, sur ces deux épisodes, ou a-t-on simplement affaire a des interférences pures et dures, à l’ancienne ? Si l’on s’en fie aux règles en vigueur bien avant l’incident Tejada-Utley, et donc principalement la règle 7.08b, ci-dessous, non.
Pour ce qui est de Bautista, si le slide n’est pas dangereux pour l’intégrité physique de Forsythe, et s’il contrôle en effet sa glissade pour terminer « à peu près » aux alentours du second but, il laisse trainer la main d’une manière qui semble volontaire pour accrocher la cheville du joueur des Rays. Une pratique qui est évidemment contre les règles et l’esprit du jeu, et valide à elle seule son élimination au second but.
La principale question, ici, est plutôt de savoir si Edwin Encarnacion méritait vraiment d’être lui aussi éliminé au premier but alors qu’il n’avait brisé aucune règle. On peut considérer que le joueur de première base aurait dû prendre place sur le premier coussin, avec Donaldson au second et Goins au troisième et 2 « outs », pour un « At Bat » de la dernière chance.
Pour ce qui est du cas Markakis, on rentre ici dans le débat séculaire décrit plus haut. Il est évident que Nick Markakis se jette vers Daniel Murphy et qu’il crée une interférence volontaire pour empêcher le joueur des Nationals de compléter le Double Jeu. Il est aussi clair qu’une action de ce type, bien que sanctionnable dans les règles originelles du baseball, n’aurait probablement pas été punie d’un out jusqu’à l’incident Utley-Tejada. Il n’empêche qu’avec un tacle deux pieds en avant dans les chevilles de son adversaire, il est difficile de disputer le fait que Markakis fasse « interférence », rappelant aussi que l’Utley Ruling est plus un écran de fumée pour faire respecter une loi du jeu ignorée depuis de longues années, qu’une nouvelle règle destinée à changer le visage du baseball professionnel.
Une réflexion sur “Utley, Bautista, et le jeu des interférences”