Sur le papier, on avait un peu peur. Le Panama, la Colombie et l’Espagne présentaient des équipes composées majoritairement de joueurs pros ou semi-pros, dont nombreux étaient ceux qui avaient participé à des ligues hivernales ou évoluaient au très haut niveau professionnel. Et le 9-2 encaissé face au Panama en ouverture, avec deux mines du joueur de Major League Carlos Ruiz, renforça cette crainte. Et pourtant…
Une victoire contre l’Espagne, nation hors de portée des Bleus depuis quelques années et médaillé de bronze de l’Euro 2014, et une courte défaite le lendemain face au Panama 7-4, ont permis de faire de ces qualifications pour la World Baseball Classic 2017 un succès d’estime pour les Bleus. Un succès qui renforce le baseball français sur la scène internationale.
En effet, plus que la victoire contre l’Espagne, c’est le deuxième match face au Panama, où les français ont fait jeu égal durant la quasi-totalité du match, qui a marqué les esprits. Les commentateurs de MLB TV ne s’y sont pas trompés en admirant l’état d’esprit des Bleus durant ce match. Même éliminés, les Bleus ont assuré un meilleur parcours qu’aux qualifications de 2012 (deux défaites) avec une première victoire historique dans les qualifications de la WBC et un match référence face à une nation solide du baseball mondial et ses joueurs ou ex-joueurs de MLB.
🇫🇷 Early outburst helps France oust Spain from #WBC qualifier. Recap: https://t.co/OCjjcC1DUM 🇫🇷 pic.twitter.com/pqky4eynla
— WBC Baseball (@WBCBaseball) 18 mars 2016
Un parcours qui devrait confirmer les promesses placées par la MLB dans le baseball français sur un plan sportif. La France devrait donc être invitée aux prochaines qualifications. Une victoire finale en soi. Cette expérience panaméenne doit maintenant se concrétiser lors de l’Euro 2016 qui aura lieu du 9 au 18 septembre aux Pays-Bas. Un championnat d’Europe où les français retrouveront dans leur poule la sélection ibérique en plus de l’ogre italien. La performance de l’équipe de France ne passera pas inaperçue et elle sera sûrement un outsider attendu de ce championnat d’Europe. On aimerait voir ce que cette équipe donnerait dans un championnat d’Europe. Elle pourrait aller loin mais il ne faut pas oublier que la République Tchèque a réussi un plus beau parcours dans sa poule, en s’inclinant seulement 2-1 contre la puissante équipe du Mexique, en explosant les allemands 15-3 puis en s’inclinant 7-6 en 11 manches contre le Nicaragua. Sans compter que l’Espagne pourrait présenter un meilleur visage comme quand ils disposèrent des français 10-5 à l’Euro 2014.
Le beau parcours des Bleus a soulevé des promesses mais aussi des inquiétudes. La première concerne l’équipe entière. Avec des règles de qualifications des joueurs qui diffèrent de la WBC, le Conféderation Européenne de Baseball ne validera pas forcément la même équipe. La présence de Douglas Rodriguez, élément fondamental de l’attaque française lors des qualifications, sera subordonnée à sa naturalisation. Les joueurs professionnels comme René Leveret ou Andy Paz devront eux être libérés par leurs équipes respectives. Bien entendu, de nouveaux joueurs, non disponibles cette semaine comme les lanceurs Mattheu Brelle Andrade et Thomas Langlois, des valeurs sûres, pourront rejoindre le roster. Mais l’inverse peut être vraie pour des joueurs amateurs qui doivent composer avec une vie familiale et professionnelle aux antipodes du milieu professionnel.
Enfin, il serait dangereux de surestimer les performances des Bleus. La belle victoire des Bleus contre l’Espagne a été permis autant par un très bon début de match français que par une équipe d’Espagne méconnaissable. Une équipe que la France a eu l’occasion d’exploser littéralement mais qui n’a pas su concrétiser sa domination, avec de nombreuses situations de bases pleines sans point. Finalement, l’Espagne a failli revenir dans le match et les lanceurs français se sont succédé pour limiter la casse, soutenus par une belle défense. La gestion d’Eric Gagné fut d’ailleurs déterminante, faisant les choix rapidement pour éviter au monticule de trop céder de points face à la tentative de remuntada espagnole.
La France éliminée du #WBCQPanama par le Panama 7-4. Mais les Bleus sortent avec les honneurs. #Fiers #baseball pic.twitter.com/bB2HKSJJSJ
— Honus (@HonusFr) 20 mars 2016
Contre le Panama, l’attaque a également bien débuté mais n’a pas su, comme contre l’Espagne, exister en deuxième partie de match. Malgré un game plan qui consistait à laisser la première base à Carlos Ruiz, le bourreau du premier match, les lanceurs français n’ont pas réussi à résister aux battes panaméennes, malgré encore une bonne défense, qui ont fini par trouver la faille, prenant le contrôle du match en milieu de rencontre.
Pourtant, en regardant le match, on a eu la sensation que la France n’était pas loin. Après deux rencontres, les lanceurs du Panama, bloqués par un nombre de lancers comme nos Bleus, ont semblé à portée des battes françaises. Leur niveau n’était pas inconnu pour des joueurs pros ou anciennement pros comme Leveret, Paz, Hanvi ou Martinez. Les vitesses de certains étaient proches de celles de nos lanceurs et de ce que peuvent lancer les « imports » en D1 française. La profondeur de leur bullpen n’était pas si imposant. Cette défaite a donc un goût de frustration. La frustration du retard pris par le baseball français durant les années 2000 dans le développement d’un baseball de masse et du haut niveau, dans la formation de frappeurs de puissance et de lanceurs rapides. Si, à la place d’une fédération passée proche de la faillite, le baseball français avait continué d’évoluer après le « boom » des années 80 et 90, cet écart avec le Panama aurait peut-être été comblé. Le Panama ne serait peut-être pas revenu dans ce match.
Le parcours des Bleus a donc montré de belles promesses mais aussi confirmé les limites actuelles du baseball français du côté du monticule comme de la frappe, et plus largement, dans le développement du baseball français. Plus de licencié-es, un championnat D1 plus performant, des clubs plus solides de la base jusqu’au haut niveau, améliorer la détection et la formation, donner plus d’opportunités de matchs aux jeunes puis aux adultes, voilà une liste non-exhaustive des chantiers qu’il faudra mener à bien à moyen et long terme.
La marche était trop haute en 2016. Dans quatre ans, elle le sera peut-être moins. Tout dépend des acteurs du baseball français, des licencié-es à la fédération. On a déjà hâte d’y être.
Best of luck to former Dodger and current manager of Team France, Eric Gagné, whose squad faces Panama tonight. #WBC pic.twitter.com/c72T1cruU8
— Los Angeles Dodgers (@Dodgers) 20 mars 2016
Une réflexion sur “Débrief WBCQ : les Bleus marquent les esprits”