On les croyait condamnés à errer indéfiniment aux alentours des 50% de victoires, et pourtant les Cleveland Guardians, premiers du nom, ont mené de main de maître leur saison pour mettre la main sur le titre d’AL Central. D’aucuns diront que ce triomphe, et les 90 victoires qui l’accompagnent (quatrième bilan d’AL tout de même), est avant tout un marqueur de la faiblesse de leurs adversaires directs, une conséquence des saisons encore décevantes des Twins et des White Sox. Mais ne serait-il pas temps de prendre José Ramirez et ses coéquipiers au sérieux ?

Comme toujours depuis 2018 et le dernier titre de division des Indians, la saison débutait sans fanfare du côté de Progressive Field. Devenue Cleveland Guardians pendant l’hiver, et malgré l’extension de contrat de José (5 ans, $124M) la franchise de l’Ohio n’avait pas pour autant gagné le cœur des bookmakers, qui voyaient la Tribu bien loin de ses rivaux de divisions, Minnesota et Chicago, et plutôt à la course avec des Tigers attendus en outsiders, voire des Royals qui semblaient prêts à s’annoncer sur le retour.
Nulle surprise, alors, quand les Indians atteignaient le All Star Break dans une position caractéristique de ces dernières saisons, deuxièmes et tout juste à l’équilibre (46-44), deux victoires derrière des Twins pas transcendants et une devant des White Sox dont on attendait le démarrage. Démarrage il y eut, mais il ne vint pas du Sud de Chicago, puisque ce sont bien nos Guardians qui se sont transformés en véritables contenders depuis la mi-saison, affichant un bilan de 44 victoires et 26 défaites depuis le break, le troisième ERA collectif (3.03) et le meilleur bullpen (2.39 ERA, 2.84 FIP) devant même les monstrueux Astros et Dodgers.
En progrès offensivement également (17e en termes de runs marqués avant le All Star Game, 11e après), et menés par un José Ramirez exceptionnel (qui devrait batailler avec Yordan Alvarez pour la troisième place au classement du MVP d’American League derrière les machines Judge et Ohtani), les Guardians ont tout de l’équipe surprise, mais sauront-ils élever leur niveau de jeu une fois extraits du grand calme de la Central ?
Sauront-ils également balayer la malédiction, eux qui restent sur huit défaites consécutives et trois séries perdues depuis leur improbable effondrement face aux Cubs lors des World Series 2016 ? Terry Francona aura à cœur de montrer qu’il lui reste encore quelques tours dans son sac.

Ramirez au galop, la cavalerie dans son sillage
Est-ce que je vous ai déjà parlé de Jose Ramirez ? La Superstar de Cleveland a réalisé une nouvelle saison exceptionnelle pour les Guardians, avec pour la quatrième fois au moins 20 Home Runs et buts volés (29 et 20 pour être précis), 122 RBI (troisième de MLB) et 5.6 WAR pour un OPS+ de 146 (5e en AL). Joueur du mois d’AL en avril, Ramirez aura tenu son rôle de leader à la perfection toute la saison, entrainant avec lui un line-up explosif.
Explosif notamment par sa vitesse puisqu’à avec 117 buts volés (3e en MLB) et pas moins de cinq joueurs avec 17 vols ou plus (Ramirez, Gimenez, Straw 20 ; Kwan, 19 ; Rosario, 17) , les Gardians s’offrent de belles possibilités dès lors qu’ils s’installent sur les sentiers. Explosif ensuite parce que, vous l’aurez deviné à la lecture des noms cités ci-dessus, parce qu’il s’appuie sur un groupe de jeunes à très haut potentiel récupérés lors de trade récents et destinés à s’inscrire dans le moyen ou long terme à Cleveland.
Avec Austin Hedges et Jose Ramirez (30 ans tous les deux) pour tenir le rôle des tauliers, c’est l’enthousiasme qui prime avec constance au bâton (.257 AVG depuis le All Star Game, 3e d’AL), rigueur défensive (73 DRS, 3e de MLB derrière les Yankees et les Dodgers) et des performances individuelles remarquables ponctuelles (on apprécie les coups de chaud de Josh Naylor) ou sur la durée, avec notamment un Andres Gimenez étincelant toute la saison au poste d’arrêt-court et un Myles Straw qui peut légitimement viser le Golden Glove au poste de Champ Centre.
Gros bras et manque de profondeur
Côté pitching, comment ne pas être heureux avec un Shane Bieber revenu sans faire de bruit à un niveau proche de son meilleur (200.0 IP, 2.88 ERA, 2.87 FIP, 1.04 WHIP, 198SO/36BB), un Triston McKenzie qui confirme tout le bien que l’on attendait de lui (191.1 IP, 2.96 ERA, 129 ERA+, 0.95 WHIP) et un Cal Quantrill au diapason (181.1 IP, 3.42 ERA). Si le bas de la rotation (Plesac, Civale) offre moins de garanties, les Guardians comptent aussi, et surtout, sur un bullpen de fer emmené par l’un des meilleurs closers de la Ligue cette saison en la personne d’Emmanuel Clase (71.2 IP, 1.38 ERA, 41/45 SV, 277 ERA+), bien secondé par les Karinchak, Stephan, Morgan ou encore Hentges.
Suffisant pour faire vaciller les poids lourds de la Ligue Américaine ? Les Guardians ont les armes pour se défendre, mais la profondeur d’effectif risque tout de même de leur faire défaut : ils n’auront pas le droit à la moindre baisse de régime s’ils veulent pouvoir continuer à rêver, et la route « théorique s’annonce ardue » avec les Rays, les Yankees et les Astros comme adversaires potentiels avant le Pennant.

Objectif 2023 ?
Vous l’aurez compris, on ne voit pas vraiment les Guardians créer la surprise et filer en World Series cette saison. Le talent est énorme mais il manque ces joueurs de banc qui peuvent renverser un match, ces armes fatales capables de se révéler au moment opportun. Mais en même temps, qui ici aurait parié sur des Guardians écrasant leur division et claquant plus de 90 victoires ? On pariera quand même plutôt sur de nouveaux investissements bien sentis à l’intersaison car, hormis peut-être les intouchables Astros, ces Guardians ne sont pas loin, vraiment pas loin, de pouvoir se mêler à la lutte avec les gros bras de l’American League.