Cela fait plus de dix ans maintenant que les Philadelphia Phillies n’ont pas vu la postseason, avec une élimination lors des NLDS 2011 qui refermait le second âge d’or de la franchise. Malgré un recrutement ambitieux ces dernières saisons, les Phillies butent à chaque fois sur une division ultra-performante autant que sur leurs faiblesses récurrentes. Seconds de NL East la saison dernière, les coéquipiers de Bryce Harper misent sur la continuité et quelques arrivées ciblées pour tenter de retrouver le baseball d’octobre. Mais en sont-ils capables?

La saison 2021
Il y a deux manières de voir la saison 2021 des Phillies. Pas pire, avec un bilan de 82-80, le premier bilan positif de la franchise depuis 2011. Ou pas mieux, au vu des investissements consentis depuis plusieurs années qui en paient toujours pas.
La faute à qui ? Pas au franchise player, Bryce Harper, titré MVP de la Ligue Nationale pour la deuxième fois, la première avec les Phillies. Pas à l’ace, Zack Wheeler, All Star et second au Cy Young avec un ERA de 2.78, 213.1 manches lancées et 247 Strikeouts pour une saison de véritable patron confirmant ses performances de la saison 2020 raccourcie.
Non, rien à dire, les patrons ont fait le boulot. Mais si l’on dit souvent que les performances des locomotives sont ce qui conditionne celle de leurs wagons, malheureusement, cette logique ne fonctionne pas pour les Phillies. Car derrière cette unité d’élite, la masse n’a juste pas suivi, ou du moins pas assez souvent pour porter Philadelphie vers les sommets dans une division incroyablement compétitive.

Car derrière Wheeler, le reste de la rotation était tout juste moyenne : 11e de MLB au WHIP mais 16e à l’ERA et 19e à la moyenne adverse. Nola, l’éternel futur as a encore déçu avec un ERA de 4.63 et un ERA+ de 90 en 32 starts. Zach Eflin (4-7, 4.17) et Vince Velasquez (3-6, 5.90), anciens premier et second tour de draft, ne montrent toujours pas les qualités attendues et même Kyle Gibson, pourtant exceptionnel en début de saison avec les Rangers, s’est effondré après son arrivée en Pennsylvanie (4-5, 4.59).
Finalement, la seule satisfaction du pitching staff fut Ranger Suarez, releveur devenu starter en cours de saison et qui affiche un bilan assez incroyable : 12 matchs démarrés, pour 65.2 manches lancées et un ERA de 1.51 (65 SO) en tant que starters, mais aussi 27 participations pour 40.1 manches et un ERA de 1.12 (42 SO) en tant que releveur. Du lourd.

Le souci, vous l’aurez deviné, c’est que là encore, les wagons ne suivent pas la locomotive. Derrière Suarez, aucun releveur n’affiche plus de 10 entrées en jeu et un ERA inférieur à 3.50. Résultat ? Les Phillies en terminent avec un ERA collectif en relève de 4.60, le 11e de National League entre les Pirates et les Rockies. Rédhibitoire pour un contender.
Et comme l’attaque s’est montrée, elle aussi, au mieux moyenne voire pas pire mais sans plus (13e de MLB en Runs, 18e à la moyenne, 15E EN Home Runs, 14e a l’OPS), tout était en place pour une saison moyenne bien mais pas top (voir le bilan un peu plus haut, 82-80 en gros…).
Si Bryce Harper a brillé, le reste du lineup a alterné le pas mal et le vraiment pas terrible, à l’image de Didi Gregorius, que l’on attendait comme un véritable boost pour les Phillies et qui en a terminé avec un OPS+ de 71, 13 HR et 54 RBI pour une moyenne de .209 en 103 matchs (la blessure n’excuse pas tout) avec les pires performances en fielding de sa carrière (-3 Rtot, .953 Fld%). Pas beaucoup mieux pour le jeune Alec Bohm (.247, 31BB/111K, 639 OPS), l’expérimenté Odubel Herrera ou encore le très cher JT Realmuto (.263, 17 HR, 73 RBI, 100 OPS+)
Si Andrew McCutchen a offert une bonne saison, bien que loin du niveau de ses grandes années, le fait que Rhys Hoskins et Jean Segura, deux bons lieutenants, aient été les deux principales satisfactions du lineup des Phillies derrière Harper montre toute l’étendue du problème.
La saison 2022
On est d’accord ? Les Phillies 2021 c’était propre, mais ca manquait de grinta derrière les héros: un peu le sentiment que la masse des bons joueurs pensait que laisser les stars briller suffirait à masquer leurs propres manques.
Pour combler ces lacunes, les Phillies n’ont pas opéré une révolution dans le line-up, mais ils ont tout de même recruté Nick Castellanos et Kyle Schwarber. Vous avez bien lu : deux monstres de puissances, deux battes de Player of the Month, deux joueurs capables d’être Barry Bonds une semaine et Bernard Lebon la suivante (désolé Nanard, rien de personnel). Mais cela peut-il vraiment faire la différence ?
Peut-être, ai-je envie de dire, si la mayonnaise prend et si les fortes personnalités de Harper, Castellanos, Schwarber arrivent à s’entendre. On ne peut pas du tout exclure un repeat de l’incident Harper vs Papelbon entre Harper et Castellanos si les choses ne se passent pas aussi bien que prévu. On peut aussi imaginer que ces trois-là sauront tirer la machine, au moins à tour de rôle, pour aller chercher la qualification. Tout est possible!

Côté rotation, rien de nouveau, avec toujours Wheeler et Nola en tauliers, Kyle Gibson et Ranger Suarez en demi-as capables du meilleur mais pas encore capable de l’exprimer sur 6 manches et plus une fois par semaine, et une place de cinquième starter vacante, occupée pour le moment par le demi espoir Bailey Falter. Une place à prendre ?
Là ou les Phillies semblent avoir retenu les leçons du passé, c’est au niveau du bullpen, la honte de Philadelphie depuis plusieurs saisons. En recrutant Corey Knebel, Jeurys Familia et Brad Hand notamment, les Phillies ont tapé dans l’expérience, le talent et la vélocité. D’un seul coup d’un seul, leur bullpen risible s’est rempli de releveurs qui ont connu le niveau le plus haut, les sorties à haute pression et la postseason. Cela suffira-t-il pour s’ouvrir de niveaux horizons ? Ce n’est pas gagné, mais c’est déjà potentiellement un sacré pas de franchi.
La Star : Bryce Harper
Il est de ces joueurs qui ne laissent pas indifférent, ces joueurs que l’on aime ou qui nous agacent profondément mais dont le talent met tout le monde d’accord : quel joueur ! MVP indiscutable en 2015, il avait un peu perdu sa finesse ensuite, cherchant trop souvent la puissance au lieu de l’intelligence. Apres avoir alterné années correctes et « peut-mieux faire », Bryce Harper a finalement retrouve le gout du baseball d’Elite en repassant au-dessus des .300 à la moyenne avec les meilleurs SLG et OPS des Majors ( .615 et 1.044) ainsi que 42 doubles en plus de ses 35 Home Runs. Le fait qu’il finisse la saison avec seulement 84 RBI en dit plus sur le roster qui l’entourait que surs ses performances, clairement XXL.
Désormais double MVP, Bryce Harper sera encore une fois l’atout numéro 1 des Phillies pour les pousser vers le succès dans une NL East qui s’annonce extrêmement ardue. A lui de non seulement répliquer les saisons 2015 et 2021, qui l’ont vu briller individuellement dans un contexte de déchéance sportive, mais aussi de le faire en tirant vers le haut un groupe de joueurs qui vaut mieux que ce qu’il a montré l’an dernier. Et au passage, briser cette culture de la Lose qui semble s’être installée depuis quelques saisons chez des Phillies qui font pourtant tous les efforts pour être compétitifs.
Le Joueur à Suivre : Mickey Moniak
Premier pick de la draft 2016, devant Nick Senzel (Reds) et Ian Anderson (Braves) notamment, mais aussi loin devant Pete Alonso, Bo Bichette ou Shane Bieber, Mickey Moniak peine pour le moment à se faire une place dans le roster des Phillies. Apres quelques apparitions au bâton en 2020, il avait pointé son nez dans les Majors en avril 2021, mais cela n’a pas duré. Au final sa petite vingtaine de matchs disputés dans le Show lors de 5 montées différentes depuis le Triple A n’ont rien montré de convaincant.
Une moyenne au bâton famélique de .091, une présence sur base au diapason (.167) et une défense qui n’a pas révélé le futur gold glover qu’il est considéré devenir à terme. Une expérience à ne pas oublier pour le jeune outfielder des Phillies au moment de tenter à nouveau sa chance avec les « grands ». En tous cas, l’élégance de son swing est intacte comme constaté cette semaine lors d’un match de Spring Training contre les Blue Jays.
History will not be kind to those who gave up on Mickey Moniak. #RingTheBell pic.twitter.com/MXzc06vVmw
— The Liberty Line (@LibertyLinePHL) March 23, 2022
A 23 ans seulement, rien ne presse pour Moniak, mais la saison 2022 pourrait être cruciale pour le décollage de sa carrière. Dans un outfield où Castellanos et Harper semblent indéboulonnables, Moniak aura – sauf recrutement d’un gros calibre – une opportunité de disputer le troisième poste à un autre rookie, Matt Vierling. A lui ensuite de montrer les qualités qui ont fait de lui un premier choix de draft dès la sortie du lycée.
Le prono:
Difficile de déterminer la place des Phillies dans une division ultra-compétitive d’où sont sortis deux des trois derniers vainqueur des World Series. Les Phillies ont toutes les armes pour perpétuer cette récente tradition et semblent avoir adressés leur principaux manques cet hiver.
Reste à trouver cet état d’esprit et cette envie de surperformer en tant que collectif qui a tellement manque aux Phillies ces dernières saisons… Et puis, point de détail, il faudra aussi aller chercher les Mets, nouvelle superpuissance de la Ligue et les Braves, champions en titre. Tout un programme.
Le Prono TSO : 86-76, 3e de NL East
Projection Fangraphs : 82-80, 3e de NL East