Les Rays et les Yankees ont rendez-vous à San Diego pour cette American League Division Series… Une bizarrerie de plus dans cette saison décidément folle. Un duel entre le numéro 1 et le numéro 2 de la AL East… Duel entre des Floridiens ambitieux et au nouveau statut et leurs victimes préférées de saison régulière. Mais l’Empire new-yorkais n’est pas prêt à baisser les armes. Présentation de ce choc.
Le point sur le tour de Wild Card
Les Rays, têtes de série numéro 1 de cette AL, ont débuté leur campagne de playoffs face aux Blue Jays. L’avantage sur le papier ne s’est pas forcément vu sur le Game 1. Si Blake Snell a répondu présent (9K, 1H, 0ER en 5.2IP) bien épaulé par son bullpen (4H et 1ER) face à une attaque adverse que l’on savait très offensive, ça a été plus compliqué bâtons en main pour les hommes de K. Cash. Face à un starter qui n’avait remporté aucun match cette saison (Shoemaker, 1L en 6 starts) puis une relève quasi novice en PO, les Rays n’ont pas fait mieux que scorer sur un wild pitch et un 2-run-homerun de Margot. Les battes se sont réveillées au Game 2 et c’est un visage bien différent qu’ont montré les Floridiens et en plus face au duo expérimenté d’ex Dodgers, Ryu relevé par Stripling : 12 hits en 3 manches pour un total de 8 points. Seul Diaz chez les starters n’a pas enregistré un hit. Glasnow a géré son match sur le monticule avec certes 6 hits mais convertis seulement en 2ER pour 8K en 6IP. En résumé, les Rays ont assumé leur statut, sans forcer, sans se faire peur, à l’image du numéro 1 de NL.
S’ils sont aussi passés en deux matchs secs, les Yankees ont davantage lutté face à des Indians mieux seedés qui jouaient donc à domicile. Opposés au futur AL Cy Young unanime, les Bronx Bombers n’ont bizarrement pas lutté dans le Game 1. Au bout de 4 lancers synonymes d’un hit de LeMahieu et d’un HR de Judge, Shane Bieber avait déjà le moral dans les chaussettes. Les Indians ne s’en sont jamais remis et ont subi un bombardement en règle : 15 hits et 12 points dans la musette avec notamment 4 hits et
3 RBI d’un Torres retrouvé. Une victoire des NYY assurée par une masterpiece de Gerrit Cole, recruté justement pour ce genre de perf avec 13K, 0BB et 2ER en 7IP. Le vrai challenge c’était sur le Game 2 qui a proposé une toute autre physionomie avec un des très rares starts ratés de Masahiro “Playoffs-San” Tanaka : 5H, 6ER, 3BB et 3K en 4IP. C’est un Grand Slam de Urshela en 4e manche qui a lancé la machine offensive des Yankees avant de réaliser un jeu défensif incroyable en 8e. Après une mauvaise relève du d’habitude fiable Britton, les Yankees sont finalement allé cueillir Cleveland sur le fil, en 9e manche, grâce à un SF de Sanchez et un RBI de LeMachine.
L’ historique entre les deux équipes
8 victoires et 2 défaites… c’est le bilan des Rays face aux Yankees lors de leurs affrontements en saison régulière en 2020. Une domination floridienne qui ne ne souffre d’aucune contestation tant sur le plan sportif que sur le plan mental. Les affrontements ont été très tendus avec du chambrage et même de la confrontation physique. Lors du dernier duel le 2 septembre, les deux managers n’étaient pas dans le dugout car suspendus à cause de l’incident de la nuit précédente : ce lancer à 101 mph de Chapman au-dessus de la tête de Brosseau. Même si le closer s’était défendu de tout geste volontaire, beaucoup y voyaient une vengeance par rapport aux lancers très intérieurs subis par les batteurs des NYY et notamment LeMahieu à quatre reprises.

Une stat qui va rassurer un peu les fans des Yankees très inquiets à l’idée de trouver sur leur route ces Rays gonflés à bloc (stat debusquée sur Twitter par Bastien le fan des Mets pas rancunier!) : ce sera la 3e fois dans l’histoire de la postseason qu’une équipe en affronte une autre en ayant remporté au moins 80% de leurs affrontements en régulière (minimum 10 matchs). En 1983, les Dodgers avaient remporté 11 de leurs 12 matchs face aux Phillies… Mais les Phillies ont remporté les NLCS 3-1. En 1988, les Mets ont remporté 10 de leurs 11 matchs face aux Dodgers… Mais les Dodgers ont remporté les NLCS 4-3! Les Bombers seront -ils la troisième équipe à renverser le sort?
Les Rays et les Yankees sont des adversaires qui se connaissent par coeur vu leur nombre d’affrontements chaque année en régulière depuis la naissance de la franchise floridienne en 1998. Il est intéressant de voir l’évolution des résultats. Les Bombers ont été ultra dominants dans les 90’s et les années 2000 (133 victoires et 69 défaites en cumulé) mais ont vu leurs adversaires combler le gap dans les années 2010’s (plus que 97 victoires contre 90 défaites). Sans compter donc ce 2-8 infligé pour le premier épisode des 2020’s. Important de noter qu’à partir de lundi, ce sera la première série de postseason entre Rays et Yankees! Et on sait que les leçons de régulière ne sont pas toujours les mêmes que celles de playoffs, alors…
Le match
Pitching staff

Un trio Snell-Glasnow-Morton et un bullpen de feu (4 lanceurs à moins de 3 de ERA)… Le pitching staff est bien sûr la force première de ces Rays qui ont proposé la 4e ERA collective de toute la Ligue. Pour en revenir au trio de starters: Snell a décroché le Cy Young il y a deux ans, Glasnow est un Cy Young en puissance ces prochaines années et Morton est celui qui a paraphé le titre aux Astros en 2017. Pas facile de rivaliser! Un bémol quand même : l’expérience en postseason. Si celle de Morton n’est pas en question (41.1IP, soit 9 matchs dont 8 starts pour une ERA de 3.70), celle de Snell et Glasnow est quasi inexistante (respectivement 11 et 13IP). Et ce n’est pas mieux pour ces releveurs si impressionnants en régulière : 8.1IP pour Nick Anderson, 6.1 pour Diego Castillo, 3 pour Ryan Yarbrough, 2.2 pour Aaron Loup… Ryan Thompson et Pete Fairbanks les découvrent cette année. Alors bien sûr, on a tous les droits de briller en playoffs même si on ne les a que peu disputés avant, mais il y a souvent un gros gap au niveau émotionnel qu’il faut gérer.
De l’expérience dans les matchs d’octobre, les lanceurs des Yankees n’en manquent pas ! 72.2IP en 11 starts pour Cole avec une ERA de 2.60 et la bagatelle de 91K pour 16BB ; 50IP en 9 starts pour Tanaka avec une ERA de 2.70 (sachant que sa vilaine sortie face aux Indians a gonflé cette moyenne) ; 14 matchs dont 4 starts pour Happ… Sans même détailler le pedigree d’un Chapman, champion 2016 avec les Cubs, mais aussi immortalisé avec ce sourire incrédule après le HR victorieux d’Altuve l’an dernier en ALCS. De l’expérience oui… mais le pitching staff new-yorkais a été tellement inconsistant pendant la régulière (même Cole, et même les releveurs) qu’il est vraiment difficile de déterminer sa réelle valeur.
Avantage : À première vue le staff des Rays apporte plus de garantie mais le 1-2 punch Cole-Tanaka peut faire très très mal au moral. La différence viendra sans doute des starters numéros 3 et surtout de l’usage qui sera fait des bullpens puisqu’on rappelle qu’il n’y aura pas de jour de repos et qu’il pourrait y avoir cinq matchs en cinq jours! La profondeur du pitching staff donne aussi un petit avantage aux Rays mais difficile de se faire un avis tranché.
Lineup
LeMahieu, Judge, Voit, Torres, Hicks, Stanton, Sanchez… Sur le papier, l’attaque des Yankees est terrifiante pour leurs adversaires… Mais elle peut aussi se révéler terrifiante pour leurs propres fans quand elle sort des rails, pour cause de blessures (comme c’est trop souvent le cas ces deux dernières années) ou pour cause d’inconstance et de crise mentale (comme depuis la mi-août). Quand on a dans ses rangs le batting champ et le HR King, on a forcément une grosse étiquette dans le dos qu’il faut assumer. Sur le tour précédent, on a vu les deux grands blessés de la saison, Judge et Stanton, reprendre des couleurs. Ce même Stanton a livré une des clés de cet affrontement : les Yankees auront une chance s’ils mettent une pression sur les lanceurs adverses du premier au neuvième batteur et les
forcent à commettre une erreur.
Quand on se penche sur le lineup des Rays, ça fait un peu moins peur : 10e en nombre de points marqués, 19e en nombre de HR, 21e average collectif en régulière. Ce n’est clairement pas sur leur attaque qu ils ont bâti leur prise de pouvoir sur la AL East. Mais leur force est de frapper juste au bon moment. Ils comptent moins sur la puissance que les Yankees et ont sans doute plus de variété offensive… Et puis surtout Kevin Cash est le roi du tableau noir et de la débrouille, preuve en est ce lineup uniquement composé de batteurs gauchers à la mi septembre face aux Red Sox, une première dans l’histoire de la MLB.
Côté defense , les Yankees devront afficher le même niveau de concentration qu’au tour précédent, alors qu’en régulière ils ont été l’équipe avec le plus d’erreurs commises! La moindre erreur de paye cash en octobre. Les Rays l’ont bien vu en WC Series quand ils ont profité au Game 2 des deux erreurs dans les deux premières manches du jeune Blue Jay Bichette qui a précipité les siens dans le trou.
Avantage : Clairement aux Yankees sur le prestige des noms mais attention pour eux à ne pas vouloir de cantonner à de la puissance et uniquement ça, car face aux starters adverses il faudra plutôt bâtir une stratégie plus inventive.
Le joueur qui peut faire la différence pour Tampa : Manuel Margot
Beaucoup d’observateurs se sont interrogé en février dernier quand le FO des Rays a envoyé l’un de ses (son?) meilleur releveurs (ERA 2.31, 20 saves, 96K en 70IP), Emilio Pagan, aux Padres en échange d’un outfielder de 26 ans, autrefois big prospect, mais à la moyenne en carrière de .250. Manuel Margot a disputé 47 matchs de saison régulière, offrant à son manager de nombreuses options puisqu’il a joué aux trois positions d’outfield (18-21-15 de gauche à droite). Certes ses chiffres sont très banals (AVG .269, 1HR, 11RBI) mais il court vite (12SB) et il fait très peu de mauvais choix défensifs (fielding de .989 en carrière). Il est surtout très en confiance après ses 3 hits en 7AB face aux Blue Jays (1HR et 3 RBI). 7e puis 5e dans l’alignement en WC Series, il est une force offensive supplémentaire que l’on ne soupçonnait pas chez les Rays qui ne sont pas forcément réputés justement pour leur attaque.
Le joueur qui peut faire la différence pour NY : Giancarlo Stanton

J’aurai pu choisir Tanaka qui devra absolument redevenir “Playoffs-San” pour que Aaron Boone n’ait pas à piocher trop tôt dans son bullpen comme au Game 2 des WC Series. .. mais je fais le pari Stanton. Limité à une quarantaine de matchs en deux saisons, l’ancien MVP aux 300 millions de dollars n’en finit plus d’être un cauchemar pour les supporters des Yankees. Et si il décidait de fermer des bouches en étant l’homme de ces ALDS? Il a frappé 2HR en deux matchs au tour précédent, soit autant que lors de ces dix matchs précédents en playoffs (cinq en 2018 et cinq en 2019) sous le maillot new-yorkais. Un signe positif donc pour celui qui retrouvera sa Californie natale à l’occasion de ce duel.
Verdict et Pronostic
Après la qualification face aux Indians, Aaron Boone a eu une phrase qui illustre l’inversement des rôles : “Nous sommes clairement les challengers (“underdogs”) maintenant. Ce sont eux les puissants et méchants (” big, bad”) n°1 de la AL East”. Une phrase prononcée avec un clin d’oeil mais qui permet aussi d’enlever la pression à ses joueurs. Au vu du passé de la franchise et même du passé récent de ces deux équipes, les Yankees peuvent quand même toujours revendiquer le statut de favoris, mais je pense que ça leur va bien que ce soit les Rays qui aient l’étiquette sur le dos. Si l’on s’en tient uniquement aux résultats de l’année, alors oui les Floridiens doivent l’emporter mais il est tellement difficile de se faire une idée définitive entre le “favori historique” et le “favori 2020”. Le coeur en appelle bien sûr à une victoire des Yankees, la raison à une victoire des Rays. Qui écouter? S’il faut vraiment donner un prono alors ce sera les NYY en 5 matchs avec un Gerrit Cole stratosphérique sur ses deux starts et un Tanaka solide, bien appuyés par une attaque qui devra afficher son meilleur profil.
Yankees 3 – Rays 2
