Il y a quelques jours, nous vous présentions le portrait de ces garçons qui publient tous les jours sur Twitter (à retrouver ici). Mais avant d’être l’homme derrière un arobase sur l’oiseau bleu, ils sont avant tous des passionnés d’une équipe, d’une franchise ou d’un joueur. Pourquoi être devenu fan des Rockies ou des Astros ? Comment s’organisent-ils dans une semaine type pour allier à la fois leur vie personnelle et celle de « community manager » ? Car tous font ça bénévolement, par attache pour leur franchise ou par béguin pour la petite balle blanche. Deuxième partie de notre portrait sur ces hommes de l’ombre qui font vivre le baseball en France. Leur fonctionnement au quotidien, les relations entre les uns et les autres ou leur attache à une équipe, on continue le focus mérité sur ces comptes MLB France !

Comment tombe-t-on amoureux d’une équipe ? En football ou en rugby, par exemple, cela vient généralement d’un facteur géographique et d’une corrélation entre le lieu de résidence, ou familial, et celui de l’équipe pro la plus proche. Bien sûr, il y a des exceptions, et je sais de quoi je parle, moi-même étant un rhônalpin pur et dur issu d’une famille 100% stéphanoise et pourtant mordu invétéré, au grand dam de mon papi, du… Stade Rennais. Mais là n’est pas le sujet. En sports US, la proximité, de fait, n’existe pas. A moins d’être né américain ou d’avoir vécu dans le « Nouveau Monde », nous sommes tous issus du « Vieux Continent » et, par définition, bien éloignés de nos équipes de cœur. Alors pourquoi telle équipe plutôt qu’une autre ?
Big Apple, Home Run, Chris Coste ou contrées sauvages, et toi c’est quoi ta raison ?
Il y a d’abord ceux comme Gaétan, fan de l’Empire Evil, pour une raison évidente : New-York ! « New York est l’endroit aux États-Unis qui me fait le plus rêver. C’est la ville que je souhaite découvrir en priorité. Et, au niveau de mes connaissances baseball, les seules références que j’avais, c’était ces noms : Yankees, Derek Jeter, Babe Ruth, Joe DiMaggio. Donc cela s’est fait très naturellement. Et découvrir l’histoire de cette franchise n’a fait que renforcer ma passion pour les Yankees. Et puis, ma première saison MLB, c’est 2009. La saison du dernier titre en date des Yankees. Un signe des dieux du baseball », justifie ce père de famille, fondateur des @FrYankees. La capitale du monde attire de par ses lumières et les fantasmes qu’elle inspire, on le comprend. On retrouve d’ailleurs ce discours chez Alexandre, pilier de @BombersProspect : « Étant un passionné de New York, mon choix n’a pas été long à faire. Entre les Mets et les Yankees, j’ai certes choisi la facilité mais surtout l’histoire associée à ce grand club prestigieux… que dis-je, le plus grand club de baseball de tous les temps ! ».
Parfois, cela se joue à rien… ou presque. A une longue balle expédiée dans les tribunes par un phénomène de ce jeu par exemple. Ce fut le cas pour Dylan, 23 ans, étudiant en comptabilité à Bordeaux et grand fan des Angels. « Mon amour pour les Angels est un hasard, le premier match que j’ai vu, j’ai admiré un homerun de Trout donc j’ai décidé de les suivre ».
Pour Guillaume, créateur d’Astros France qui est à ce jour le compte MLB France le plus suivi, le déclic porte un nom :
« C’est très bête mais c’est en suivant la courte mais trépidante carrière de Chris Coste (j’ai adoré son autobiographie) que j’ai commencé à m’intéresser aux Astros. Il a été échangé à Houston par les Phillies et puis à force de les regarder, à voir ces jeunes se développer, de voir Keuchel performer, j’ai vite pris goût à cette équipe ».
Il existe aussi parfois des raisons bien différentes du monde du sport. Manu a trente ans, est fonctionnaire et avant d’être fan des Rockies et de sortir @FranceRockies, il aimait surtout le plein air et la nature. « J’ai toujours été attiré par les grands espaces, par l’image que véhicule le Colorado. Et puis lorsqu’on commence à s’intéresser aux Rockies, cet esprit qui gravite autour de cette franchise, ce ballpark unique au monde, ces joueurs atypiques, ces belles aventures en saison, ça vous reste et ça vous donne envie d’en savoir plus, et puis on s’y attache ensuite ! »
Enfin il y a ceux pour qui l’attache qui les lie à une franchise peut être plus fort, plus grand qu’il n’y paraît. Entre Adrien, aka @TigersFr et Detroit, ville industrielle par excellence du Midwest, la relation prend racine dans une certaine culture commune. « Ça s’est fait par association, j’avais une grande sympathie pour les Pistons en NBA, j’aime la culture de Detroit, la motown et principalement Marvin Gaye (“adopté” par la ville même s’il est de Washington DC), la techno locale, la scène rap. D’un point de vue social, je suis originaire de Lorraine, une région marquée par la culture ouvrière, Detroit crée une connexion à ce niveau là, la grisaille, le froid, les grèves, la résistance locale face aux drames économiques. Les Tigers c’était pour moi une évidence en grandissant ».
Organisation ou réveil matinal, chacun fait à sa sauce
Allier vie professionnelle et personnelle représente parfois un vrai défi pour une personne. Alors ajouter en plus de ce dilemme cornélien une passion qui vous prend du temps, de l’énergie et de l’investissement pour un retour mesurable seulement en un « merci » tous les 36 du mois sur un sombre réseau social peut s’avérer rédhibitoire. Fabrice, alias FranceCubs, le dit lui-même : « le décalage horaire ne facilite pas les choses, et conjuguer vie professionnelle et cette passion est compliquée (il faut bien dormir un peu…) ».
Et pourtant ils sont toujours là, courageux, téméraires. Passionnés et tantôt organisés.
« Je regarde un peu les matchs à venir, les horaires pour voir lesquels je vais pouvoir suivre ou non. Sinon quand je ne peux pas suivre le match en direct, je regarde le résumé le lendemain matin en général et je fais un petit débrief sur Twitter. Étant encore étudiant, j’ai la chance de ne pas avoir tout le temps des horaires chargés. Bon, parfois, ça m’arrive de ne pas pouvoir suivre un match en direct en soirée parce que j’ai des choses à faire pour la fac mais, en général, ça va », confie Simon, 23 ans et étudiant en géographie sur Dijon.
Si le CM de @PhilliesFrance a du temps, du fait de son statut d’étudiant, ce n’est pas le cas de Benoit, 34 ans, père de famille et médecin généraliste. « Malheureusement mon souci principal c’est qu’entre ma famille et mon travail je manque de temps pour regarder les matchs, mais quand les Dodgers jouent à domicile, je me lève souvent plus tôt pour suivre la fin des rencontres. Dans tous les cas, le matin, je consulte dès le réveil le résumé du match de la nuit et les statistiques pour faire un rapport en 2 ou 3 tweets sur le compte, je m’informe au quotidien sur les infos concernant l’équipe et j’essaye de les synthétiser sur le compte @DodgersFrance. Les vies professionnelles et familiales prennent évidemment le dessus et je manque clairement de temps pour enrichir le compte comme je le voudrais. L’an dernier j’ai recherché en vain quelqu’un pour gérer le compte avec moi mais j’ai fait chou blanc, j’ai toujours espoir de trouver un/une fan des Dodgers pour m’aider et pour que ce compte se développe encore plus ».
Et bien qu’ils ne soient, au final, que de simples fans, comme nous-autres sur TSO, ils s’appliquent pour autant à adopter une attitude pro en tout temps. « Je pense qu’il faut toujours se remettre en question, on représente une franchise, il faut donc toujours vouloir en savoir plus, être prêt a débattre de tout et n’importe quoi. Il faut aussi, je pense, garder une certaine mesure en s’exprimant, on ne peut pas tweeter ni s’adresser à quelqu’un comme on pourrait le faire avec son compte perso. De plus, une de mes « peurs » est de rater une actu, un gros trade ou une grosse signature, je veux toujours être à l’affût (merci Ken Rosenthal et Jon Morosi) », souligne Ewan, le cadet des CM (@TexRangersFra).
Petit trashtalking entre amis
S’ils se sont retrouvés sur Twitter, c’est aussi parce que notre sport est encore trop peu médiatisé voire totalement obscur pour beaucoup. « La commu MLB Fr est peu nombreuse, nous sommes des passionnés et peu de monde voire personne ne connait le baseball dans notre entourage réel, alors Twitter c’est une façon de parler du sport qu’on aime avec des passionnés et des spécialistes de façon accessible et en français », enchaîne Ewan.
Pour Gaétan, fonctionnaire de police dans la vie, la communauté MLB sur Twitter est saine. « Globalement, l’ambiance au sein de la commu est bonne. Il y a du chambrage mais toujours dans le respect. Parfois, ça peut être plus tendu mais ça reste rare et, globalement, ça reste courtois. Il y a un mélange intéressant entre nouveaux fans, curieux et connaisseurs. En tout cas, on a vu vraiment une évolution rapide. Il y a deux trois ans, c’était un peu le désert de Gobi ».
Valentin (White Sox France) va dans le même sens en décrivant une excellente atmosphère : « Les débats sont intéressants, tout le monde joue le jeu. Certains font même des tournois pour élire par exemple la meilleure mascotte ou le plus beau ballpark, je trouve ça top ».
Un bon climat qui peut s’expliquer par ce cercle restreint d’aficionados des ballparks. Certains ont quitté le navire NBA ou Foot, jugés parfois « nauséabond » ou « délétère » pour rejoindre celui du baseball comme Alexandre : « j’ai quitté la communauté NBA parce que l’ambiance était vraiment pourrie. L’ambiance MLB est plus fraternelle, peut-être parce que plus confidentielle. Il y a quelques petites frictions avec certains CM (suivez mon regard vers la façade pacifique) qui sont ouvertement de mauvaise foi mais on est très loin des insultes de la NBA. Disons qu’on a le trashtalking plus poli en MLB. Et puis le baseball est un sport exigeant qui écrème beaucoup aussi ! ».
Troll reconnu ou éternel optimiste, qui est LA Actu ?
Et ce regard, justement si on le suit, nous amène tout droit au compte le plus adepte du trashtalking : LA Actu France.
« Tout le monde essaye d’apporter son contenu avec le plus de bonne humeur possible même si l’écart de niveau se ressent dans la communication et certains comptes qui ont des résultats médiocres sont inactifs (…) Je ne comprends pas : soit on est fan soit on ne l’est pas. Oui, les tensions peuvent être parfois présentes car certaines personnes n’ont toujours pas compris au bout de 3 ans que j’ai une haine profonde de la défaite et que je prône l’optimisme. C’est tellement mieux que de tirer la tronche H24 », se défend Aymeric, bientôt 24 ans et derrière LA Actu depuis 2015.
« La frustration et les moqueries ont été présentes pendant la saison morte notamment sur la non signature de gros agents libres côté Dodgers ainsi que les non sanctions envers les Astros et les Red sox, où les fans des Dodgers ont été pris pour des cons. Mais la vapeur s’est renversée quand LA a ramené Betts et Price contre 2 paquets de Dragibus pour Boston », s’amuse celui qui peut parfois faire figure de poil à gratter dans une communauté très bon enfant.
« Si tension il y a, je ne les ai vraiment pas notées. Bon, même si peut-être que le compte LA Actu France est assez provocateur, il peut en mettre certains en rogne, moi je le lis avec beaucoup de second degré et j’ai de la sympathie », relativise de son côté Adrien.
Rassembler sans perdre son identité, le prochain challenge des CM
Le prochain défi qui fait face à ces CM sera de réussir à étendre leur message au plus grand nombre, en attirant de nouveaux « fans », tout en conservant l’esprit familial et collégial qui unit ces différents comptes depuis le début. « Il faut que la commu se développe mais en gardant la tradition de convivialité propre au baseball, et la bienveillance qui la caractérise aujourd’hui. Trashtalker, c’est bien, mais ça doit rester bon enfant », prévient d’ailleurs Gaétan.
Ce qu’a peut-être réussi à faire Guillaume, premier et unique compte à avoir dépassé les 1000 followers, et ce malgré le scandale qui secoue actuellement sa franchise des Astros. Ce père de deux enfants à bâti au fil des mois une vraie petite famille autour de son projet jusqu’à être invité à Houston par des fans américains. Signe du respect que ces CM inspirent dans la communauté baseball. De par leur travail, leur rigueur et leur passion, leur renommée, aussi petite soit-elle, arrive aujourd’hui à dépasser les frontières.
Troisième partie de ce zoom sur les comptes MLB à suivre très prochainement. On y parlera de la communication de la MLB en France, la pratique du baseball dans l’hexagone ou encore quelques « souvenirs » croustillants sur Twitter.
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