Zoom sur les comptes MLB France – Partie I : Un nouvel amour

Ils s’appellent Ewan, Benoit, Manu, Julian, Alexis, Alexandre, Adrien, Simon, Fabrice, Aymeric, Guillaume, Gaétan, Elio, Sébastien, Dylan ou Valentin. Ils ont entre 19 et 44 ans et possèdent tous un point commun : ils sont CM d’une franchise MLB… en français ! Chacun prend de son temps libre pour traiter, relayer et décrypter l’actualité de son équipe favorite sur Twitter. Première partie de notre focus avec aujourd’hui un zoom sur leurs débuts, leur découverte du baseball et de Twitter. Comment chacun est tombé amoureux de ce sport ? Pourquoi avoir créé un compte ou quels sont leurs premiers souvenirs d’une batte ? Voici le portrait de ces passionnés de baseball devenus au fil du temps de véritables community managers. Portraits. 

Rendez-vous avait été pris sur les réseaux, avec la communauté MLB France, un après-midi d’hiver un peu trop pluvieux. L’objectif était à la fois simple et énigmatique : mettre en lumière tous les comptes traitant d’une actualité baseball sur l’oiseau bleu, ou Twitter pour ne pas le citer.

Très vite, les MP (messages privés) ont afflué dans notre messagerie et la suite s’est faite par mail. Sachant qu’on recense aujourd’hui une cinquantaine de comptes Twitter (la liste ici), certaines équipes en ayant même deux comme les Phillies, les DBacks ou les White Sox, la tâche semblait très laborieuse. Au final, seuls seize CM ont répondu à l’appel lancé fin janvier, suffisant tout de même pour avoir 40 pages Word de réponses à nos questions… Une broutille 🙃 ! La preuve surtout, si certains en doutaient encore, qu’il existe en France des fervents supporters de la petite balle blanche⚾️.

C’est le cas de Fabrice, la quarantaine, et fan invétéré des Cubs de Chicago. « J’ai découvert le baseball adolescent. À l’époque, je pratiquais le basket et je lisais fréquemment deux magazines de sports américains qui parlaient des quatre grands sports US. Je lisais tous les articles qui étaient tous très intéressants, et en lisant ceux parlant de baseball, je me suis dit : il faut que je regarde en quoi ça consiste. C’est ainsi que j’ai découvert le baseball, en lisant les articles sur Mc Gwire & Canseco et leur course aux Home Runs (j’ai découvert plus tard que c’était aussi la course aux stéroïdes…), mais également Nolan Ryan et son fameux Nolan Ryan Express. J’en suis venu à aimer ce sport, au point de recevoir lors d’un Noël une batte en alu et un gant. J’ai d’ailleurs toujours les deux. Par contre, pour jouer, cela était beaucoup plus compliqué, pas de club aux alentours, et je ne parle pas de ce qui est de regarder un match. Sport oublié par les télévisions, internet n’en était qu’aux balbutiements… Donc, pas de match à visionner », explique ce vendéen qui est tombé amoureux des Cubs en 1989.

Marty Mc Fly, Wii Sports ou vacances en Calabre, tous les chemins mènent à Rome…

« Un après midi, ne sachant que faire, ma sœur me demande si je veux bien aller au cinéma voir Retour vers le futur n°2. Ayant bien aimé le 1, j’y vais. Et quelle surprise au milieu du film, quand Marty arrive en 2015, ça parle des Cubs gagnant les World Series, alors qu’en 1985, ils sont « nuls » (dixit Marty Mc Fly). La prophétie (c’en est devenue une) a d’ailleurs failli se réaliser… Je me suis donc intéressé à cette équipe, et c’est devenu mon équipe favorite. Et coïncidence, le premier match que j’ai vu c’était les Cubs qui jouaient ».

Aujourd’hui père d’un jeune ado de 13 ans, Fabrice est aussi le « papa » de @FranceCubs sur Twitter depuis l’été 2018.

Si Fabrice fait figure d’aîné chez les CM, Ewan est le petit dernier de la « French Baseball Family ». S’il pourrait presque être le fils de Fabrice du haut de ses 19 ans, il est marrant de voir à quel point les codes ont changé d’une génération à une autre. « Mon premier ‘contact’ avec le baseball, c’était sur Wii Sports, ça m’amusait, mais on ne peut pas dire que ce soit du vrai baseball », raconte cet étudiant en médecine. Une première rencontre grâce aux jeux-vidéos qui n’a pas empêchée Ewan, ou @TexRangersFra, de frapper des balles, minot, dans son jardin.

« Dans le sud de la France, où je vis, on ne joue pas au baseball mais plutôt au rugby voire au football. Il n’y avait pas de clubs autour de chez moi, et puis le baseball n’était pas assez médiatisé. Mes seules expériences de baseball remontent aux quelques fois où, moi et mon frère frappions des balles de tennis avec un manche en bois dans le jardin. Désolé les voisins pour les Home-Runs ». Ewan, CM Rangers.

Entre les deux générations, on retrouve celle d’Adrien, 28 ans, enseignant à Bobigny. Lui aussi est tombé dans la marmite baseball très jeune, mais là encore les raisons sont différentes. « J’ai des cousins Italo-Américains en Californie et, lors de mes vacances en Calabre, ils nous apportaient toujours des cadeaux. A 3 ans, j’ai une photo avec mon frère, moi avec la casquette des Giants, lui avec celles des A’s. Puis en 2012, alors que j’étudiais en Italie, je suis tombé sur les exploits de Miguel Cabrera. Il faut dire que le baseball est plus populaire en Italie qu’en France. Les Italo-Américains revenaient souvent l’été et initiaient des villages entiers au baseball », confie le fondateur de @TigersFr.

Adrien et son frangin, minots.

De graphiste à CM, il n’y a qu’un pas

Valentin, lui, est graphiste. C’est aussi un fan des White Sox grâce au cinéma, et notamment au film « Eight Men Out », écrit et réalisé par John Sayles, sorti sur grand écran en 1988. Un jour, il décide de donner un coup de main à Elio, la vingtaine, étudiant dans les Alpes-Maritimes. Ce dernier est à la baguette de @fanfrSFgiants, fondé au début du gros boum des créations de comptes en avril 2018. En aidant Elio dans la création d’un nouveau logo, Valentin est alors convaincu par ce dernier de se lancer dans l’aventure et sort @whitesoxfrance.

« Je l’ai tout simplement invité à créer un compte en lui disant que c’était une superbe expérience. Je lui ai dit que s’il avait la motivation, il fallait y aller, après tout le mérite lui revient d’avoir pris la décision et tenir son compte à jour quotidiennement ! », raconte Elio. Lui a réalisé le grand saut sur Twitter juste avant de partir en road-trip familial outre-Atlantique. C’est aussi lors d’un voyage sur la côte ouest américaine, huit ans plus tôt, qu’il découvre le baseball : « J’avais 10 ans et, lors de ce voyage, il y avait du baseball tous les soirs à l’hôtel. En grand fan de sport en général, j’ai voulu découvrir le sport et aller voir un match. Ironie du sort, le trip se termine à San Francisco où j’irai voir mon premier match contre les Padres et où le jeune Posey frappe un HR. C’est le début de ma passion pour le poste de catcher, le début de mon amour pour ce joueur».

Premiers pas sur l’oiseau bleu

Les jeux vidéos donc, le cinéma, ou encore la famille et les voyages ont incité des vocations. Mais comment ces fans ont-ils décidé de passer le pas et débuter sur Twitter, à suivre au quotidien les résultats de leurs équipes ? Qu’est-ce qui peut pousser un aficionado à devenir non plus suiveur mais véritablement acteur de sa passion ? Plusieurs raisons.

D’abord il y a parfois l’envie naturelle d’aller plus loin dans sa propre connaissance. C’est le cas de Julian, 23 ans, CM de @RecitsSox : « J’ai suivi la saison 2016 des Red Sox avec les daily recaps de MLB.com et, en 2017, j’avais envie de plus de sources d’infos et de partager, alors j’ai créé mon premier compte Twitter pour suivre les journalistes MLB américains et parler des Red Sox ».

Il y a aussi le hasard, qui fait que l’on se retrouve en pleine nuit à tweeter sans même l’avoir vu venir. « A vrai dire, je n’en avais au départ pas vraiment l’intention. J’ai commencé à suivre le baseball sur différents sites, dont Twitter, et c’est là que j’ai vu que des comptes MLB Fr existaient, pas beaucoup à l’époque, car j’ai créé le mien en juin 2018 et je pense qu’il devait alors y avoir 5 ou 6 comptes estampillés Fr à l’époque. Comme je commençais vraiment à suivre les Dodgers et que je trouvais dommage que personne n’ait encore eu l’idée de faire un compte (même si j’en ai trouvé un très vieux fermé depuis 2013) je me suis lancé », précise Benoit, 34 ans.

Parfois, c’est une « mission », ou un « patrimoine » que l’on décide de reprendre. «J’ai créé le compte en juillet 2019. De base, je suivais mon prédécesseur qui s’appelait @franck_rangers si je me souviens bien. Un vrai fan. Il a beaucoup contribué à ma passion envers cette équipe. Puis un jour, le compte a disparu. Je voulais reprendre le flambeau, comme un héritage à perpétuer. Je voulais que les fans et la commu retrouvent un compte FR des Rangers comme avant. Alors, voyant que personne ne créait ce fameux compte, et que presque toutes les équipes étaient représentées, je me suis lancé dans l’aventure, sans aucun regret et avec grand plaisir », révèle Ewan.

D’autres s’y sont même mis à deux. C’est le cas d’Alexis et Alexandre qui suivent non pas une franchise MLB mais… une équipe de Minor League ! Rencontrés par hasard sur Twitter, les deux hommes se sont lancés dans le grand bain : « Ça faisait pas mal de temps que j’en avais envie, quand j’ai vu un compte sur les équipes affiliées aux Boston Red Sox, je me suis dit qu’il fallait que je me lance et je suis tombé sur mon compère Alexandre. On a décidé de créer un compte sur les équipes affiliées aux Yankees avec @MinorYankeesFrance ».

Enfin il existe aussi une autre raison qui peut pousser un suiveur actif de baseball à créer un compte fan. Pour Aymeric, « à la base, créer un compte Twitter français sur le sport US était avant tout pour peaufiner le niveau d’anglais. Et donc lire ou écouter du contenu sur l’actualité de mon équipe favorite afin de relayer l’information pour permettre de jongler entre les deux langues. Au début, quand je lance le compte (@LAactufrance), il y a très peu de personnes en France fan de LA… Je me dis qu’en publiant en anglais, j’augmenterai le nombre de personnes susceptibles d’interagir ».

Le baseball en thérapie

Il est difficile pour ne pas dire impossible, de mentionner toutes les anecdotes, tous les récits ou les histoires qui se cachent derrière chaque compte. Mais parmi les nombreuses réponses reçues au fil des dernières semaines, l’une m’a particulièrement touché. C’est l’histoire de Sébastien, la trentaine, marié et fondateur de la page youtube Home Run Seby mais aussi CM de deux comptes : @MLB_BlueJaysFR pour l’American League et @MLB_NationalsFR en National. « Parfois je regrette d’avoir ouvert deux comptes parce que, mine de rien, ça prend du temps de s’en occuper et il m’arrive d’avoir la sensation de faire ça pour rien quand personne ne réagit à mes tweets. En 2019, je m’étais organisé pour m’occuper surtout des Blue Jays pendant la première partie de la saison et puis des deux teams après les ASG ».

Mais si l’histoire de Séb ne laisse pas insensible, ce n’est pas pour sa capacité à tenir plusieurs comptes. Ce fan de baseball a fait un sévère burnout au travail. Au point de perdre totalement l’usage de sa langue maternelle. « À cause de mon burnout, j’ai perdu ma langue maternelle. J’ignore pourquoi. Même à l’écrit, c’est catastrophique. Ma syntaxe et mon orthographe ne sont plus bonnes. J’explique ça dans ma toute première vidéo sur Home Run Seby (…) En plus d’avoir l’opportunité de parler de baseball, j’ai aussi créé ma chaîne pour rester actif et ainsi entretenir mon Français car j’écris la VOSTFR ».

Le baseball en remède, donc. Pour continuer de garder la tête hors de l’eau et s’accrocher à une passion, un espoir, une lumière. J’ai moi même traversé, en 2016, une sale période que beaucoup ont connu dans leurs vies respectives (j’en parle ici).  Mon amour de ce sport combiné à l’écriture m’a aidé. Ainsi je comprends sincèrement Séb dans sa vision du baseball. Le baseball en thérapie. Le baseball pour mettre des mots sur des maux.

Et si, comme il le dit lui-même, il peut arriver le sentiment de ‘faire ça pour rien’. « Avec mon compte Home Run Seby, je m’adresse à un public qui n’y connait rien et souhaite s’intéresser au baseball. Cependant, je me rends compte que sans visibilité, cette catégorie de personnes a du mal à tomber sur ma chaîne ou même à la chercher sur Youtube. J’ai l’impression que je m’adresse à des fans confirmés du coup mes vidéos ne servent pas à grand chose. Mais il arrive que le public ciblé me trouve et je reçois de temps en temps leurs messages sur Twitter ou Facebook pour me faire remarquer qu’ils existent et qu’ils sont content d’être tombés sur ma chaîne. Rien que pour ça, j’suis super heureux de participer à l’accès vers ce sport même si c’est à une toute toute petite voire minuscule échelle ».

Et si c’était ça la communauté MLB en français ? Et si, finalement, les CM de comptes symbolisaient les barreaux de cette échelle. Une échelle qui permettrait d’accéder à cet illustre et glorieux sport. Et si nous étions, tous autant que nous sommes, les barreaux de l’échelle « baseball » ?

Deuxième partie de ce zoom sur les comptes MLB à suivre très prochainement. On y parlera des relations entre les CM, leur mode de fonctionnement pour suivre leur équipe à distance ou encore la naissance de leur attachement à telle ou telle franchise.

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