World Series 2019 : retour sur la sortie de Greinke

Depuis un peu plus d’une semaine maintenant et le couronnement surprise des Nationals de Washington lors de ces WorldSeries 2019, c’est la question que se posent tous les fans des Astros et la presse de Houston : et si AJ Hinch avait fait le choix de laisser Zack Greinke sur le monticule après ce HR d’Anthony Rendon et ce BB de Juan Soto ? Il s’agit indéniablement du tournant de ce game 7 des WorldSeries et le manager texan pourrait bien être hanté par ce choix stratégique pour longtemps. 

Petit flashback… 

Le 31 juillet dernier, la planète baseball est en pleine ébullition. Il s’agit désormais de la seule et unique date butoir pour peaufiner son effectif en cours de saison, donnant ainsi un aspect savoureux à cette trade deadline, qui, à l’instar de la NBA, est un moment-charnière de l’année.

À Quelques minutes de la fin de ce « mercato », les fans des grosses franchises favorites s’agacent. Car pour l’heure, à l’exception de quelques échanges intelligemment réalisés par les franchises « outsiders » afin de consolider leur bullpen, rien de croustillant à se mettre sous la dent. Les fans des Yankees, par exemple, attendent désespérément un lanceur étoilé pour combler les carences de leur rotation. Les Astros, curieusement, sont également à la recherche d’un autre lanceur. Leur rotation est pourtant composée du duo d’all-stars et favoris pour le Cy Young Award, Justin Verlander et Gerrit Cole. Mais derrière eux, c’est beaucoup plus chaotique. Wade Miley, qui réalise une première moitié de saison exemplaire, va dépasser son nombre maximum de manches sur le monticule en une saison et risque d’exploser en vol, ce qui s’avèrera juste. Brad Peacock est blessé et les jeunes ne peuvent supporter autant de titularisations et de pression dans cette course effrénée au meilleur bilan de la ligue. L’histoire donnera raison au Front Office des Astros… . Seul problème pour Jeff Luhnow, ses interlocuteurs sont gourmands, connaissant le nombre important de prospects dans le Farm system des champions 2017. 

#Astros get Greinke

Quand soudain, à 22h13 ce 31 juillet, l’annonce de Ken Rosenthal fait exploser de joie toute la communauté Astros : BREAKING: #Astros get Greinke.

En lâchant 4 prospects, Jeff Luhnow réussit LE coup de cette trade deadline à 2 minutes de son épilogue. Donner des prospects pour acquérir des 3ème ou 4ème partants dans une rotation, c’était non. Mais mettre la main sur une légende vivante du baseball, et voyant que les Dbacks ne coderaient pas, c’était un oui ! 

68 words

Une fois l’euphorie retombée, Zack Greinke est très rapidement adopté par Houston, les fans… et les médias. Son premier départ en tant qu’Astros n’est pas terrible : 5 runs contre les Rockies mais très vite, le natif d’Orlando retrouve son rythme et sa réussite et termine la saison avec, sous les couleurs de Houston, 8 victoires, 1 seule défaite, une ERA de 3.02, une FIP de 3.19 et une présence défensive qui faisait défaut chez les pitchers texans. Si les fans apprennent à connaître ce géant d’1 mètre 90 très timide, la presse elle aussi le découvre. Le 6 octobre dernier, en conférence de presse avant son match contre Tampa Bay en ALDS, Zack Greinke sera on ne peut plus laconique et Chandler Rome, journaliste au Houston Chronicle, comptera même, amusé, le nombre de mots chuchotés par le lanceur : 68. 

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L’interview lunaire de Zack Greinke. Photo : Twitter Chandler Rome

Mais qu’est ce qui t’as pris, AJ ?

A la sortie des vestiaires ce 29 octobre 2019 et après la défaite lors du game6, toute la presse nationale tend ses micros et braquent ses caméras sur Zack Greinke. La tête baissée, intimidé par le flot de questions, le futur héros houstonian fait rire à ses dépens la presse par ses réponses plus que brèves. Il le sait, il affrontera Max Scherzer pour un duel à distance d’anciens détenteurs du mythique CY Young. Et si lors de cette postseason, Zack greinke a paru émoussé, incapable de lancer sa changeup ou sa courbe, il a pourtant réussi une performance solide lors du game 3 permettant même à Houston de ne pas sombrer : 4.2 manches, 6K, 7H, 1 run encaissé et la victoire au bout. 

Zack Greinke va donc entamer ce game 7 en lançant à la perfection. Sa changeup fait valser les Nationals, sa slider trouve la zone, sa courbe donne le tournis et sa rapide est toujours aussi précise. Personne ne s’attendait à ce qu’il ne concède que 1 hit après 6 manches, 1 BB et aucun point d’encaissé. Son compte de lancers est faible et il prend place alors sur la bute pour la 7ème manche, fatidique aux Astros. Elle débutera pourtant par un retrait, celui d’Adam Eaton dont la balle en infield sera catchée par Carlos Correa et relayée en 1ère à Yuli Gurriel. Mais alors que le compte est de 1-0, Anthony Rendon propulse la changeup de Greinke dans la Crawford Box et réduit l’écart à 2-1. Côté Astros on se mort déjà les doigts des 11 coureurs en position de scorer qui ne seront jamais rentrés au marbre au cours de cette rencontre. Robinson Chirinos, le catcher des Astros profite du tour du diamant de Rendon pour s’assurer de l’état d’esprit de Greinke, qui ne s’inquiète pas de ce HR. Mais dans la foulée, Juan Soto obtient la 1ère base sur un BB. A ce moment crucial du match, AJ Hinch décide de sortir Zack Greinke sous une standing ovation rarement vue au Minute Maid Park et d’appuyer sur son bouton « panic » comme il aime l’appeler. Il fait donc rentrer Will Harris, son arme fatale du bullpen. 

Will Harris est un atout majeur pour AJ Hinch. Il a réalisé une saison exceptionnelle (1.50 ERA, 0.933WHIP) et une postseason magistrale au point d’être cité comme possible MVP en cas de succès des Astros. Dans l’esprit d’AJ Hinch, il n’y a que Will Harris pour se défaire de Cabrera et Kendrick et de préserver le lead après 7 manches. Car en cas de succès pour le releveur des Astros, la 8ème manche serait celle d’Osuna avec des batteurs moins dangereux et la 9ème manche pour Gerrit Cole, tel Chris Sale en 2018 avec les Red Sox. Mais voilà, l’histoire en a voulu autrement; Will Harris avait déjà montré quelques signes de fatigue, de faiblesse, lors du game 6 en concédant un run en 0.2 manches avec 21 lancers au compteur. C’était son seul point encaissé après avoir joué 11 des 17 matchs des Astros en postseason. Mais un run à ce stade de la compétition peut totalement remettre en confiance le lanceur. 

AJ Hinch a fait le pari d’utiliser son releveur le plus sûr, Will Harris. Un pari perdant … Photo : DR

La question a donc été posée dès la conférence de presse post-game 7 directement à AJ Hinch. Pour lui, la slider et la cutter de Will Harris aurait du faire la différence. Si Kendrick n’a pas pu frapper la slider d’Harris, il a propulsé sa cutter derrière le champ droit. C’est pourtant sur cette même cutter qu’Anthony Rendon avait inscrit un Home Run lors du game 6. C’était face à Will Harris. C’était aussi lors d’une 7ème manche. 

Greinke, MVP en cas de victoire ?

Et même si AJ Hinch avouera qu’il devra vivre avec cette décision pendant un moment, on peut imaginer éventuellement ce qu’auraient fait Kendrick et Cabrera face à Greinke. Car lors de leurs premiers passages face à Greinke, Kendrick s’est fait retirer sur double play (1-4-3) sur une changeup. Cabrera quant à lui a peiné sur cette changeup et s’est fait retirer sur une slider. En 4ème manche, Kendrick a obtenu un BB mais a buté à nouveau sur la slider de Greinke. Cabrera lui n’a pas trouvé la solution sur la changeup et la curve. Les deux adversaires que Greinke allait donc défier avaient eu tous les deux des difficultés sur sa slider et sa changeup, utilisés 3 fois sur 4 comme les types de lancers pour retirer 19 batteurs, quand ce n’était pas sa curve, tout aussi décisive. 

Alors fallait-il faire lancer Will Harris dont la cutter était douteuse ou laisser Greinke, qui avec un compte de seulement 80 lancers, une emprise totale sur la rencontre et 2 frappeurs incapable de maitriser sa slider et ses Breaking balls ? 

Personne n’aura jamais la réponse. Mais la rigueur qu’AJ Hinch s’impose à respecter à la lettre sabermétrie et éléments rationnels ou factuels ont semble t’il laissé place, le temps d’un instant, à son feeling. Il devra vivre avec. Et Greinke de voir sa performance monstre lors d’un game 7 tomber aux oubliettes. Lui qui, en cas de victoire, aurait pu remporter également le titre de MVP de ces Worldseries. 


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