2019 : L’année des Home Runs !

Home Run Derby ou saison régulière ? On s’y perdrait presque tant les longues balles pleuvent en tribunes depuis l’Opening Day. Si vous suivez un tant soit peu la MLB, cela ne vous aura surement pas échappé : les HR ont la côte ! À tel point que l’on est en passe d’avoir la saison la plus prolifique de l’histoire en terme de “dingers”. Éclairage.

Si vous aimez les “no-doubter” et les bras surpuissants, pas de doute, c’est votre année ! Si au contraire, vous êtes plutôt adepte du “small-ball” et des vols de bases, rien ni personne ne pourra soulager votre migraine. Car ce millésime 2019 a été étiqueté “Sluggers” avant même que l’on ne récolte le raisin.

La puissance des Twins a déjà effacé des tablettes la craie toute fraîche des Yankees 2018 avec 166 HR à mi-saison, record historique amélioré pour 5 unités. De son côté, la NL n’est pas en reste avec un trio de joueurs au plateau des 30 HR (Cody, Yelich et Alonso). Anodin ? Pas vraiment puisque c’est seulement la deuxième fois de l’histoire qu’un trio issu d’une même ligue affiche 30 HR par bâton au All-Star Break. Il faut remonter 20 ans en arrière à la mythique saison 98 et sa course folle au record de HR entre McGwire et Sosa devant un Vaughn finalement lâché (il finira à 50) pour trouver trace de pareil exploit. Une saison pour l’histoire sortie tout droit d’un autre siècle où McGwire terminait finalement l’exercice à 70 unités, 4 HR devant Sosa. Encore aujourd’hui, ces marques constituent les 2e et 3e records sur une saison après qu’un certain Barry Bonds fut venu régler tout le monde trois ans plus tard dans ce qui constitue l’Everest de la « Steroid Era ».

Les Sluggers ont pris le trône

Mais revenons à nos moutons, ou plutôt à nos bâtons. C’est une des particularités du baseball, ce sport évolue constamment au fil des époques. Small-ball, dominance des pitchers, multiplication des types de lancers, bullpen ou opener, le baseball s’adapte en continu, de tout temps et à toutes épreuves. On parle d’un sport capable de muter son ADN en fonction des paramètres extérieurs ce qui relève à la fois d’une grande intelligence et d’un instinct de survie comparable à la X-Men.

“La four-seam fastball a changé la donne ! Maintenant, vous voyez que les gars ont déjà commencé à s’y adapter. Vous devez vous ajuster. Vous constaterez un retour des gars qui obtiennent plus de hits et qui mettent la balle plus souvent en jeu.”

La citation n’est pas du Professeur Xavier (coucou les Mutants) mais d’Alex Bregman, 3e base des Astros et star de ce jeu. Entre 2010 et 2015, les pitchers ont régné en maîtres absolus sur la MLB. Pendant six saisons, la barre des 5 000 HR n’a pas été atteinte une seule fois, du jamais vu depuis les 90’s. À cette domination du pitcher, la révolte est venue presque naturellement du cœur de la batter’s box.

Il est difficile de prévoir un cycle dans ce sport ou d’anticiper vers quel mouvement va tendre la MLB. Tout va trop vite. Par contre il est possible d’affirmer que nous n’avions jamais vu tel spectacle auparavant et ce même à la période des stéroïdes. La balle vole au-dessus des murs comme jamais. Les HR ont augmenté de 19% par rapport à la saison précédente et nous sommes en passe de dépasser les 6 000 “bombes” pour la seconde fois de l’histoire. Oui le record de 2017 va tomber (6 105). Les “big fly” sont si présentes au cœur du jeu que les équipes ne volent plus ou peu ! Le ratio de bases volées est le plus bas depuis près de cinquante ans. À la pause du ASG, on compte déjà 34 joueurs à 20 HR alors que le record de joueurs à 40 HR sur une saison est de 17 ! Affolant…

Les stars de ce jeu sont des frappeurs !

Quant aux pitchers, ils semblent aujourd’hui plus disposés à offrir des « free pass » que tenter d’éliminer un slugger. On n’avait pas vu autant de walks en MLB depuis une décennie. Mike Trout en est le parfait exemple. Le “Kiiiiid” compte aujourd’hui plus de walks que de strikeouts (76 BB vs 69 Ks) et peut dépasser les 150 walks ce qui ferait de sa saison 2019 un top 10 All-Time à ce petit jeu ! Et ce à 28 ans, juste avant de rentrer dans son prime… #NoComment

Ceci dit, le double MVP des Halos devrait aussi faire tomber son record de “blasts” en une saison. Il est à 28 HR et son record se situe à 39. Sur ses 1 152 premiers matchs il a déjà frappé 268 Home Runs, soit seulement deux de moins qu’un certain Willie Mays au même nombre de parties. Dans l’histoire, aucun autre centerfield n’a fait aussi bien, aussi vite…

En NL, la bataille pour le MVP entre Bellinger et Yelich pousse ce dernier à un niveau ahurissant. Et là encore, les “deep fly” tombent ! “Yeye” a déjà récolté 31 circuits, ce qui peut lui permettre de devenir le premier joueur non lié à la steroid era à dépasser les 61 HR de Roger Maris (1961). Sur les 12 derniers mois, il affiche 56 HR, 142 RBI, .348 ce qui lui donnerait tout simplement une triple couronne si la récompense ultime se donnait sur une année civile. Mieux encore, seuls trois joueurs ont affiché de telles stats sur un même laps de temps : Babe Ruth à deux reprises, Jimmie Foxx et Hack Wilson.

Une jeunesse à l’image d’Alonso : puissante comme un ours !

Signe de cette mouvance du “tout pour l’attaque”, il est devenu aujourd’hui très important d’être puissant pour rentrer dans les Majors ! La détection a elle aussi évolué, preuve en est avec les rookies 2019. Christian Walker, Austin Riley, Brandon Lowe, Michael Chavis ou Eloy Jimenez sont tous à 15 HR ou plus. Et je ne parle même pas des Tatis Jr. (12), Vlad Guerrero Jr. (8) auteur d’un Home Run Derby historique (91 longues balles !), ou Yordan Alvarez (7) qui semblent tous être de futurs machines à longues balles.

Le visage de cette nouvelle vague est évidemment celui de Pete Alonso. L’ours polaire des Mets a déjà frappé 30 HR soit plus que n’importe quel joueur des Mets en 2018. En plus d’être devenu le 3e rookie de l’histoire à atteindre cette marque avant le ASG, il est devenu le 2e rookie après Judge à remporter le HR Derby. Pete Alonso, cogneur de “moon shot”, est le prototype même du joueur d’aujourd’hui. Il mène une génération de gladiateurs aux physiques robustes armés de bras puissants et à la vélocité féroce, symbole d’une ère nouvelle. D’ailleurs pour la première fois depuis 1930, les 25 ans ou moins affichent plus de .440 de SLG. Là aussi, un record.

Des bullpens en miette et des fastballs à l’abandon

Ces dernières années, la vélocité à l’impact a elle aussi considérablement augmenté. En conséquence de cet élan plus puissant qu’auparavant, les strikeouts sont aujourd’hui obtenus plus souvent sur des sliders que des fastballs. La tendance sur ces cinq dernières années est même assez saisissante.

Type de lancers en MLB

Year Fastballs Sliders & Cutters
2015 56.8% 20.0%
2016 56.3% 20.8%
2017 55.4% 21.5%
2018 54.6% 22.4%
2019 52.0% 24.1%

Mais pourquoi diable les fastballs sortent-elles moins souvent ? Cela vient d’un calcul simple. Les batteurs touchent en moyenne 27 % une fastball contre 22 % pour une slider ou cutter. Les frappeurs se sont adaptés à la rapidité jusqu’à s’ajuster au maximum. Aujourd’hui la rapidité de la balle a été quelque peu domptée par nos gros bras. Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, la moyenne en MLB face à des lancers de plus de 95 MPH est exactement la même (.252) que celle contre des lancers plus lents. La vitesse compte moins qu’avant. D’ailleurs cette année il existe deux points communs entre les Twins, A’s, Rays, Cardinals et Yankees. Le premier est évidement que ces cinq équipes se situent toutes dans la course aux play-offs. Le second ? On parle des franchises ayant lancé le moins… de balles rapides !

Enfin, dernier élément qui peut expliquer cette pluie de “dingers” : les bullpens ! Pour la première fois en 50 ans, la moyenne des lanceurs de relève (4.51 ERA) est plus élevée que celle des starters (4.47 ERA). Depuis notamment les Indians 2016, les bullpens tendent vers une exposition de plus en plus grande, où leur utilisation est parfois abusivement renforcée. Revers de la médaille, le nombre important de manches lancées (un record cette année) par les enclos les rattrapent et jouent contre eux. Car les frappeurs s’adaptent, encore une fois. C’est une fois de plus les sluggers qui martyrisent les relief pitchers, setup men ou closers. Le slugging (.422) contre les relievers est tout simplement le plus haut depuis près de 90 ans (.426 SLG en 1930).

Verlander se paie la MLB

Nul ne peut prédire le baseball et encore moins l’évolution que prendra ce sport dans les années futures. À l’heure des analyses toutes faites et des jugements à la hâte il était important d’apporter quelques éléments de réponses à une question que tout le monde se pose : pourquoi les HR tombent-ils autant ?

Le cuir de la balle est plus lisse peut-on lire parfois. Les coutures sont plus serrées peut-on entendre par là. Certains analystes avancent même le fait que le processus de séchage a changé. En gros : tout viendrait du fait que les balles utilisées depuis cette année ont plus de portée une fois en l’air. Justin Verlander lui-même a réalisé une sortie médiatique dont il a le secret ces derniers jours. L’ace des Astros n’a pas hésité à démonter “les nouvelles balles trafiquées par la MLB”. Avec son franc-parler habituel, celui qui a subi le plus de HR en 2019 (26 déjà) a fustigé l’attitude de la Ligue qui aurait, selon lui, dopé les balles pour promouvoir l’attaque et donc le spectacle !

Au final, qu’importe la cause suggérée et parfois anecdotique, il est précieux de rappeler que les jeunes joueurs frappent plus loin. La nouvelle génération de cyborgs a appris le baseball ainsi. En s’élançant sur des fastballs avec un swing proche de la perfection. Seuls 5 joueurs parmi les 34 à 20HR ont plus de 30 ans. La nouvelle vague est donc celle des gros bras, des puissants, des sluggers dominant les pitchers. Une seule question demeure alors. Jusqu’à quand ?

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