C’était il y a un an et quelques jours. Les Houston Astros, la meilleure équipe du circuit, écœurait les Boston Red Sox lors des Division Series pour s’ouvrir une voie royale vers le titre suprême. Ce samedi, Boston et Houston se retrouvent à nouveau entre Arlington et Fenway. Et cette fois, ce sont les Red Sox qui se présentent en position de favori pour continuer leur chemin vers les World Series. Vraiment ?
C’était, là aussi, il y a un an, le bench coach des Astros Alex Cora négociait avec les Red Sox pour un poste de Manager, entre les Championship Series et les World Series. Le 22 Octobre, avant-même le début des World Series, Cora acceptait le poste avant de retourner dans le Texas et d’accompagner la victoire des Astros lors des World Series. Et puis il est parti…
Réguliers, Réalistes, Implacables
… Et il a tout de suite mis les choses au point du côté des Red Sox. Meilleur bilan de MLB en Avril (19-6), les Red Sox ont gardé le rythme tout au long de la saison, enchainant les victoires avant de relâcher un peu la pression en septembre, leur « pire » mois au niveau statistique (15-11). Fatigue ou Mise au Vert ? Toujours-est-il qu’avec 108 victoires au compteur, Alex Cora et les siens peuvent voir venir… même les Yankees avec leurs risibles 100 victoires. Même les Astros avec leurs misérables 103 victoires. 108 !
Un succès acquis grâce à un roster impressionnant de qualité et de régularité, que ce soit au niveau de la rotation (Sale, Price, Porcello), du bullpen (Kimbrel, Wright, Brasier) ou… et surtout du bâton, avec non pas un mais deux MVP en puissance au cœur d’un meme lineup.

Mookie Superstar, J.D. Superfrappe
C’est déjà compliqué de faire face à un joueur exceptionnel au sommet de son art. Alors imaginez en deux d’un coup, qui se suivent dans le Lineup, et qui sont gaiement entourés de tout un tas de très bons joueurs des Ligues Majeures (Bogaerts, Devers, Benintendi, Bradley Jr., Nunez, Kinsler… On a vu pire casting de second rôles). Mookie Betts et J.D Martinez, dans des styles totalement différents entre d’un côté l’outfielder hyperactif et de l’autre le DH hyperpuissant, ont éclaboussé cette saison de toute leur classe, et le premier est presque assurément le seul rival de Mike Trout pour le titre de MVP.
Leader des Ligues Majeures en termes de moyenne au bâton, auteur de 32 Home Runs, de 30 vols de buts et de 80 RBIs, deuxième en termes d’OPS (1.078), Betts serait un MVP évident dans toute dimension parallèle ou Mike Trout ne serait qu’une légende urbaine inconcevable. J.D. Martinez (.330, 43 HR, 130 RBI, 1.031 OPS), quant à lui, a enchainé en 2018 sur les bases de sa demi-saison chez les Arizona Diamondbacks l’an dernier. Et il ne lâche rien lors de cette postseason puisqu’il affiche une moyenne de .357 pour déjà 6 points produits lors des ALDS face aux Yankees.
Chris Sale is Back
Et il n’est pas d’humeur à badiner. Battu lors de ses deux starts face aux Astros l’an dernier, la superstar des Red Sox est prêt pour le combat, et il veut sa revanche. Vainqueur de son premier match face aux Yankees (5-4, 5.1 IP, 2 ER) il a fait le forcing sur son manager pour lancer une manche lors du Match 4, alors que les Yankees étaient encore à portée de fusil d’un potentiel Match 5. Résultat ? Il lance une huitième manche parfaite et donne la balle à son coéquipier, le closer Craig Kimbrel, qui passera néanmoins tout près de craquer avant d’assurer finalement, pour un rien et avec l’aide de la vidéo, le Save de la qualification.
Chris Sale, parfois fantasque et souvent intouchable, est probablement l’un des meilleurs lanceurs de l’histoire à ne pas avoir pu tenir dans ses mains le Cy Young Trophy, La faute à un manque de régularité, la faute aussi à une sale habitude de mal finir ses saisons. Et cette année encore, une légère blessure en fin de saison risque de briser ses espoirs de gloire individuelle.
Mais pour autant, faite confiance au « Condor » pour rendre la vie difficile aux Astros. Dans un bon jour, il est intouchable, et il est le plus redoutable lanceur de l’American League… et ce sont ces jours de gloire que les fans des Red Sox espèrent revivre lors de ces Championship Series.
Le Facteur X : David Price
Cinq fois All Star, vainqueur du Cy Young d’American League en 2012 et deux fois sur le podium de cette même récompense, David Price n’est peut-être plus le pitcher ultra-dominant qu’il fut lors de ses meilleurs années sous le maillot des Tampa Bay Rays, mais il reste, année après année, une valeur sure et la garantie d’avoir dans votre rotation un second As qui, depuis 2010, n’a jamais posté un ERA supérieur à 4 et qui, sauf blessures, lance toujours ses 200 manches en saison régulière pour une quinzaine de victoires.
Et pourtant, dès que la postseason pointe le bout de son nez, l’effrayant loup-garou mangeur d’innings et de sluggers se transforme en petit garçon égaré, dépassé par ses propres balles et par les battes de ses adversaires, s’en remettant au fol espoir que ses compagnons du lineup arriveront à éponger l’ardoise laissée en quelques manches souvent cataclysmiques.

On a bien cru qu’il avait conjuré le sort l’an dernier lorsque, éloigné de la rotation pour la postseason il réalisait deux belles sorties en relief long (Au total, 6.2 manches lancées lors des matchs 2 et 3 contre Houston, pour seulement 5 hits et aucun run concédé) mais cette semaine, lors du match 2 face aux Yankees PATATRAS, les vieux démons ont repris le chemin du monticule.
Avec 3 hits concédés en 1.2 manches lancées, David Price ne pouvait que regarder, une fois de plus, ses coéquipiers faillir dans leur tache de sauver les apparences. Il affiche désormais un bilan de dix matchs de postseason en tant que starter pour autant de matchs perdus par les siens, 9 défaites à son crédit et une no-décision, un ERA de 6.03 lorsqu’il a pris la balle d’entrée de jeu.
Question de confiance ? malédiction ? un peu de malchance aussi ? Le talent ne s’envole pas par miracle au moment ou s’ouvrent les portes de la gloire automnale, et chacun du coté de Boston, le coach Alex Cora en tête, veut croire qu’enfin, lors de ces Championship Series, David Price va renouer avec le succès contre un adversaire qui lui a toujours bien réussi depuis qu’il évolue chez les Red Sox (3-0, ERA 2.43), y compris donc lors de la dernière postseason.
Au lendemain du choc des Titans entre Chris Sale et Justin Verlander, celui attendu dimanche entre David Price et Gerrit Cole, exceptionnel face aux Indians (7 IP, 3 H, 1 ER, 12K), pourrait être déjà décisif pour le sort de ces Championship Series, avant de filer du coté de Houston. Et il est grand temps que David Price enfile, enfin, son costume de super héros pour mettre les siens sur les bons rails et permettre à Boston d’entrevoir un retour en World Series.
Un Homme dans le Match : Alex Cora
On en parlait en ouverture de cet article. Il y a tout juste un an, Alex Cora était encore le bench coach des Houston Astros, un groupe qu’il connait donc parfaitement et qu’il a vu grandir l’an dernier jusqu’à la victoire finale en World Series, au contact quotidien des joueurs et de leur manager A.J. Hinch.
Très proche des joueurs, dont il était souvent le lien auprès du manager, Cora admet qu’il a beaucoup appris du vestiaire et notamment de Carlos Beltran, l’un des pricipaux leaders du vestiaire texan. Il a aussi (et surtout) beaucoup appris du front office des Astros, la franchise leader des Ligues Majeures aujourd’hui en termes d’utilisation des données analytiques, et de son expérience personnelle pour établir en quelques mois un modèle alliant à la perfection la gestion humaine et l’utilisation des données, n’hésitant pas à remodeler entièrement ses équipes sportives et analytiques.
En développant sur plusieurs fronts les équipes de scouting et celles en charge des données, il a permis au coaching staff de se concentrer à chaque match sur l’aspect sportif, tout en bénéficiant de petites cartes synthétiques et détaillées pour chaque poste, chaque joueur et chaque adversaire. Tout est résumé dans ces quelques secondes de vidéo ci-dessous : sur une fly-ball de Joe Mauer, Mookie Betts ne bouge pas. Installé aux limites du champ droit, bien loin de la position naturelle d’un Right Fielder, il attrape la balle avec trois petits pas en arrière… avant de sortir une petite carte plastifiée de son chapeau et de la brandir en direction du dugout, grand sourire aux lèvres.
Dans un sport ou la place des Analytics est toujours plus prépondérante et leur utilisation toujours plus profonde, Alex Cora a ramené les Red Sox, autrefois pionniers du domaine, à la hauteur des Astros et des Dodgers, et les progrès individuels et autres gains marginaux sont visibles à tous les niveaux, du pitching à la course, de la défense au bâton.
Armé, il faut le dire, de l’un des meilleurs effectifs de l’histoire récente Alex Cora a pour le moment passé avec brio tous les défis qui se sont présentés à lui. Ultra-populaire auprès de ses joueurs, monstre de travail et d’organisation, il a plus que rempli les termes initials de son contrat en obtenant le plus grand total de victoires sur une saison depuis les Mariners 2001, avant de dominer le super-rival, les New York Yankees, lors des Division Series.
Mais pour lui et pour toute la famille Red Sox, un seul objectif compte aujourd’hui : aller chercher le titre suprême à la fin du mois contre les Brewers ou les Dodgers. Et pour cela, Alex Cora devra trouver les recettes pour vaincre son père sportif au meilleur des sept manches. En saison régulière, ce sont les Astros qui l’ont emporté par quatre victoires à trois. Qu’en sera-t-il en postseason ?
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Martin vous présentait hier les forces des Astros, et il prévoyait un matchup serré à tous niveaux entre les deux meilleures équipes actuelles du baseball. Je ne peux que le suivre, mais dans ce duel au couteau, mon cœur balance plutôt pour les Red Sox et leur attaque de feu. Mon pronostic sera celui d’une qualification par quatre victoires à deux des Red Sox, lors du Match 6 à Fenway Park.