Si la chance vous est donnée de vous rendre au Great American Ball Park à Cincinnati, vous verrez sans nul doute une poignée de statues sur le parvis de ce stade. Les héros d’une époque passée, témoins immuables de la réussite, lanceurs, batteurs ou encore receveurs posent pour les appareils photos des aficionados de la balle blanche ignorant les pigeons sur leurs casquettes. Parmi toutes ces statues, vous ne passerez pas à coté de celle de Pete Rose. Tête la première et bras tendus en direction de la base, le bronze figé dans un slide brutal et déterminé. L’oeuvre est fidèle à son model, pleine d’énergie et de dynamisme.

Pete Rose est originaire de la banlieue de Cincinnati. Son père, qui a évolué dans le Football professionnel, lui inculque l’envie de gagner et surtout la volonté de se surpasser. Il apprend de lui que «… la seule façon de réussir est de pratiquer, puis de pratiquer encore et encore ». Une envie qui lui collera à la peau du premier au dernier de ses nombreux passages au bâton dans les majeurs.
Recruté par les Reds grâce à son oncle, lui même scout pour la franchise, Pete n’est pas en vue de devenir le futur MVP des ligues majeurs. Un peu lourdaud, il n’est pas le plus rapide sur les sentiers, ni le plus puissant au bâton. Ces défauts, il va les combler avec une énergie débordante et un dévouement total au baseball. Rose joue fort, il n’a qu’un seul but, performer et gagner, qu’importe la manière utilisée. Il s’entraine dur afin de devenir le meilleur et déteste la défaite. C’est lors d’un match des Spring Training contre les Yankees que Whitey Ford et Mickey Mantle lui trouvent son surnom de « Charlie the Hustle », qui le suivra jusqu’à jamais.
“Quelqu’un doit gagner et quelqu’un doit perdre et mon avis est de laisser l’autre gars perdre.”
Faisant ses début dans les majeurs en 1963 il obtient son premier hit après une fiche de 0 pour 11. Un triple contre les Pirates. La machine se lance et Rose boucle la saison avec 273 AVG, faisant de lui la recrue de l’année. Le natif de Cincinnati creuse sa place parmi les Big’s et enchaine les récompenses. Chaque match représente pour lui une occasion de se dépasser et de prouver qu’il est le meilleur. Johnny Bench (Reds 1967-1978) dit de lui « …si vous aviez 3 hits il en voulait 4, si vous en aviez 4 il en voulait 5 (…) il était insatiable. »
Les récompenses, Pete Rose en collectionnera beaucoup au cours des 23 ans de service pour la Major League. Il abat plusieurs records au cours de sa carrière et trône toujours en haut des statistiques de la MLB. Le plus grand nombre de hits, de frappes simple, de matchs joués, de présences au bâton, vous l’avez compris Pete ne fait pas dans la demi-mesure.
Il participe à 17 All Star Game à 5 différentes positions. Lors de celui de 1970, partant du deuxième coussin, il offre la victoire à la National League en percutant de plein fouet le receveur des Indians Ray Fosse en fin de 12e manche lors d’un jeu serré au marbre. Fosse s’en sort avec une épaule démise et fracturée. Malgré encore neuf années dans la ligue, ce dernier avouera ne s’être jamais vraiment remis de sa blessure. Les critiques fusent à l’encontre de Pete Rose pour ce geste. Il rétorque à ses détracteurs : « Les fans payent cher leurs billets pour un All Star Game, je me dois de jouer comme en saison régulière (…) ne suis-je pas censé tout faire pour gagner parce que c’est un ASG ? (…) ceux qui disent le contraire sont des perdants. »
La fusée Rose continue son chemin parmi les étoiles du baseball. En 1973, menant la ligue de ses frappes et de sa moyenne, Charlie the Hustle et les Reds participent aux NLCS contre les Mets de New-York. Lors de la troisième rencontre, Rose provoque une bagarre général en glissant brutalement dans les jambes de l’arrêt-court new-yorkais Bud Harrelson lors d’un double jeux. La chicane est générale. Les spectateurs du Queens se déchainent et les déchets pleuvent sur les Reds quand ils reprennent le terrain, forçant le gérant des Mets à demander le retour au calme parmi les partisans.
A la barre de la Big Red Machine, Pete Rose démontre encore et toujours sa rage de vaincre. Lors d’une interview à ESPN, Joe Morgan, son coéquipier entre 72 et 78 dira « Pete n’était pas le meilleur joueur que je n’ai jamais vu, mais il jouait toutes ses parties comme si c’était le 7e match des World Series… ». Et cette volonté paye. Deux années consécutives, en 75 et 76, les Reds remportent le titre suprême. Pete Rose est élu MVP des World Series 1975.
Cette même année, Pete est élu sportif de l’année par les journalistes avec qui il entretient de bonnes relations. Il connait très bien la plupart et ses bons mots les régalent à la moindre occasion.
Quand un journaliste sportif lui demande pourquoi il glisse toujours sur le ventre, Pete répond avec la plus grande franchise que « c’est le moyen le plus sûr et le plus rapide pour gagner la base suivante, vous ne perdez pas votre vitesse et le plus important, vous avez votre photo dans les journaux ! »
En 1978 il frappe son 3000e hit et poursuit une course à la recherche du record de 56 matchs consécutifs avec au moins un hit. Malheureusement pour lui, sa série s’achève au 44eme match sur un strike out de Gene Garber des Braves d’Atlanta. Pete raillera Garber de ne lui avoir lancé que des balles molles en dehors de la zone, « comme si il était à la 9 manche du septième match des World Series. », Garber répondra :
– « Eh bien, merci Pete. C’est comme ça que j’essaie de lancer à chaque fois que je participe à un match. »
“Je franchirais l’enfer vêtu d’un costume d’essence pour jouer au baseball.”
Pour la saison 1979, Pete Rose devient agent libre et est accueilli par les Phillies de Philadelphie. Il a à l’époque 39 ans, culmine au rang des meilleurs frappeurs depuis son intégration aux majeurs, vient de remporter deux anneaux de champions, et traine toujours ses crampons au ASG. Les Phillies lui offrent un contrat sur 4 ans à hauteur de 3,2 millions de dollars, ce qui fait de lui l’athlète le mieux payé tous sports d’équipes confondus.
Il restera dans la ville de l’amour fraternel durant 5 années où il continue son ascension dans les majeurs décrochant un titre de champion en 1980 et atteignant le plateau des 3631 hits le 10 aout 1981, la marque de Stan Musial pour le record de hits en National League. A la suite de se match le trublion Rose continue de ravir la foule lorsqu’il reçoit l’appel du président de l’époque Ronald Reagan. Devant les journalistes il décroche un « quoi de neuf ? (…) vous avez 5 min je dois y aller» à l’occupant de la maison blanche. Là encore Pete a fait mouche.
Il rejoint le Québec et ses Expos pour une saison flash en 1984. Le 13 avril, vingt-et-un an, jour pour jour après son premier coup sûr, Rose double Jerry Koosman sur la marche des 4000 hits en carrière. À la mi-aout il retourne dans son premier club, les Reds ou il est nommé joueur-manager. Sa fin de carrière sur le terrain commence à poindre le bout de son nez, malgré tout il détrônera Ty Cobb a la plus haute marche du nombre de coups sûrs en carrière finissant avec 4256 hits. À son dernier passage sur le marbre il est éliminé sur 3 prises par Rich Gossage des Padres de San Diego. Nous sommes le 17 Aout 1986, Pete Rose a 45 ans, c’est sa 15 890eme apparence au baton et son 3 562eme match.
Cependant le baseball n’en a pas encore terminé avec Charlie the Hustle qui prend les commandes des Reds en tant que manager. Là encore, cette hargne de victoire qui domine le caractère de Pete Rose ne font pas de lui un skipper asthénique. En 88, lors d’un match à domicile contre leurs rivaux new-yorkais du Queens, l’arbitre Dave Pallone annonce, avec un temps de latence, un jeu sauf au premier cousin qui permet au visiteur de prendre l’avance sur le match qui en est au début de la neuvième pour deux retraits. Rose explose et vient se coller au visage de l’officiel. Le ton monte et Pete bouscule ce dernier, l’expulsion est immédiate. Les partisans des Reds s’embrasent et jettent briquets et mini postes-radio (très hype à l’époque) sur le terrain. Dans le vestiaire le manager congédié dira qu’un postillon de Pallone l’avait touché en premier et qu’il n’a fait que se défendre. Il écope de 30 jours de suspension, un record là aussi pour l’époque.
“Je serais prêt à parier, si j’étais un homme de pari, que je ne parie jamais sur le baseball.. “
Ce mois hors des terrains sonne comme un premier avertissement des autorités du baseball qui ont Pete Rose dans le collimateur depuis un moment. En juin 1989 le bureau du commissionner de la MLB émet un rapport mettant en cause Rose dans une vaste organisation de paris illégaux sur sa propre équipe depuis 1987. Rose dément, mais le rapport l’accable sur pas moins de 52 matchs, ne précisant pas toutefois, si les paris jouaient pour ou contre l’organisation des Reds. Exclu par la Major League Baseball pour avoir enfreint la règle 21-d, il devient inéligible à vie au Hall Of Fame quelques temps après. En parallèle Sport Illustrated dévoile l’affaire dans son tirage du 3 avril 1989. Pete Rose fait de nouveau la Une du magazine. Le visage fermé, on ne reconnait presque pas l’homme. Une fois à la retraite Rose suivra une thérapie pour son addiction aux jeux.
Un bonheur n’arrive jamais seul et le FISC américain, une année plus tard, l’épingle. Cinq mois de prison, 1000 heures de travaux d’intérêt généraux, et 50 000$ d’amende pour ne pas avoir déclaré les revenus que lui rapportent la vente d’autographes. Il est relâché en janvier 1991 après s’être acquitté du remboursement et des intérêts de la somme demandée, soit 366 041$.
En 2004 il publie son autobiographie, My Prison Without Bars, où il admet avoir parié sur ses propres parties « tout les soirs » en tant que manager, mais se défend d’avoir misé contre les Reds.
Grand fan de catch il deviendra annonceur guest pour quelques combats de la WWE, lors de l’annuel WrestleMania. Il prend même part au show du combat en se frottant au légendaire Kane.
De 2015 à 2017 vous avez pu le voir aux cotés d’Alex Rodriguez et de Frank Thomas sur Fox sport comme analyste sportif, avant d’être congédié suite à des révélations gênantes a propos d’une relation avec une jeune femme, mineur au moment des faits lors des années 70.
“Je suis comme tout le monde, j’ai deux bras, deux jambes, et 4000 coups sûrs!”
Rose à marqué toute une génération de fans, qu’on l’apprécie ou non, il reste sans nul doute une référence dans la culture du baseball moderne. Malgré tout les travers que l’on peut lui trouver il est et reste la preuve que peut importe les obstacles, le travail et la volonté payent.
En 1999 sur une liste de 100 meilleurs joueurs sur les 100 dernières années, Pete Rose est élu par le public dans la liste de l’équipe du siècle.
Adjacent au G.A.B.P (Great American Ball Park) pousse une roseraie en l’honneur du 4192e hit de Rose. Planté a l’endroit où aurait atterri le balle ayant quitté le Riverfront Stadium, l’ancienne maison des Reds.
Aujourd’hui Pete Rose touche encore environ un million de dollars par an pour ses dédicaces. Vous avez de grandes chances de le trouver à LasVegas, lors de séances d’autographes, dans des boutiques spécialisées ou à Cooperstown. Pour 99$ vous pourrez vous assoir à coté de Pete (le vrai) et de vous faire signer une balle. Ne soyez pas radin à ce moment là et rajoutez quelques billets vert. Pour 200$ l’ex All-Star vous confesse à peut prêt tout et vous le pose sur la dite balle. Cela va de « je suis désolé, j’ai parié » à « je suis désolé, j’ai dissous les Beatles » et pour finir : « Je suis désolé, j’ai tiré sur JFK ».
F.M
Note de l’auteur : Je vous invite aussi à découvrir ses citations personnelles ainsi que ses records et récompenses. Les trois items étant bien trop abondants pour figurer ici.