Entre les Ligues Mineures avec les Atlanta Braves et l’Australian Baseball League avec les Canberra Cavalry, le lanceur international australien Steven Kent affiche plus de dix années d’expérience dans le baseball professionnel, et un statut de cadre en équipe nationale. Il nous parle de son parcours atypique, du baseball australien, de ses ambitions individuelles et collectives, et bien entendu de la World Baseball Classic 2017 [Lire en Anglais]

Bonjour Steven, et merci beaucoup d’avoir accepté de répondre à nos questions.
Avec plaisir, je vous remercie de m’avoir contacté !
Tout d’abord, pouvez-vous nous résumer votre parcours dans le baseball. Comment un jeune Australien grand et costaud peut-il devenir joueur de baseball professionnel au pays du Cricket, du Rugby et du Football Australien ?
Je suis né dans un univers de baseball. Mon père jouait au cricket enfant, mais un jour, quand il avait neuf ans, son coach n’est pas venu assurer l’entrainement. Par coïncidence, c’est l’époque ou le baseball commençait à apparaître à Canberra. L’équipe de Baseball s’entraînait sur le terrain adjacent à celui du club de Cricket : il est allé jeter un œil, les a rejoint, et n’a jamais arrêté de jouer depuis. Il a soixante ans aujourd’hui, et il joue toujours ! J’ai donc grandi en allant voir tous les matchs de mon père, et je suis, moi aussi, tombé amoureux de ce sport. J’ai aussi joué au football et au Football Australien dans ma jeunesse, mais c’était uniquement pour avoir un sport à pratiquer pendant l’hiver. Le Baseball a toujours été le sport que j’aime. Enfant, dès que l’on me demandait ce que je voulais faire, je répondais que je voulais être un joueur de baseball.
Vous n’aviez que 17 ans lorsque vous avez été repéré et recruté par les Atlanta Braves, en 2006. Lors des cinq années qui ont suivi, vous avez connu des hauts et des bas, en vous imposant comme l’un des Top Prospects de l’organisation des Braves avant d’être finalement laissé libre en 2011. Était-ce trop tôt pour partir ?
J’avais en fait 16 ans lorsque je suis parti pour les Etats-Unis pour ma première saison et, quand j’y repense, je n’étais qu’un gamin. Mais, personnellement, je ne pense pas que j’étais trop jeune. A 16 ans, j’étais déjà mûr physiquement pour mon âge. L’idée de quitter mes parents ne me faisait pas peur, je me sentais prêt. J’ai connu de très bonnes saisons au début de ma carrière, donc je ne pense pas non plus que j’étais largué. La seule chose que je n’ai pas aimé, en arrivant là-bas si jeune, était l’impression d’être parfois trop préservé parce que j’étais beaucoup plus jeune que tous les autres joueurs .
Je ne pourrais pas donner un avis tranché aux jeunes joueurs, en réponse à la question si il faut venir à 16 ans ou non. Je pense que c’est quelque chose qui doit être abordé au cas par cas. Il faut être très mature physiquement et mentalement ici, c’est donc aux joueurs, à leurs familles et à leurs conseillers de décider s’ils sont prêts ou non.
Être libéré par les Braves a clairement été l’une des expériences les plus pénibles de ma vie. Tout ce que je savais faire, c’était de jouer au Baseball, et c’est aussi tout ce que je voulais faire. Mon rêve était brisé net mais c’est la vie, j’ai bien dû me relever, me remettre les idées en place et repartir de l’avant.
Après la fin de votre contrat avec les Braves, vous avez décidé de rentrer au pays et de signer pour les Canberra Cavalry, une nouvelle franchise dans la nouvelle Australian Baseball League (ABL)… ça a dû être un sentiment incroyable, jouer pour une équipe de baseball professionnelle dans votre ville natale ?
Je n’aime rien autant que jouer chez moi, à Canberra. Nous n’avons peut-être pas les mêmes infrastructures que de nombreuses villes dans lesquelles j’ai pu jouer aux Etats-Unis, mais je joue avec des gars avec qui j’ai grandi et joué pendant des années, quelques-uns de mes meilleurs amis. Je joue tous les jours devant ma famille. Je peux rentrer chez moi et dormir dans mon lit le soir. Je peux faire des choses simples comme amener mes enfants à l’école le matin, et je vois ma femme tous les jours. Ce sont des choses qui vous manquent vraiment quand vous êtes loin de la maison.
Les gens, à Canberra, se passionnent vraiment pour la Cavalry et nous apportent un vrai soutien et ça me rend très fier de faire partie de cette communauté. Je sens que les gens de ma ville me soutiennent aujourd’hui, et m’encouragent pour ma carrière en Amérique. C’est comme si les gens ici voulaient que j’atteigne les Ligues Majeures autant que je le désire. J’espère vraiment, un jour, y arriver pour moi, pour ma famille, et pour tous les gens qui me supportent ici, à Canberra !
Le niveau de l’ABL a augmenté de manière spectaculaire
Avec le soutien de la MLB pour l’Australian Baseball League, et la présence de joueurs de Ligues Mineures pendant leur trêve hivernale, comment imaginez-vous l’évolution du Baseball Australien, sur un plan national et international ?
Chaque année depuis le lancement de l’ABL, le niveau de jeu a augmenté de manière spectaculaire. Les franchises de MLB envoient de meilleurs joueurs, qui a leur tour permettent aux joueurs australiens d’élever leur niveau. Le baseball australien est dans une bonne dynamique avec les gens qui sont aux commandes aujourd’hui. Je pense que nous allons continuer à progresser et à réaliser des performances toujours meilleures lors des compétitions internationales. Précédemment les joueurs Australiens qui étaient laissés libres par leur club de MLB n’avaient aucun point de chute, trouvaient un travail et étaient rapidement perdus pour l’équipe nationale. Aujourd’hui, l’ABL permet à ces joueurs de rester dans le sport après la fin de leur contrat et de continuer à progresser. Pour les professionnels, L’ABL offre aussi une ligue compétitive où jouer et continuer à travailler pendant l’intersaison.

Dans un pays réputé pour son amour du sport, pensez-vous que le public Australien pourrait être prêt à adopter le baseball à grande échelle ?
Je pense que le baseball sera toujours un sport mineur en Australie. C’est difficile de se faire une place sur le devant de la scène avec des sports aussi bien établis que le Rugby, le Football Australien, le Cricket ou encore le Football, qui accaparent le plus gros de la couverture des médias. Mais je pense que les Australiens pourraient se prendre au jeu du baseball, qui est un sport si passionnant. Il n’y a qu’à voir le succès des Opening Series de la MLB il y a quelques années (NdR : Sydney, 2014). Le public a adoré ; les matchs se sont tous joués à guichets fermés grâce une belle couverture dans les médias. Mais malgré cela, si vous demandez à un Australien dans la rue s’il a entendu parler de l’ABL, il vous répondra probablement qu’il ne sait pas de quoi vous parlez, parce que les médias hésitent beaucoup trop à couvrir notre ligue, qui n’intéresse qu’une minorité. Mais pour continuer à grandir, nous avons besoin de leur aide.
En plus de mener la charge pour les Canberra Cavalry, vous êtes un pilier de l’Equipe Nationale d’Australie depuis plusieurs années maintenant, avec pour principal fait d’armes une Coupe du monde 2011 exceptionnelle (1 victoires et 2 sauvetages, décisifs pour la cinquième place finale de l’Australie). Est-ce important pour vous, de représenter votre pays ?
Rien ne me rend plus fier que de pouvoir lancer, vêtu du maillot Vert et Or, et représenter mon pays. C’est un sentiment que l’on ne peut même pas expliquer. Je suis si fier de faire partie de ce groupe, et je me remets constamment en question pour y rester. Je continuerai à être disponible pour jouer avec l’Australie aussi longtemps que j’en serai capable.
Il y a quatre ans, l’Australie n’a pas démérité mais n’a pas réussi à accrocher la moindre victoire lors de la World Baseball Classic 2013. Quel est votre objectif pour ce tournoi, dans un groupe incluant deux grandes puissances internationales – Cuba et le Japon – et deux outsiders – l’Australie et la Chine – ?
Cette année, nous ferons tout pour arriver au moins au deuxième tour. Nous avons la chance que tous nos joueurs de Major League soient disponibles pour le tournoi, notre Roster sera donc le meilleur que l’on puisse présenter. Nous avons toujours très bien joué contre Cuba et le Japon, et nous espérons bien arracher une victoire contre l’un des deux, et battre la Chine pour aller chercher le deuxième tour. Nous avons vraiment confiance, et nous sommes convaincus que nous avons l’équipe pour le faire. Nous sommes connus comme une équipe tenace, qui est prête à tout pour gagner, et ce sera encore le cas pour ce WBC. Si nous pouvons atteindre le deuxième tour, alors tout sera possible.
Des joueurs comme vous, Travis Blackley, Liam Hendriks, ont évolué avec certains des meilleurs joueurs de baseball au monde. Comment pouvez-vous transmettre cette expérience aux plus jeunes membres de l’équipe, lors de la préparation pour le WBC ?
Nous avons un très bon groupe de leaders dans l’Equipe d’Australie, qui mènent par l’exemple. Je pense que le message transmis aux jeunes joueurs sera qu’ils n’ont pas besoin de faire plus que ce qu’ils sont capables d’accomplir. Ils ont été sélectionnés parce qu’ils ont les qualités pour évoluer à ce niveau, et tout ce qu’ils ont à faire est jouer comme ils sont capables de le faire.
Le baseball est tellement plus simple quand tu ne te mets pas une pression monstrueuse !
Excusez-moi si je vous ai fait paraître plus vieux que vous ne l’êtes avec cette dernière question. Mais vous n’avez que 27 ans, déjà énormément d’expérience, et vous voilà de retour dans l’organisation des Braves (depuis début 2016). Etait-ce une décision facile à prendre, de replonger dans la jungle des Ligues Mineures ?
Après mon départ des Braves, ou je n’avais atteint que le niveau Low-A, j’ai toujours pensé que je n’avais pas montré tout mon potentiel, et que j’avais un travail à finir. J’avais l’impression d’avoir trahi la confiance des Braves, de ne pas avoir satisfait leurs attentes, c’est un sentiment qui ne m’a jamais quitté, malgré le nombre des années. Je voulais absolument retourner dans le circuit pro mais, après quelques années, une blessure au coude et une opération Tommy John, je pensais vraiment que c’était fini pour moi.
Je suis revenu au pays et j’ai joué en ABL uniquement pour essayer de reprendre gout à la compétition. Je n’aurais jamais pensé que j’aurais une chance de signer un nouveau contrat. Lorsque j’ai commencé à bien lancer à nouveau, que quelques équipes m’ont contacté et m’ont demandé si je serais prêt à revenir jouer aux Etats Unis, j’étais un peu sous le choc. Je savais que je voulais y aller, mais il a été très difficile de décider si c’était la bonne décision. Nous étions bien installés avec ma femme, mon fils était à l’école et, nous ne le savions pas à ce moment-là, mais ma femme était également enceinte de notre fille. Ça a été une décision difficile de les quitter pour six mois, mais ma femme a été absolument fantastique, elle savait combien je voulais le faire et m’a encouragé à partir et vivre mon rêve. Je lui tire mon chapeau car c’est elle qui a le travail le plus difficile, qui prend soin de tout lorsque je suis absent, mais elle fait un boulot incroyable, et est toujours là pour m’encourager et me soutenir.
Dix ans plus tard, votre vision de la vie et du baseball professionnel a probablement beaucoup évolué. Comment votre approche du sport a-t-elle changé depuis votre premier passage dans les Ligues Mineures ?
Cela vous paraîtra peut-être étrange, mais je crois que lors de mon premier passage en pro-ball, j’étais trop concentré, si cela est possible. Je pensais qu’atteindre les Ligues Majeures était la seule chose qui comptait, et que je serais un raté si je n’y arrivais pas. Je me suis mis beaucoup trop de pression. Je n’étais probablement pas un très bon coéquipier non plus, puisque je ne voulais rien d’autre que faire mieux que tous les autres. Je crois que j’étais trop compétitif.
Cette fois, je suis venu sans trop d’attentes. Je suis juste heureux d’être la. Je veux que tout le monde s’en sorte bien. Je sais que le niveau des autres n’importe pas vraiment, tant que je fais tout ce que je peux pour être à mon meilleur niveau, tout se passera bien pour moi. Du coup, j’ai une bien meilleure relation avec mes coéquipiers. Avant, je m’entendais bien avec tout le monde, mais cette fois j’ai créé de véritables amitiés. Je suis véritablement heureux quand mes coéquipiers sont appelés dans les Big Leagues. Je ne suis plus jaloux.
Lors de mes années de retour en Australie, j’ai aussi dû trouver un véritable travail, qui m’a donné l’expérience nécessaire dans le monde de l’entreprise si jamais les choses ne marchent pas dans le sport. Du coup, je ne me prends pas la tête avec ce qui pourrait arriver si tout devait s’arrêter. Le baseball est tellement plus simple quand tu ne te mets pas une pression monstrueuse !
Maintenant que les blessures sont oubliées, que vous avez une place dans le roster des Gwinnett Braves au niveau AAA pour 2017, la MLB semble plus proche que jamais. Etes-vous prêt pour cette première sortie du bullpen ?
J’ai beau avoir joué au plus haut niveau des Ligues Mineures, les Big Leagues semblent toujours tellement lointaines. Je pense que si ma chance arrive, je serai prêt. Et je le veux toujours autant. Je n’ai aucune garantie pour cette année, à moi de me battre pour une position pendant le Spring Training. A partir de là, j’espère pouvoir enchainer de bonnes performances pensant quelques mois, et on ne sait jamais ce qui pourrait arriver ! Toute ma vie, j’ai rêvé de pouvoir passer ce coup de fil a ma famille, et de leur dire « je l’ai fait ! »
Question Bonus : Qui va remporter la World Baseball Classic 2017 ?
L’Australie, bien entendu !
Merci à Steven Kent d’avoir pris le temps de répondre a nos questions
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