La fin de l’année approchant à grand pas et la réunion sportive de la FFBS avec les clubs des trois championnats nationaux (D1, D2, N1) s’étant tenue fin novembre, le moment est venu de dresser le bilan de la saison 2016 de la première division nationale et de se projeter en 2017. Entre un mercato déjà brûlant, de nouvelles règles nécessitant un lot d’aspirine et le retrait d’un club emblématique de la D1 du nouveau millénaire, l’élite du baseball français jouera-t-elle une nouvelle fois une tragi-comédie en 2017 ?
Statu quo en haut
Et voilà une nouvelle saison où Rouen a dominé sans partage l’élite du baseball français tant en championnat qu’au Challenge de France. Une nouvelle saison où Rouen a semblé marcher sur l’eau face à ses concurrents, ne semblant jamais être en mesure de tomber contre qui que ce soit sur une série. Même la très belle équipe de Sénart n’a pas représenté de danger lors des French Series. La saison 2014 où les Rouennais s’étaient inclinés face au PUC en demi-finale, abandonnant le titre aux Templiers, est déjà oubliée. Rouen est redevenu la citadelle imprenable de la D1.
Derrière, Sénart et Montpellier ont tenu leur rang de premiers challengers. Si Montpellier a eu l’honneur d’espérer en finale 2015, c’est Sénart qui a eu cette chance cette saison. Un maigre espoir tant Rouen a maîtrisé sa finale. La seule nouveauté 2016 est que l’habituel top 4 de la D1 s’est transformé en top 3. Si le PUC fit partie du quatuor de tête entre 2012 et 2015, prenant la place de Savigny/Orge, 2016 ne vit pas l’émergence d’un nouveau successeur. Le quatrième de la D1, Toulouse, semblant deux crans en dessous des trois « gros ». La preuve : seuls Rouen, Sénart et Montpellier ont affiché une fiche victoire-défaite positive cette saison.
Si on ne peut que saluer la performance des Huskies, la D1 ne semble pas offrir d’opportunités de suspens. Tout juste, peut-on espérer que Sénart ou Montpellier puissent, sur une saison, faire tomber l’ogre normand. Mais il semble qu’on soit reparti pour une dizaine d’années de domination côté Rouen.

Et derrière, ça rame…
Comme écrit à l’instant, Toulouse, qui jouait habituellement un rôle de jonction entre le haut et la fin du classement, n’a pas pu empêcher le « gap » entre le trio de tête et le reste du peloton, composé du promu Clermont, du PUC et de Chartres, équipes aux fortunes diverses.
Clermont a été la bonne surprise de ce championnat mais les Arvernes doivent cette bonne surprise au recrutement réussi de cinq « imports » étrangers qui ont métamorphosé l’équipe. Avec seulement deux/trois recrues étrangères, la norme en D1, leur saison aurait été plus difficile tant le niveau de leurs joueurs français était loin du compte à l’exception du coach Brice Lorienne.
Le PUC, lui, a constitué une très mauvaise surprise avant de se reprendre. Avec trois demi-finales et une finale depuis 2012, le PUC était redevenu une machine à gagner. Mais 2016 a confirmé le déclin entrevu en 2015. Auteurs d’un début de saison catastrophique, avec une équipe pas du tout au niveau de la D1, les Pucistes se sont ressaisis par la suite, là encore avec l’aide de recrues venues du Japon et des States.
Les French Cubs, eux, ont connu une saison cauchemardesque au vu des ambitions affichées par leur recrutement. Hélas, comme nous l’expliquait le coach-président Manu Préveaux sur notre site, la mayonnaise n’a pas pris et le barrage de maintien perdu contre Savigny n’a fait que confirmer le désastre. Résultat, Chartres n’a pas joué le barrage face au champion de la D2, Montigny le Bretonneux, se reléguant lui-même.
Quant à Savigny, une nouvelle saison galère ou courageuse selon comment on voit les choses, sauvé par le barrage face à un Chartres en plein doute. Il est loin le temps où Savigny faisait trembler Rouen en finale du championnat…
Et là, c’est le drame !
Alors que la D1 commence à peine à se remettre du départ des French Cubs dans la division inférieure, la rumeur enfle. Un autre club renoncerait à l’élite. Un club habitué aux joutes de la D1. Le nom vient rapidement. Toulouse. Le choc. Un pilier de la D1. Capable de temps à autre de battre les gros. Finaliste en 2006. Un club pouvant se reposer sur le pôle France présent dans la ville rose. Toulouse qui renonce à la D1, c’est un mauvais signe pour le baseball français. Si les raisons semblent plus sportives (manque de joueurs au niveau, équipe à rebâtir) que financières, c’est un sale coup pour la FFBS qui doit donc puiser au sein de la D2 pour remplir sa première division.
Le choix se porte sur les Duffy Ducks de Saint-Just-Saint-Rambert, finalistes de la D2 mais quatrièmes seulement d’une saison régulière à cinq, puis à quatre clubs après le retrait de l’équipe fédérale. Avec des scores de rugby en demi-finale face à La Rochelle (15-7, 23-14, 18-8) puis une finale en cinq matchs et 49 erreurs partagées avec Montigny (Les Duffy Ducks en comptabilisent 24), on est loin, très loin du niveau de jeu de la D1.
Faute des grives chartraines et toulousaines, la FFBS et les fans de baseball français vont devoir faire avec les merles venus de Saint Just Saint Rambert et Montigny le Bretonneux, deux clubs ambitieux mais qui souhaitent grandir sans se griller les ailes au soleil d’une rapide réussite. Cependant, des expériences récentes nous ont appris à se méfier des ambitieux mais prudents projets. La réalité de la D1 les a tout de même rattrapé. Montigny, déjà pensionnaire de la D1, il y a quelques années, sait ce qu’il en est des saisons galères dans le championnat phare du baseball français.
Un mercato déjà chaud bouillant
Si les noms exotiques venus des Amériques ou d’Asie ne seront connus que tardivement, on s’arrache déjà les top players français. Bien sûr, dans le baseball français, la réalité du jour diffère souvent de celle du lendemain. Certaines infos demanderont donc à être confirmées.
Premier trade important et annoncé par Rouen, la venue de l’international français Leo Cespedes qui revient blessé d’un séjour cubain où il a échoué à atteindre le plus haut niveau. Cespedes ne devrait donc pas ou peu lancer, se concentrant sur un poste en champ extérieur. Une bonne nouvelle pour les adversaires des Huskies car Rouen collectionne déjà des lanceurs de talent. Cela dit, Yoann Vaugelade partant jouer en “college” aux États-Unis, une place est à prendre chez les Huskies. Mais même sans pouvoir lancer, la recrue Cespedes est un renfort de choix pour les normands.

Autre gros coup, celui du promu Saint Just Saint Rambert qui attire dans ses filets une prise de choix, Douglas Rodriguez, la meilleure batte du championnat. Bien qu’il en faudra plus pour ancrer l’équipe en D1, c’est déjà un bon début. Wait and see.
Montpellier qui pourrait perdre Will Musson, tenté par une nouvelle aventure baseball à l’étranger, récupérerait deux internationaux français, le rouennais Bastien Dagneau et le toulousain Jorge Hereaud, deux joueurs à la batte puissante et constante. Deux atouts offensifs qui donnerait une autre dimension au challenger montpelliérain dans la course au titre.
Chez l’autre challenger, Sénart, on perd un habitué de la D1, Christopher Morel, qui s’en va à Thiais en Nationale 1. On risquerait également de perdre le lanceur de l’équipe de France Jonathan Mottay qui pourrait rejoindre le promu Montigny tout comme un autre jeune lanceur de la D1, Maximim Monbeig. Quand on sait l’importance de la famille Monbeig au sein du PUC, ce départ pourrait être un mini-choc.
Montigny accueillera également un jeune lanceur du pôle universitaire de Rouen et des Vipères de Valenciennes (N1), de quoi, avec Mottay et Monbeig, préparer l’avenir et garnir le pool lanceurs pour affronter l’exigeant niveau D1.
Nouvelles règles en 2017 et aspirine
Si les clubs ont pour habitude de prévoir chaque saison l’achat de balles, de battes ou de textiles, ils vont devoir rajouter une nouvelle ligne de commande pour acheter de l’aspirine. Notamment pour leurs coachs qui vont devoir s’adapter à un nouveau changement de règle sur les joueurs étrangers, impliquant lui-même un changement de règle sur certains postes.
2016 avait déjà été l’occasion d’un changement de règles avec la fin des joueurs assimilés (joueurs étrangers présents depuis 5 ans en championnat de France et comptant comme « français » sur le roster) et l’introduction du terme de « joueurs sélectionnables en équipe de France ». Pour garder une cohérence, la fédération a décidé de tout changer une nouvelle fois et de répondre aux exigences des accords de Cotonou qui interdisent le quota de joueurs issus de l’accord soit l’Union Européenne, l’Espace Économique Européen et les pays ACP (Afrique-Caraïbes-Pacifique sauf Cuba, non signataire).
Résultat, pour éviter qu’un club, qui en aurait les moyens, mette en jeu une équipe de neuf joueurs dominicains ou hollandais ou que les joueurs français perdent peu à peu leurs places sur les terrains de D1 (comme on peut le voir en rugby de la fédérale au TOP14), la fédération a mis en place des règles de protection pour certains postes.
Il s’agirait de l’obligation pour chaque équipe de faire lancer neuf manches à un lanceur sélectionnable en équipe de France (soit un joueur avec passeport français), qui starterait le match 1, et faire jouer neuf manches à un arrêt-court sélectionnable en équipe de France. Idem pour le poste de receveur. Reste à préciser si cela doit se faire sur un match ou sur l’ensemble du programme double dominical. L’écriture des fameuses RGES régissant nos championnats portant parfois (souvent) à confusion, espérons que cette fois-ci tout sera clair dès le départ.
Pour résumer, en 2017, nous aurons les joueurs sélectionnables en équipe de France, les joueurs étrangers de l’UE/EEE/ACP mais qui ne le seront pas sur le roster et les joueurs toujours étrangers sur le roster (USA, Venezuela, Japon par exemple).
Cette nouvelle réglementation permettra surtout de pouvoir recruter des joueurs dominicains sans avoir à les comptabiliser comme étranger en match. Open bar possible avec ce pays qui exporte des joueurs de qualité dans le monde entier, notamment en MLB. Idem avec les joueurs venant de pays voisins comme la Hollande, l’Italie, l’Espagne ou la Belgique. La limite financière des équipes françaises ne permettra pas de débordements dans un premier temps mais si le baseball français venait un jour à se professionnaliser, le problème viendrait à se poser.

Quelle D1 en 2017 ?
Il est difficile, avec précision, de se projeter sportivement sur cette saison si ce n’est que Rouen sera encore le grandissime favori. Pour les autres, tout dépendra d’abords de la qualité et du nombre de recrues étrangères puis de la capacité à avoir de bons lanceurs français, souvent déterminants en saison régulière comme en playoffs.
Rouen, Sénart et Montpellier attirent les meilleurs joueurs nationaux. Pour que des clubs puissent approcher ce Big Three, ils devront eux aussi améliorer leur potentiel sportif concernant les joueurs français. Il suffit de jeter un œil aux statistiques pour se rendre compte que les équipes, en dehors des trois « gros », sont dépendantes de leurs recrues étrangères pour exister en D1, signifiant leur incapacité à lutter avec les meilleures équipes. Mais la tâche est rude tant les joueurs français de très haut niveau sont rares et préfèrent généralement jouer les premiers rôles dans l’un des trois clubs potentiellement européens et pouvant aller chercher le titre.
Dans ce cadre, si Jonathan Mottay s’en aller de Sénart pour Montigny, ce serait un gros coup pour le club ignymontain. Les descentes de Chartres et Toulouse vont également permettre à des équipes de récupérer de bons ou très bons joueurs, à l’instar de l’international Jorge Hereaud qui a rejoint Montpellier.
Le changement de règle concernant les joueurs EEE/ACP pourrait aussi changer la donne. Certains clubs, sans forcément dépenser énormément d’argent, pourraient attirer de bons joueurs de pays voisins. Ainsi, les clubs franciliens pourraient aller piocher dans les championnats belges et hollandais tandis que Saint Just Saint Rambert iront chercher quelques bons joueurs en Suisse comme ils le font déjà. D’ailleurs, dans le roster envoyé par les Duffy Ducks début 2016 à la fédération, l’équipe comptait six étrangers : deux dominicains, un vénézuelien, un suisse, deux espagnols. Avec la nouvelle règle, ça ne ferait que deux étrangers, la Suisse n’ayant pas ratifié l’accord sur l’EEE.
Le mercato hivernal sera donc décisif pour déterminer les forces en présence avec une D1 chamboulée par les descentes de Chartres, club qui affichait plein de belles promesses, et Toulouse, pilier de la D1. Que feront les deux promus, Saint Just Saint Rambert, qui va découvrir l’élite, et Montigny, club formateur par excellence, qui a déjà goûté plusieurs fois à la première division ? Le gouffre va-t-il se creuser entre les Big Three et le reste de la D1, appauvrissant le niveau général ? Montpellier et Sénart pourront-ils empêcher un nouveau règne rouennais ? Des questions importantes car de l’avenir de la D1 dépend aussi l’avenir de l’équipe de France.