Parme c’est le club le plus titré d’Europe et l’un des plus gros palmarès du baseball italien. Situé dans une région où la culture pour ce sport est très développée, Parme a monté un système de franchise très développé avec près de 19 clubs affiliés, des sponsors en pagaille et des infrastructures de très haut niveau. Gilberto Girali, manager de Parme est au sein du club depuis près de 20 ans. Bench coach pour l’équipe nationale italienne, il a aussi eu la possibilité d’entraîner la sélection européenne lors de la tournée dernière en Asie. Tour d’horizon avec un stratège, un vrai amoureux du jeu.
The Strike Out : Vous êtes une des figures du baseball italien, pourriez-vous résumer votre parcours à nos lecteurs ?
Gilberto Gerali : Bonjour à tous vos lecteurs. Je suis Gilberto “Gibo” Gerali né en 1961, la passion pour le baseball est née dès l’âge de 8 quand mon père -ancien joueur de Parme- m’amenait avec lui au bord des terrains. Il était lanceur mais aussi 1st baseman. J’étais un pitcher avec un niveau très moyen mais j’avais une certaine curiosité pour ce sport. Celle-ci s’est développée après un séjour d’un an aux Etats-Unis lorsque j’avais 17 ans. La somme de ces facteurs a signifié mes débuts en tant qu’entraîneur qui a conduit à transmettre mon enthousiasme et mes connaissances sur le jeu auprès de Collechio ou Reggio. J’ai commencé en tant que coach à Parme en 1996. Des expériences entrecoupées dans la gestion en tant que directeur général à Collechio. Enfin je ne peux pas ne pas évoquer mon poste de bench coach pour la sélection nationale italienne depuis 2007 et mon rôle de manager pour la sélection européenne lors de la tournée européenne en Asie, l’hiver dernier.
TSO : Votre club a connu une très longue période de domination de 1970 aux années 2000 [9 titres de champion d’Italie de 1976 à 1997 et 13 titres de Coupe d’Europe de 1977 à 1999, NDLR]. Puis il est devenu plus compliqué pour vous de dominer le championnat avec deux scudetti seulement remportés ces 20 dernières années et aucune Champions Cup glané depuis 1999, comment expliquez-vous cela ?
G.G : Il y a surement plusieurs facteurs, il est d’abord juste de dire que même dans les années dorées de Parme, l’équipe n’a jamais été un maître absolu, il y a toujours eu une concurrence très féroce. Pendant cette période, plusieurs équipes ont gagné autant ou plus que Parme sur le plan national : Nettuno , Rimini, Bologne, Grosseto et sont toujours au sommet à l’exception de Grosseto qui a été en proie à de grosses difficultés financières. Puis San-Marin -et sa réalité économique- a éclos et dans le même temps mon entreprise a souffert de la crise économique qui sévit dans le sport à Parme en général. Ceci nous a laissé moins de marge de manœuvre pour manager et c’est d’ailleurs toujours le cas.
TSO : Du fait de la crise, la stratégie du club a t-elle changée concernant le recrutement des étrangers ?
G.G : Dans les années passées lorsque les ressources économiques étaient meilleures nous avions une plus grande capacité à opérer sur le marché étranger ou intérieur. Ceci nous offrait donc plus de choix de qualité, sur le papier. Maintenant nous nous sommes concentrés sur des cibles plus jeunes issus de nos clubs affiliés ou de notre farm system et les résultats sont d’ailleurs très encourageants.
TSO : Mauro Mazzotti nous a dit que le système de franchise n’était viable que pour Parme et Nettuno partagez-vous ce point de vue?
G.G : Il est indéniable que Parme et Nettuno produisent depuis des années le plus grand nombre de jeunes athlètes: grâce à une activité prospère, organisée et bien gérée. Le baseball à Parme et à Nettuno fait partie de la tradition, la culture, il est bien ancré dans le territoire et contient un grand nombre de petites entreprises qui travaillent chaque jour pour produire les champions de demain.
“Nous sommes à Parme, une île heureuse dans le monde du baseball”
TSO : Il est vrai que votre club dispose d’un réseau qui semble être le plus important en Italie, en terme de clubs affiliés. Peut-on dire que votre franchise est la place centrale du baseball italien ?
G.G : Ce n’est pas à moi de le dire mais comme je l’ai déjà dit, les petits clubs à Parme fonctionnent très bien sur les secteurs de la jeunesse, les chiffres et victoires chaque année en sont la preuve. Ensuite, il ne faut pas oublier l’excellent travail de notre GM Paolo Zbogar qui fait un gros boulot pour le développement de la franchise parmesanne. Il monte des partenariats notamment avec des entreprises à l’extérieur de notre région. Nous avons des discussions intéressantes en ce moment avec des sociétés de la Vénétie, Frioul, Piémont, Lombardie … Si jamais nous sommes l’endroit central du baseball en Italie, tout le crédit revient à tous ces gens qui travaillent pour la promotion de la jeunesse.
TSO : Qu’est-ce qui explique la longévité de Parme au plus haut niveau dans le championnat italien et en Europe ?
G.G : A Parme existe la tradition, la culture et surtout, la passion pour notre sport. Cela nous permet d’avoir toujours un noyau dur de fans qui nous suivent, les dirigeants qui ont mis du temps et de l’argent pour gérer les équipes d’une manière optimale. Nous sommes dans un sens, une île heureuse ….
TSO : Combien de temps devons-nous attendre pour voir l’équipe la plus titrée d’Europe à nouveau dans le grand bain européen et comment voyez-vous l’évolution du niveau sur le vieux-Continent ?
G.G : Nous avons des données non limitées dans le temps, nous voulons revenir vers le haut rapidement, mais nous voulons le faire avec des jeunes issus du cru et cela prend du temps. Nous ne voulons pas nous précipiter, leur croissance est plus importante que la victoire … même s’il est normal que tout le monde veuille gagner. Le baseball européen monte en niveau avec l’Allemagne, l’Espagne, la France ou encore la République tchèque il y a des années Hollande et l’Italie étaient notamment au dessus les équipes mentionnées précédemment, avec des résultats larges et prévisibles. Maintenant, l’écart s’est considérablement réduit et c’est une excellente chose.
“Nos infrastructures est un joyaux dans le baseball italien”
TSO : Votre club a très certainement l’un de stades les plus modernes du baseball italien avec des infrastructures de haute qualité, sentez-vous de la ferveur autour de votre club ?
G.G : Notre structure est certainement un joyaux dans le baseball italien, bien que, malheureusement, ces jours-ci nous sommes entrain de terminer un travail d’entretien majeur pour remédier à des problèmes de fonctionnalité graves. L’enthousiasme il y en a nous devons le créer nous en jouant du bon baseball, en essayant d’offrir une performance adéquate.
TSO : Parme est très bien parvenu à se muter en tant que franchise et semble être l’un des seuls dans ce cas. Que pensez-vous de ce système qui a bien du mal à se mettre en place…
G.G : Je pense qu’en ce moment le système est entrain d’être abandonné parce qu’il n’a pas été concerté mais il sera révisé en fonction des besoins des clubs et des opinions exprimés. La ligue fermée devait donner de la stabilité et de la certitude, mais, à l’heure actuelle, malheureusement ce n’est pas le cas du tout.
“Owen Ozanich et Leonel Cespedes sont des garçons talentueux”
TSO : Vous aviez eu l’occasion de diriger la sélection européenne en hiver dernier lors de la tournée asiatique. Assurerez-vous cette fonction pour la prochaine tournée et le groupe sera t-il aussi jeune ?
G.G : La décision ne m’appartient, elle se prendra au sommet de WBSC. Je peux dire que j’ai vécu un mois très complet et enrichissant. Une expérience positive dans tous les sens, qui je l’espère, pourra se répéter indépendamment de ma présence. Il y a une opportunité de croissance importante tant pour le personnel technique et en particulier pour les joueurs. Les âges des garçons ne sont pas aussi important que les objectifs que vous souhaitez donner à cette sélection … Je crois que nous devrions donner de l’espace aux athlètes talentueux qui peuvent augmenter leurs connaissances techniques grâce à un niveau de jeux dans lesquels vous jouez à un niveau compétitif bien au-dessus de la norme habituelle.
TSO : Cette sélection contenait deux joueurs français, Owen Ozanich et Leonel Cespedes, qu’avez vous pensé de ces deux garçons ? Connaissez-vous notre baseball ?
G.G : Owen et Leo sont d’abord deux garçons talentueux, ce fut un plaisir de les avoir dans l’équipe. Tous deux ont joué un rôle important en Asie: Owen avec sa qualité et plus d’expérience a toujours offert une contribution importante à la fois aussi comme starter mais aussi comme releveur. Leonel a été en mesure de bien gérer les opportunités qui lui ont été données ; il est jeune et n’a pas la même maîtrise qu’Owen mais il m’a surpris très favorablement. Ozanich est l’un des gars les plus positifs dans notre groupe surtout que nous avions une opposition redoutable en face. Je connais le baseball français uniquement par sa sélection nationale et elle a du talent.
TSO : En tant que bench coach de la sélection italienne, pensez vous que la Fédération vous donne tous les moyens pour faire du bon boulot avec la Nazionale ?
G.G : Je pense que la Fédération est en train de faire le maximum avec les moyens à sa disposition: il est logique que si les possibilités économiques étaient meilleurs vous pouvez penser à d’autres stratégies ou initiatives, mais la situation actuelle ne le permet pas. Le retour éventuel du baseball aux Jeux olympiques ouvrirait certainement d’autres scénarios ….
TSO : Qu’est-ce vous aimeriez changer dans le baseball italien si vous en aviez la possibilité ?
G.G : Je voudrais voir notre baseball devenir vraiment professionnel, avec un nombre de licenciés importants, des dirigeants et des joueurs qui pensent et vivent baseball au quotidien, avec des sponsors et des médias qui sont proches … Bref une utopie pour l’instant …
TSO : Comme vous connaissez très bien les jeunes italiens, auriez-vous des noms de joueurs susceptibles de voir un jour les Majors ?
G.G : C ‘est une question très difficile: aux États-Unis il y a une concurrence énorme et le gars italiens ne sont pas toujours prêts à relever les défis et les difficultés une fois qu’ils sont loin de chez eux. Les Italiens n’ont parfois rien à envier sur le plan du talent à certains de leurs coéquipiers en Minors, mais ces derniers viennent souvent de pays où les réalités ne sont pas les mêmes qu’en Italie. Et c’est souvent celui qui a le plus faim, qui l’emporte. Nous avons plusieurs gars dans les mineures … Gasparini, Celli, Giordani, Colagrossi, et maintenant Scotti, Coveri et Ciarla, espérons qu’ils réussissent à aller le plus haut possible … mais il faut aussi beaucoup de sacrifice. Parfois je me demande s’il ne devrait pas passer d’abord en Université aux USA avant de passer pro, ça pourrait être d’ailleurs un sujet de discussion …