C’est ce que le sport américain nous offre de plus beau, de plus intense, de plus passionné entre deux entités distinctes. La rivalité. Celle qui résiste à l’érosion du temps depuis les premières heures de ce sport. À l’aube de cette 116e saison MLB, « The Strike Out » lève le voile sur la rivalité de la route 66. Un antagonisme qui perdure depuis maintenant 1892 entre les Cardinals de St. Louis et les Cubs de Chicago. Et qui a pris un virage à 180 degrés depuis quelques mois…
On aurait pu vous parler de la fameuse rivalité opposant les Yankees aux Red Sox avec ce record de 52 matchs disputés par les deux géants entre 2003 et 2004. Avec en ligne de fond cet historique come-back de Boston face à New-York lors des Championship Series de 2004. Boston alors mené 3-0, arrachait les 7 matchs restant pour filer en finale et remporter ses premières World Series depuis 86 ans.
On aurait pu aussi vous parler de la rivalité de l’ouest entre Dodgers et Giants. Considérée par beaucoup comme la plus importante du baseball majeur, elle a été remise au goût du jour avec l’arrivée des monstres sacrés Kershaw (L.A.) et MadBum (SF). Atteignant son paroxysme ces dernières années avec la dynastie des Giants pendant que L.A. devenait l’équipe la plus fortunée des Majeures.
Mais si les deux rivalités précédentes ont marqué la MLB depuis les 2000’s, c’est bien celle entre Cubs et Cardinals qui est aujourd’hui en haut de l’affiche. La rivalité de la route 66 a débuté il y a maintenant 124 ans à une époque où la MLB n’existait pas encore. Un saut dans le passé où Cubs et Cardinals s’appelaient alors respectivement ‘White Stockings’ et ‘Browns’. Pourtant l’antagonisme entre les deux franchises a bien duré à travers les siècles.
La gloire des oiseaux face à la déchéance des oursons

La première chose qui frappe lorsqu’on se penche sur cette histoire est sans aucun doute l’écart de traitement qu’ont vécu les deux équipes à travers les décennies. Quand St. Louis remportait 11 World Series, les Cubs devenaient l’équipe à l’invraisemblable malédiction de Billy la chèvre. Lorsque les Cardinals traversaient un XXe siècle couronné de succès, les Cubs trainaient leur étiquette de « losers since 1908 ». Pire ils voyaient la malédiction devenir légende à travers diverses « bizarreries » (le chat noir de 69, l’affaire Bartman 2003 ou encore l’incroyable syndrome Murphy).
Aujourd’hui une stat ahurissante résume assez bien cette tendance. Depuis 108 ans, aucun fan des Cubs n’a vu son équipe triompher. Pendant qu’à St. Louis chaque fan des Cardinals venu au monde après 1901 a vu son équipe remporter les WS avant de souffler ses 26 bougies. De quoi faire rager plus d’un « Cubbies ».
Un vent de révolte
C’est aussi la régularité du duel qui rend cette rivalité si violente. Au petit jeu des confrontations directes, les oursons ont un léger avantage avec 1 198 victoires pour 1 147 défaites (19 nuls). Et en 2015 l’histoire a pris un sacré virage. D’abord les deux équipes se sont tirées la bourre toute la saison. St. Louis finissant en tête de la division avec 100 victoires, Chicago 3e avec 97 victoires. Mais surtout pour la première fois après 2 360 rencontres, les deux équipes se sont affrontées en playoffs. Avec un vrai duel à mort. Une série déjà historique qui a tourné à l’avantage de Chicago. On aurait pu croire que l’histoire s’arrêterait là mais non. Pendant l’hiver les Cubs ont sorti le chéquier pour signer deux joueurs cadres de St. Louis. 216 M$ plus tard, voici que le lanceur John Lackey et le voltigeur All-Star Jason Heyward posent les valises du côté de Chicago. Avec une guerre des mots pour commencer. De quoi faire grincer quelques dents à St. Louis.

La vieille garde contre la jeunesse
En trahissant St. Louis pour Chicago, Heyward s’est fait quelques ennemis. Dès sa première conférence de presse, le triple « Gold Glove » justifie son choix en avançant l’argument de la jeunesse. Heyward a plus confiance dans le réservoir des Cubs qu’en l’équipe « vieillissante » des Cardinals et le fait savoir. Les Molina (33 ans), Wainwright (34), Carpenter (30) ou Holliday (36) apprécieront. Dans le fond Heyward n’a pas tort. Les Bryant, Rizzo, Schwarber, Russell ou Baez ont l’avenir devant eux. La vieille garde de St. Louis ne peut pas en dire autant. Pour autant c’est oublier un peu vite qu’on parle d’une équipe qui a tout gagné. Et qui reste malgré tout encore redoutable.
Mike Matheny, Manager des Cards, a déjà répondu de belle manière expliquant qu’il ne comptait pas s’excuser d’avoir des Molina, Wainwright ou Holliday dans l’équipe. On a déjà hâte de voir les deux équipes s’expliquer sur le terrain en avril. Des retrouvailles qui sentent bon la poudre dans une division où les deux meilleurs ennemis lutteront une nouvelle fois pour la première place. Un nouveau chapitre s’ouvre. Il s’annonce périlleux et intense à la fois. Un peu comme peut l’être un voyage sur la route 66…
J-Sé Gray – « In Billy Beane we trust ».