Ce week-end, la première division du baseball français retrouve les terrains dans un habituel anonymat. Son Opening Day ne lèvera pas les foules et seul-es quelques fans s’intéresseront à cette nouvelle saison de l’élite française. Généralement, un sport est constitué de deux vitrines, son équipe nationale et sa première division. Ces deux vitrines ont un rôle important pour médiatiser une discipline et fédérer les fans de la dite discipline.
Si l’équipe de France a, par intermittence, rempli ce rôle, la D1 française a échoué jusqu’à présent. Elle n’a jamais permis une réelle médiatisation de la discipline ni permis de créer un enthousiasme au sein du baseball français capable d’intéresser les licencié-es ou les simples amoureux-ses du baseball. Habituellement, il faut la conjugaison de plusieurs paramètres pour atteindre ou dépasser la centaine de spectateurs : beau temps, belle affiche, matchs de playoffs ou Challenge de France. Cela reste une rareté. La confidentialité de la D1 se voit autant dans les pages sport qu’au bord des terrains.
Plusieurs raisons peuvent expliquer cet anonymat récurrent bien que le baseball soit indéniablement plus médiatisé depuis 2012 et la participation de la France à sa première qualification pour la World Baseball Classic. Depuis 2015, cette médiatisation est portée par les performances de Mélissa Mayeux et son éligibilité au sein de la MLB, la première pour une femme au niveau internationale. Les fans français connaissent bien ce nom mais beaucoup seraient incapables de vous donner les huit équipes participantes à la D1.
Et justement, parmi les raisons qui expliquent cette anonymat, le manque de communication est central. Les premiers responsables sont les clubs de première division. Il suffit d’aller sur leurs sites pour voir l’étendue des dégâts. Un marasme communicationnel qui dure depuis des années malgré l’avènement d’internet. Rares sont les clubs à communiquer régulièrement sur la saison, encore plus sur l’inter-saison et le recrutement. Nous aurions voulu vous faire une preview que cela aurait été impossible car, à l’aube de la nouvelle saison, nombre de rosters ne sont pas connus ni même les imports, ces joueurs étrangers qui renforcent les équipes et peuvent en changer le visage.
Cela paraît incroyable pour un sport confidentiel de ne pas jouer le jeu de la communication et de creuser sa propre tombe de l’anonymat. C’est pourtant la réalité de la vitrine du baseball français. Une réalité dont la Fédération Française de Baseball Softball fut longtemps complice. Depuis quelques années, elle assume enfin son rôle et parle de sa première division en donnant chaque semaine les résultats et en proposant, de manière épisodique, des articles et interviews. Elle a même créé un site de statistiques, base de ce sport. Mais la FFBS peut seulement faire une communication institutionnelle et, par ses moyens limités de petite fédération, ne peut mettre le paquet sur la D1.

Autre manque en matière de communication, un média indépendant pouvant couvrir le baseball français. Ce média a pu exister. Certains anciens se remémoreront le magazine Strike par exemple. Et plus récemment, le site baseball à la française, aka BAF, a couvert l’actualité de ce sport durant trois années avant de jeter l’éponge en 2010 devant le peu d’engouement et la difficulté d’obtenir les informations de la part des clubs ou de la FFBS. Aujoud’hui, alors qu’un sport comme le football américain possède des sites d’informations comme TouchDown Actu ou FootballAmericain.com, c’est le néant côté baseball. Même le softball français peut compter sur le site statssoftfrance.fr pour assurer un minimum de communication avec preview des clubs et news des championnats. Le fait que personne ne veuille, après l’expérience du BAF, reprendre un site d’actualité sur le baseball français est parlant sur le manque d’enthousiasme pour la D1 et les difficultés à communiquer dessus.
Bien entendu, la communication n’est pas le seul élément expliquant cet anonymat. Les difficultés financières du baseball français, le manque d’infrastructures convenables pour l’accueil du public, l’absence parfois d’espaces de restauration et d’animation, des clubs souvent fragiles dont certains doivent renoncer à poursuivre l’aventure (comme Beaucaire cette saison) sont quelques unes des raisons qui empêchent le développement de la D1 et de sa popularité.
Il suffit de prendre l’exemple parisien où le terrain du PUC, club le plus titré de France et le plus ancien en activité, se trouve isolé dans le Bois de Vincennes, avec une accessibilité relativement compliquée comparé aux autres structures accueillant des matchs de haut niveau se situant en intra-muros (Parc des Princes, Stade Jean Bouin ou Charléty, Bercy, Pierre de Coubertin). De plus, le terrain est vieillissant, sans éclairage avec une tribune vieillotte parfois à la limite de l’utilisable. La buvette y est épisodique. Pas d’animation d’avant match, pas de speaker pour décrire le jeu aux novices… Rien qui ne puisse attirer des curieux-ses, seulement des passionné-es rompus à la spartialité du baseball français ou, pour le dire autrement, à son aspect bucolique. Loin du show à l’américaine.
Bien entendu, le baseball français n’aura jamais la popularité du football, du rugby ou du basket, ni même du hand. Mais il pourrait viser plus haut que les quelques amoureux-ses de la petite balle qui sont éparpillé-es au bord des terrains de la D1. Encore faut-il qu’il s’en donne les moyens. Et clairement, la communication n’est pas une priorité de nombreuses écuries du haut niveau français et elle repose plus souvent sur l’envie d’un bénévole que sur un plan bien défini.
Alors, à quoi s’attendre avec cette saison 2016 ? Comme chaque année, les Huskies de Rouen feront office de grandissime favori. Chaque année, ils trouvent des imports talentueux qui dominent la D1 tout en aillant une ossature française très solide avec en tête le meilleur lanceur français Owen Ozanich. Seul club à avoir une communication au niveau, ou haut niveau, Rouen, qui règne depuis plus d’une décennie sur le baseball français, a pour ambition de rejoindre la nouvelle ligue pro européenne. Si celle ligue ne comptera pas les Huskies pour sa première saison en 2016, on peut penser que les Rouennais feront le grand saut en 2017. La saison 2016 devra permettre aux champions en titre de préparer cette nouvelle étape dans leur développement. Un galop d’essai aura lieu avec l’accueil d’une poule européenne de la CEB Cup, équivalent à la deuxième division européenne, du 1er au 5 juin.
Derrière les Rouennais, nous aurons les classiques prétendants au titre, les Templiers de Sénart et les Barracudas de Montpellier. Les premiers, champions de France en 2014 après neuf titres consécutifs de Rouen, auront certainement une belle équipe même si l’annonce de tous leurs renforts se fait attendre. Possédant parmi les meilleurs joueurs français (Pierrick Lemestre, Matthieu Brelle Andrade, Félix Brown, Ernesto Martinez en autres), le club au plus beau terrain de France mais à la communication quasi-fantomatique sur la D1 et qui prépare également son arrivée au sein de la ligue pro européenne, sera le premier challenger de Rouen. À moins que ce titre ne lui soit disputé par Montpellier, finaliste 2015, qui compte dans ses rangs des valeurs sûres du championnat et de l’équipe de France comme Les frères Anthony et Grégory Cros, Thomas Langlois ou Thomas Meley. Une équipe qui sera renforcée par l’arrivée de plusieurs joueurs de la défunte équipe de D1 de Beaucaire ainsi que par des imports dont un est connu puisqu’il entamera sa sixième saison en D1 et la quatrième à Montpellier, l’américain Will Musson, aussi bon à la frappe qu’en défense ou sur le monticule.
Après ce trio, deux potentielles surprises : les Tigers du Stade Toulousain Baseball et les French Cubs de Chartres. Les Tigers enregistrent l’arrivée de l’international Samuel Meurant, coach au Pôle France de Toulouse et qui a joué en 2015 en Nationale 1 (3ème division) chez les Duffy Ducks de Saint Just Saint Rambert. Entré en relève lors des qualifications pour la World Baseball Classic au Panama la semaine dernière, Samuel Meurant est l’un des meilleurs lanceurs de l’histoire du baseball français. Nul doute qu’il sera un atout important pour les Tigers qui enregistre l’arrivée de trois Vénézuéliens jouant en pro dont Harvey Garcia qui a joué huit matchs en Major League Baseball pour les Miami Marlins en 2007. Il devient d’ailleurs le premier joueur de D1 à avoir joué un match de MLB avant sa venue en France. Jusqu’à présent, le seul ancien joueur de MLB à avoir officié en première division française fut Ken MacKenzie en tant que coach du PUC en 1978.
Les French Cubs visent clairement les playoffs pour leur troisième saison en D1. Eux aussi vont compter sur des imports de talent dont le coach lanceur Remigio Leal, un habitué du haut niveau européen. Mais leur gros coup de l’intersaison est d’avoir embarqué dans leur aventure quatre joueurs importants du PUC dont le meilleur frappeur du championnat de ces dernières années, Douglas Rodriguez. Le Vénézuélien en cours de naturalisation (selon nos informations) a d’ailleurs été titulaire pour les matchs de la France au Panama et fut l’une des meilleurs battes de l’équipe. Les French Cubs, un des rares clubs à avoir beaucoup communiqué durant l’intersaison, auront des atouts à faire valoir pour éviter d’être encore les petits poucets du championnat.
Finaliste 2014, demi-finaliste depuis 2012, le PUC, monument du baseball français, a perdu d’importants joueurs dont le fameux Douglas Rodriguez. À quoi ressemblera l’équipe du coach Jamel Boutagra, légende vivante du baseball français ? Mis à part deux joueurs polonais revenant après un séjour à Sénart en Nationale 1, on ne sait pas trop à quoi s’attendre. Le rôle de l’américain James Murrey, régulièrement parmi les meilleurs lanceurs de D1 depuis 2011, sera central mais le PUC risque de connaître à nouveau les affres des dernières places après quelques belles années dans le top 4. Savigny/Orge risque de connaître les mêmes turpitudes. Toujours orphelins d’un terrain, les Lions vont devoir encore compter sur leurs jeunes pousses et quelques vieux roublards pour tenir le choc. Pour le moment, ça tient. Mais quelle tristesse de voir ce grand club, jadis au top, essayer de survivre après avoir reçu un coup bas de sa mairie (retrait du terrain, baisse des subventions).
Dernier client, le promu. Les Arvernes de Clermont-Ferrand retrouvent la D1 après des années en Nationale 1 puis en D2. Le club s’est restructuré patiemment pour retrouver l’élite. Et il ne compte pas faire de la figuration avec l’arrivée d’au moins quatre imports. Annoncés au compte-goutte, les deux premiers sont un jeune américain venant de High School, où il semble avoir très bien performé, et un vénézuélien qui jouait dans le championnat espagnol. Est-ce que ces renforts seront suffisants pour atteindre l’une des 6 places des playoffs ?
En tout cas, derrière Rouen, plusieurs équipes semblent prometteuses, ce qui devrait rendre tout aussi intéressant le Challenge de France qui se déroulera à Sénart du 5 au 8 mai. 2016 sera aussi l’occasion d’avoir enfin le premier All Star Game du baseball français qui verra s’affronter, le 16 juillet à La Rochelle, l’équipe de France et une sélection des meilleurs étrangers du championnat. Au vu des étrangers existants (comme James Murrey ou Will Musson) et des nouveaux annoncés du côté de Rouen, Chartres ou encore Toulouse, cela risque de donner du très bon baseball.
La D1 devrait nous offrir un beau spectacle en 2016. Mais son avenir reste incertain. Les clubs restent dépendants des subventions publiques, la plupart des clubs manquent d’infrastructures de haut niveau, les jeunes talents français ont parfois du mal à s’imposer et la relève se fait donc attendre en équipe de France alors que l’Euro se déroulera en septembre. La FFBS planche d’ailleurs sur une nouvelle formule, rajoutant à l’incertitude de sa vitrine. À quoi ressemblera la D1 en 2017 ? On ne le sait pas encore. Seule certitude: comme l’équipe de France pour son parcours au Panama, la D1 évoluera toujours dans l’ombre du sport français.
En bonus, le calendrier du championnat de France D1 de baseball :
Une réflexion sur “L’anonyme championnat de France de Baseball D1 reprend”