L’année 2024 touche à sa fin et avec elle les souvenirs laissent place aux espoirs pour 2025. Alors avant de tourner la page du calendrier, regardons une dernière fois en arrière et admirons les plus belles performances de cette année côté lanceurs. Après tout, un bouchon de liège qui saute de sa bouteille, c’est comme une balle de baseball au goût du champagne (à consommer avec modération) de la victoire !
En 2019 déjà nous vous proposions un tel exercice, avec en haut de la liste le no-hitter à 14 strikeouts de Justin Verlander (le 3ème no-hitter de sa carrière). Cette année encore, nous utiliserons la stat « Game Score » pour départager les candidats au prestigieux Top 5.
Développée dans les années 80 par Bill James, le « Game score » prend la ligne de stats d’un lanceur partant et en fait sortir, tel un jus multifruits, un nombre unique pour évaluer la réussite de ce lanceur lors de ce match. Plus tard, Tom Tango reprendra les travaux de Bill James avec une méthode permettant de mieux distinguer les performances exceptionnelles. Naturellement, le « Game Score » de Tom Tango atteint des valeurs plus élevées. Ci-dessous, les formules (plutôt simples) permettant de calculer le « Game Score » selon ces deux méthodes :
- Version de Bill James (utilisée à Baseball Reference) : Game Score = 50 + Outs + 2*(IP après la 4ème) + Strikeouts – Hits – 4*Earned Runs – 2*Unearned Runs – Walks
- Version de Tom Tango (utilisée à FanGraphs) : GSv2 = Constante (39 dans l’AL et 40 dans la NL en 2024) + 2*Outs + Strikeouts – 2*Walks – 2*Hits – 3*Runs – 6*HR
La constante utilisée dans la v2 est choisie de sorte que la moyenne de « Game Score » pour tous les matchs de chaque ligue soit de 50 chaque année. Cette version a permis à Tango de développer une moyenne pondérée de GameScore sur plusieurs matchs voire plusieurs saisons afin de mesurer quels sont les lanceurs les plus dominateurs au cours du temps. Selon ce modèle, le plus dominateur all-time est Pedro Martinez avec un score maximum de 69,3 atteint en 2001. Ci-dessous l’évolution du Game Score pondéré pour les 5 meilleurs lanceurs de MLB à la fin de l’année 2024. A noter l’ascension fulgurante de Paul Skenes, 4ème.
Beaucoup de choses ont changé depuis 2019. L’introduction du DH en Ligue Nationale avec le nouvel accord de négociation collective (CBA) en 2022 et l’arrivée en 2023 du chrono entre les lancers ont fait beaucoup parler, mais souvenez-vous aussi de l’année 2019 record en termes de homeruns frappés (6776 soit 1,39 par match contre 5453 en 2024 soit 1,12 par match). La manufacture des balles a été beaucoup remise en question depuis. Les records de strikeouts semblent avoir plafonné et les moyennes globales sont de retour aux niveaux de 2018 (source : FanGraphs splits leaderboard).
En revanche, une tendance qui continue est la raréfaction des « Complete Games ». Au nombre de 45 encore en 2019, ils sont passés à 28 cette année dont 16 Shutouts. Assez logiquement, les Shutouts apportent un Game Score élevé et notre Top 5 en est presque exclusivement constitué. Mais lesquels de ces matchs sortent du lot ?
Avant de passer au Top 5, voici quelques performances qui méritent d’être mentionnées :
- Max Fried le 23 avril contre les Marlins : Complete Game Shutout (CGSHO), 6 strikeouts, 0 walk et 3 hits. Game Score = 87, GSv2 = 94. En seulement 92 lancers dont 69 strikes (75%), le gaucher des Braves se défait de Miami. Il encaisse un simple en 3ème manche suivi d’un double play. Luis Arraez, triple vainqueur du batting title, obtiendra ensuite un simple en 7ème manche puis un autre en 9ème pour éviter le dernier out du match qui viendra du batteur suivant sur la 18ème balle au sol obtenue par Fried pour un out ce jour-là.
- Paul Skenes le 17 mai à Chicago : 6 manches, 11 strikeouts, 1 walk et 0 hit. Game Score = 82, GSv2 = 85. Deuxième match en carrière du rookie des Pirates, sorti après 100 lancers malgré l’absence de hit par les Cubs. Le bullpen échoue dans la poursuite du no-hitter combiné. Skenes ira un peu plus loin dans sa recherche du no-hitter et obtiendra un Game Score encore plus élevé le 11 juillet à Milwaukee avec 11 strikeouts en 7 manches (1 walk, Game Score = 87, GSv2 = 91) dans un match remporté 1-0 par Pittsburgh.
- Michael King (Padres) le 1er octobre contre Atlanta : 7 manches, 12 strikeouts, 0 walk et 5 hits. Game Score = 79, GSv2 = 84. Sans doute la meilleur performance pendant les playoffs cette année, lors du Match 1 des Wildcard Series. King termine son match avec seulement 89 lancers en éliminant 10 frappeurs des Braves à la suite.
- Tarik Skubal (Tigers) le 7 octobre à Cleveland : 7 manches, 8 strikeouts, 0 walk et 3 hits. Game Score = 79, GSv2 = 83. Le vainqueur de la Triple Couronne et du trophée Cy Young en Ligue Américaine s’est distingué lors du Match 2 des ALDS qui ne sera décidé qu’en 9ème manche par le 3-run home run de Kerry Carpenter face à Emmanuel Clase. 3 strikeouts en 3ème manche et des double plays en 5ème et 6ème ont permis à Skubal d’aider son équipe à faire rentrer Clase dans une situation hors Save.
#5 Tanner Houck (Red Sox) le 17 avril contre les Guardians et Christopher Sánchez (Phillies) le 28 juin contre les Marlins : CGSHO, 9 strikeouts, 0 walk, 3 hits
Game Score = 90, GSv2 = 96 pour Houck et 97 pour Sánchez. Ces victoires 2-0 des Red Sox et des Phillies détiennent la seconde plus petite marge de victoire dans un Shutout, après la victoire 1-0 le 31 juillet des Giants contre les Athletics dominés par Logan Webb (Game Score = 82, GSv2 = 88).
Il n’a fallu que 94 lancers et 1h49 à Houck pour compléter le premier « Maddux » de l’année (Complete Game en moins de 100 lancers). Personne n’avait atteint 9 strikeouts dans un « Maddux » si rapide depuis Greg Maddux lui-même en 1995. En 2024, Houck a adopté un nouveau lancer, un « sweeper » pour remplacer son « slider ». Pas tout à fait un « slider » ni une « curveball », ce lancer lui permet dans son quatrième match de la saison de se défaire de Cleveland avec 48% de whiffs (swings manqués / nombre de swings) en le lançant pourtant dans la zone 3 fois sur 4. Une prouesse pour un lanceur souvent cantonné au bullpen pour n’avoir que deux lancers performants et manquer de précision. Contre un lineup composé de 7 frappeurs gauchers, le « splitter » du droitier a été tout aussi décisif en obtenant 8 balles au sol. Sur la saison, il détient le 5ème meilleur taux de balles au sol (55,9%) juste derrière Webb, ce qui contribua à sa réussite en tant que lanceur partant et à le faire nommer All Star.
A la troisième place de ce classement, juste derrière Fried, avec 57,4% de balles au sol se trouve Christopher Sánchez, All Star et révélation de l’année 2024. Saviez-vous qu’il figure 4ème de Ligue Nationale avec 4,7 fWAR juste derrière Dylan Cease ? Sánchez obtient la même ligne que Houck contre Miami. Son « changeup » lui rapporte 5 strikeouts en étant lancé dans la zone seulement 22% du temps, tandis que son « slider » obtient les 4 autres strikeouts avec beaucoup d’efficacité (seulement 17 lancers pour 46% de whiffs). Les Phillies prennent l’avantage 1-0 dans le bas de la 5ème manche et Sánchez enchaîne avec 3 strikeouts en 6ème manche. La 8ème manche fut la plus tendue pour le gaucher dominicain. Avec le score resté à 1-0, Otto Lopez attaque le premier lancer de Sánchez, un « sinker » à 94 mph au milieu de la zone, pour un simple puis avance en deuxième base sur une balle au sol de Tim Anderson pour le premier out de la manche. Avec un joueur en position de marquer, Sánchez obtient un popup et un strikeout pour terminer la manche. Le coup sûr de Lopez était la meilleure action des Marlins dans ce match en terme de « Win Probability Added » (+9%). Les deuxièmes et troisièmes retraits obtenus par Sánchez étaient tout aussi importants pour les Phillies (+8% WPA). Ces derniers ajoutent un run dans le bas de la 8ème manche et leur lanceur partant ne tremble pas en 9ème manche, n’ayant besoin que de 9 lancers et terminant le match à 101 lancers dont 73 strikes.
#4 Pablo López (Twins) le 23 juin à Oakland : 8 manches, 14 strikeouts, 1 walk, 2 hits
Game Score = 91, GSv2 = 95. C’est le deuxième meilleur total de strikeouts cette saison derrière les 15 de Blake Snell le 27 juillet contre Colorado, mais Snell ce jour-là avait encaissé 2 runs en 6 manches pour un Game Score de 81 (GSv2 = 83). López élimine les 17 premiers frappeurs des Athletics, dont 11 sur strikeouts, avant d’abandonner le Perfect Game sur un simple de Lawrence Butler en 6ème manche. Le seul autre coup sûr concédé par López intervient en 7ème manche avec le score à 3-0 pour Minnesota sur un « barrel » de Miguel Andujar (109,1 mph) contre la « fastball » la plus rapide du match de López (96,6 mph). Cette frappe manque de peu d’être un homerun mais Andujar doit se contenter d’un simple et López se sort de la manche sans difficulté. Ci-dessous, les 14 strikeouts de López dans ce match :
On voit bien que c’est grâce à sa « fastball » que López a dominé les A’s. Sa vitesse n’est pas extraordinaire (95,3 mph de moyenne sur ce match) mais l’extension que López atteint dans son mouvement de lancer fait partie du top 5% des lanceurs de MLB (2m16 en moyenne entre la bande sur la butte et son point de sortie de la balle). La conséquence directe de cette extension est que la vitesse perçue par les batteurs de sa « fastball » est plus élevée, atteignant jusqu’à 100 mph. En moyenne cette saison, la vitesse perçue de la « fastball » de López est de 96,6 mph, ce qui le place dans le top 20 des lanceurs partants de MLB juste derrière Snell.
Avec 2 outs en 8ème manche, López se retrouve avec le compte à 0-2 contre Zack Gelof mais lui envoie quatre balles consécutives pour un walk. Après quatre lancers de plus, il obtient un popup de Butler pour terminer la manche à 102 lancers (68 strikes). Son manager Rocco Baldelli lui préfère Griffin Jax en 9ème manche pour un Save. Le walk de Gelof aura peut-être coûter le Complete Game à López mais sa performance, avec un total de 19 whiffs (35%), reste magnifique.
#3 Ronel Blanco (Astros) le 1er avril contre les Blue Jays : CGSHO, 7 strikeouts, 2 walks, 0 hit
Game Score = 92, GSv2 = 96. Ce fut la sensation du début de saison. Un no-hitter pour son premier match de la saison grâce notamment à un « changeup » dévastateur qui a forcé des swings sur des balles hors de la zone 61% du temps pour seulement 27% de contact. D’ailleurs les 7 strikeouts de Blanco sont tous venus de son « changeup », 5 sur des swings en dehors de la zone et 2 sur des called strikes. Blanco n’a eu qu’une seule frayeur dans ce match. C’était en 3ème manche, après avoir obtenu une prise contre Kiner-Falefa sur un « slider » en plein centre de la zone, il en lance un autre au même endroit et le batteur des Blue Jays l’envoie vers le champ extérieur gauche mais McCormick n’a besoin de reculer que de quelques pas pour attraper la balle au pied des Crawford Boxes (xBA = 0,48). Kiner-Falefa s’illustre plus tard dans ce match à sens unique en lançant la 8ème match. Il la blanchit en seulement 7 lancers alors que Houston mène 10-0.
Après avoir offert un walk à Springer pour démarrer le match, Blanco élimine 26 Blue Jays consécutivement. En 9ème manche, il affronte Springer pour la quatrième fois avec la possibilité d’obtenir un quasi-perfect game. Il lance un « changeup » dans la zone et le compte passe à 3-2. Puis il lance un nouveau « changeup », son 33ème du match et 100ème lancer au total, en-dessous de la zone comme à son habitude mais Springer ne mord pas et prend un second walk. Arrive alors Guerrero Jr, victime trois fois par strikeout du « changeup » de Blanco. Avec un compte à 2-2, il parvient à frapper un « changeup » à l’extérieur de la zone mais la balle s’en va lentement vers Dubón, en deuxième base, qui obtient le dernier retrait du match et termine le premier no-hitter de la saison.
#2 Dylan Cease (Padres) le 25 juillet à Washington : CGSHO, 9 strikeouts, 3 walks, 0 hit
Game Score = 93, GSv2 = 97. Cease a enchaîné 3 performances de haut vol au milieu du mois de juillet. D’abord 11 strikeouts et un seul hit encaissé en 6 manches contre les Braves le 13 juillet (3 walks, Game Score = 78, GSv2 = 79), puis 10 strikeouts et encore un seul hit encaissé en 7 manches à Cleveland le 20 juillet (1 walk, Game Score = 84, GSv2 = 88). Contre les Braves il atteint pour la première fois de sa saison les 100 mph sur sa « fastball », à trois reprises. Il récidive contre les Nationals et Jacob Young pour clôturer la 6ème manche sur un strikeout. Là où il lui a fallu 106 lancers contre les Braves, il n’en a besoin que de 78 contre les Nats. C’est surtout le slider qui permet à Cease de se défaire des frappeurs adverses. Avec 45% de whiffs sur la saison, on s’étonne que ce nombre passe à 35% le jour où ses « sliders » sont plus rapides de 1,4 mph par rapport au reste de sa saison. Avec une « fastball » tout aussi puissante (98,3 mph de moyenne), Cease obtient pourtant deux fois moins de whiffs que contre les Braves.
En 8ème manche, Cease concède les 2 frappes les plus rapides du match contre lui mais celles-ci vont au sol et sont bien gérées par la défense des Padres (xBA = 0,24 et 0,35). 9 des 11 lancers de Cease en 9ème manche sont des « sliders » et c’est un « slider » que CJ Abrams, avec deux outs, envoie dans le champ extérieur droit pour la frappe la plus dangereuse du match contre Cease mais ce n’est autre que le dernier out (xBA = 0,56) pour le deuxième no-hitter de l’histoire des Padres.
#1 Blake Snell (Giants) le 2 août à Cincinnati : CGSHO, 11 strikeouts, 3 walks, 0 hit
Game Score = 95, GSv2 = 99. Dès l’entame de match, le double vainqueur du trophée Cy Young et actuel détenteur du meilleur taux de strikeouts en carrière de l’histoire (11,2 K/9) annonce la couleur en obtenant 3 strikeouts en seulement 11 lancers contre India, de la Cruz et Steer. India est à nouveau victime d’un strikeout en 3ème manche. De la Cruz, Steer et France suivent en 4ème manche en seulement 12 lancers. La 5ème manche est la plus chaotique pour Snell. Elle commence avec un walk de Tyler Stephenson. Le lancer suivant est frappé par Jaimer Candelario avec la meilleure chance de hit pour les Reds de tout le match (xBA = 0,62) mais la balle arrive directement dans le gant de Schmitt en deuxième base, qui la lance en première pour un double play que le manager des Reds, David Bell, demande à revoir. La vidéo confirme la décision de l’arbitre, 2 outs. Puis Snell concède son troisième walk du match mais n’a aucun mal à se sortir de la manche. Il éliminera 13 frappeurs de suite pour terminer son match. Sa fabuleuse « curveball » (10 whiffs en 20 swings) aura tellement posé de souci aux frappeurs adverses qu’ils laisseront passer 16 « fastballs » dans la zone . Au total, Snell obtient 21 whiffs (40%) et 40 % de CSW (called strikes + whiffs) sur ce match. Ci-dessous, la totalité des lancers de Snell qui ont obtenu un « swing and miss » :
Snell ne concède qu’une seule frappe à plus de 95 mph pour un groundout, elle intervient avec 2 outs en 8ème manche. Elly de la Cruz arrive au bâton avec deux outs en 9ème manche et frappe le premier lancer de Snell (une fastball à 97,8 mph) avec un « swing rapide » (vitesse de batte à plus de 75 mph), le premier concédé par Snell dans ce match. La balle se dirige vers le champ extérieur droit et se fait facilement attrapée par Mike Yastrzemski, rentré en 8ème manche pour sa défense, pour le dernier out du match et pour compléter le 3ème no-hitter de la saison.
A noter qu’un match à 2 hits, aucun walk et 10 strikeouts aurait obtenu un GSv2 de 100 pour prendre la première place de cette liste. Peut-être y en aura-t-il un en 2025?…







