Troisième round pour les London Series et, donc, pour le match des franchises sur le ring londonien. Après les victoires sans partage des Yankees et des Cubs face, respectivement, aux Red Sox et aux Cards, ce sont les New York Mets et les Philadelphia Phillies qui s’affrontent dans ce match-up devenu un classique de The Strike Out. Avant que nos équipes sur place vous fassent vivre l’évènement, regardons qui, de la franchise historique de Philly, la ville de l’Amitié Fraternelle, ou de la dernière arrivée dans la Grosse Pomme, sortira vainqueur de ce duel entre deux équipes rivales dans leur division et leur histoire commune.
Ancienneté
Mets : Jadis, New York fut le territoire de deux grandes équipes, les New York Giants et les Brooklyn Dodgers. Puis virent les Yankees qui, petit à petit, devinrent la superpuissance de la ville. Giants et Dodgers s’en allèrent alors sur la côte Ouest chercher le bonheur, et les billets verts, à la fin des années 1950. Mais la ville, orpheline de ses deux équipes historiques, ne voulut pas tout laisser aux puissants Bombardiers du Bronx. Le Maire de New York mandata l’avocat William Shea afin d’amener une nouvelle équipe dans la ville qui ne dort jamais. La MLB réticente à s’étendre en nombre de franchises, Shea commence, en 1959, la création d’une nouvelle ligue majeure, la Continental League, afin de forcer la main aux deux autres ligues déjà en place, s’aidant des autres grandes villes américaines désireuses de rejoindre le grand championnat du National Pastime. Bingo ! Cela fonctionne à merveille. La MLB accepte l’expansion et les New York Mets, en référence à un vieux club new-yorkais du siècle dernier, le Metropolitan Club, débarquent dans le Show en 1962.
Phillies : 80 ans avant l’arrivée des Mets en MLB, furent créés les Phillies de Philadelphie, le 1er novembre 1882, par un groupe d’investisseurs mené par Al Reach, joueur de baseball de la première heure reconverti fabricants de produits sportifs, à l’instar de son concurrent AG Spalding. En 1883, les Phillies, aussi surnommés Quakers, rejoignent la National League pour palier à la disparition du club de Worcester dont le nom était les Worcesters. Oui, les Worcester Worcesters… Cette entrée dans la National League dès 1883 fait des Phillies un membre des Classic Eight, les clubs historiques de la NL en MLB avec les Dodgers, les Giants, les Braves, les Cards, les Cubs, Reds et les Pirates. Les Phillies sont la plus ancienne des franchises du sport US à avoir gardé le même nom et à être resté dans la même ville.

Résultat : Les Mets ont une origins story plus classe que la classique création des Phillies mais ces derniers leurs mettent 80 ans dans la vue. Niveau ancienneté, difficile de battre un membre du Classic Eight de la ligue vétérante de la MLB. Phillies win.
Palmarès
Mets : Les Mets ont connu des débuts difficiles mais ont rapidement glané un premier titre en 1969. Depuis, un seul autre titre suprême, en 1986, en cinq World Series jouées. Un palmarès loin d’être ridicule pour une franchise née au début des années 1960. Et il faut voir les World Series gagnées ! 1969 est l’une des saisons iconiques du baseball avec une victoire totalement inattendue des Mets, surnommés depuis les ‘69 Miracle Mets. Et les World Series 1986 sont considérées comme parmi les meilleures World Series jamais jouées avec une fin surprenante, marquée par l’erreur de Bill Buckner, le 1ère base des Red Sox, qui laissa en vie les Mets, alors à un retrait de la défaite définitive. Et que dire des Subway Series 2000, face au rival du Bronx. Certes, les Yankees l’emportèrent mais ce choc inédit entre les deux équipes new-yorkaises a marqué son époque. Et que dire des World Series 1973, perdues au bout du 7ème match d’une série ultra-serrée face aux A’s d’Oakland, champions sortants et qui garderont leur titre jusqu’en 1974.
World Series (2) : 1969 – 1986
National League (5) : 1969 – 1973 – 1986 -2000 – 2015
Phillies : Les Phillies débutent en NL en 1883 et… pas grand-chose après. La culture de la gagne et les Phillies, ça fait deux et il faut attendre 1915 pour les voir enfin gagner le titre de ligue. Puis il faudra presque 100 ans pour leurs premières World Series en 1980. Un second titre en 2008 face aux surprenants Rays de Tampa Bay et ensuite, deux séries finales perdues face aux Yankees en 2009 puis les Houston Astros en 2022. Si depuis le titre de 1980, les fans de Philly ont eu droit à quelques rayons de soleil, ils ont longtemps dû compter sur les Philadelphia Athletics de Connie Mack pour avoir droit à des titres.
World Series (2) : 1980 – 2008
National League (8) : 1915 – 1950 – 1980 – 1983 – 1993 – 2008 – 2009 – 2022
Résultat : Deux World Series de chaque côté. Quelques fanions de ligue en plus côté Phillies mais une histoire bien plus longue aussi. Le ratio années d’existence/titres est en faveur des Mets. Et puis, les titres des Mets, et même leurs défaites, font partie de la très grande histoire du baseball. Il n’y a pas photo : les Mets en imposent et s’imposent.

Hall of Famers
Mets : Plutôt jeune histoire donc plutôt courte liste de Hall of Famers. 17 sont passés par les Mets, comme Willie Mays ou Nolan Ryan, qui y débuta sa très longue carrière, mais seuls deux le sont comme tels à Cooperstown : Mike Piazza et Tom Seaver. Ah, si seulement Dwight et Darryl n’avaient pas déconné… ou que Nolan y était resté plus longtemps.
Phillies : Sur les 40 légendes de Cooperstown passées par les Phillies, seulement 6 portent la casquette du club au Hall of Fame, comme un symbole d’une franchise historique ayant eu du mal à performer. Les six élus sont : Chuck Klein, Jim Bunning, le duo de rêve des Phillies des fifties Robin Roberts et Richie Ashburn, et le duo de rêve des Phillies des années 1970 à 1980, Steve Carlton et Mike Schmidt. Vraiment deux duos de rêve, en particulier le dernier.
Résultat : Les deux franchises ont eu quelques très beaux noms en leur sein mais peu ont inscrit leur légende dans la durée avec ces deux clubs. Léger, très léger avantage Phillies.
Impact sportif
Mets : Les Mets n’ont jamais réellement été une équipe qui a révolutionné le baseball ni qui s’est véritablement imposé au baseball. Mais elle a tout de même su le marquer à travers quelques épopées, particulièrement celles de 1969 et 1986 qui se finiront sur les deux seuls titres en Séries Mondiales de la franchise. Celle de 1986 place régulièrement l’équipe dans une des meilleures saisons par une équipe dans l’histoire de la MLB. Une saison à 108 victoires, des playoffs serrés mais un titre plus que mérité pour les Darryl Strawberry, Dwight « Dr K » Gooden, Keith Hernandez et autres Gary Carter. De la bonne came!
On notera la tentative d’application de la stratégie Moneyball aux Mets par Omar Minaya entre 2005 et 2010 avec peu de succès. Mais l’intention était là pour les Moneyball Mets alors que cette révolution venue des A’s était naissante.
Phillies : Là encore, les Phillies n’ont pas révolutionné le baseball. Et ils n’ont jamais réellement pu s’imposer comme une équipe majeure sur le plan sportif. Même quand ils pouvaient se permettre de rêver à dominer le baseball, leurs heures de gloire tombaient durant celles des autres, comme dans les années 1970 où l’équipe dut faire face à une concurrence exceptionnelle, devant attendre 1980 pour enfin l’emporter. Longtemps, ils vécurent dans l’ombre de nouveau-venu de l’American League, les Athletics avant leur départ pour Kansas City au milieu des années 1950.
Résultat : Les Mets et les Phillies ont rarement écrit l’histoire sur le plan sportif. Ils furent longtemps considérés comme des losers du baseball, avec quelques exceptions glorieuses. A ce titre, les Mets ont des rayons de soleil plus brillants à faire valoir avec 1969 et 1986. Avantage Mets.

Poids économique
Mets : Malgré la concurrence du Evil Empire dans le Bronx, la franchise du Queens arrive à tirer son épingle du jeu. Dès la création de la franchise, les Mets se sont posés en alternative pour les fans abandonnés par les Giants et les Dodgers mais aussi une jeune génération new-yorkaise en quête de nouveauté aux Yankees. Le titre miracle de 1969 aida à solidifier cette alternative alors que les Yankees étaient en plein déclin. En 2023, les Mets étaient évalués à 3 milliards de dollars de valeur marchande par Forbes, soit une 6ème place, juste derrière le Big Five habituel (Yankees, Dodgers, Cubs, Red Sox, Giants). On pourrait y voir l’effet de l’arrivée du milliardaire Steve Cohen en 2020 à la tête de la franchise mais l’équipe était déjà 7ème du classement en 2015. New York est un si gros marché que même les Mets peuvent croquer gros derrière les Pinstripes.
Symbole de cette bonne tenue face à la concurrence des Yankees et du gros marché new-yorkais, les Mets se situent régulièrement autour de la 10/13ème place en termes d’affluence au stade.
Phillies : Les Phillies sont une marque et une identité profonde de Philly, à l’instar des Eagles. Et cette marque a donc fait la renommée de la franchise, surtout quand elle a commencé à être régulière dans la performance dans les années 1970 et 1980. Et le tout dans l’une des plus grandes métropoles américaines. Il n’est donc pas étonnant que les Phillies soient également dans le top 10 des franchises ayant la plus grosse valeur marchande, se classant 7ème en 2023 chez Forbes avec 2,92 milliards de dollars. Cependant, les Phillies peuvent parfois perdre quelques places dans ce classement selon les résultats de l’équipe. La billetterie symbolise les hauts et les bas de l’équipe. Ainsi, le Citizen Bank’s Park a pu accueillir la 2ème affluence MLB en 2010 ou la 6ème en 2023 mais aussi la 25ème en 2017 ou la 16ème en 2022. On pourrait y voir une relation d’amour et de dépit de la part des fans.
Résultat : Le poids économique est très proche mais l’affluence au Citi Field est plus régulier qu’au Citizen Bank. Les Mets profitent d’un marché plus gros permettant une plus grande régularité au stade mais aussi dans l’exposition médiatique et marketing. Les Mets ont un billet vert d’avance.
Impact dans la culture populaire
Mets : L’autre équipe de New York a su créer sa propre culture en offrant une alternative aux Yankees et, en devenant, aussi un symbole de New York, celui des outsiders de Big Apple. Un état d’esprit que l’on retrouve régulièrement dans la série Seinfeld, pleine de références aux Mets, ou encore dans le fan le plus célèbre de l’équipe, un certain Peter Parker, alias Spiderman, la petite araignée du quartier mais qui, comme les Mets, sort parfois du Queens pour vivre de grandes aventures. Naturellement, à l’instar des Yankees, les Mets font partie des références culturelles utilisées par les séries TV et les films consacrés ou se déroulant à New York. On pense, par exemple, à la trilogie Men In Black, notamment le troisième opus qui met en scène les fameux Miracle Mets.
Les Miracles Mets de 1969 est l’un des symboles des équipes surprises qui l’emportent, ces fameux upsets du sport qui sont le miroir athlétique du rêve américain. A eux seuls, les Miracle Mets portent fièrement la franchise du Queens dans la culture populaire américaine. On peut en dire autant de la période années 1970 et 1980 que l’on retrouve, par exemple, dans le roman Calico Joe de John Grisham, rare incartade à ses thrillers du monde judiciaire.
Parler des Mets dans la culture populaire, c’est aussi la chanson « Meet the Mets », leurs mascottes Mr et Mrs Met ou le mantra Ya Gotta Believe. Les Mets ont su, dès leur création, œuvrer à marquer les esprits.
Phillies : Si on pense cinéma et Philadelphie, vous ne penserez pas aux Phillies en premier. Le grand écran, mais aussi le petit, ont plutôt donné le beau rôle aux Eagles de la NFL, sans compter une certaine légende fictive de la boxe. La franchise de Philly ne brille pas spécialement dans la littérature non plus. L’inscription des Phillies dans la culture populaire, c’est plutôt à travers le lien bouillant entre Philadelphie et le baseball, et les Phillies en particulier. La ferveur populaire lors des des deux dernières postseasons et le public chauffé à blanc du Citizen Bank Park, Phillie Phanatic, les Fightin’ Phils des années 50, le Macho Row des années 90, les maillots iconiques de la franchise… autant de références populaires, souvent punchy, issues du terrain ou des tribunes, sans avoir besoin d’Hollywood ou de la TV pour marquer les esprits.

Résultat : Les Phillies ont des arguments à faire valoir mais les Mets ont réussi à conquérir l’ensemble des domaines de la culture populaire, du cinéma à la musique, en passant par la télé, la littérature ou les comics. Les Mets prennent le point.
Verdict
Comme les célèbres bagarres de fans des Mets et des Phillies dans les années 1980, ce match a été tendu. Les équipes se sont rendues pour coup pour coup et la victoire s’est jouée à peu. Mais ce sont bien les Mets qui ont conquis la victoire, bénéficiant de l’aura new-yorkaise d’une part et de la lenteur des Phillies à atteindre les sommets. La ville de l’Amitié Fraternelle est tombée dans la Grosse Pomme… pour le moment.
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