WBC 2023 – Nicaragua : “Le baseball est le sport principal au Nicaragua”

Du 8 au 21 mars prochains, se tiendra une compétition très attendue par les fans de baseball du monde entier, la World Baseball Classic. Regroupant les vingt nations les plus fortes du moment, la WBC 2023 promet un crû exceptionnel à la lecture des premiers rosters publiés. Jusqu’à l’ouverture du tournoi, The Strike Out vous propose de découvrir chaque jour l’un des pays participants sous l’angle de l’actualité ou de l’histoire. Interviews, récits historiques, biographies ou présentation de championnats, vibrez baseball international avec TSO. Pour ce nouvel épisode de notre série, nous partons à la découverte du Nicaragua où le baseball est roi.

Le Nicaragua occupe actuellement la 17ème place au ranking WBSC – crédits : WBSC

Le saviez-vous ? L’international français Andy Paz, après la fin de sa carrière en ligues mineures, a joué une saison dans la ligue professionnelle du Nicaragua. Et oui, le Nicaragua possède aussi son championnat professionnel hivernal à l’instar des autres nations majeures du baseball, présentes dans cette partie du monde. En mars prochain, le Nicaragua fera sa première apparition en World Baseball Classic, après deux échecs en qualification lors des dernières éditions. Pour découvrir le baseball nicaraguayen, TSO a donné la parole à Fernando Rayo, journaliste sportif à la télévision nicaraguayenne.

Rapide retour historique. Le baseball fut introduit dans les années 1880 par un businessman américain dans une zone du pays sous influence britannique et donc acquise au cricket. Mais, rapidement, le baseball va gagner en popularité, notamment durant l’occupation américaine (1909-1933) et devenir le sport national dans un pays sans cesse bouleversé par les guerres, dictatures, révolutions, crises économiques et catastrophes naturelles, comme le tremblement de terre du 23 décembre 1972. Une catastrophe bien connue des fans de baseball car, c’est en se rendant sur les lieux, avec de l’aide humanitaire d’urgence, que Roberto Clemente perdit la vie le 31 décembre 1972.

Alors, quelle est la place du baseball au Nicaragua, le niveau de sa ligue professionnelle et ses chances à la World Baseball Classic ? Pour en savoir plus, Fernando Rayo a répondu à nos questions.

Pour commencer, pouvez-vous nous dire quelle place occupe le baseball dans le sport nicaraguayen, que ce soit dans les médias ou dans l’opinion publique ?

Le baseball est le sport principal au Nicaragua. C’est le sport qui reçoit le plus de soutien du gouvernement et celui dont on parle le plus tant dans les médias que parmi les fans. Les sujets de baseball sont les plus pertinents pour les fans de sport au Nicaragua. De plus, c’est le sport qui a le plus d’activité internationale et locale avec des tournois professionnels tout au long de l’année. Les gens vont dans les stades et sont au courant des tournois sur les réseaux sociaux.

Le pays a une ligue professionnelle et une équipe dans le top 20 mondial. Comment la pratique du baseball est-elle organisée dans le pays et quelle est son importance en termes de pratiquants jeunes et adultes ?

Le baseball se joue ici toute l’année. Une ligue professionnelle d’hiver se tient (comme à Porto Rico, en République Dominicaine, au Venezuela, etc…) d’octobre à janvier, avec des joueurs étrangers, des affiliés MLB et les meilleurs joueurs locaux. (1)

De février à août, un tournoi appelé ” German Pomares ” est joué où 20 équipes de chaque région du Nicaragua participent et les joueurs jouent avec l’équipe de leur lieu de naissance ou de résidence. Ce tournoi est très suivi car chaque zone du pays a sa représentation. (2)

En plus de cela, il y a des tournois nationaux dans les différentes catégories mineures et le Nicaragua participe toujours aux éliminatoires des championnats du monde des catégories inférieures.

« Au niveau de l’organisation et de l’intérêt du public, c’est bien mieux que le Panama ou la Colombie »

La première version de la ligue professionnelle remonte aux années 1950. Puis, après une longue absence, le baseball professionnel est revenu au début des années 2000. Quel est le niveau de jeu de la ligue professionnelle par rapport aux autres championnats des Amériques ?

Le niveau de la Ligue professionnelle nicaraguayenne est bon malgré le fait que vous ne pouvez pas rivaliser en termes de salaires avec des pays comme le Mexique, la République Dominicaine ou le Venezuela. Donc, il est difficile de faire venir des étrangers de haut niveau, mais il s’agit d’avoir les meilleurs nicaraguayens et joueurs signés en MLB, ainsi que des étrangers d’une certaine qualité. (3)

La Ligue est solide car elle se joue sur trois mois et les étrangers qui viennent ont du mal à performer. De plus, on a vu qu’au niveau de l’organisation et de l’intérêt du public, c’est bien mieux que le Panama ou la Colombie.

Le roster du Nicaragua mélange différentes expériences du baseball professionnel, de la ligue locale à la MLB, en passant par les ligues mineures et championnats professionnels d’Amérique Centrale – crédits : WBSC/MLB

Le Nicaragua a hérité d’un groupe très solide pour le prochain WBC avec les mastodontes de la République Dominicaine, de Porto Rico et du Venezuela, sans oublier Israël, présent aux JO de Tokyo. Comment analysez-vous ce groupe et les chances du Nicaragua dans cette compétition ?

C’est vraiment la première fois de l’histoire que le Nicaragua affrontera des équipes pleines de major leaguers actifs. En raison de la nature des autres tournois, le Nicaragua n’affrontait pas la République Dominicaine, le Venezuela ou Porto Rico avec leurs stars de la MLB. Nous sommes donc sur un nouveau terrain. (4)

Personnellement, je pense que l’équipe ne sera pas ridicule. Nous pensons que nous pouvons gagner au moins contre Israël et nous battre dans les autres matchs en fonction de notre lancer.

Nous ne sommes pas favoris, mais au baseball, il y a des surprises et il n’y a rien à perdre dans la WBC.

Quand on regarde le roster de l’équipe, le premier nom qui saute aux yeux est celui de l’un des releveurs stars des Yankees de New York, Jonathan Loaisiga. Qui sont les joueurs à surveiller dans cette équipe nicaraguayenne ?

Erasmo Ramírez, qui a 13 saisons en MLB et qui retournera en 2023 avec les Nationals de Washington. Vous pouvez également surveiller Cheslor Cuthbert qui était de 2015 à 2020 avec les Kansas City Royals. il y a également JC Ramírez qui, de 2013 à 2020, est resté en MLB.

D’autres joueurs qui sont actuellement dans les ligues mineures se démarquent, comme Carlos Rodríguez (Classe A + Milwaukee) ou Brandon Leyton (AAA Cincinnati) et Rodney Theophile (Classe A + Washington).

À partir de là, ce sont des joueurs locaux, la plupart ayant de l’expérience dans des ligues mineures ou des ligues indépendantes.

« De plus, dans les tournois internationaux, c’est le lancer qui maintient l’équipe dans la lutte pendant les matchs. Cela frappe peu au niveau international.»

On l’a dit, la grande vedette de cette équpe est le releveur des Yankees de New York, Jonathan Loaisiga. Le meilleur joueur de l’histoire du Nicaragua est sans aucun doute Dennis Martínez. Et derrière lui on peut citer Vincent Padilla, Albert Williams ou encore Wilton Lopez. Peut-on en déduire que les lanceurs sont la spécialité du baseball nicaraguayen ?

Oui, c’est exact. Il a été difficile de produire de bons frappeurs. Nous pensons que c’est parce qu’il y a des lanceurs qui viennent avec un talent naturel dans leurs bras, alors que les frappeurs doivent constamment améliorer leur technique. De plus, dans les tournois internationaux, c’est le lancer qui maintient l’équipe dans la lutte pendant les matchs. Cela frappe peu au niveau international.

Chelsor Cuthbert, l’un des meilleurs joueurs de l’histoire du Nicaragua, a notamment joué chez les Royals. Photo : DR

En effet, nous n’avons eu que quatre frappeurs dans notre histoire MLB : David Green, Marvin Benard, Everth Cabrera et Cheslor Cuthbert. (5)

Enfin, quels sont les défis qui attendent le baseball nicaraguayen afin de bousculer les meilleures équipes du monde et envoyer plus de joueurs en MLB ? Quelles sont ses forces et faiblesses actuelles ?

Les défis du baseball sont de pouvoir exporter plus de joueurs; non seulement aux ligues mineures de la MLB mais aux ligues indépendantes ou à des pays plus exigeants comme le Mexique, le Venezuela ou la République dominicaine.

C’est aussi développer davantage les jeunes car il n’y a pas beaucoup d’entraîneurs formés pour développer un prospect comme il se doit et, généralement, les Nicaraguayens qui signent en MLB exploitent leur talent très tardivement.

Les ligues doivent également travailler pour améliorer la qualité des joueurs. Par exemple, cette ligue de huit mois qui compte 20 équipes fait mal à certains joueurs car il y a beaucoup d’équipes faibles et cela n’aide pas les frappeurs.

Points forts : je peux vous dire que c’est le soutien du gouvernement, que le sport est le plus suivi du pays et donc qu’il y aura toujours du talent.

Merci à Fernando Rayo d’avoir répondu à nos questions.

(1) La Liga de Beisbol Profesional Nacional (LBPN) connut une première existence de 1957 à 1967 avant de renaître en 2004. Deux équipes dominent son histoire, les Leones de Leon et les Indios del Boer. Ces derniers, champions en titre et équipe la plus titrée du championnat, sont basés à Managua, la capitale du pays, et tirent leur nom des Boers, les pionniers blancs d’Afrique du Sud. Ce nom fut choisi à la création de l’équipe, en 1905, car les Boers incarnaient une sorte d’idéal combattant.

(2) German Pomares fut l’une des fondateurs du Front Sandiniste de Libération Nationale en 1961.

(3) Parmi les joueurs étrangers ayant évolué dans la ligue nicaraguayenne, on retrouve l’international français Andy Paz. Après avoir été libéré de son contrat par l’organisation des Athletics d’Oakland, il rejoint, pour une saison, la LBPN et les Tigres de Chinadenga, avec lesquels il remporte le titre en 2017/2018.

(4) Le Nicaragua a remporté 5 médailles d’argent et 5 de bronze en coupe du monde. Sa dernière médaille date de 1998 dans cette compétition (bronze). Elle a aussi obtenue de multiples médailles continentales. Ses seules en or le furent dans le Central American Games, compétition qu’elle domine devant le Panama, l’autre grosse nation participante. Enfin, le Nicaragua a participé à deux tournois olympiques (1984, 1996) avec une 4ème place à Atlanta.

Son meilleur ranking WBSC fut une 12ème place en juin 2021. Sa 17ème place actuelle est la plus mauvaise depuis la création de ce classement.

(5) Dennis Martinez, surnommé El Presidente, et qui a donné son nom au stade de baseball de la capitale où jouent les Indios del Boer, est le plus grand joueur MLB issu du Nicaragua, et le premier à y jouer. Il a évolué pour les Orioles, les Expos, les Indians, les Mariners puis les Braves. Quatre fois All-Star, il a été leader MLB en wins (1981) et en ERA (1991). Le 28 juillet 1991, il a lancé le 13ème match parfait de l’histoire de la MLB, contre les Dodgers. Ses stats en carrière : 245-193, 3.50 ERA, 2149 K.

Parmi les autres grands noms du baseball nicaraguayen : Vincent Padilla (MLB 1999-2012 puis NPB 2013 – All-Star en 2002), David Green (MLB 1981-1985 + 1987 et NPB 1986 – World Series 1982), Marvin Bernard (MLB 1995-2003 – San Francisco Wall of Fame) et Everth Cabrera (MLB 2009-2015 – All Star 2013 et NL Stolen Bases leader 2012).


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