Il y a plusieurs années de cela, le bunt (ou amorti) faisait partie intégrante de l’arsenal des frappeurs (du moins de certains frappeurs, je vous l’accorde). Aujourd’hui, une chose est certaine : on voit de moins en moins de bunt en MLB, c’est un fait. Nombreux sont ceux qui n’hésitent pas à parler de disparition le concernant. Mais peut-on vraiment tirer un trait sur l’art du bunt aussi purement et simplement que cela ?

Il y a plusieurs années de cela, le bunt (ou amorti) faisait partie intégrante de l’arsenal des frappeurs (du moins de certains frappeurs, je vous l’accorde). Aujourd’hui, une chose est certaine : on voit de moins en moins de bunt en MLB, c’est un fait. Nombreux sont ceux qui n’hésitent pas à parler de disparition le concernant. Mais peut-on vraiment tirer un trait sur l’art du bunt aussi purement et simplement que cela ?
Mais c’est quoi un bunt ?
Pour y voir plus clair, on va commencer par le début. Concrètement un bunt c’est quoi ? C’est une technique de frappe lors de laquelle le joueur au bâton se positionne face au lanceur (avant ou après que le pitcher ait lâché la balle selon l’effet de surprise souhaité), avec une main glissée sous le baril de la batte pour la stabiliser. Sa batte est en position horizontale et placée devant le marbre. Et il met la balle en jeu en l’amortissant et en la dirigeant stratégiquement pour que les joueurs de l’infield ait le maximum de difficultés à faire le retrait.

Mais avant d’aller plus loin sur le sujet qui nous intéresse dans cet article, il me semble indispensable de différencier un bunt sacrifice d’un bunt pour un hit. Lors d’un bunt dit sacrifice, l’objectif du joueur est faire avancer le coureur sur la prochaine base (ou même sur le marbre), en échange de son retrait. Au contraire, le frappeur qui réalise un bunt pour un hit ambitionne de se retrouver safe en première base, et ce peu importe qu’il y ait des coureurs sur base ou non d’ailleurs.
Les différents bunts
Vous ne voyez pas où je veux en venir j’imagine ? Alors je m’explique : pour la question qui nous anime aujourd’hui on va volontairement commencer par le bunt sacrifice. Tout simplement parce qu’il fait l’unanimité ou quasiment. Vous en êtes bien conscient, le baseball est un sport de statistiques et il se trouve qu’elles jouent complètement contre lui ! Les chiffres prouvent qu’avoir un coureur en 2ème base et un retrait (= situation résultant d’un bunt) est moins favorable qu’un coureur en 1ère et aucun retrait : la moyenne des points marqués dans la manche chute alors à 0,67 (données issues de baseballprospectus.com). De fait, dans la grande majorité des situations, le bunt sacrifice n’en vaut pas la peine. On retiendra donc qu’une balle frappée au sol a toujours plus de chance de se concrétiser par une base gagnée. Cela fait ainsi sens de swinger et de ne pas se contenter d’un bunt sacrifice auquel les défenses sont d’ailleurs bien mieux préparées que par le passé.
Ceci étant dit, venons-en maintenant au bunt pour un hit. Avec un coureur rapide ou dans certaines situations, il reste une arme redoutable. Eli White des Rangers a bunté avec succès à plusieurs reprises lors cette saison 2022. C’est un coureur rapide, avec une grosse expérience de bunt à l’université, et son jeu s’inscrit dans parfaitement dans la tactique des Rangers. Ce sont autant de raisons qu’il l’ont poussé à l’intégrer à ses options à la frappe. Il le dit lui même, cela lui a pris un peu de temps pour être à l’aise, afin que cela soit facile et naturel et qu’il prenne confiance sur ce type de jeu. Sa vitesse et sa maîtrise parfaite du geste sont un véritable atout pour mettre la pression au sein de l’infield, il faut bien l’avouer.

To Bunt or not to Bunt ?
Parlons maintenant de la situation de shift, c’est à dire lorsqu’une équipe place stratégiquement des joueurs de position à des endroits sur le terrain où un frappeur est le plus susceptible de frapper la balle. Toutes les équipes de MLB ont des départements entiers d’analyse pour trouver ces alignements en défense, et bien que le shift ait toujours existé, il a atteint des extrêmes dramatiques ces dernières années.
En tant que frappeur, cet espace laissé dans les défenses sur un coté de l’infield se révèle très tentant, surtout en cas de champ intérieur décalé. Si on prend l’exemple de Joey Gallo, frappeur gaucher, vous remarquerez que le côté gauche du champ intérieur est souvent laissé vide par la défense adverse. Alors pourquoi me direz-vous ne voit-on pas plus de bunt dans ce cas là puisque le côté droit du champ intérieur est surchargé et la direction de la 3ème base entièrement ouverte ?

En réalité, malgré ses avantages le bunt reste un choix tactique complexe. Outre mettre la balle en jeu et faire rentrer des points, l’objectif des frappeurs est d’essayer de faire lancer le plus possible le lanceur pour le fatiguer et obtenir de plus mauvais lancers ou faire rentrer les releveurs intermédiaires. Or le bunt réduit notablement le nombre de lancers. En règle générale on bunte en début de compte ou presque, sinon on prend le risque de se faire éliminer plus vite ou pire encore on gâche un compte favorable au frappeur. Et cela n’a rien d’évident pour un frappeur de se mettre en difficulté dès le début du compte. D’autant plus que le swing est une des raisons pour lesquelles les joueurs se font remarquer et recruter au niveau professionnel.
Les frappeurs s’entraînent dur pour cela, et en sachant qu’ils ont un nombre limité d’occasions de frapper, ils sont littéralement programmés depuis le plus jeune âge pour swinger. C’est bien plus facile de prendre son timing sur le pitcher et de laisser sa mémoire musculaire faire la suite en s’élançant pour swinger.
Est-ce vraiment une arme implacable ?
Ensuite, le bunt a également de quoi en intimider plus d’un. Le batteur se met en position, visage en avant, face à des sliders ou des curve balls extrêmement puissantes. Sans parler du trouble causé par une vision totalement différente de la balle comparé à la position de frappe dite habituelle. Et pour finir, si on rate l’amorti, on est à peu près sûr d’être retiré car il arrivera directement à proximité d’un joueur de l’infield, voire dans le gant du receveur.
Techniquement parlant, les lanceurs ont largement évolué ces dernières années en gagnant de plus en plus de vitesse et avec un ERA qui continue à baisser au fil du temps. Il est devenu de plus en plus difficile de réussir un bunt, qui plus est si on reçoit une fastball en haut de zone à une vitesse de 98 mph par exemple. Pour terminer sur les évolutions au sein de la ligue majeure, il faut également noter qu’il y a de plus en plus de gros frappeurs y compris en fin de line up, contrairement à ce qui se faisait par le passé. En effet, avant les pitchers buntaient ou alors on les remplaçaient par des frappeurs désignés, mais maintenant ils savent frapper : regardez Shohei Ohtani par exemple, pour ne citer que lui.
You know it’s a perfect bunt when it turns into a double. pic.twitter.com/E6bCaDcUn1
— MLB (@MLB) May 22, 2022
Le bunt prend du temps à perfectionner, et peut-être encore plus de temps lorsqu’il y a le blocage mental de ne pas vouloir donner l’impression d’avoir gaspillé un précieux at-bat si vous ne réussissez pas votre coup parfaitement. Au sein d’une ligue qui fait la part belle aux home run et aux frappes ultra puissantes, le bunt a encore du sens dans certaines situations même si celles-ci ont tendance à devenir (trop) rares.