18 mai 2004 : retour sur le match parfait du Big Unit

Ce mardi 18 mai 2004 à Atlanta, les chaines d’info annoncent des températures maximales pour la saison : 26 degrés attendus au meilleur de la journée. Des conditions idéales pour les 23 381 spectateurs qui se rendent au Turner Field, l’antre des Braves. L’affluence est timide en ce mardi soir. Il faut dire que les Braves sont en difficulté depuis ce début de saison, affichant un maigre bilan de 17 victoires et 20 défaites, malgré une série récemment gagnée contre les Brewers en pleine bourre.

Deux équipes à la peine en ce début de saison

Les coéquipiers de Chipper Jones reçoivent les Diamondbacks pour le premier match d’une série de 3 rencontres. La franchise de l’Arizona est elle aussi dans le dur : 15 victoires, 23 défaites, bien calée à la dernière place de la division West pour les vainqueurs des World Séries de 2001. Aucun ingrédient n’est réuni pour imaginer que cette soirée en Géorgie puisse devenir l’un des plus grands moments de l’histoire du baseball.

Sur la butte, deux lanceurs malheureux depuis le début de cette saison vont se livrer un duel sans merci ; ils joueront d’ailleurs tous les deux le match complet. Côté Atlanta, le gaucher Mike Hampton a sorti une saison 2003 sérieuse pour sa première année en Géorgie (14-8, 3.84 ERA). Mais en 2004, avant ce match du 18 mai, il affiche un bilan de 0-4 et une ERA de 7.41. 

Chez les Dbacks, c’est la légende vivante Randy Johnson qui débute la rencontre. Après 4 trophées Cy Young de suite de 1999 à 2002 et une saison 2003 tronquée par les blessures, le géant gaucher est bien revenu à son meilleur niveau. Sa saison 2004 en témoigne : premier en nombre de K (290), une ERA de 2.60, une FIP de 2.30, une WHIP à 0.900. Pourtant, en ce mois de mai, The Big Unit subit l’effondrement offensif de son équipe. Ses deux dernières sorties ont été plus que solides mais il enregistre 2 déconvenues. Le 7 mai, il n’encaisse que 2 runs, réalise 10 K en 6 manches lors d’une contre-performance des siens face aux Phillies, défaite 4-1. 5 jours plus tard, toujours aucun run support pour Johnson lors d’une nouvelle défaite 1-0 face aux Mets en dépit de 7 manches impériales (3 hits, 1 run, 7 K). Son bilan est alors de 3 victoires et 4 défaites à ce moment précis de la saison. 

Un début de rencontre monstrueux pour The Big Unit

Le match débute parfaitement pour Randy Johnson, qui retire les 6 premiers batteurs en 2 manches, comptabilisant déjà 4 K, et pas des moindres. Tout d’abord l’immense Chipper Jones. En 2004, « Chipper » frappera son 300ème HR en carrière, dont 30 sur cette seule saison avec 96 RBI. Seule ombre au tableau, sa moyenne de frappe de 0.248, lui qui avait habitué les fans des Braves à des moyennes supérieures à 0.300. 

Randy Johnson retire également lors de cette manche le catcher Johnny Estrada. En 2004, le californien de naissance va réaliser la meilleure saison de sa carrière : Allstar, silver slugger, il va être injouable en défense et efficace en attaque : 76 RBI à 0.314. Enfin c’est au tour de JD Drew, l’homme fort des Braves qui complète le trio, d’être retiré. Il s’agira de sa seule saison à Atlanta, lui l’ancien des Cardinals, échangé notamment contre le jeune et prometteur Adam Wainwright et le solide pitcher Jason Marquis (15 W-7D, 3.71ERA en 2004 avec St Louis). Sous les couleurs des Braves, JD Drew va devenir un candidat sérieux pour le titre de MVP, jugez plutôt : 8.0 WAR, 31 HR, 93 RBI, 12 SB, 0.305BA, 1.006 OPS. 

La première frayeur pour Randy Johnson intervient en 5ème manche, lorsque ce même Drew envoie une flyball toute proche de la clôture en champ droit. Mais après 64 lancers seulement en 5 manches, Johnson contrôle parfaitement la rencontre avec déjà 7 K au compteur, aucun hit ni BB encaissé. A ce moment de la partie, le score est de 1-0, l’outfielder des Dbacks Danny Bautista ayant rejoint le marbre sur une erreur des Braves. Une erreur côté Dbacks pourrait se transformer en une nouvelle défaite pour Johnson. Mais il tient bon. 

En fin de 7ème manche, le score est désormais de 2-0. Après 2 retraits, the Big Unit fait face à Chipper Jones, qui a enregistré 2 K plus tôt dans la soirée, en 1ère et en 4ème manche. Mais sur le 5ème lancer, Jones swingue dans le vent. 91 lancers pour Randy et 10 K sur la feuille de match après 7 manches et on commence à croire au match parfait dans le dugout des Dbacks. 

La 8ème manche est une formalité pour le gaucher légendaire : 12 lancers et 3 retraits. Le premier est une flyball d’Andruw Jones. Le deuxième est un K sur Johnny Estrada. Le troisième est tout proche d’être un hit pour JD Drew, mais il est retiré en première base. 

Une manche pour entrer dans l’histoire

Il ne reste alors que 3 retraits pour que Johnson rentre encore un peu plus dans l’histoire du baseball. Le dernier match parfait date du 18 juillet 1999 et est l’oeuvre de David Cone pour les Yankees. Le lanceur le plus âgé ayant réussi un match parfait n’est autre que Cy Young, qui à 37 ans, réussit cette prouesse. C’était le 5 mai 1904 soit quasiment un siècle plus tôt… . Randy Johnson aura 41 ans en septembre de cette année 2004 et il ne manque que cette performance à son formidable palmarès : 5 CY Young award, une triple couronne, 4 titres de meilleur ERA, une World Series, un titre de MVP de ces World Series, 10 sélections au All-Star Game… le tout en 22 saisons, 618 matches, 4135 manches et 4875 K.

La fin de cette 9ème manche ne démarre pas sous les meilleures auspices pour Johnson. C’est alors que le public d’Atlanta prend fait et cause pour le lanceur de l’Arizona ! Mark DeRosa est retiré sur le fil en 1ère base grâce à un beau geste de Matt Kata, le 2ème base des Dbacks.

Nick Green essuie quant à lui un nouveau strike out, le 12ème de la soirée pour the Big Unit. 

26/27 : Le dernier retrait

Avec 112 lancers, 26 retraits sur 26 batteurs, 12 Strike Outs, Randy Johnson fait face désormais à l’histoire. Un retrait de plus et il décrochera ainsi SON match parfait. Mike Hampton, qui aura lancé les 9 manches pour les Braves, doit laisser sa place au marbre à un pinch hitter. Bobby Cox, le manager légendaire des Braves, a dans son dugout deux options sérieuses : le rookie Adam Laroche qui s’imposera vite comme le 1ère base titulaire de cette formation, ou le catcher expérimenté vénézuélien Eddie Pérez. Si ce dernier a plus de bouteille et frappe mieux face aux gauchers, il n’a pas la puissance d’un Chipper Jones ou la clutchitude d’un JD Drew. 

Et alors que les spectateurs sont de plus en plus nombreux à retourner leur casquette pour conjurer le mauvais sort et redoublent d’encouragement pour Randy Johnson, Eddie Perez, s’élance sans succès sur une slider récupérée dans la poussière par le catcher des Dbacks, Robby Hammock. Lui aussi sera un héros de cette soirée. Sa carrière est très anodine, qu’il passera entre le niveau AAA et Chase Field. Souvent utilisé comme utility player, il profite des départs des deux catchers Chad Moeller et Rod Barajas pour prendre du temps de jeu derrière le marbre. Ce match a également une signification toute particulière pour lui, le natif de Macon en Géorgie, à une heure de route d’Atlanta. 

Le compte est alors de 0-1. Johnson va tenter d’attirer la batte de Perez vers l’extérieur avec une nouvelle slider dont il a le secret et ainsi préserver sa rapide sur un compte de 0-2. Mais Perez retient sa batte, le compte est alors de 1-1. Sur le 3ème lancer, Randy Johnson lance une rapide en plein milieu de la zone de prise, que Perez envoie dans les gradins derrière la 3ème base : 1-2. Johnson n’est plus qu’à un lancer du match parfait. Après 115 pitches, dont 86 étant des strikes, la pression et la fatigue ont entamé son frêle physique et c’est au mental qu’il termine cette rencontre. Pour ce 4ème lancer, il envoie à nouveau une rapide mais elle est bien trop haute, 2-2. Eddie Perez s’attend à nouveau à une rapide car Johnson ne peut prendre le risque d’un compte plein à ce moment de la partie, surtout avec 116 lancers dans le bras. Les deux dernières rapides de Johnson sont contrôlées à plus de 96 miles à l’heure, ce qui a de quoi rassurer le lanceur. Randy Johnson prend le temps de remettre sa casquette. Ce 5ème lancer de ce duel, le 117ème d’un soir, termine dans le gant d’Hammock. C’est une rapide lancée à 98 miles à l’heure, chose absolument incroyable après avoir autant lancé ! Robby Hammock saute de joie, Randy Johnson en vieux briscard et vétéran émérite est dans la retenue mais l’extase se lit sur son visage.

La suite de la saison pour ces deux franchises va être bien différente : les Braves vont se ressaisir et finir avec 96 victoires et 66 Défaites, empochant le titre de la division Est. Malheureusement, ils buteront sur les Astros en 5 matchs lors des NLDS. 

Quant aux Diamondbacks, cela devait être une nouvelle année prolifique pour la franchise de l’Arizona. Ils connaitront l’une des pires saisons de l’histoire de la MLB avec 51 victoires seulement pour 111 défaites. Randy Johnson empochera 16 victoires, aucun des autres lanceurs ne dépassera les 7 gains. Le début de la fin pour les magnifiques champions de 2001…


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