Shohei Ohtani est-il le GOAT du baseball ?

Voilà un débat qui anime régulièrement les réseaux sociaux et les plateaux TV : qui est le GOAT ? Que l’on parle de football, de tennis, de cyclisme, de boxe, de basketball ou encore de football américain, c’est un débat récurrent. Qui peut prétendre à être le plus grand de tous les temps, the Greatest Of All-Time ? Le baseball n’échappe pas à la règle. Même si la réponse paraît souvent évidente en la personne du grand Babe Ruth, elle est parfois remise en cause avec d’autres grands noms de la balle à coutures rouges. Et particulièrement depuis l’apparition d’un certain Shohei Ohtani. Celui qu’on surnommait le Babe Ruth japonais, avant même son arrivée en MLB lors de la saison 2018, a depuis éclaboussé la ligue de son talent unique. Des performances historiques voire légendaires qui ont réouvert un débat qui semblait pourtant clos : Ohtani est-il le GOAT du baseball ?

Shohei Ohtani lors d’un match de début de saison à Washington. Crédit : Joe Glorioso/All-Pro Reels – Washington Times Sports

Mais, en premier lieu, qu’est-ce qu’un GOAT ? Comment le définit-on ? Il suffit de se pencher sur les différents débats dans divers sports pour se rendre compte que la définition peut être changeante. Certains vont mettre en avant les titres, d’autres les performances purement individuelles ou encore l’impact de l’athlète sur son sport ou la société. Ou tout cela à la fois. Et ce n’est pas fini. Car, les titres, les performances, les statistiques, tout va être évalué et réévalué au regard des époques, des adversités, des aléas du parcours de l’athlète. Doit-on prendre en compte les performances intrinsèques et comparer les époques, ou, au contraire, doit-on les pondérer aussi finement que possible ? Un débat qui, en plus, fait appel aux émotions et au supportérisme. La nostalgie d’une époque ou la hype du moment peuvent favoriser telle ou telle prise de position.

La paternité du terme est souvent attribué à Mohamed Ali et à sa femme Lonnie. Le boxeur se surnommait lui-même The Greatest, ce à quoi sa femme aurait ajouté « of all-time » pour créer une marque, G.O.A.T. Inc. Ali aurait eu son inspiration d’un lutteur pro des années 1940 et 1950, Gorgeous George Wagner. Reste que c’est Ali qui popularisa le terme et l’incarnera de son vivant et après sa mort, lui donnant une définition largement partagée : le GOAT a tout autant un impact sportif que populaire, un impact au-delà de son sport voire marquant l’Histoire.

Babe Ruth, le GOAT quasi-incontesté du baseball

Qu’en est-il pour le baseball ? Jusqu’à aujourd’hui, un nom s’est toujours imposé : Babe Ruth. The Babe est la plus grande légende du baseball. Même si certains classements ont pu disputer sa place de numéro 1 par d’autres noms (nous y reviendrons plus bas), il est généralement celui qu’on considère comme le plus grand joueur de tous les temps alors même qu’il évolua en MLB de 1914 à 1935. Et oui ! C’est un joueur qui excella il y a un siècle qui trône au sommet de la hiérarchie, là où, dans les autres sports, les concurrents aux GOAT sont généralement des athlètes plus actuels ou, au moins, ayant évolué après la Seconde Guerre Mondiale.

Plus haut, je vous disais que dans les débats du GOAT, on pouvait tout prendre en compte : les titres, les performances individuelles, l’impact sur son sport et la société. Babe Ruth répond à tous ces critères. Il fut tellement fort, tellement important que sa légende nous est parvenue sans perdre son éclat, bien aidée par un sport, le baseball, qui a toujours su travailler sa mémoire et dont l’essence statistique lui permet de tout comparer, même à 100 ans d’écart. Le record du Babe de 60 homeruns en une saison le démontre parfaitement.

En 1927, Babe Ruth frappe 60 longues balles en 154 matchs durant une saison historique des New York Yankees, l’une des plus grandes saisons d’une équipe MLB si ce n’est la meilleure – elle se dispute la première place avec les New York Yankees de 1998 -. Son record ne sera battu qu’en 1961, par Roger Maris, lui aussi un Yankees alors, mais en 162 matchs, ce qui vaudra à son record d’être déprécié par de nombreux fans et la ligue elle-même. Puis Maris sera battu à son tour à la fin des années 1990 et au début des années 2000 par les superstars de la Steroïd Era comme Mark McGwire, Sammy Sosa et Barry Bonds, ce dernier ayant toujours le record officiel, avec 73 unités, mais des records entachés par les scandales de dopage de l’époque. Il faudra attendre la saison historique de Aaron Judge, à nouveau un Yankees, en 2022, pour voir le Babe une nouvelle fois battu avec 62 homeruns pour le futur capitaine new-yorkais.

Si on écarte les saisons des dopés, les (vrais) records de homeruns sur une saison se situent donc autour des 60 homeruns. C’est une barre symbolique et c’est The Great Bambino qui la plaça il y a presque 100 ans. Plus largement, on peut rappeler que Babe Ruth possède encore de nombreux records MLB. Même si ses records de homeruns en saison et en carrière ont été battus, il reste le 3ème frappeur de homeruns en carrière derrière Barry Bonds et Hank Aaron. Il domine les stats avancées également, se classant numéro 1 en WAR, OPS, OPS+. On pourrait citer son nombre de titres en World Series, ses accomplissements sur le terrain, ses homeruns légendaires et bien d’autres données sportives mais cela ne suffirait pas à comprendre sa position de GOAT du baseball.

Héros et symbole de l’Amérique, le mythe Babe Ruth

Car Babe Ruth, c’est plus que cela. C’est l’histoire d’un jeune garçon de Baltimore, issu d’un milieu très pauvre, dans une famille dysfonctionnelle, qui va être élevé dans une institution catholique où il va découvrir le baseball puis s’y faire repérer. Un garçon qui va ensuite signer avec les Red Sox Boston, l’une des équipes dominantes du moment, ce qui lui permettra de quitter Baltimore et découvrir le vaste monde. Aux Red Sox, il excelle d’abord comme lanceur. Puis les Red Sox commencent à en faire un frappeur à plein temps mais c’est aux Yankees, auxquels son contrat est vendu en décembre 1919, qu’il va pleinement devenir le frappeur de génie que l’on connaît. Son transfert chez les Pinstripes initie une nouvelle ère. Les Yankees débutent leur ascension qui les mènera à devenir la plus victorieuse et mythique franchise du baseball. Dans la Grosse Pomme, Babe Ruth devient le héros de l’Amérique, symbole de puissance et de réussite, avantagé par une bonhommie naturelle qui en fait une figure attachante, d’où ses surnoms enfantins.

Vous avez là les éléments d’un récit comme les Américains les adorent, celui d’un self-made man, venu de nulle part, qui s’extrait des ténèbres de la pauvreté pour devenir une idole et un homme riche. Et ce n’est pas tout car il incarne aussi l’idéal du joueur complet, aussi fort à la batte qu’au monticule, même si ces deux aspects du jeu, il les développera essentiellement dans deux parties distinctes de sa carrière. Cependant, avant l’arrivée de Shohei Ohtani, il sera l’incarnation ultime du two-way player. Mais c’est surtout sa puissance à la batte qui le fait basculer dans un autre univers. Il y a le Babe et les autres, même s’il joue au côté d’une autre légende parmi les légendes, Lou Gehrig. Il frappe plus de homeruns que bien des équipes réunies. Dans une MLB qui sort à peine de la Dead Ball Era, où les homeruns restent relativement rares, ses stats offensives sont absurdes. Même si d’autres facteurs l’expliquent, Babe Ruth participe grandement à transformer le baseball pour toujours. Il ouvre la voie à la Live Ball Era, à une ère de puissance dans le jeu.

Et vous pensez que c’est fini ? Non. Car Babe Ruth va, en plus, sauver le baseball ! Ses débuts aux Yankees coïncident avec le scandale des Black Sox, soit la tricherie sur fond de paris illégaux lors des World Series 1919, impliquant plusieurs joueurs des Chicago White Sox, particulièrement l’un des joueurs les plus talentueux et aimés de l’époque, Shoeless Joe Jackson. Ce scandale, qui va durer de 1919, avec des rumeurs de triche dès les World Series, à 1921, où le commissaire du baseball, le juge Landis, va bannir à vie les joueurs impliqués, ruine la réputation de la ligue. La défiance est de mise envers un baseball gangrené par les paris. Si la création du commissaire du baseball est l’une des actions qui apaisera la situation, le jeu de Babe Ruth redonne de l’allant à la MLB. Ses exploits enflamment les tribunes et la presse. Après avoir frappé 29 homeruns avec Boston en 1919, un record, il en frappe 54 en 1920, puis 59 la saison suivante. Ses dauphins, sur ses deux saisons, en frapperont respectivement 19 et 24. Il est dans un autre monde, déclenchant une véritable passion populaire, faisant oublier le plus gros scandale du sport américain.

Retraité des terrains au cours de la saison 1935, Babe Ruth reste une légende vivante jusqu’à son décès en 1948. Sa mort n’atténue en rien son aura. Incarnation de la réussite et du talent sportif, il renvoie aussi à un passé mythifié, fantasmé des États-Unis. Dans une nation américaine encore jeune, qui se construit toujours une histoire commune et sa propre culture, Babe Ruth fait office de demi-dieu dans une mythologie moderne du 20ème siècle.

Film sur et avec Babe Ruth datant de 1927

Le fait qu’il est donné son nom à l’une des plus grandes malédictions du sport – la malédiction du Bambino – dans le cadre de la rivalité historique entre les Red Sox et les Yankees, rivalité qui prend naissance dans la rivalité ancienne entre Boston et New York, deux villes qui proposaient deux visages distincts de la jeune nation états-unienne, en dit beaucoup sur la centralité de sa figure mythologique dans la culture populaire américaine, entre religion, surnaturel et identité nationale.

A cela, on peut ajouter une dimension moins honorable, et non imputable au Babe lui-même, mais qui a participé à la légende du plus grand des sluggers : il était un exemple de la supériorité blanche.

Quand Babe Ruth débarque dans le Show, l’Amérique blanche ségrégationniste doit faire face à Jack Johnson. Le boxeur afro-américain est la terreur des rings, balayant les meilleurs boxeurs blancs américains. De nombreux Américains en appellent au Great White Hope, le Grand Espoir Blanc, afin que l’un d’eux puisse gagner et démontrer la supériorité de la « race blanche ». Si Johnson est battu en 1915, l’Amérique ségrégationniste n’en reste pas moins obsédée par son suprémacisme blanc et des héros du sport, comme Babe Ruth, lui permettent de répondre à cette obsession, alors même que la MLB est interdite aux joueurs noirs, ce qui facilite la domination blanche dans le baseball évidemment.

C’est pourquoi, quand Hank Aaron sera à deux doigts de battre son record de homeruns en carrière lors de la saison 1973, le joueur des Atlanta Braves sera victime de nombreuses injures et menaces de mort. Si cela sera moins violent qu’avec Aaron, il y aura aussi de l’animosité envers Barry Bonds quand celui-ci surpassera les stats du Babe. Et aujourd’hui encore, il existe des commentaires racistes envers Shohei Ohtani, certains ne voulant pas d’un non-américain comme figure de proue du baseball. Cette dimension de la légende Babe Ruth est un éclairage sur la part sombre de l’Amérique, dont les démons racistes sont toujours vivaces, mais elle contribue à expliquer pourquoi cette légende a perduré avec force jusqu’à notre époque moderne.

Voilà contre quoi Shohei Ohtani doit lutter pour le titre de GOAT du baseball.

Ohtani, joueur unique dans l’histoire du baseball

Il est vrai que le japonais a des arguments. Arrivé avec l’étiquette de « Babe Ruth japonais », two-way player capable (vous pouvez d’ailleurs retrouver le portrait que l’on avait réalisé sur lui ici : Shohei Ohtani, une légende digne d’un manga), dans un même match, de lancer à 100 mph et de frapper un homerun monumental, il a confirmé d’entrée de jeu en prenant le titre de Rookie de l’année (2018) à sa première saison en MLB sous le maillot des Los Angeles Angels. Néanmoins, il lui a fallu braver les blessures et la saison Covid avant de pouvoir exprimer pleinement son talent. C’est en 2021 que Shohei Ohtani s’invite dans l’Histoire.

Il réalise alors une saison unique. Il brille des deux côtés de la plaque, particulièrement dans la première partie de saison. Là où Babe Ruth excella dans le pitching et le batting en deux périodes distinctes, Ohtani le réussit en une seule saison. Résultat, il remporte son premier MVP et prend une nouvelle dimension. En 2022, il réitère une saison élite en two-way player. 4ème au Cy Young, il échoue à prendre un second MVP uniquement à cause d’un Aaron Judge en feu, qui frappe 62 homeruns, leader offensif incontestable de la MLB et auteur d’une des plus grandes saisons à la batte de toute l’histoire de la ligue. Partie remise pour le japonais qui gagne un nouvel MVP en 2023, alors qu’il s’apprête à affoler l’intersaison en devenant agent libre. Son aura est au maximum, surtout qu’il a également remporté la World Baseball Classic avec le Japon juste avant la saison, la compétition se finissant sur un incroyable duel contre son coéquipier des Angels, Mike Trout.

Ohtani période Angels – crédit : TOSA

700 millions sur 10 ans. Ohtani signe aux Los Angeles Dodgers pour un contrat record – qui sera battu un an plus tard par Juan Soto et les New York Mets -. Un contrat spécial, avec une majorité du paiement repoussé à sa fin de carrière, afin que les Dodgers puissent recruter du beau monde autour de lui d’ici là. Un contrat permis par son statut de superstar aux contrats publicitaires juteux qui lui octroient entre 40 et 50 millions de dollars par an, soit plus que le salaire annuel de la plupart des meilleurs contrats de la MLB. Signe de son importance, il fait même la couverture du magazine L’Équipe, pourtant avare en couvertures et sujets liés au baseball. S’il n’est pas la première couverture baseball du magazine, c’est la première fois qu’il en consacre une à un joueur de baseball.

Même si une blessure l’empêche de lancer pour sa première saison sous le maillot des Dodgers, son talent à la frappe écrit une nouvelle fois l’histoire en étant le premier joueur dans le club des 50+ homeruns et 50+ bases volées (54 HR / 59 SB). Il survole la National League pour s’adjuger son troisième MVP et aider les Dodgers à conquérir un nouveau titre en World Series. Bien qu’Ohtani n’est pas particulièrement brillé lors de la série finale, ce titre majeur accroît encore son aura. Il est le visage du baseball et un visage international, à un moment où la MLB tente d’accélérer, un peu, sa stratégie de globalisation.

Mais, après étalé le CV clinquant d’Ohtani, peut-on considérer que ses performances uniques de two-way player suffisent à en faire le GOAT du baseball ?

Aaron Judge, l’autre meilleur joueur du monde

Non. Pas encore en tout cas. Premièrement, il est trop tôt pour lui accorder ce titre. Sa totale éclosion en two-way player d’exception en MLB date de 2021 et n’a duré que trois saisons. Trois saisons historiques certes, auquel il faut ajouter sa superbe saison 2024 à la batte. Cependant, cela ne fait que quatre saisons. Deuxièmement, a-t-il vraiment été le meilleur joueur de baseball du monde durant ces quatre saisons ? Pas forcément. Car un autre joueur a pris une dimension quasi-légendaire durant cette période, un certain Aaron Judge.

Sur la période 2021-2024, Aaron Judge a remporté deux MVP, battu le record de homeruns en une saison en American League (et en MLB hors dopés) et a sorti deux des plus grandes saisons offensives de l’histoire de la ligue en 2022 et 2024. Deux saisons où il termine avec la meilleure WAR de la MLB. Si sur la période 2021-2024, Ohtani est devant Judge avec une WAR de 34.7 contre 30.8, profitant aussi des blessures du géant du Bronx, c’est bien ce dernier qui domine depuis l’arrivée du japonais en MLB en 2018, 51.2 contre 48.2, menant encore la MLB offensivement à la mi-saison 2025.

Aaron Judge – crédit : Keith Allison

Cette comparaison ne sert pas à établir que Judge est nécessairement meilleur qu’Ohtani mais elle met en évidence un fait : Ohtani n’est pas dans un autre monde en ce qui concerne les performances sportives vis à vis de la concurrence du moment. Il survole les autres mais il n’est pas seul à les survoler. Bien sûr, sa capacité à exceller, en même temps, dans le pitching et le batting le place de fait dans un autre monde mais cette capacité unique ne place pas ses performances dans un autre monde alors que Babe Ruth, quand il a commencé à devenir quasi-exclusivement un frappeur, a dominé la ligue sur la durée. En gardant comme mesure de son efficacité la WAR, The Babe a mené la MLB dans cette catégorie à neuf reprises entre 1919 et 1931. Il a fini également leader en OPS 13 fois, en homeruns 12 fois, en buts sur balle 11 fois, en runs scorés 8 fois et en RBI 5 fois. En autres choses… Même si Ohtani, à partir de cette année, reproduisait durant les 13 prochaines années sa meilleure WAR sur une saison (10.1), il serait toujours derrière Babe Ruth.

Ohtani sur la voie du GOAT ? Un chemin encore long à parcourir

On le voit ici, Ohtani doit déjà se battre pour le titre de meilleur joueur du monde avec Aaron Judge mais aussi se battre pour le titre de meilleur joueur de tous les temps avec Babe Ruth et ses stats folles… en attaque. Ses stats comme lanceur sont pas mal également. Sans avoir été un two-way player complet sur plusieurs saisons, il reste le seul joueur de la MLB à avoir lancé un shutout et frappé plusieurs homeruns sur un match durant des World Series. On pourrait aussi parler du match 2 des World Series 1916 où il lance 14 manches, n’encaissant qu’un point dans la première avant de fermer la porte, et produisant le premier des deux points qui donnent la victoire aux Red Sox.

Surtout, Babe Ruth a sauvé le baseball, lui a donné une nouvelle dimension, sa puissance à la batte participant à changer le jeu lui-même. Ohtani, s’il participe à redynamiser l’image et le jeu de la MLB, n’a pas, pour le moment, un impact comparable à celui qu’a eu la légende des Red Sox et des Yankees des années 1910 aux années 1930. Ce dernier est devenu une légende de son vivant. Ohtani est en train de bâtir sa légende mais n’en est pas encore une.

Néanmoins, cela ne veut pas dire que le débat est clos car, dans une discussion sur le GOAT de tel ou tel sport, il y a toujours matière à débat. Dans le baseball, d’autres noms viennent régulièrement bousculer la première place du Babe : Barry Bonds, Willie Mays, Walter Johnson (2ème en WAR all-time), Ty Cobb, Hank Aaron, Ted Williams et, depuis l’inclusion des Negro Leagues dans les Ligues Majeures, Josh Gibson, appelé le « Babe Ruth noir ». Barry Bonds et Willie Mays sont souvent ceux qui complètent le podium des plus grands joueurs de baseball. Le premier souffre des accusations de dopage. Malgré tout, pour certains, malgré le dopage, son talent est tel qu’il surpasse tout ce qui a été connu en MLB. Pour d’autres, c’est Willie Mays qui incarne le joueur de baseball complet. The Athletic l’avait mis à la première place de son top 100 en 2019.

Il est vrai que des joueurs plus récents comme Mays, Bonds et, aujourd’hui, Ohtani ont pour eux de faire valoir une montée en puissance du jeu, sur le plan athlétique ainsi que dans la préparation et la conduite des matchs, comparé à l’époque où évolua Babe Ruth. Babe Ruth voyait peu ou pas de lancers aussi rapides qu’aujourd’hui et moins de changement de lanceurs qui déstabilise les frappeurs. Mais il n’avait pas accès aux mêmes ressources d’entraînement et de connaissances scientifiques. Et les joueurs de son époque étaient des marathoniens. Vous deviez jouer des saisons longues avec des matchs rugueux sans les mêmes soins de récupération qu’aujourd’hui.

Barry Bonds, un fake GOAT ou un GOAT sous-estimé ?

Peut-être que Babe Ruth ne pourrait pas être le joueur qu’il était en jouant dans la MLB d’aujourd’hui mais Ohtani pourrait-il être le joueur qu’il est aujourd’hui sans les avantages du sport moderne en termes de préparation athlétique, technique et de récupération. Ou inversement, vu le talent brut du Babe, n’est-il pas concevable qu’il aurait été un joueur encore meilleur avec la préparation physique et technique actuelle ? Il est toujours difficile de comparer les époques mais c’est souvent un passage obligé dans les débats sur le GOAT, et un exercice de réflexion plutôt intéressant pour explorer les avantages et inconvénients des dites époques.

En conclusion, il est bien trop tôt pour nommer Ohtani le GOAT du baseball. Si, sur le plan sportif, il pourra y prétendre en continuant d’exceller sur le terrain, il devra inscrire ses performances sur la durée, comme le fit Babe Ruth. Il faudra également qu’Ohtani les inscrive dans un contexte plus large que sa seule pratique sportive. Car, si dans certains sports, le débat sur le GOAT peut parfois se satisfaire des seules données issues du terrain, il en est autrement pour le National Pastime américain qui a participé à nourrir l’Histoire, la culture et la quête identitaire états-unienne. Et il y a là une forme d’injustice car Babe Ruth rayonna à une époque où le baseball était roi et bénéficie aujourd’hui des bienfaits de la nostalgie d’une Amérique fantasmée. Ohtani doit construire sa greatness dans une Amérique où le baseball est un loisir parmi d’autres et dans un monde où les hypes vont et viennent. Mais si un joueur a le potentiel pour surpasser ces obstacles, c’est bien ce joueur qui, depuis 2021, écrit une page unique de l’histoire du baseball.


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