Preview 2024 – San Francisco Giants : Du nouveau mais des doutes

Il y a un an à cette même période, le monde du baseball était en pleine effervescence avec la perspective de la World Baseball Classic et le début de la saison MLB. Et on peut dire que l’année 2023 nous a régalés entre le titre du Japon d’Ohtani face à Team USA, le retour des London Series et la première victoire en World Series des Texas Rangers. Nous avons eu droit à notre lot d’émotions, de beau jeu, de surprises, de déceptions, de rencontres, d’au-revoir (bye-bye Waino et Miggy)… et nous voilà déjà au départ de la saison 2024! Même sans compétition internationale à venir (il faudra attendre 2028 pour revoir le baseball/softball au programme des JO), on a hâte d’entendre PLAYBALL. Et pour tout savoir de cette saison MLB qui approche aussi vite qu’une balle lancée par Nolan Ryan, la rédac de The Strike Out vous propose sa traditionnelle série de previews. On visite aujourd’hui la Baie de San Francisco pour se pencher sur le cas des Giants.

Après leur victoire surprise de Division en 2021 (107 victoires en régulière!), les Giants sont retombés dans l’anonymat ces deux dernières saisons. Incapable d’attirer un gros agent-libre (on ne reviendra pas sur les fails Judge et Correa), SF a vu son pourcentage de victoires s’effondrer : .660 en 2021, puis .500 en 2022 et .488 l’an dernier. Un bilan même pas à l’équilibre avec 79 victoires et 83 défaites qui coûte la tête du manager Gabe Kepler, remplacé par Bob Melvin, on y reviendra.

Les espoirs de bonne saison chez les Giants se sont dissipés dès le 6e pitch du match d’ouverture : Aaron Judge explosait la balle de Logan Webb jusqu’à Monument Park dans le champ centre du Yankee Stadium, au lieu de porter les couleurs de SF comme espéré par front office, team et fans… un énorme troll de la part du nouveau capitaine des Yankees! Attention, loin de moi l’idée de me moquer ici de l’Ace des Giants, car Webb a sorti une nouvelle saison de patron : une ERA de 3.25 et une WHIP de 1.07, 194K, en 33 starts (deux complete games dont son premier shutout en carrière). Avec 216 manches lancées, il était le numéro 1 en MLB dans cette catégorie. Deux semaines après l’Opening Day, le chéquier était sorti pour une prolongation de contrat de 5 ans pour 90M$, une somme finalement modeste au regard du boulot effectué par le lanceur de 27 ans. Il n’a vraiment pas été aidé lors de ses sorties : une moyenne de points marqués par son attaque de seulement 3.21 (le plus faible run support de MLB pour un starter) avec pour conséquence un bilan négatif de 15-18 pour les matchs de son équipe dans lesquels il a joués.

Alex Cobb (ERA 3.87 en 28 starts) et Anthony DeSclafani (ERA 4.88 en 19 starts) ont tenté de limiter la casse mais clairement la rotation était trop courte même si elle a pris la 10e place de MLB en ERA collective (4.12). Sean Manaea n’a pas réussi à s’y maintenir (10 starts puis 27 sorties du bullpen), pas plus que Ross Stripling (11 starts, 11 relèves) ou Alex Wood (12 starts, 17 relèves). On retiendra quand même les débuts du top prospect Kyle Harrison, auteur de 7 starts (voir plus loin).

Dans le bullpen, on saluera le bon retour de blessure de Luke Jackson (après une opération TJ) avec une ERA de 2.97 en 33 sorties et la prometteuse saison rookie de Ryan Walker. Appelé mi-mai, il a tout de suite été efficace avec son combo fastball/slider (78K en 61.1IP). Quant aux jumeaux Rogers, Tyler et Taylor, on pouvait peut-être en attendre un peu mieux, même s’ils ont été de bonnes rampes de lancement pour le closer Camilo Doval. Le Dominicain a signé le plus grand nombre de saves en National League (39) avec une ERA de 2.93 et une WHIP de 1.14 (voir plus bas). 

Du pitching average MLB mais une attaque bottom MLB : 28e en hits, 24e en points marqués, 19e en HR, 28e en AVG, 24e en OBP, 7e en K encaissés. Quand tes menaces principales à la batte s’appellent Wilmer Flores et LaMonte Wade Jr. (sans leur faire offense), tu ne peux sans doute pas prétendre à grand chose dans cette Ligue. Ces deux-là ont signé respectivement leur meilleur OPS (.863) et meilleur OBP (.373) en carrière. Recruté pour sa puissance, Joc Pederson n’a pas répondu aux attentes (seulement 15HR). Thairo Estrada a été une menace sur bases (27SB), toujours excellent en défense, mais il plafonne à la batte (49 RBI et 120K) ce qui limite son potentiel au global. Rien de fou à retirer des productions des anciens Mets, J.D Davis (.248/.325/.413) et Michael Conforto (.239/.334/.384).

Une circonstance atténuante pour Kepler et son staff : ils ont du faire face à une cascade de blessures. Davis a disputé 144 matchs, le plus gros total de l’équipe, sept autres joueurs seulement sont à plus de 106. On ne trouve pas dans cette liste les vétérans Crawford et Haniger, qui ont passé une saison transparente.

Aller pour remonter le moral des fans, une vidéo compilant les 8 walk-off wins des Giants la saison dernière. De rares moments de joie à l’Oracle Park.

Bob Melvin continue sa tournée des équipes californiennes. Après les A’s et les Padres, le voilà à San Francisco avec un coaching staff largement remanié par rapport aux années Kepler. Comme ces dernières saisons, le nom des Giants a été lié à plusieurs grands noms de cette free agency, dont le premier d’entre eux qui a finalement choisi de rester à LA. Mais comme ces dernières saisons, les grandes stars n’ont pas choisi San Francisco pour poursuivre leur carrière… même si en Corée du sud, Jung Hoo Lee est une vrai star!

Hâte de voir l’intégration de Jung Hoo Lee en MLB – Photo AP

L’outfielder fait le saut entre la KBO et la MLB avec un contrat de 113M$ sur 6 ans, la plus grosse signature d’un agent-libre à SF depuis les 126M$ de Barry Zito en 2006. Les Giants espèrent avoir trouver leur gars sûr pour être leadoff : grosse OBP en carrière, très peu de strikeout (179K en 2795PA sur les 5 dernières années). Je suis très intriguée de voir ce qu’il va faire en MLB, mais je n’en dirai pas plus ici. Rendez-vous dans quelques jours sur TSO pour en apprendre plus sur le sud-coréen…

Toujours au rayon arrivées. Celle du slugger cubain Jorge Soler pour 3 ans et 42M$. Auteur de 36HR avec les Marlins l’an dernier, il a très bien rebondi après une saison 2022 passée en grande partie à l’infirmerie (72 matchs seulement). 36, c’est son plus gros total de longues balles depuis les 48 sous le maillot des Royals en 2019. Il a progressé sur toute sa stat line par rapport à 2021 (149 matchs) : .250/.341/.512 en 137 matchs contre .223/.316./432. Sa puissance est plus qu’attendue dans une équipe qui en manque cruellement, on l’a vu.

Lui n’est pas attendu pour ses stats offensives, mais avant-tout pour sa défense : Matt Chapman, s’est engagé début mars avec les Giants. Un contrat de 18M$ sur un an, avec plein d’options pour prolonger la pige jusqu’en 2027. Chapman va retrouver à SF son ancien manager chez les A’s, Bob Melvin.

Alors je le disais, Chapman n’est pas attendu pour son attaque, mais il faudrait quand même faire mieux que cette horrible saison 2023 dans l’alignement des Blue Jays. Les 50 premiers matchs laissaient pourtant inaugurés du positif (.295/.372/.505, 7HR, 27 RBI) mais la suite a été cata : .207/.306/.376 sur les 90 matchs suivants avec 10HR et 27RBI.

On a aussi bougé côté pitching. Notamment un trade monté avec les Mariners, envoyant à Seattle le lanceur DeSclafani et l’outfielder Haniger, en échange de Robbie Ray. Un nom plutôt sympa à avoir dans sa rotation (Cy Young 2021 avec les Blue Jays). Sauf que Ray ne devrait pas jouer cette saison car en convalescence d’une opération Tommy John. Donc pour cette année, la rotation parait encore bien limitée derrière l’Ace Logan Webb, d’autant que le numéro 2, Cobb, va manquer le début de saison pour une blessure à la hanche ; et que Stripling a été envoyé chez les A’s contre le prospect Jonah Cox (OF). Melvin va donc s’appuyer sur la jeunesse pour composer sa rotation.

On a hâte de voir à l’œuvre le top prospect Kyle Harrison. Le gaucher de 22 ans a fait ses débuts en MLB en août dernier : avec 2 supers premiers matchs (2 points mérités en 9.2IP avec 16K et 3BB) avant de peiner dans les cinq suivants (ERA 5.04, un ratio K/BB de 19/8). Avec Harrison, on attend aussi Keaton Winn (5 starts, 4 relèves en 2023) et Tristan Beck (3 starts, 30 relèves)… et en cours de saison pourquoi pas les débuts de Mason Black, Trevor McDonald ou Kai-Wei Teng.

Enfin, on est curieux de voir où va s’intégrer Jordan Hicks après sa signature pour 4 ans et 44M$. Logiquement dans le bullpen car c’est là qu’il a passé les dernières saisons. Dans ce cas peut-être entre les deux jumeaux Rogers, où en setup man de Doval? Mais c’est bien dans la rotation – pas fofolle on l’a dit – que le Texan pourrait bien se faire une place. C’est en tout cas ce qu’ont laissé entendre les dirigeants au moment de le signer. A 27 ans, Hicks est l’un des lanceurs les plus rapides du circuit (il détient deux des lancers les plus rapides enregistrés depuis 2008 (à 105mph). Il a signé l’an dernier sans doute la plus belle saison de sa carrière, partagée entre les Cardinals et les Blue Jays : ERA 3.29 en 65 sorties. Il a même 12 saves au compteur après avoir pris le relais du blessé Ryan Helsley à St. Louis. 81K en 65.2IP.

Sur le papier des signatures intrigantes mais on manque de certitudes et attention aux blessures des joueurs cadres qui pourraient se révéler difficiles à surmonter.

Le catcher de bientôt 25 ans a été la révélation de la saison 2023 à SF. Appelé en MLB en mai après avoir débuté quelques semaines auparavant en AA, le 13e choix de la Draft 2020 s’est très vite comme un des tout meilleurs catchers défensifs de la Ligue, à l’image d’un  autre rookie, Gabi Moreno chez les DBacks. Malgré son inexpérience à ce niveau, il a su parfaitement manier sa rotation avec un framing au top et il a rapidement découragé les coureurs adverses de tenter leur chance. 

Au bâton, de très bons débuts mais il a baissé de rythme après le All-star break (OPS. 514 sur la 2e moitié de saison). Si la puissance est là, il lui faut trouver de la régularité, ça devrait le faire à droite ou à gauche, puisque le catcher est switch hitter. 

Alors que l’on projetait Joey Bart comme le successeur de la légende Buster Posey, c’est Bailey qui pourrait bien s’installer pour de longues saisons derrière le marbre des Giants. 

On ne va pas vous présenter chaque année Logan Webb, même si c’est bien la figure de proue de son équipe.

On va s’intéresser au closer dominicain qui, on l’a vu, a obtenu le plus de saves en National League l’an dernier (39, égalité avec Bednar des Pirates et derrière les 44 de Clase des Guardians). Sa balle rapide dépasse les 100mph et provoque énormément de ground balls, donc des éliminations faciles pour sa défense. Il combine cette rapide avec une slider efficace et même une sinker. Un arsenal de trois lancers. Il a amélioré son contrôle entre 2022 et 2023 avec 8BB de moins pour exactement le même nombre de manches lancées (67.2). Et encore, il a concédé 6BB intentionnels. 

A bientôt 27 ans (en juillet), Doval entame sa troisième saison pleine dans le bullpen des Giants, club qui l’a signé quand il était ado. Épargné jusque-là par les blessures, on le voit encore élever ses stats cette année. Il sera bien sûr dépendant pour cela des résultats de son équipe. Car – je ne vous l’apprend pas – pour être crédité d’un save, il faut être devant au score! Ces Giants version 2024 paraissent sur le papier en mesure de signer plus de wins. Et Doval pourra alors ancrer sa place dans le top 5 des meilleurs closers du circuit.

La concurrence était déjà rude dans cette NL West avec les intouchables Dodgers et les ambitieux Padres (même s’ils ont coupé dans les dépenses folles ces derniers mois), et les DBacks se sont invités dans la danse. Comment les Giants peuvent-ils rivaliser? Heureusement, les Rockies sont destinés à la 5e place de la Division. Avec l’effet Melvin et si Lee réussit son adaptation, si Soler sort beaucoup de balles de l’Oracle Park, si Webb et Doval restent dans le top de la Ligue dans leur catégorie respective, si Harrison confirme les espoirs placés en lui et si Hicks se révèle en starter… on peut espérer quelques victoires en plus pour SF, au moins un bilan au dessus de l’équilibre et on se contentera de ça pour cette année.

Pronostic : 82-80 , 4e place en NL West.

Alors que le trophée de Rookie de l’année en National League est promis à Paul Skenes (à condition de ne pas commencer sa carrière MLB trop tard), Kyle Harrison déjoue les prévisions. Sa balle rapide est dévastatrice. Et histoire de se faire un nom dans la Ligue, le top prospect s’offre une manche parfaite le 3 avril face aux Dodgers : des strikeouts en première manche sur le trio Betts-Ohtani-Freeman.


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