De nouvelles World Series signifient un nouveau match des franchises. Et pour 2025, une affiche internationale puisque les Los Angeles Dodgers, champions sortants, seront opposés aux Blue Jays de Toronto. Le Canada en force pour essayer de faire trembler l’un des grands clubs de l’histoire de la MLB. Le match des franchises revisite l’ancienneté, le palmarès, les Hall of Famers, l’impact sportif, le poids économique et l’impact dans la culture populaire de chaque équipe. Les oiseaux canadiens ont-ils les moyens de faire tomber l’ogre de la Cité des Anges ? La réponse ci-dessous !
Ancienneté
Dodgers : Les Dodgers ne furent pas toujours l’équipe emblématique de Los Angeles (Angels who ?). Tous les fans de baseball le savent. Avant d’arriver dans la Cité des Anges, les Boys in Blue étaient les gars de Brooklyn et les représentants des petites gens de Flatbush, quartier de Brooklyn, et les pensionnaires d’Ebbets Field. Ils furent longtemps l’une des deux grandes équipes de New York avec les Giants, avant la prise de pouvoir des Yankees durant les années 20 puis leur déménagement sur la côte Ouest en 1958, quatre ans après les Giants.
Il faut dire que l’histoire des Dodgers remonte presque aux débuts de la MLB. La franchise est créée en 1884, sous le nom des Brooklyn Atlantics, au sein de la jeune American Association (1882) qui cessera ses activités en 1891. En 1890, les Dodgers rejoignent la première des Ligues Majeures, la National et ne la quitteront plus jamais. En revanche, ils quittent leur premier nom en 1885 et vont en changer souvent : Grays, Bridegrooms, Grooms, Bridegrooms (à nouveau), Superbas, Trolley Dodgers, Superbas (encore), Robins et enfin Dodgers dès 1932. En même temps, ça prend du temps de trouver soi-même un surnom cool !
Blue Jays : A côté des Dodgers, les Blue Jays font partie de petits jeunots. Toronto a vu sa franchise débarqué en 1977 lors d’une nouvelle expansion qui verra aussi débarquer les Mariners à Seattle. Il s’agissait alors de la deuxième équipe canadienne et hors États-Unis de la MLB, après les Expos de Montréal en 1969. Depuis que ces derniers ont déménagé à Washington à la fin de la saison 2004, Toronto est l’unique franchise canadienne et non états-unienne des Ligues Majeures.
Résultat : L’an dernier, je qualifiais déjà les Yankees de petits jeunots dans cette catégorie face aux Dodgers. Là, les Blue Jays sont au stade de « désir hypothétique d’enfants dans un avenir lointain ». Les Dodgers prennent le lead.
Palmarès
Dodgers : Malgré leur ancienneté, les Dodgers ne comptabilisent que 8 titres en World Series dont le premier n’arrive qu’en 1955 contre les Yankees. Il faut dire que les Bronx Bombers furent les bêtes noires des Dodgers en World Series, les Yankees étant les responsables de 6 de leurs 12 défaites dans les Séries Mondiales. Néanmoins, leur 8 titres les placent au 5ème rang des vainqueurs des World Series depuis leur victoire en 2024, derrière les Yankees (27), les Cardinals (11), les Athletics et les Red Sox (9), et, désormais, au même niveau que leurs rivaux des Giants (8). On pensera toujours, du côté du Dodger Stadium, au titre volé de 2017 évidemment…
En revanche, avec 26 titres en National League, dont celui de cette saison, les Dodgers ont tout de même une étagère à trophée garnie depuis le premier fanion en American Association en 1889.
World Series (8) : 1955, 1959, 1963, 1965, 1981, 1988, 2020, 2024
American Association (1) : 1889
National League (26) : 1890, 1899, 1900, 1916, 1920, 1941, 1947, 1949, 1952, 1953, 1955, 1956, 1959, 1963, 1965, 1966, 1974, 1977, 1978, 1981, 1988, 2017, 2018, 2020, 2024, 2025
Blue Jays : Toronto n’a pas du attendre de longues décennies pour remporter ses premiers titres. S’ils n’ont pas battu le record de précocité des Marlins, des Dbacks ou encore des Mets chez les franchises d’expansion, ils sont en revanche la première franchise d’expansion à réaliser le back-to-back en 1992 et 1993, et toujours la seule à l’avoir réussi. Evidemment, c’est aussi la première franchise canadienne et hors états-unienne à avoir gagné les World Series.
World Series (2) : 1992, 1993
American League (3) : 1992, 1993, 2025

Résultat : Malgré l’écart important dans la naissance des deux franchises, l’écart de palmarès en World Series reste relatif mais les Dodgers dominent grandement cette section tout de même. Et que dire si on ajoute les titres de ligue… Dodgers win !
Hall of Famers
Dodgers : De très nombreux joueurs et managers de légende, introduits au Hall of Fame, sont passés par les Dodgers (56) comme Tony Lazzeri, Casey Stengel, Al Lopez, Greg Maddux, Pedro Martinez ou Rickey Henderson. Sur l’ensemble de ces joueurs d’exception, 14 joueurs et 2 managers ont été introduits comme membres des Dodgers. Le plus connu de ces joueurs est assurément Jackie Robinson, dont le numéro 42 est le seul retiré dans tous les équipes. Le dernier en date, Gil Hodges en 2022.
On y trouve aussi Sandy Koufax, aka Le Bras Gauche de Dieu, l’un des meilleurs lanceurs de l’histoire de la MLB. Suivent Pee Wee Reese (que tout le monde a vu dans le film 42, short-stop légendaire), Roy Campanella (l’un des premiers Negro Leaguers à rejoindre Robinson en MLB), Burleigh Grimes, Willie Keeler, Wilbert Robinson, Don Sutton, Duke Snider, Dazzy Vance, Zack Wheat, Walter Alston et Don Drysdale. Les deux managers sont les mythiques Léo Durocher et Tommy Lasorda. A côté deux, quatre commentateurs sont à Cooperstown avec le trophée Ford C. Frick, Red Barber, Ernie Harwell, Jaime Jarrin et Vin Scully, qui nous a quitté en 2022.
Blue Jays : Une bonne douzaine de Hall of Famers sont passés par Toronto comme Paul Molitor, Rixkey Henderson, Frank Thomas ou encore Dave Winfield mais un seul a été élu à Cooperstown avec la casquette des Jays, Roberto Alomar, grand artisan du double titre de Toronto, ayant été élu MVP des ALCS 1992. Avec lui, le commentateur des Jays, Tom Cheek est également à Cooperstown.
Résultat : Franchise récente qui doit bâtir sa légende encore face à franchise de légendes. Vous le voyez le massacre venir ?
Impact Sportif
Dodgers : Au contraire des Yankees, et même des Athletics, des Reds ou des Orioles, les Dodgers n’ont jamais possédé une équipe considérée comme l’une des meilleures de l’histoire de la MLB mais certaines de leurs saisons sont rentrées dans l’histoire comme celle de 1942 où ils ont passé les 100 victoires avec 104 parties gagnées mais ce sont les Cardinals avec 106 victoire qui remporteront le fanion de la NL cette année-là. Ils ont d’ailleurs obtenu le même nombre de victoires cette année mais dans une saison de 162 matchs contre 154 en 1942. Cependant, leur titre de 2024 rebat les cartes. Dominants en saison régulière depuis le milieu des années 2010, les Dodgers n’avaient pas validé cette domination, hormis un titre sur la saison Covid que beaucoup moquent. Il y a bien sûr aussi 2017 et la triche des Astros qui leur a peut-être volé un titre mais, dans les faits, avant 2024, la domination était stérile en termes de titres suprêmes. 2024 apporte un nouveau regard sur cette décennie de domination et, le premier back-to-back du 21ème siècle, en cas de victoire cette saison, donnerait aux Dodgers leur première dynastie probablement.
Pour le moment, les vraies saisons historiques des Dodgers resteront à jamais 1947 et 1955 (première victoire en World Series avec un vol de marbre de Jackie Robinson dans le match 1). La première saison citée est bien entendu celle de l’arrivée de Jackie Robinson en MLB après une saison en Ligues Mineures. Les courages de Branch Rickey, alors General Manager des Dodgers qui décida de son recrutement, et de Jackie Robinson, qui vécut un chemin de croix pour se faire accepter, permettront à la MLB de rentrer pleinement dans le 20ème siècle en brisant la Color Barrier ségrégationniste. C’est un événement historique qui a marqué l’ensemble du sport US et, au-delà, la société américaine, célébré depuis chaque 15 avril avec le Jackie Robinson Day.
La fin de la barrière raciste a également libéré un potentiel sportif, celui des Negro Leagues où se jouait un baseball aussi bon qu’en MLB et possédant parmi les meilleurs joueurs de tous les temps, au premier rang desquels se trouvaient Satchel Paige et Josh Gibson. D’ailleurs, même si certaines équipes tarderont à s’y mettre, de nombreuses stars et prospects des Negro Leagues vont rapidement débarquer en MLB avec succès : Don Newcombe, Roy Campanella, Larry Doby pour ne citer qu’eux.

Bien sûr, en plus des joueurs afro-américains, la voie sera ouverte pour les joueurs hispaniques puis asiatiques. Willie Mays, Ernie Banks, Felipe Alou, Roberto Clemente, Hideo Nomo, Ichiro Suzuki… merci qui ? Merci les Dodgers ! D’ailleurs, les Dodgers seront la première équipe à engager un coréen (Chan Ho Park, 1994) et un taïwanais (Chen Chin-Feng, 2002) ainsi que le deuxième japonais (Hideo Nomo, 1995).
De la fin des années 40 aux débuts des années 80, les Dodgers furent l’une des meilleures équipes de la MLB, régulièrement en World Series bien que peu victorieux. Que ce soit dans les Séries Mondiales ou dans les Séries de la Nationale, les Dodgers vont se frotter aux meilleures équipes de l’histoire, les Yankees de DiMaggio ou des M&M Boys, bien entendu, mais aussi les incroyables Athletics et Reds des années 1970 qui vont donner quelques unes des meilleures équipes de la MLB. Des obstacles qui les empêcheront de glaner bien des trophées avant de baisser de niveau durant les années 80 et la décennie suivante.
Blue Jays : Les Blue Jays n’ont jamais révolutionné le baseball mais, durant leur période faste du début des nineties, ils ont été la première équipe hors-Etats-Unis à gagner les World Series, la première franchise d’expansion à réaliser un back-to-back et la première, lors de la saison 1991, à attirer plus de 4 millions de fans dans un stade de MLB. Plutôt pas mal pour une franchise qui débarque en 1977.
Résultat : Les Blue Jays se sont battus avec leurs armes. Respect à eux. Mais 42 quoi ! KO, FATALITY !
Poids économique
Dodgers : Les Dodgers sont un monstre économique. Le magazine Forbes a évalué la valeur de la franchise à 6,8 milliards de dollars en 2025 (contre 3 en 2020) soit la franchise la plus chère et la plus puissante économiquement après les Yankees de New York (et 15ème mondiale, tous sports confondus en 2023). Normal puisque, si New York est logiquement le premier marché MLB, Los Angeles, deuxième ville du pays, est tout logiquement le deuxième marché. Et ce, malgré la « concurrence » des Angels. Comme les Pinstripes, les Boys in Blue font marcher à fond le merchandising, le logo du club étant devenu le logo de la ville comme dans la Big Apple. Il suffit de voir en France : casquettes, sweat, tee-shirt avec les logos des Yankees et des Dodgers sont légion, bien plus que les autres franchises de la MLB. En 2024, les revenus du club étaient de 752 millions de dollars, le 1er rang de la MLB. Seuls les Yankees ont rivalisé avec 728 millions. Au 3ème rang ? Les Cubs avec 584 millions. C’est dire que les Dodgers sont à part avec tout le reste de la MLB hormis la franchise du Bronx.
De plus, le Dodger Stadium, alias Ravez Chavine, fait le plein avec plus de 4 millions de spectateurs cumulés et une moyenne de 49,536 spectateurs en match cette saison, ce qui en fait le leader MLB devant les Padres et les Yankees cette saison. Et les seuls à plus atteindre la barre des 4 millions. En fait, il domine ce classement des affluences MLB depuis 2013 sans discontinuer Et les droits TV des Dodgers, qui ont atteint les 8,35 milliards, assurent un bel avenir pour l’ex-équipe de Brooklyn.
Blue Jays : Avec le 5ème payroll de la MLB en 2025 et vu le contrat à 500 millions donnés à Vladdy, les Blue Jays ne sont pas à considérer comme un petit marché de la MLB mais leur valorisation montre qu’ils sont dans le ventre mou avec 2,15 milliards de dollars selon Forbes en 2025, ce qui les place au 14ème rang pour les Ligues Majeures. Leurs revenus 2024 (387 millions) se situent eux à la 13ème place et leur affluence au 9ème rang pour 2025 avec 2,8 millions de spectateurs en cumulé au Rogers Stadium. Des chiffres honnêtes mais loin du haut du classement dans ces différentes catégories économiques, malgré qu’au-delà de Toronto, les Blue Jays représentent tout le Canada, y compris Québec où de nombreux fans des Expos ont reporté leur intérêt sur eux.

Résultat : Les Dodgers pèsent trois fois les Blue Jays en termes de valorisation marchande. La première franchise de Los Angeles n’a que peu de rivaux sur le plan économique en MLB. Toronto ne fait pas le poids.
Impact dans la culture populaire
Dodgers : J’en ai parlé précédemment mais l’image de marque des Dodgers est et restera Jackie Robinson. Un des actes fondateurs de la réconciliation nationale pour lutter contre la ségrégation. L’histoire de Jackie Robinson, de Branch Rickey et des Brooklyn Dodgers a été plusieurs fois portée à l’écran, notamment par Jackie Robinson lui-même en 1950 et récemment avec le film 42. Il a fait l’objet également de nombreuses publications et, même en France, son histoire est régulièrement reprise.
Sandy Koufax fut également important et marquant dans l’histoire du club, de la MLB et des États-Unis, à la fois car c’était un lanceur extraordinaire, permettant ainsi aux Los Angeles Dodgers d’avoir un joueur les sortant de l’ombre de Jackie Robinson et des Brooklyn Dodgers. Ayant lancé un perfect game, refusant de jouer un match de World Series durant Yom Kippour et considéré comme l’un des meilleurs joueurs de l’histoire, il reste un monument de la culture populaire sportive aux États-Unis.
Mais les Dodgers, comme les Giants, représentent bien plus dans une Amérique nostalgique d’un passé glorieux et sans tâche( bien que fantasmé). Le déménagement des Giants et des Dodgers sur la côte Ouest fut vécu comme une trahison à New York. Le départ des Dodgers donna même le goût à la politique et au militantisme au démocrate Bernie Sanders. Leur stade, Ebbets Field, fut détruit comme le Polo Grounds des Giants. Cette destruction leur conférera une dimension à la fois poétique et mythique d’une Amérique nostalgique, une dimension bien explorée dans le livre culte de WP Kinsella, Shoeless Joe.
D’ailleurs, malgré leur déménagement, la rivalité Dodgers-Giants reste l’une des plus âpres du baseball et du sport américain, bien plus qu’avec les Angels, derby de moindre valeur. La rivalité avec les Yankees reste également vivace mais plus par nostalgie, renvoyant à un passé glorieux de la franchise et à une époque rêvée du baseball.
On peut mentionner que les Dodgers seront l’équipe perdante d’un match considéré comme l’un des plus importants du baseball, le Miracle de Coogan’s Bluff de 1951 où fut frappé The Shot Heard ‘Round The World. Un autre homerun, celui si victorieux, garnit également la légende des Dodgers dans la culture populaire américaine, le walk-off homerun d’un Kirk Gibson blessé, pinch hitter malgré tout, lors du match 1 des World Series 1988.
Enfin, on ne peut parler culture populaire des Dodgers sans évoquer Vin Scully, légendaire commentateur de la franchise qui a pris sa retraite en 2016 après 66 ans de bons et loyaux services à suivre l’équipe, de Brooklyn à Los Angeles. Une retraite qui donna même des articles en France tant il fut une institution à lui seul, à l’instar de Harry Caray aux Cubs. Il nous a quitté en 2022.
Blue Jays : L’équipe de Toronto n’a jamais spécialement marqué la culture populaire américaine ou canadienne même si on peut retrouver des petites références ici ou là dans des films, séries ou chansons. Mais rien qui ne soit au niveau d’autres franchises comme les Dodgers, les Cubs, les Yankees ou les Red Sox par exemple. L’équipe apparaît notamment dans le film Disney Angels in the Outfield où des anges aident l’équipe des… Los Angeles Angels. On peut aussi mentionner le film Big Daddy (1999) avec Adam Sandler où il existe plusieurs références aux Blue Jays et à leur back-to-back, le colocataire du personnage principal étant un fan de l’équipe.
Résultat : En termes de culture populaire, il aurait mieux valu que le Canada soit représenté par les Expos de Montréal non ?
Verdict
Un match des franchises en mode David contre Goliath, avec David qui aurait emprunté le costume de Ant-Man et qui aurait disparu dans la dimension subatomique. On est sur deux univers distincts dont l’un, celui des Dodgers, absorbent l’autre sens y prêter attention. Les Blue Jays auraient peut-être pu rivaliser avec des franchises anciennes qui ont peu gagné mais là, les Dodgers, c’est un tel monument du baseball que la marche était trop haute. Une marche en mode Everest. A Vladdy et ses coéquipiers d’ajouter un pas de plus pour gravir cette marche un jour en commençant par ses World Series 2025. Mais sur ce match, les immenses vainqueurs sont les Dodgers évidemment.

