Ce jeudi 14 août aura lieu, en République Tchèque, la troisième édition du championnat d’Europe féminin de baseball. C’est la première que la compétition se tiendra hors de la France, celle-ci ayant accueilli les deux premières éditions en 2019 (Rouen) et 2022 (Montpellier). Deux éditions, deux titres. En effet, les Bleues sont les doubles championnes en titre et vont tenter la passe de trois avec une équipe largement remaniée par rapport aux deux précédentes éditions. Pour se projeter sur la compétition et les chances de l’équipe de France, The Strike Out est allé à la rencontre de Géraldine Gauzelin-Ors, la manager des Bleues depuis novembre dernier, membre du coaching staff sur l’édition 2022 et championne d’Europe sur celle de 2019.

Comment, avec l’équipe et le staff, abordez-vous la compétition ? Est-ce qu’il y a une pression particulière au fait d’être les doubles tenantes du titre ?
Avec le staff, nous abordons la compétition avec l’objectif de se donner à fond pour essayer de conquérir un troisième titre de championnes d’Europe. Effectivement, ça n’est pas simple d’être doubles tenantes du titre mais, entre temps, il y a eu les Mondiaux où, malgré une excellente compétition, nous n’avons gagné aucun match. Et, d’autre part, le fait d’avoir du travailler à la construction d’un budget à partir de 0€ n’a pas été simple non plus car nous n’avons pas pu envisager de tournoi de préparation ou autres événements. Le temps a filé vite et j’ai voulu donner une chance à un maximum de filles qu’on n’avait jamais vu, ce qui a pris un peu de temps. Mais nous allons faire du mieux que nous pouvons dans tous les cas.
« Aujourd’hui, tout le monde a besoin de visibilité pour pouvoir se développer«
Que peux-tu nous dire des trois adversaires des Bleues à cet Euro ? Derrière les pionnières néerlandaises, les Tchèques et les Britanniques, qui communiquent beaucoup, semblent avoir passé la vitesse supérieure en termes de développement depuis le dernier Euro en 2022 ? Le staff a-t-il déjà une idée des forces et faiblesses de chaque équipe ?
Nous avons bien conscience que les autres équipes ont vraiment démarré un développement qu’il soit en termes de préparation physique, technique ou en termes de communication. Aujourd’hui, tout le monde a besoin de visibilité pour pouvoir se développer et nous savons tous à quel point il est dur de jouer des coudes avec les disciplines masculines. La Grande-Bretagne a notamment développé une communication spécifique sur leur équipe féminine, ce qui leur permettra sûrement dans l’avenir de trouver plus de partenaires. On sent que certains veulent vraiment créer une dynamique durable. Avec le staff, nous avons étudié si les groupes adverses avaient évolué en terme d’effectif ou s’ils avaient travaillé à partir de bases existantes. Les forces de nos adversaires résident dans le fait qu’elles aient pris plus de jeu en féminin et qu’elles aient eu sûrement plus de temps pour travailler en groupe, là où nous n’avons pu démarrer qu’après ma nomination en novembre. Toutefois, même si nous ne prenons personne de haut, bien au contraire, nous avons également des atouts et des cartes à jouer.
Comment s’est construit le groupe actuel des Bleues qui a quelques visages connues comme Camille Foucher ou Cassandra Vigneau mais aussi beaucoup de nouvelles têtes.
En effet, le groupe a beaucoup changé pour cette dernière édition. Nous avions des sélections ouvertes à toutes à partir de la première année 15U car j’avais une réelle volonté de développer une vraie partie baseball au féminin. On a découvert de très jeunes joueuses qui avaient déjà un excellent niveau de technicité et avec qui on a envie de travailler à plus long terme pour faire une équipe nationale qui ne multiplie pas les collectifs, ce qui permet de préserver physiquement les joueuses. Du coup, ces jeunes joueuses ont une forte capacité à progresser et feront évoluer le niveau de notre équipe dans les prochaines années.
Pas de Mélissa Mayeux, de Raina Hunter (retraitée des terrains) ou de joueuses habituées à l’équipe de France Softball, contrairement aux deux autres éditions. Est-ce un choix pour le développement de la pratique féminine du baseball ou un simple problème de disponibilité ? L’absence de leur puissance au bâton et de leurs expériences de très haut niveau ne vont-elles pas manquer ?
C’est un choix qui, je pense, est partagé par tous. Il est important pour la préservation physique et mentale des filles de ne pas cumuler des championnats sur des championnats. Je respecte toutes ces joueuses des deux premières éditions et toutes les softballeuses, et certes leur expérience nous n’en profiterons pas cette fois, mais c’est aussi au collectif France de créer sa propre vraie expérience en baseball si nous voulons perdurer dans la discipline qui se développe au niveau mondial en féminin. Le bâton est une affaire différente car même certaines softballeuses aguerries ont souffert sur certaines lanceuses avec des trajectoires inhabituelles. Et j’ai vu des joueuses de 14 ans mettre des hits sur mes lanceurs de D3 ! Pour moi, aujourd’hui, il y a assez de filles pour plusieurs collectifs. Il suffit de continuer à développer sans se marcher dessus comme nous essayons de le faire aujourd’hui.

Quelles sont les forces et faiblesses de cette équipe de France 2025 ?
Pour nos faiblesses, c’est facile. Le groupe a beaucoup rajeunit et avec l’inexpérience vient souvent le manque de confiance. Les filles sont leur pire ennemie car, sur une erreur, elles peuvent exploser en vol et sombrer. Mais ce qui peut paraître une faiblesse pour certains, moi j’y vois de la fougue, de l’envie et aucune retenue dans tout ça. Elles ont les dents longues, elles sont impatientes. On a travaillé au team building, même si ma façon de faire est clairement différente, et que l’humain français a du mal à changer les choses. On a mis en place une préparation physique et une préparation mentale. Et j’ai un staff très investi, qui accompagne au mieux ces filles.
« J’aimerais qu’on arrive à développer une sorte de championnat féminin avec quelques dates«
Contrairement à 2022, l’Euro se déroule avant l’Open de France Féminin de Baseball. Est-ce que cela risque d’avoir un impact sur la performance des joueuses ?
L’Open de France est toujours une excellente expérience de jeu en 100% féminin, même si, perso, je préférerai qu’on fasse plusieurs plateaux plutôt qu’un one-shot. J’aimerais qu’on arrive à développer une sorte de championnat féminin avec quelques dates. Ça aiderait vraiment à développer le niveau. Bien que, finalement, ce qui aide vraiment nos filles, c’est qu’on leur donne du temps de jeu dans les championnats “mixtes”, à claire majorité masculine, ce qui les oblige à travailler plus dur, enfin quand on leur en laisse l’opportunité. Mais, à terme, pouvoir jouer en mixte et avoir un championnat féminin sur 4 dates, même si c’est en décalé, ça serait vraiment le bon compromis.
Quel regard portes-tu sur le baseball au féminin en France ? Vois-tu des progrès ou encore de nouvelles actions à mener pour passer un cap ?
J’ai déjà un peu répondu dans les deux précédentes. Il n’y a pas de secret : plus tu joues, meilleure tu deviens. Plus tu te confrontes à un niveau élevé, meilleure tu deviens. Pour moi, il y a quand même un cap à passer sur le fait que les filles peuvent performer en baseball et qu’on ne doit pas leur donner moins de manches que les masculins. J’aimerai participer activement à ce développement même si ça n’est vraiment pas simple. Je mets une pierre à l’édifice pour l’instant en faisant jouant des filles autant que je le peux au meilleur niveau où mon équipe évolue sans discrimination aucune (Géraldine Gauzelin-Ors est également coach en senior et jeunes dans son club des Bats de Saint Romain de Jalionas, NDLR).
Pour finir, tu as été dans le coaching staff lors de la dernière coupe du monde et tu as pu voir de près certaines des meilleures équipes nationales féminines en baseball. Quels souvenirs et quels enseignements gardes tu de cette expérience ? La France est-elle encore loin du top mondial ?
J’ai profité d’une expérience extraordinaire. J’ai vu des trucs réglés au cordeau mais qui traumatisent des joueuses tellement on leur met la pression. J’ai vu des joueuses profiter de ça pour fuir leur pays. J’ai vu aussi des françaises se battre et marquer dans chaque match. Je crois qu’il n’existe pas d’exemple parfait mais, qu’en fonction de notre culture, on peut trouver un nouveau modèle de conception qui serait un bon compromis entre la discipline extraordinaire nippone ou taïwanaise, la puissance et l’expérience américaine ou canadienne et qui sait peut être une touche d’humanité à la française. En tout cas, je l’espère.
Merci Géraldine d’avoir répondu à nos questions et bonne compétition aux Bleues !
Pour en savoir plus sur le parcours de Géraldine Gauzelin-Ors, ce portrait Femmes de Sport qui lui est consacré sur le site de la Fédération Française de Baseball Softball.
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