
Encore une marche avant les World Series! Pour cette finale de l’American League, on retrouvera les deux meilleurs bilans de la saison : les Yankees et leur puissance de feu face aux Guardians et leur pitching de fer. Décryptage de cet intriguant duel.
NEW YORK YANKEES
La saison / la dynamique
Après avoir manqué la qualif en postseason en 2023, les Yankees ne sont qu’à 4 victoires d’un retour en World Series. Ce serait la 41e de l’histoire de la franchise, surtout la première depuis 2009 (et le 27e titre). Retrouver le Evil Empire à ce niveau de compétition n’est pas une surprise au vu des moyens dont disposent la franchise (même chose côté National League avec les Dodgers), mais les supporters – dont je fais partie – ont quand même eu des doutes, au regard d’une saison en montagnes russes. Une balade de santé pendant près de 3 mois avec un bilan de 50 victoires et 22 défaites au 14 juin… sans même que leur Ace, Cy Young en titre, Gerrit Cole, n’ait mis un orteil sur le terrain. Rien ne semblait pouvoir arrêter la machine… sauf que la machine s’est enrayée : 9 victoires et 18 défaites entre le 15 juin et le 14 juillet ! 58-40 avant le All-Star Break ; 36-28 après… les Yankees ont clairement connu une deuxième partie de saison plus compliquée, synonyme de chassé-croisé avec les Orioles pour la place de leader de l’American League East.
Côté pitching : Cole a eu du mal à retrouver son meilleur niveau, Stroman et Cortes n’ont pas eu l’apport attendu (10-9, ERA 4.31 et 9-10, ERA 3.77).Rodon a été irrégulier avec une ERA proche de 4.00. La seule satisfaction au monticule c’est la saison rookie de Luis Gil (15-7, ERA 3.50).
Côté attaque : Judge a encore fait des miracles, on l’a même cru capable d’aller titiller son record de HR. Il termine tout proche de la triple couronne offensive avec 58HRs et 144RBIs (#1 AL et MLB) et une AVG de .322 (#2 AL). Soto n’a pas tremblé pour ses débuts en pinstripes : .288/.419/.569 et un OPS+ de 178, avec lui-aussi plus de 100RBIs (109). Derrière notre dynamic duo c’était plus compliqué avec aucun batteur a plus de .257 de moyenne, Rizzo a encore été blessé, Stanton a encore sous-performé (voir plus loin), Verdugo n’a pas tenu le rythme après un bon début de saison… On soulignera quand même le brin de folie apporté par Jazz Chisholm Jr. après son trade en provenance des Marlins.
Rien de fou fou au global.. et pourtant 94 victoires. On en attend sans doute trop chaque année de la surpuissante Bronx squad.
Au premier tour de la postseason, alors qu’on imaginait un duel 100% AL East face aux Orioles, ce sont finalement les Royals qui se sont présentés au Yankee Stadium. Le Match 1 a réservé son lot de rebondissements/changements de leader/ controverses (point gagnant marqué par Jazz qui semblait out sur l’action précédente, pourtant revue à la vidéo) pour une victoire 6-5 des Yankees. Les trois autres matchs verront deux attaques bien muselées par les deux pitching staffs. Des petits scores tout serrés avec un bullpen des Yankees impressionant (voir plus loin), 3 HRs seulement en cumulé pour les deux équipes. Les Yankees n’ont pas vraiment eu à forcer leur talent. Il faudra sans doute montrer plus dans ces Championship Series.
Forces/faiblesses
Les plus grandes forces des Yankees sont aussi leurs plus grandes faiblesses.
Une puissance de feu phénoménale mais qui peut s’enrayer à tout moment. Et à de trop nombreuses reprises ces dernières années, les joueurs et les coachs n’ont jamais trouvé la solution pour y remédier. Le « small ball » on ne connait pas trop dans le Bronx et ça a souvent été synonyme de sorties prématurées en postseason.
Deuxième bonus/malus : le nom, l’histoire, le prestige… de la franchise. Bien sûr que le Yankee Stadium plein à craquer fait peur aux adversaires… mais il peut aussi être très inhibant pour les propres joueurs new-yorkais. Le 28e titre est attendu depuis 2009 maintenant, c’était encore l’époque du Core Four (Jeter, Rivera, Pettite, Posada), c’est dire que ça date. Le duo Judge/Cole et ses centaines de millions associés se DOIT absolument de gagner un trophée. Cette année ?
Le joueur en forme : Giancarlo Stanton
Et oui vous avez bien lu « joueur en forme » et « Giancarlo Stanton » dans la même phrase! Moi qui suis la première à me demander quand va enfin se terminer cet horrible contrat, je dois bien reconnaître que le big slugger a fait plus que le taf lors des Division Series : 6 hits dont 3 extra-base hits (et le HR décisif du Game 3) pour 4 RBIs, avec seulement 2 strikeouts et surtout 1 base volée !!! Stanton a parfaitement compensé la mauvaise série de Captain Judge (seulement 2 hits en 4 matchs). Si ces deux-là ont la bonne idée de se mettre sur le même rythme…
Cette renaissance de Stanton en DS on ne l’avait pas vraiment vue venir, vu sa très mauvaise 2e moitié de saison : 9HRs seulement et une OPS de .738. Même s’il faut reconnaître que le gaillard est souvent chaud en octobre avec un bilan de 277/.344/.643 (12HRs) en 31 matchs. Cela n’a jamais permis d’amener les Yankees en World Series… pour le moment.
Le facteur X : Clay Holmes
Closer attitré des Yankees en saison régulière, il a laissé ce rôle pendant les Division Series à un Luke Weaver impérial. Il faut dire que Holmes a soufflé le chaud et le froid sur son monticule : une 2e sélection au All-Star Game, une ERA de 3.14 avec 68Ks en 67 matchs… mais aussi 13 blown-saves, pire marque MLB, pire marque pour un lanceur des Yankees depuis que la stat est devenue officielle en 1969.
Alors oui, il a perdu la confiance du pitching staff pour la/les deux dernière(s) manche(s) mais pas pour les situations chaudes. Il a ainsi proposé 4 manches sans point dans ces DS avec notamment 5 retraits sur les 6 batteurs affrontés ay Match 1. Sur ses 10 sorties en carrière en postseason, Holmes affiche une WHIP ridicule de 0.69, preuve que le garçon a des nerfs quand même.
S’il reproduit ce genre de perf et que le bullpen des Yankees est aussi efficace contre les Guardians que contre les Royals (15.2IP sans point, un batting adverse de .148 avec 15Ks, WHIP de 0.77) et que bien sûr l’attaque soit au rendez-vous, la route vers les World Series sera toute tracée.
CLEVELAND GUARDIANS
La saison/la dynamique
Comme chaque saison ou presque, on ne prêtait guère attention aux Guardians en mars dernier. Certes intrigués par l’arrivée d’un nouveau coach, jeune retraité Stephen Vogt, pour remplacer la légende Terry Francona… mais dans cette Division Centrale que l’on qualifie toujours de faiblarde et peu intéressante, on s’intéressait surtout aux potentiels progrès de deux jeunes équipes : les Royals et les Tigers. Et comme d’habitude ou presque ces dernières saisons, les Guardians nous ont bien fait comprendre qu’il fallait les prendre au sérieux.
Et notamment le fameux « most underrated player of the League », l’ami José Ramirez. Tout près de signer une saison en 40-40-40, pour finalement finir à 39HRs-39 doubles-41SBs. Encore 118RBIs pour une slashline finale de .279/.335/.537/.872 ; OPS+ de 143. Il a été évidemment le plus gros slugger de cette équipe, quand le plus régulier a été Steven Kwan (voir plus loin). Une attaque qui a été un peu plus efficace que ces dernières années (effet Vogt?) avec une 9e place en AL en moyenne, 6e en HRs, 7e en RBIs, 7e en points marqués, 8e en OBP, 3e en bases volées. Beaucoup de joueurs utilisés cette année entre rookies, blessures, trades… un effectif très deep dans lequel Vogt n’hésite pas à piocher même pendant les matchs pour répondre immédiatement aux changements de pitching adverse (on l’a vu aussi en ALDS face aux Tigers avec des pinch hitters dès la 2e manche).
Côté pitching, le bonheur des fans de Cleveland aura duré une semaine : le temps pour Shane Bieber de signer 2 victoires et 20Ks… avant qu’il ne descende du monticule pour toute la saison, blessé! Et ça ne c’est pas arrêté là avec les blessures (ou méforme) ensuite de Carlos Carrasco (21 starts), Logan Allen (20 starts), Gavin Williams (16 starts), McKenzie Gore (16 starts)… Tyler Beede, propulsé starter numéro 1 en ALDS, n’avait débuté aucun match en régulière! 8 starts seulement pour Matthew Boyd et 3 pour Alex Cobb qui ont complété la très courte rotation dans ce premier tour de playoffs. Les starters des Guardians ont sans surprise signé seulement la 12e ERA collective en American League (4.40) avec le 13e total de manches lancées 805 quand le #1 les Mariners en ont aligné 942.2). Par contre, si on prend en compte la ERA des bullpens de cette AL, les Guardians remontent directement en 2e position! C’est dans ce registre que l’équipe s’est distinguée : une ERA finale de 2.57, la 4e plus basse depuis 1995 toutes franchises confondues. Une WHIP collective ridicule de 1.05 et une moyenne adverse de .203. 12 défaites concédées seulement pour les releveurs de Cleveland cette saison pour 42 victoires. Figure incontournable dans ce bullpen : le closer Emmanuel Clase, très clair candidat au titre de Cy Young avec 47 saves ; ERA 0.61 ; WHIP 0.659 ; 66Ks en 74.1HIP.
Grâce à ces incroyables perfs de la relève et d’une attaque un peu plus compacte, les Guardians ont maitrisé leur sujet du début à la fin de régulière. Les trois premiers mois ont été incroyables avec un bilan de 51-26 au 26 juin! Ils regardaient dans les yeux des Phillies, Yankees ou Dodgers à ce moment-là. Il y a eu des petits creux par la suite (7 défaites de suite en août par exemple) mais au final un bilan très satisfaisant de 92-69.
Au premier tour des ALDS, les Guardians ont retrouvé leurs rivaux de Division, les Tigers vainqueurs à la surprise générale ses Astros en Wild Card Series. Et ils se sont fait peur en se retrouvant dos au mur, menés 2-1 après les défaites aux Matchs 2 et 3. La série a basculé en leur faveur dans la 7e manche du Match 4 et ils ont fini par l’emporter à la maison au Match 5.
Forces/faiblesses
Si on a dit que le bullpen des Yankees était chaud, on peut dire de même de celui des Guardians, dans la lignée de sa saison régulière (voir plus haut). Même s’il affiche des chiffres un peu plus élevés sur les ALDS en moyenne adverse (.191) et en WHIP (1.17), il a brillé côté strikeouts (37). 12 Ks pour le seul Cade Smith qui aura disputé les cinq matchs de cette série. Il devrait être encore l’option numéro 1 sur ces ALCS dès que le starter quitte le monticule. Suivi par Tim Herrin, Hunter Gaddis et bien sûr le top closer Emmanuel Clase. Manager Vogt n’hésitera sans doute pas à lancer ses rookies Andrew Walters et Erik Sabrowski si le besoin s’en fait sentir (en cas d’extra-inning par exemple).
Il est aussi capital de dire que ce bullpen a été très sollicité sur ces ALDS avec 25.2 manches lancées (10 de plus que celui des Yankees). Et cette force peut donc se révéler une faiblesse, car là on part sur une série qui pourrait aller jusqu’en 7 et non en 5. Les releveurs risquent d’être très sollicités si Vogt continue à les lancer tôt dans les matchs. La rotation des Guardians est partie en lambeau cette saison en raison des blessures et à ce niveau-là ça pourrait vraiment coûter cher.
Le joueur en forme : Steven Kwan
3 hits au Game 3… 3 hits au Game 4… 3 hits au Game 5… 11 hits au total pour Steven Kwan lors de la série face aux Tigers. Une incroyable démonstration de régularité pour le leadoff de ces Guardians à qui il a manqué un seul hit pour égaler le record all-time des ALDS (12 hits par Ichiro Suzuki en 2001 et Edgar Martinez en 1995).
On peut vraiment qualifier Kwan de baromètre tant les résultats de son équipe semble calqués sur sa production. Sur les 127 matchs qu’il a disputé, les Guardians en ont gagné 70 et perdu 57. Voici ses stats :
- Lors des victoires : .357/.437/.555 (OPS .991 OPS) ; 13HRs ; 15 doubles ; 36 RBIs ; 39 walks ; 72 runs.
- Lors des défaites : .229/.294/.271 (OPS.565) ; 1HR ; 8 RBIs, ; 16 walks ; 17 runs.
Si Kwan ne lance pas la machine alors les Guardians ne démarrent jamais. Grosse pression donc sur ses frêles épaules. Le baseball a ça de magique que nos deux joueurs en forme n’affiche pas vraiment le profil physique : 77kg et 1,75m pour Kwan contre 111kg et 1,98m pour Stanton!
Le joueur facteur X : Lane Thomas
Il y a toujours un héros improbable dans une postseason et Lane Thomas a endossé ce rôle-là lors des Division Series avec deux HR importantissimes. L’outfielder, arrivé des Nationals à la Tradeline en toute discrétion, a signé le premier lors du Game 1 : un HR à 3 points pour son premier at-bat en carrière en playoff. Avant de faire chavirer Progressive Field dans le Game 5 avec ce Grand Slam face au sans doute futur Cy-Young 2024 Tarik Skubal. Un coup de batte qui a permis aux Guardians de mener 5-1 alors que ce sont les Tigers qui avaient ouvert le score en premier dans ce match décisif (juste avant le Slam de Thomas, Skubal avait concédé un HBP avec bases pleines sur Ramirez pour porter le score à 1-1). Si J-Ram est muselé par le pitching new-yorkais, comme il l’a été par le pitching staff des Tigers (une moyenne de .188 seulement), alors il faudra que Thomas brille encore pour porter l’attaque de Cleveland.
LE DUEL
Cleveland et New York se sont affrontés à six reprises cette saison. Avantage NY avec 4 victoires et un gros différentiel de points : 37-22. On retiendra quand même que sur leurs deux victoires, les Guardians ont réussi à en prendre une au Yankee Stadium. C’était tôt dans la saison, le 14 avril, 8-7 en extra-inning.
A savoir aussi que ce duel entre Yankees et Guardians (ex-Indians) est l’un des plus récurrents dans l’histoire de la postseason. Deuxième en terme de matchs joués derrière les mythiques duels entre les Yankees et les Dodgers. L’affrontement le plus récent remonte à 2022 en Division Series quand les Yankees, menés 2-1, avaient finalement renversé la série.
